Fusillade de Jersey City: les tueurs motivés par l’antisémitisme et la haine de la police

Deux jours après une fusillade dans une épicerie casher de la banlieue new-yorkaise qui semblait initialement relever du banditisme, les autorités ont confirmé jeudi traiter l’affaire comme un acte « alimenté par l’antisémitisme » et « la haine de la police ».

Sur la base des éléments collectés et des témoins interrogés, « nous pensons que les suspects avaient des vues témoignant d’une haine des juifs et d’une haine des forces de police », a déclaré le procureur de l’Etat du New Jersey, Gurbir Grewal, lors d’un point de presse à Jersey City, la ville aux portes de New York où a eu lieu la fusillade.

« Je confirme que nous traitons cette affaire comme un acte de terrorisme intérieur alimenté par l’antisémitisme et par des vues anti-forces de l’ordre », a-t-il ajouté.

Quatre personnes ont été tuées, en plus des deux suspects, lors de cette fusillade qui a transformé un quartier de cette ville aux portes de New York en scène de guerre mardi après-midi.

Plus d’une centaine de coups de feu ont été échangés en plus de deux heures entre la police et les tireurs entrés dans l’épicerie, tandis que les écoles et hôpitaux du quartier étaient bouclés, leurs occupants retranchés à l’intérieur, jusqu’à la nuit tombée.

Le procureur Grewal a par ailleurs indiqué que les tireurs – un homme et une femme, identifiés comme David Anderson, 47 ans, et Francine Graham, 50 ans – avaient « exprimé un intérêt » pour l’organisation des « Black Hebrew Israelites ».

Les nombreux groupes qui revendiquent cette appellation, sans lien avec les juifs d’origine éthiopienne, sont « parfois racistes et antisémites », défendant une suprématie noire, selon l’Anti-Defamation League (ADL), organisation qui lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Le procureur a cependant souligné n’avoir pour l’instant aucune preuve qu’ils appartenaient à cette organisation ou à toute autre.

– Lourdement armés –

Les tireurs, qui formaient un couple, selon des médias américains, étaient lourdement armés: les enquêteurs ont retrouvé cinq armes qu’ils semblent avoir utilisées, y compris une arme semi-automatique de type AR-15, qu’aurait utilisée David Anderson en entrant dans l’épicerie, et un fusil manié par Francine Graham.

La fusillade avait démarré à la mi-journée près d’un cimetière de la ville, lorsqu’un inspecteur qui enquêtait sur un homicide s’était approché de la camionnette où se trouvaient les deux suspects. Il a été le premier abattu.

Les tireurs ont ensuite roulé jusqu’à l’épicerie, à environ 1,5 km de là. Une fois garés, ils se sont dirigés immédiatement vers l’épicerie, a souligné le procureur.

Les trois personnes retrouvées mortes dans le magasin – la femme du propriétaire, Mindy Ferencz, un client, Moshe Deutsch, et un employé, Douglas Miguel Rodriguez – ont selon les éléments disponibles « été abattues quelques minutes après que les suspects ont pénétré dans le magasin », a-t-il ajouté.

Une quatrième personne qui était dans l’épicerie quand la fusillade a commencé a été touchée, mais ses blessures sont sans gravité, avaient indiqué la veille les autorités.

La fusillade a suscité une vive émotion à Jersey City, une ville de 270.000 habitants à la population très mélangée, où s’est installée ces dernières années une petite communauté hassidique fuyant les loyers en hausse de Brooklyn.

Des centaines de personnes ont assisté mercredi soir à une cérémonie funéraire pour Mindy Ferencz, 31 ans, visiblement connue dans le quartier. Une autre cérémonie en hommage à Moshe Deutsch, 24 ans, a eu lieu à Brooklyn.

Le maire de Jersey City, Steven Fulop, avait dès mercredi matin parlé d’antisémitisme, soulignant que les tireurs avaient visé délibérément l’épicerie, mais le procureur s’était lui gardé de qualifier l’attaque.

Plus d’un an après l’attentat contre une synagogue de Pittsburgh, où un suprémaciste blanc avait tué 11 personnes, le maire de New York, Bill de Blasio, a aussi vu dans l’attaque de Jersey City « une tendance croissante à l’antisémitisme violent ».

Il a annoncé renforcer la protection des sites de la communauté juive dans la capitale financière américaine.

Les menaces contre la communauté juive se sont multipliées ces dernières années aux Etats-Unis et dans la région new-yorkaise.

« Ce n’est pas que les tueries » qui inquiètent la communauté juive, a expliqué Oren Segal, directeur du Centre pour l’extrémisme de l’ADL. « C’est le niveau élevé de crimes odieux visant des juifs et la banalisation d’idées autrefois marginales, sur le contrôle (exercé par) des juifs ou leur loyauté ».

Le sumo, un sport des plus japonais aux protagonistes bien particuliers

Le sumo, dont les origines remontent au début de notre ère, est le sport japonais par excellence. Ses six tournois annuels dans le pays sont l’occasion de grands divertissements populaires diffusés en direct à la télévision.

Il se distingue des autres disciplines nippones par la vie d’ascète de ses lutteurs, reclus au sein d’une communauté hiérarchisée, par l’importance de leur style et de leur personnalité dans les combats et dans le coeur du public.

– Tout nu, ou presque

Le « mawashi », la ceinture enveloppant la taille et l’aine du lutteur, est pendant le combat son seul vêtement et la seule prise solide pour son adversaire. Il est en coton noir épais pour les non titulaires. Pour les lutteurs titulaires, ou sekitori (six rangs allant de champion junior au grade suprême de « yokozuna »), il est de coton blanc à l’entraînement et en soie de diverses couleurs pour les tournois officiels.

Il s’agit d’une bande de tissu pliée sur la largeur et d’une longueur de 9 mètres, voire plus. Le sumotori entièrement nu la passe d’abord entre ses jambes, puis tourne sur lui-même avec l’aide d’un ou plusieurs assistants. Car il faut bien serrer et nouer à l’arrière pour en assurer la solidité et limiter l’espace où l’adversaire peut glisser les doigts entre le ventre et la ceinture.

– Les règles du jeu

Est déclaré vainqueur celui qui parvient à pousser l’autre hors d’un cercle d’argile de 4,55 m de diamètre, le « dohyo », ou à lui faire toucher le sol avec une autre partie que la plante des pieds. Les combats ne durent souvent que quelques secondes.

Pas de catégories de poids en sumo professionnel, ce qui peut donner lieu à des spectacles étonnants entre un mastodonte de plus de 200 kg et un lutteur de 130 kg, qui semble tout petit à côté.

Après un cérémonial, le « shikiri », apparenté au rituel shinto (religion animiste, originaire du Japon), la lutte commence par le « tachi-ai », entrée en collision dans un claquement de chair. « Si vous ratez le tachi-ai, vous avez 80% de chances de perdre. Il faut le travailler dur », explique à l’AFP le champion géorgien Tsuyoshi Tochinoshin.

Coups du plat de la main et gifles sur la joue sont admis. Mais il est interdit par exemple de donner des coups de poing ou du tranchant de la main, de tirer les cheveux ou saisir la partie verticale du mawashi.

L’esquive, pour faire tomber l’adversaire sous l’effet de son propre élan, est autorisée mais considérée comme une manière peu reluisante de vaincre.

– Vie en communauté

Les lutteurs, dont certains commencent à 15 ans et viennent de milieux très modestes, vivent en communauté hiérarchisée au sein d’écuries ou confréries, « heya » en japonais (45 sont actuellement répertoriées par l’Association de sumo, pour plus de 650 lutteurs). Les non-titulaires dorment dans des chambres communes sur des tatamis, sont chargés des corvées ménagères et servent d’assistants aux « sekitori ».

Mais rien n’est jamais acquis au sumo: au gré des compétitions on peut dégringoler le « banzuke », l’échelle des grades, et perdre ses privilèges.

Après l’entraînement collectif sous l’oeil des maîtres, on partage en fin de matinée le « chanko », le repas très calorique du sumotori, dont le plat principal est une grande potée aux multiples ingrédients.

– Femme, ôte-toi de là!

En avril 2018, des femmes secouristes accourues sur une arène où un dignitaire venait d’avoir un malaise avaient été sommées d’en sortir immédiatement.

Le dohyo est considéré comme sacré et les femmes, jugées « impures », en sont bannies. Force quantités de sel avaient été jetées afin de le « re-purifier ». Le responsable de l’Association de sumo, Hakkaku, avait néanmoins formulé de « sincères excuses » à l’adresse de ces femmes.

Le sumo a aussi pâti ces dernières années d’accusations d’abus physiques extrêmes, d’affaires de drogue, de paris illégaux et de liens avec le crime organisé.

– L’esprit!

« C’est le coeur! », s’exclame aussitôt Tochinoshin quand on lui demande ce qui compte le plus au sumo entre le « shin » (coeur, esprit), le « gi » (technique) et le « tai » (corps, force).

« Dans une lutte entre deux adversaires de force sensiblement égale, ce qui fait la différence entre le ciel et la terre ne peut provenir que de leur énergie morale », écrivait aussi en 1996 Kirishima, grand champion très respecté, dans ses mémoires traduits et commentés par la spécialiste Liliane Fujimori.

Chen Quanguo, la main de fer de Pékin au Xinjiang

Il est accusé d’être l’artisan de la répression dans le nord-ouest chinois. Chen Quanguo, qui s’était déjà fait connaître pour ses méthodes de surveillance au Tibet, est désormais dans le viseur de Washington pour son traitement des musulmans ouïghours.

A 64 ans, cet ancien militaire est depuis août 2016 le plus haut responsable du régime communiste au Xinjiang, région vaste comme trois fois la France dont les quelque 25 millions d’habitants sont majoritairement musulmans.

C’est depuis son arrivée à la tête de la région qu’ont surgi les informations y faisant état d’un archipel de camps où seraient détenus un million de musulmans, principalement d’ethnie ouïghoure.

Pékin dément ce chiffre et évoque des « centres de formation professionnelle » destinés à lutter contre le séparatisme et la radicalisation islamiste, à la suite d’attentats sanglants attribués aux Ouïghours.

Pour Chen Quanguo, la mission n’est pas la première dans une région en proie aux tensions ethniques: il a occupé les mêmes fonctions de secrétaire du Parti communiste chinois (PCC) au Tibet entre 2011 et 2016.

Il s’y est fait remarquer pour avoir rétabli l’ordre après des manifestations et une série d’immolations par le feu de moines bouddhistes.

– Innovateur –

« Au sein du Parti, M. Chen a acquis la réputation d’un innovateur, avec une politique ethnique qui fait en sorte que les minorités aux velléités indépendantistes obéissent à la ligne » du PCC, estime le chercheur allemand Adrian Zenz, spécialiste du Xinjiang.

Le nom de M. Chen est désormais connu jusqu’aux Etats-Unis, où la Chambre des représentants a voté mardi en première lecture un texte qui appelle à prendre des sanctions contre lui et d’autres responsables présumés de « violations des droits de l’Homme » au Xinjiang.

Pékin a averti que Washington devrait « payer le prix » de ce vote.

Le gouvernement du Xinjiang s’est vanté quant à lui de l’absence d’attentats dans la région depuis trois ans, soit depuis l’arrivée de M. Chen et la mise en place d’un arsenal de surveillance omniprésent: contrôles d’identité, caméras de reconnaissance faciale, barrages policiers.

A propos des « centres de formation professionnelle », le régime du président Xi Jinping récuse le terme de « camps de concentration ».

Mais selon des documents internes vus par l’AFP, M. Chen en personne a voulu que ces sites puissent « enseigner comme des écoles, être gérés comme à l’armée et défendus comme des prisons ».

D’après d’autres documents publiés le mois dernier par le New York Times, M. Chen a appelé les fonctionnaires locaux à « rafler tous ceux qui doivent l’être ».

– « Le plus agressif » –

Des Ouïghours en exil affirment que certains de leurs proches ont pu être internés pour des motifs futiles tels que le port d’une barbe trop longue ou d’un voile.

« En termes de détentions extrajudiciaires et arbitraires, M. Chen est le plus agressif (des dirigeants du Xinjiang) des 40 dernières années », assure le chercheur Shawn Zhang, de l’Université de Colombie-Britannique (Canada), qui étudie la carte des sites de détention via des images satellite.

Chen Quanguo a mis en place au Xinjiang la même politique que celle qu’il avait appliquée sur le « Toit du monde », où les villes sont désormais quadrillées par des postes de police tous les 500 mètres.

Au cours de ses 12 premiers mois à la tête du Xinjiang, M. Chen « a ouvert autant de recrutements dans les services de sécurité que pendant ses cinq années au Tibet, rapporté à la population », affirme Adrien Zenz.

Le Tibet a servi de terrain d’entraînement à sa politique « de la main de fer », selon le chercheur.

Frontalier de l’Asie centrale, le Xinjiang est crucial pour la réussite du projet eurasiatique d’infrastructures des « Nouvelles routes de la soie », lancé par Xi Jinping en 2013.

La réputation du président chinois « dépend des compétences et de la réussite de Chen Quanguo », souligne M. Zenz.

Le patron du Xinjiang, né dans une famille pauvre de la province du Henan (nord), a été récompensé dès 2017: il est devenu membre du Bureau politique du PCC, l’instance de 25 membres qui dirige la Chine.

La musique gnaoua, entre rituel africain et culte des saints vénérés au Maroc

La musique gnaoua, inscrite jeudi au patrimoine immatériel de l’Unesco, associe rituels africains et culte des saints vénérés par les populations locales, dans une tradition perpétuée au Maroc par les descendants d’anciens esclaves venus d’Afrique subsaharienne.

L’art gnaoua se rapporte à un « ensemble de productions musicales, de performances, de pratiques confrériques et de rituels à vocation thérapeutique où le profane se mêle au sacré », selon le dossier présenté par le Maroc.

Vêtus de costumes colorés, les musiciens gnaouas jouent sur un guembri, une sorte de luth tambour à trois cordes, composé d’un manche rond qui s’enfonce dans une caisse de résonance en peau de dromadaire, accompagnés par des castagnettes en acier appelées Qraqeb.

Ils pratiquent un « rituel de possession thérapeutique sous forme d’une veillée de rythmes et de transe où se mêlent des pratiques africaines ancestrales, des influences arabo-musulmanes et des manifestations culturelles berbères autochtones », est-il souligné.

La tradition remonte au moins au XVI siècle, en liaison avec des « groupes et des individus issus de l’esclavage et de la traite négrière » et représente aujourd’hui une des multiples facettes de l’identité culturelle marocaine.

Cette musique de confrérie a été largement popularisée par le Festival gnaoua d’Essaouira, créé en 1997 dans la citadelle fortifiée accrochée à une presqu’île rocheuse au bord de l’Atlantique, dans le sud du Maroc.

Jusque là, la confrérie gnaoua était peu connue, voire marginalisée. Désormais, sa réputation attire chaque année des flots de fans du monde entier pour un festival qui propose un métissage musical assez unique.

Eassaouira a en effet vu des pointures comme Pat Metheny, Didier Lockwood ou Marcus Miller se produire avec les plus célèbres des mâalems, les maîtres de la musique gnaoua, leur filiation africaine favorisant la fusion avec le blues ou le jazz.

Le nombre de groupes confrériques et de maîtres musiciens « ne cesse de s’accroitre dans les villages et les grandes villes du Maroc », selon le dossier de candidature.

Les groupes gnaoua « forment des associations et organisent des festivals » tout au long de l’année, ce qui « permet aux jeunes générations de découvrir les paroles et les instruments ainsi que les pratiques et rituels liés » à cette culture.

Le ministre Bill Barr, bouclier de Trump et fer de lance conservateur

Sous son air patelin, le ministre américain de la Justice Bill Barr s’est imposé en dix mois au gouvernement comme l’un des plus solides défenseurs de Donald Trump et de la droite ultra-conservatrice.

Défense de la peine de mort, des institutions religieuses contre les minorités sexuelles, d’une lecture extensive des pouvoirs présidentiels… le juriste de 69 ans a affiché ces dernières semaines son mépris pour les valeurs des « prétendus progressistes ».

A son arrivée à la tête du ministère en février, cet homme calme, au ton bonhomme, jouissait d’une image assez lisse. Sa première expérience à ce poste, au début des années 1990, était perçue comme un gage de sérieux dans une administration qui compte de nombreux novices en politique.

Mais ce relatif consensus a volé en éclat et Bill Barr s’est vite retrouvé affublé du surnom d' »avocat du président » pour sa défense sans faille de Donald Trump.

Cette semaine encore, il n’a pas hésité à contredire sa propre administration pour soutenir une théorie développée par le milliardaire républicain.

Ce dernier répète en boucle que le FBI a ouvert une enquête sur de possibles liens entre Moscou et son équipe de campagne en 2016 pour des raisons politiques.

Lundi, l’inspecteur général du ministère de la Justice a conclu que la police fédérale avait de bonnes raisons d’initier ces investigations, et pas d’arrière-pensée politique.

Balayant son rapport, Bill Barr a jugé que le FBI avait fondé sa décision sur des bases « fragiles ». « Avec le recul », elles n’étaient « pas suffisantes », a-t-il martelé mardi, en évoquant une possible « mauvaise foi » de certains agents.

« En tant que leader d’une institution qui est censée être dévouée à la vérité, Barr doit arrêter de se comporter comme le porte-parole de Trump », a commenté l’ancien patron du FBI, James Comey.

– « Ordre moral » –

Pour ses partisans, ce natif de New York, diplômé de la prestigieuse université Columbia, ne défend pas Donald Trump, mais la fonction présidentielle.

En novembre à Washington, il a réconcilié les deux approches: « en lançant une guerre de la terre brûlée, sans aucune retenue, contre cette administration, la gauche s’est engagée dans une attaque systématique des normes et de l’Etat de Droit », a-t-il lancé devant un parterre de juristes conservateurs.

Jamais il n’a cité l’enquête en destitution ouverte par les démocrates contre Donald Trump, mais il a regretté que le président soit soumis à un « harcèlement constant ».

En octobre, un autre de ses discours a marqué les esprits.

Devant les étudiants d’une université catholique, Bill Barr a déploré un déclin des valeurs religieuses aux Etats-Unis. « La campagne pour détruire l’ordre moral traditionnel a coïncidé et, je pense, apporté d’immenses souffrances et misères », a assuré ce fervent catholique.

« Parmi les militants laïcs, il y a beaucoup de prétendus progressistes. Mais où est le progrès ? », a poursuivi le ministre, dont les services soutiennent régulièrement des institutions religieuses poursuivies en justice par des homosexuels.

– « Trop vieux » –

Début décembre, le ministre a provoqué un autre tollé en déclarant que les Américains devaient manifester davantage de « soutien et de respect » envers les forces de l’ordre. Sinon « ils risquent de se retrouver sans la protection de la police… »

Cette phrase a été perçue comme une menace voilée aux communautés afro-américaines qui s’élèvent contre les violences policières envers les Noirs. « La police est au service des communautés et pas l’inverse », a souligné la puissante association de défense des droits civiques ACLU.

Vendredi, la Cour suprême des Etats-Unis lui a infligé à son tour un revers, en refusant de le laisser outrepasser les vétos des tribunaux pour reprendre les exécutions fédérales, interrompues depuis 16 ans.

Ses discours et ses politiques en ont fait une bête noire de la gauche, mais Bill Barr semble inébranlable.

Mardi, dans un entretien avec le Wall Street Journal, il a suggéré une explication à son indifférence. Pour lui, il n’y a que deux moments dans la vie pour être ministre de la Justice: « quand on est trop jeune pour connaître le risque, ou quand on est trop vieux pour y prêter attention ».

A Alger, quand on vote, on vote « par devoir » et pour la stabilité

Au lycée Emir Abdelkader, dans un quartier populaire d’Alger, les électeurs venus voter jeudi pour élire un successeur au président déchu Abdelaziz Bouteflika, l’ont fait par devoir et par crainte de voir l’Algérie basculer dans l’instabilité.

« Je vote car j’ai peur que le pays s’enlise dans la crise », explique à l’AFP Karim, un fonctionnaire de 28 ans. Mahdid Saadi, retraité de 76 ans, montre sa carte d’électeur avec de très nombreux tampons: « J’ai toujours voté et je vote encore aujourd’hui, c’est un devoir ».

Au lycée Abdelkader, le plus ancien d’Algérie, le principal centre électoral du quartier populaire de Bab el Oued était animé dès son ouverture à 08H00 (07H00 GMT). Dans la file d’attente, des hommes âgés, qui votent habituellement le matin, mais aussi des jeunes, en nombre inhabituel aux premières heures de la matinée.

Parmi ces votants, plusieurs fonctionnaires, quelques étudiants.

– « Il faut que ça finisse » –

L’impact économique de la crise politique cristallise aussi l’inquiétude: « Je suis avec le +Hirak+ (« mouvement » populaire de contestation né le 22 février, qui a contraint M. Bouteflika à la démission) mais il faut que ça finisse. J’ai perdu 70% de mon chiffre d’affaires et beaucoup de commerçants sont dans mon cas », témoigne Sid Ali, 48 ans, de Bab El Oued.

En revanche, d’autres bureaux de vote d’Alger étaient quasiment déserts, les électeurs n’arrivant qu’au compte-gouttes.

Selon le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), Mohamed Charfi, le taux de participation à la présidentielle — enjeu majeur du scrutin — était de 33,06% à 17H00 (16H00 GMT), à deux heures de la clôture. A titre de comparaison, il était de 37,06% à 17H00 locales lors de la dernière présidentielle en 2014, où seuls 50,7% des votants s’étaient déplacés.

La plupart des observateurs s’attendent à une très forte abstention, le puissant mouvement (« Hirak ») de contestation populaire qui ébranle l’Algérie depuis février ayant appelé à boycotter le scrutin.

Au centre électoral de l’école Halima Saadia à Alger, réservé aux femmes, la participation n’atteignait pas 10%, selon une journaliste de l’AFP.

Dans un autre centre voisin, une électrice, la quarantaine, refuse de donner son nom parce qu' »il y a trop d’intolérants qui n’acceptent pas la différence et vous insultent sur Facebook ».

Et devant l’école Pasteur, dans le centre-ville, des jeunes chantaient « celui qui vote est un traître à la Nation », s’attirant les critiques d’un octogénaire: « J’ai lutté pour le droit de vote. Alors je vote pour mon pays ».

Mais ceux qui le voulaient ont pu déposer leur bulletin dans l’urne sans incident notable à Alger.

– « Jeudi de la supercherie » –

A l’extérieur des bureaux de vote, si la situation est restée calme dans plusieurs régions, elle s’est tendue dans le centre d’Alger au fil de la journée et des incidents ont émaillé la région rétive de Kabylie (nord), où le vote n’a pu avoir lieu dans plusieurs grandes localités.

Toute la matinée, la police anti-émeute, déployée en force au coeur de la capitale, était rapidement et brutalement intervenue pour tenter d’empêcher tout rassemblement, jouant au chat et à la souris avec les manifestants.

Mais ces derniers sont finalement parvenus à faire nombre et à envahir les rues du centre-ville. « Makache l’vote » (pas de vote!) », a chanté la foule, très massive.

Près de l’école Pasteur, de très nombreux policiers étaient empêchaient la manifestation de passer à proximité de ce centre de vote. Des jeunes du quartier se sont improvisés « force d’interposition » entre la police et certains manifestants, décidés à briser le cordon, répétant « Silmiya » (« pacifique »), le mot d’ordre du « Hirak ».

Malgré la police, un petit groupe a réussi à s’introduire dans l’école, par une porte annexe, interrompant brièvement le scrutin.

Le dernier carré de contestataires a été délogé du centre-ville à coups de matraques en fin d’après-midi, selon des journalistes de l’AFP.

Durant la journée, la télévision nationale a montré des électeurs faire la queue dans des bureaux de vote. Sur les réseaux sociaux, certains internautes s’en sont moqués, demandant « combien (les électeurs) ont été payés » et fustigeant le « Jeudi de la supercherie ».

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Botswana: un repenti du régime dénonce une fraude électorale piloté par le président

Cartes d’électeur dupliquées, inscriptions et votes multiples: un repenti du parti au pouvoir au Botswana a détaillé, dans un document explosif, les fraudes dont est accusé le camp du président réélu Mokgweetsi Masisi lors du scrutin du 23 octobre 2019.

Ce jour-là, les législatives ont été remportées haut la main par le Parti démocratique du Botswana (BDP), au pouvoir depuis l’indépendance en 1966.

Son chef Mokgweetsi Masisi, à la tête du pays depuis 2018, a été élu chef de l’Etat malgré la fronde inédite de son prédécesseur Ian Khama (2008-2018), qui a claqué cette année la porte du BDP et l’accuse de dérive autoritaire.

Mais le principal parti d’opposition, la Coalition pour un changement démocratique (UDC), a dénoncé de nombreuses irrégularités et déposé fin novembre devant la justice un recours en annulation du scrutin dans 16 des 57 circonscriptions.

Le recours de l’UDC s’appuie notamment sur la déclaration sous serment d’un lanceur d’alerte issu du BDP, qui a expliqué par le menu comment il avait participé à une fraude organisée avec d' »autres militants de confiance » du parti.

Dans ce document en date du 26 novembre consulté par l’AFP mercredi, Emmanuel Mohalodi confesse avoir participé au transport de « milliers de personnes » pour qu’elles s’inscrivent sur les listes électorales dans les cinq circonscriptions de la capitale Gaborone, un fief de l’opposition.

La même combine a été utilisée dans d’autres circonscriptions favorables à l’opposition, selon M. Mohalodi.

Le jour du vote, les électeurs « ont voté tôt le matin entre 06H30 et 08H00 » dans leur circonscription d’origine avant d’être « emmenés vers une deuxième destination pour voter une seconde fois », ajoute le membre du BDP, qui précise avoir voté deux fois le jour J.

La fraude a été efficace, selui lui, puisque les circonscriptions de Gaborone ont toutes basculé dans le camp du BDP.

– ‘Situation ridicule’ –

Mais les accusations du lanceur d’alerte ne s’arrêtent pas là. Dans sa déclaration, il met directement en cause le président, accusé d’avoir « coordonné toute l’opération » de fraude.

Chaque semaine, des réunions ont été organisées dans sa résidence « pour faire état des progrès réalisés » pendant l’enregistrement des électeurs sur plusieurs listes électorales, selon Emmanuel Mohalodi.

Les services de renseignements étaient également « impliqués dans la logistique » de la triche en fournissant transport et logement aux personnes chargées de la mettre en place, a ajouté le membre du BDP.

Le président Masisi a catégoriquement nié cette semaine ces allégations, jugeant « incroyablement ridicule de remettre en cause la légitimité » du processus électoral.

Son parti s’est aussi défendu par la voix de son porte-parole Banks Kentse, répétant que le BDP avait « obtenu un mandat lors d’élections libres et justes ».

Dans sa déclaration, Emmanuel Mohalodi a conclu que « le BDP n’a pas gagné les élections générales de 2019 mais a fraudé en ayant recours à des votes multiples ».

« Les preuves sont suffisantes pour démontrer que les élections ont été entachées de fraude », a estimé l’UDC.

La justice doit se prononcer dans les mois qui viennent sur la recevabilité ou non de sa requête en annulation.

Dans un rapport fondé sur les témoignages de trois membres du BDP, dont Emmanuel Mohalodi, l’ONG sud-africaine Forensics for Justice a déjà conclu que les élections d’octobre avaient été « entachés de fraude ».

Les preuves sont selon elle accablantes. Elle a notamment cité le témoignage de Dikabelo Selaledi, un proche de M. Mohalodi, qui a affirmé avoir dupliqué 10.000 cartes d’électeurs.

Egalement cité par Forensics for Justice, Moemedi Baikalafi a assuré que le président avait lui-même fait « le tour du pays pour faciliter la fraude électorale ».

Ces soupçons de manipulation sont « terribles pour l’image de notre pays, salué comme l’exemple de la démocratie en Afrique », a conclu le porte-parole de l’UDC, Moeti Mohwasa.

str-bed/pa/jpc/sba

Le ministre Bill Barr, bouclier de Trump et fer de lance conservateur

Sous son air patelin, le ministre américain de la Justice Bill Barr s’est imposé en dix mois au gouvernement comme l’un des plus solides défenseurs de Donald Trump et de la droite ultra-conservatrice.

Défense de la peine de mort, des institutions religieuses contre les minorités sexuelles, d’une lecture extensive des pouvoirs présidentiels… le juriste de 69 ans a affiché ces dernières semaines son mépris pour les valeurs des « prétendus progressistes ».

A son arrivée à la tête du ministère en février, cet homme calme, au ton bonhomme, jouissait d’une image assez lisse. Sa première expérience à ce poste, au début des années 1990, était perçue comme un gage de sérieux dans une administration qui compte de nombreux novices en politique.

Mais ce relatif consensus a volé en éclat et Bill Barr s’est vite retrouvé affublé du surnom d' »avocat du président » pour sa défense sans faille de Donald Trump.

Cette semaine encore, il n’a pas hésité à contredire sa propre administration pour soutenir une théorie développée par le milliardaire républicain.

Ce dernier répète en boucle que le FBI a ouvert une enquête sur de possibles liens entre Moscou et son équipe de campagne en 2016 pour des raisons politiques.

Lundi, l’inspecteur général du ministère de la Justice a conclu que la police fédérale avait de bonnes raisons d’initier ces investigations, et pas d’arrière-pensée politique.

Balayant son rapport, Bill Barr a jugé que le FBI avait fondé sa décision sur des bases « fragiles ». « Avec le recul », elles n’étaient « pas suffisantes », a-t-il martelé mardi, en évoquant une possible « mauvaise foi » de certains agents.

« En tant que leader d’une institution qui est censée être dévouée à la vérité, Barr doit arrêter de se comporter comme le porte-parole de Trump », a commenté l’ancien patron du FBI, James Comey.

– « Ordre moral » –

Pour ses partisans, ce natif de New York, diplômé de la prestigieuse université Columbia, ne défend pas Donald Trump, mais la fonction présidentielle.

En novembre à Washington, il a réconcilié les deux approches: « en lançant une guerre de la terre brûlée, sans aucune retenue, contre cette administration, la gauche s’est engagée dans une attaque systématique des normes et de l’Etat de Droit », a-t-il lancé devant un parterre de juristes conservateurs.

Jamais il n’a cité l’enquête en destitution ouverte par les démocrates contre Donald Trump, mais il a regretté que le président soit soumis à un « harcèlement constant ».

En octobre, un autre de ses discours a marqué les esprits.

Devant les étudiants d’une université catholique, Bill Barr a déploré un déclin des valeurs religieuses aux Etats-Unis. « La campagne pour détruire l’ordre moral traditionnel a coïncidé et, je pense, apporté d’immenses souffrances et misères », a assuré ce fervent catholique.

« Parmi les militants laïcs, il y a beaucoup de prétendus progressistes. Mais où est le progrès ? », a poursuivi le ministre, dont les services soutiennent régulièrement des institutions religieuses poursuivies en justice par des homosexuels.

– « Trop vieux » –

Début décembre, le ministre a provoqué un autre tollé en déclarant que les Américains devaient manifester davantage de « soutien et de respect » envers les forces de l’ordre. Sinon « ils risquent de se retrouver sans la protection de la police… »

Cette phrase a été perçue comme une menace voilée aux communautés afro-américaines qui s’élèvent contre les violences policières envers les Noirs. « La police est au service des communautés et pas l’inverse », a souligné la puissante association de défense des droits civiques ACLU.

Vendredi, la Cour suprême des Etats-Unis lui a infligé à son tour un revers, en refusant de le laisser outrepasser les vétos des tribunaux pour reprendre les exécutions fédérales, interrompues depuis 16 ans.

Ses discours et ses politiques en ont fait une bête noire de la gauche, mais Bill Barr semble inébranlable.

Mardi, dans un entretien avec le Wall Street Journal, il a suggéré une explication à son indifférence. Pour lui, il n’y a que deux moments dans la vie pour être ministre de la Justice: « quand on est trop jeune pour connaître le risque, ou quand on est trop vieux pour y prêter attention ».

« Génocide » rohingya: la Gambie dénonce le « silence » d’Aung San Suu Kyi

La Gambie a dénoncé jeudi devant la Cour internationale de justice (CIJ) le « silence » d’Aung San Suu Kyi sur le sort de la minorité musulmane rohingya, au lendemain du rejet de la dirigeante birmane d’accusations de génocide.

La Gambie, soutenue par les 57 États membres de l’Organisation de la coopération islamique, accuse la Birmanie d’avoir violé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et demande à la CIJ d’ordonner des mesures d’urgence pour protéger les Rohingyas.

« Votre silence a dit bien plus que vos paroles », a déclaré un des avocats du pays africain, Philippe Sands, en référence aux déclarations la veille d’Aung San Suu Kyi, qui mène personnellement la délégation birmane devant la Cour basée à La Haye.

Depuis août 2017, quelque 740.000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les exactions de l’armée birmane et de milices bouddhistes.

Les avocats de la Gambie ont affirmé que les arguments d’Aung San Suu Kyi selon lesquels l’armée birmane avait ciblé des militants ignoraient les allégations de meurtres de masse, de viols et d’expulsion forcée.

« Le mot +viol+ n’a pas été prononcé une fois par l’agente » de la Birmanie, Mme Suu Kyi, a ajouté M. Sands.

Lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement birman, a vu son image ternie depuis qu’elle a pris la défense des généraux de l’armée birmane.

Mercredi, Aung San Suu Kyi, 74 ans, a fermement rejeté les accusations de la Gambie selon lesquelles l’armée birmane avait agi avec une « intention génocidaire » lors des exactions contre les Rohingyas.

Selon Paul Reichler, un autre avocat de la Gambie, il n’y a « aucune preuve que les opérations de nettoyage des forces armées birmanes visaient des terroristes et non pas la population rohingya ».

Parmi les morts figuraient, selon M. Reichler, des « enfants battus à mort ou arrachés aux bras de leur mère et jetés dans les rivières avant d’être noyés. Combien d’entre eux étaient des terroristes? »

« Un conflit armé ne peut jamais être une excuse pour un génocide », a-t-il martelé devant les juges.

Aung San Suu Kyi devait prononcer ses déclarations de clôture plus tard jeudi après-midi.

Une décision de la CIJ sur la demande de mesures d’urgence pourrait prendre des mois. Un arrêt sur le fond de l’affaire n’est pas attendu avant plusieurs années.

Sahel : Macron reporte le sommet de Pau à début 2020 après l’attaque au Niger

En raison de l’attaque jihadiste mardi au Niger, le président français Emmanuel Macron, en accord avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, a décidé de reporter à début 2020 le sommet avec les dirigeants des cinq pays du Sahel prévu le 16 décembre, a annoncé l’Elysée.

Après l’attaque d’un camp militaire à Inates (ouest du Niger) qui a fait plus de 60 morts, Emmanuel Macron a appelé mercredi soir le président nigérien et ont ensemble convenu « de proposer à leurs homologues de reporter au début de l’année 2020 la tenue, en France, du sommet consacré à l’opération Barkhane et à la force conjointe du G5 Sahel », a précisé la présidence française.

Aramco: le mastodonte pétrolier derrière la prospérité de l’Arabie saoudite

Depuis la découverte du premier gisement de pétrole en Arabie saoudite en 1938, le géant Aramco, qui a réalisé mercredi la plus grosse entrée en Bourse de l’histoire, est la source de la richesse de ce royaume aride et ultraconservateur.

Aramco avait annoncé avoir levé 25,6 milliards de dollars, dépassant ainsi le record détenu jusqu’ici par le géant chinois du commerce en ligne Alibaba et ses 25 milliards de dollars levés en 2014 lors de son introduction à Wall Street.

L’entreprise est née d’un accord de concession signé en 1933 par le gouvernement saoudien avec la Standard Oil Company of California. La prospection démarre en 1935 et trois ans plus tard, le pétrole commence à couler à flots.

En 1949, la production de pétrole atteint un niveau record de 500.000 barils par jour et continue d’augmenter après la découverte de grands champs pétroliers dont Ghawar, le plus grand du monde, avec environ 60 milliards de barils de réserves.

En 1973, en pleine flambée des prix liée à l’embargo pétrolier arabe, imposé aux Etats-Unis en raison de leur soutien à Israël, le gouvernement saoudien acquiert 25% de l’entreprise, portant sa part à 60% et devenant actionnaire majoritaire.

En 1980, l’entreprise est nationalisée et, huit ans plus tard, renommée Saudi Arabian Oil Company, ou Saudi Aramco.

– Réseau national et international –

Depuis les années 1990, Aramco a investi des centaines de milliards de dollars dans des projets d’expansion, portant sa capacité de production à plus de 12 millions de barils par jour.

Actuellement, Aramco possède quelque 260 milliards de barils de réserves prouvées de pétrole, ce qui place l’Arabie saoudite derrière le Venezuela, qui détient les premières réserves du monde.

Basée à Dhahran, la société opère aussi à l’international, où elle a multiplié acquisitions et créations de coentreprises. Aramco a également construit un réseau national et international d’oléoducs et de raffineries et étendu sa présence dans l’industrie pétrochimique.

En avril, le groupe a ouvert ses comptes pour la première fois, annonçant un bénéfice net de 111,1 milliards de dollars en 2018, en hausse de 46% par rapport à l’année précédente, et un revenu annuel de 356 milliards de dollars.

Cette ouverture de comptes était destinée à accroître sa transparence avant l’introduction en Bourse, pierre angulaire d’un vaste plan de réformes nommé « Vision 2030 », lancé par le prince héritier Mohammed ben Salmane pour diversifier l’économie du royaume ultradépendante du pétrole.

L’introduction a été retardée à plusieurs reprises en raison notamment de conditions défavorables sur les marchés.

En septembre, des attaques de drones contre des installations d’Aramco ont entraîné la réduction temporaire de la moitié de sa production, ce qui représente environ 6% de l’approvisionnement mondial, faisant craindre une perte de confiance des investisseurs.

Ryad avait accusé l’Iran d’avoir à tout le moins « parrainé » cette attaque, revendiquée par les rebelles yéménites Houthis, soutenus par Téhéran.

Incendie à bord de l’unique porte-avions russe

Un incendie a éclaté jeudi sur l’unique porte-avions russe, l’Amiral Kouznetsov, lors de travaux sur le navire alors qu’il était à quai à Mourmansk, le dernier incident d’une longue liste dans la Marine.

Selon les agences de presse russes, un ouvrier est porté disparu et six sont blessés après cet incendie qui a lieu tout juste plus d’un an après un précédent incident, au cours duquel le quai flottant sur lequel le porte-avion était amarré avait coulé, faisant un mort.

Unique porte-avion de la flotte russe, le vieillissant Amiral Kouznetsov subit des travaux de réparation et de maintenance depuis début 2017, prévus pour durer jusqu’en 2021.

Selon l’agence Ria Novosti, qui cite le chantier naval Zvezdotchka en charge des travaux, le feu a démarré alors que des opérations de soudure étaient en cours. « L’incendie, qui a pris dans la première salle des machines, n’a pas dépassé ses limites », a de son côté indiqué une source dans les services de secours à l’agence publique TASS.

« C’est une erreur humaine », a indiqué à l’agence Interfax Alexeï Rakhmanov, le président de l’entreprise publique russe United Shipbuilding Corporation (USC) qui possède Zvezdotchka, ajoutant qu’une enquête sera menée pour savoir si les travaux de soudures étaient conformes aux normes de sécurité.

Trois ouvriers étaient dans un premier temps portés disparus mais deux ont été retrouvés, un étant toujours disparu selon les agences russes. « Six personnes ont été blessées », a précisé une source dans les services de secours à l’agence TASS.

Le ministère de la Défense, cité par les agences, a lui indiqué que « deux militaires ont reçu une aide médicale » mais que « leur vie n’est pas en danger ».

Plus de 400 personnes se trouvaient sur le navire quand l’incendie s’est déclaré, a précisé un porte-parole de Zvezdotchka à l’agence TASS. « Tous les travailleurs qui effectuaient des travaux sur le porte-avion ont été évacués », a indiqué l’entreprise USC, citée par Ria Novosti.

– Accidents à répétition –

L’incendie n’était pas encore circonscrit à la mi-journée. Selon les sources des agences russes, le feu s’étalerait sur une superficie allant de 120 à 600 m2.

Mis en service en 1990, l’Amiral Kouznetsov a notamment été déployé ces dernières années en Méditerranée dans le cadre de l’intervention russe en Syrie. Au cours de cette mission, deux avions de chasse s’étaient écrasés alors qu’ils tentaient d’apponter sur le navire, les pilotes pouvant à chaque fois s’éjecter et être récupérés.

En 2009, un incendie causé par un court-circuit alors que le porte-avion était ancré au large de la Turquie avait tué un marin.

Dernier incident en date en octobre 2018, une grue de quinze mètres s’était effondrée sur le pont de l’Amiral Kouznetsov à cause d’une coupure de courant ayant fait stopper les pompes puis couler le dock flottant — unique en son genre en Russie — auquel le porte-avion était amarré.

Cible de moqueries récurrentes en Russie et à l’étranger, l’Amiral Kouznetsov n’avait pas subi de réparations majeures depuis 1997. Chacun de ses problèmes relance en Russie le débat sur la construction d’un second porte-avion, jusqu’alors reportée pour des raisons financières.

Les problèmes touchant l’Amiral Kouznetsov ne sont pas isolés: sur les dix dernières années, trois incendies se sont déclarés sur des sous-marins russes en réparation, les experts mettant en cause le non respect récurrent des normes de sécurité sur les chantiers navals russes.

Plus dramatique, 14 sous-mariniers sont morts en juillet 2019 dans l’incendie d’un sous-marin de recherche d’une unité d’élite de la marine russe, alors qu’il menait une mission d’entraînement dans la mer de Barents.

La pire catastrophe qu’ait connue la marine russe est la tragédie du sous-marin nucléaire Koursk, qui a sombré avec 118 hommes en août 2000. Vingt-trois sous-mariniers avaient survécu plusieurs jours mais étaient morts avec le reste de l’équipage faute d’avoir été secourus à temps.

Sahel : Macron reporte le sommet de Pau à début 2020 après l’attaque au Niger

En raison de l’attaque jihadiste mardi au Niger, le président français Emmanuel Macron, en accord avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, a décidé de reporter à début 2020 le sommet avec les dirigeants des cinq pays du Sahel prévu le 16 décembre, a annoncé l’Elysée.

Après l’attaque d’un camp militaire à Inates (ouest du Niger) qui a fait plus de 60 morts, Emmanuel Macron a appelé mercredi soir le président nigérien et ont ensemble convenu « de proposer à leurs homologues de reporter au début de l’année 2020 la tenue, en France, du sommet consacré à l’opération Barkhane et à la force conjointe du G5 Sahel », a précisé la présidence française.

Qui sont les cinq candidats à la présidentielle en Algérie?

Les cinq candidats en lice à la présidentielle contestée de jeudi ont tous soutenu le président déchu Abdelaziz Bouteflika ou participé à sa présidence.

– Abdelmajid Tebboune, 74 ans

Haut fonctionnaire de carrière, plusieurs fois wali (préfet), Abdelmajid Tebboune devient pour la première fois, brièvement, ministre délégué en 1991, sous la présidence de Chadli Bendjedid.

Tout juste élu président, Abdelaziz Bouteflika, le rappelle au gouvernement en 1999 où il reste jusqu’en 2002. Il redevient ministre en 2012, jusqu’en 2017 lorsqu’il prend la tête du gouvernement. Il est limogé au bout de trois mois seulement après s’être attaqué aux oligarques gravitant dans l’entourage du chef de l’Etat, dont la plupart sont aujourd’hui emprisonnés dans des dossiers de corruption présumée.

Il met en avant ce fait d’armes pour faire oublier son passé au service de M. Bouteflika. Il était vu comme un favori du scrutin, jusqu’à une récente campagne contre lui par des médias proches du pouvoir.

Il est toujours membre du Comité central du Front de libération nationale (FLN), mais se présente sans l’étiquette de l’ex-parti unique et formation – très impopulaire – de M. Bouteflika.

– Ali Benflis, 75 ans

Candidat de son parti, « Avant-garde des libertés », Ali Benflis se présente pour la 3e fois à la présidentielle. Ancien magistrat, puis avocat, il fut ministre de la Justice de 1988 à 1991 et a intégré le bureau politique du FLN en 1989.

Directeur de campagne de M. Bouteflika en 1999, il devient son directeur de cabinet une fois élu, puis son chef du gouvernement en 2000. Les deux hommes entretiennent des liens privilégiés mais se brouillent en 2003, quand M. Benflis, à qui le chef de l’Etat a confié la tête du FLN, envisage de se présenter à la présidentielle de 2004.

Candidat du FLN, il n’obtient que 6,42% des voix, sévèrement battu par M. Bouteflika (85%) dès le 1er tour. Il quitte le parti, repris en main par M. Bouteflika qui le bat à nouveau au premier tour en 2014 (12,18% des voix).

M. Benflis se présente depuis 15 ans comme le principal « opposant » en Algérie mais pour ses détracteurs, c’est un briscard du « système ».

– Azzedine Mihoubi, 60 ans

Journaliste de carrière, écrivain et poète, il est député de 1997 à 2002. Il alterne ensuite direction d’établissements publics (radio puis bibliothèque nationales) et postes ministériels sous la présidence de M. Bouteflika. Après la Communication (2008-2010), il hérite en 2015 de la Culture qu’il conserve jusqu’au 31 mars 2019, deux jours avant la démission de M. Bouteflika.

En juillet, il a succédé, à la tête du Rassemblement national démocratique (RND), principal allié du FLN au sein de l’Alliance présidentielle soutenant M. Bouteflika, à l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, dont il est réputé proche, quand celui-ci a été incarcéré dans des affaires de corruption.

Candidat du RND, il apparaît de plus en plus comme un candidat ayant la préférence de l’armée, même si celle-ci affirme n’avoir aucun favori.

– Abdelaziz Belaïd, 56 ans

Le plus jeune candidat du scrutin est un vieux routier du « système ». Dès 1986, il rejoint le FLN et devient le plus jeune membre du Comité central du parti unique. Député durant 10 ans à partir de 1997, il dirige également à cette époque une des organisations de jeunesse du parti.

Abdelaziz Belaïd quitte le FLN en 2011 pour fonder le Front El Moustakbel, à l’audience confidentielle et qui soutient le président Bouteflika. Candidat à la présidentielle de 2014, il recueille 3% des suffrages.

– Abdelkader Bengrina, 57 ans

Ancien syndicaliste, Abdelkader Bengrina devient ministre du Tourisme de 1997 à 1999 quand son parti, le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), formation islamiste se réclamant des Frères musulmans, intègre le gouvernement d’Ahmed Ouyahia, sous la présidence de Liamine Zeroual.

Le MSP participe ensuite, aux côtés du FLN et du RND, à l’Alliance présidentielle, avant de s’en retirer en 2012. Peu avant, M. Bengrina a fondé avec d’autres dissidents du MSP un nouveau parti islamiste, puis le Mouvement islamiste el Bina, qui soutient la présidence Bouteflika.

La coalition parlementaire à laquelle appartient el Bina a récupéré en juillet la présidence de la Chambre basse, traditionnellement dévolue au FLN majoritaire, après la démission de son titulaire.

Présidentielle rejetée et sous tension en Algérie

Après pratiquement dix mois d’une contestation populaire massive et inédite, les Algériens sont appelés jeudi aux urnes afin d’élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika, dans une présidentielle perçue comme une manoeuvre de survie du régime, qu’ils devraient largement bouder.

Le « Hirak », mouvement antirégime né le 22 février, ne montre aucun signe d’essoufflement et reste farouchement opposé à ce scrutin que le pouvoir, aux mains de l’armée, veut organiser coûte que coûte, malgré la tension.

Les cinq candidats sont tous perçus par la contestation comme des enfants du « système ».

Le mouvement dénonce une « mascarade électorale », exige plus que jamais la fin de ce « système » au pouvoir depuis l’indépendance en 1962 et le départ de tous ceux qui ont soutenu ou pris part aux 20 ans de présidence de M. Bouteflika, contraint à la démission en avril.

Vendredi, la dernière manifestation hebdomadaire avant l’élection a rassemblé une foule monstre, montrant l’étendue du rejet.

Et, à moins de 24 heures du scrutin, des milliers de manifestants ont encore affiché mercredi leur détermination à Alger aux cris de « Pas de vote! » Ils ont forcé un important dispositif de police qui n’a pu les disperser qu’en chargeant violemment.

Les bureaux de vote doivent ouvrir à 8H00 locales (7H00 GMT) et fermer à 19H00 (18H00 GMT), heure à laquelle aucun chiffre ne devrait être disponible. Lors des précédents scrutins, le taux de participation avait été communiqué tard dans la soirée, et les résultats annoncés le lendemain.

En fonction du résultat, un second tour pourrait avoir lieu dans les prochaines semaines.

– Appel au calme –

Faute de sondages en Algérie, il est difficile de prévoir quelle part des 24 millions d’électeurs iront voter, dans un pays où la participation est déjà traditionnellement faible. Mais la plupart des observateurs s’attendent à une abstention massive.

Les bureaux de vote des consulats algériens de l’étranger, où le scrutin a commencé samedi, ont donné une indication: des bureaux quasi vides, devant lesquels des manifestants conspuent les rares citoyens venus voter.

« Aucun des cinq candidats ne peut espérer être considéré comme légitime » par les contestataires et « le vote sera boycotté à une large échelle », prévoit Anthony Skinner, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la société d’analyses de risques Verisk Maplecroft.

Mercredi, des personnalités proches du « Hirak », dont l’avocat Mustapha Bouchachi ou les universitaires Nacer Djabi et Louisa Dris-Aït Hammadouche, ont averti du contexte de « vives tensions » dans lequel va se dérouler le scrutin, lançant un appel au calme.

Dans un texte, ils ont appelé les autorités « à renoncer aux discours provocateurs, à l’usage du langage de la menace et à cesser d’accuser de trahison tout citoyen porteur d’opinion contraire à celle du pouvoir ». Ils ont rendu ce dernier « responsable de tout dérapage éventuel dans les jours à venir ».

Ces personnalités ont aussi exhorté les contestataires à « demeurer pacifiques » en refusant de « répondre aux provocations » et en veillant à « ne pas empêcher l’exercice par d’autres citoyens de leur droit à s’exprimer librement ».

– Contre le « système » –

La campagne électorale a été compliquée pour les cinq candidats (Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmajid Tebboune), qui ont été régulièrement accueillis par des manifestants hostiles et ont peiné à remplir les salles.

Le « Hirak » les accuse de cautionner le « système » en se présentant, et relève leur passé au sein de l’appareil Bouteflika. Tous ont soutenu cette présidence, voire y ont participé: MM. Tebboune et Benflis furent Premiers ministres et M. Mihoubi ministre.

« Comment faire confiance à ceux qui ont trahi le pays et aidé Bouteflika? », résumait mercredi sur une pancarte une manifestante à Alger.

Pilier du régime, historiquement habitué aux coulisses, le haut commandement de l’armée assume ouvertement le pouvoir depuis la démission de M. Bouteflika.

Après une première tentative d’élection avortée en juillet, il s’obstine à vouloir rapidement lui élire un successeur afin de sortir de l’actuelle crise politico-institutionnelle, qui a aggravé une situation économique déjà compliquée.

Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major et visage public de ce haut commandement, « ne veut pas être tenu responsable des perspectives économiques de plus en plus négatives », estime Anthony Skinner.

Il « préfère de loin avoir un président élu qui se retrouvera directement dans la ligne de mire (de la contestation) et aura la tâche peu enviable de réformer l’économie » du plus vaste pays du continent africain, fort de plus de 40 millions d’habitants, dit-il.

L’absence de légitimité du futur président, qui succèdera officiellement au chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah, est déjà donnée pour sûre par les observateurs. Ils prévoient une poursuite de la contestation.

Mandat d’arrêt: la justice de l’UE tranche une question sensible pour la France

Le parquet français peut-il émettre un mandat d’arrêt européen? La Cour de justice de l’UE pourrait mettre la France en difficulté si elle répondait non à cette question jeudi, conformément à la recommandation de l’avocat général.

La juridiction européenne, qui siège à Luxembourg, est appelée à trancher dans la matinée un cas soumis par les justices néerlandaise et luxembourgeoise.

Celles-ci l’ont interrogée sur la validité de deux mandats d’arrêt européen (MAE) émis en avril par les parquets de Lyon (centre-est) et de Tours (ouest), souhaitant chacun la remise, respectivement par le Luxembourg et les Pays-Bas, d’une personne suspectée d’infractions.

La question est la suivante: le ministère public (ou parquet) français, qui est compétent dans ce pays pour émettre les MAE, est-il suffisamment indépendant pour être l’autorité d’émission?

Le 26 novembre, dans des conclusions très argumentées, l’avocat général auprès de la CJUE Manuel Campos Sanchez-Bordona avait répondu par la négative.

Il rappelait notamment qu’il existe en France, avec les « instructions générales de politique pénale », une forme de soumission aux desiderata du pouvoir exécutif, en l’occurrence du ministre de la Justice.

Sans oublier « la structure hiérarchique caractéristique du parquet », dont les membres, les procureurs, sont subordonnés dans leurs tribunaux au chef du parquet général, nommé par le gouvernement.

M. Sanchez-Bordona, dont l’avis peut être suivi ou pas, a livré son interprétation de ce que doit être « l’autorité judiciaire d’émission » évoquée dans le texte officiel de l’UE ayant donné naissance au MAE en 2002.

« Le ministère public ne peut pas être qualifié d’+autorité judiciaire d’émission+ si, lorsqu’ils décident d’émettre un mandat d’arrêt européen, ses membres doivent se conformer aux instructions générales de politique pénale émises par le ministre de la Justice et contraignantes pour ce type de mandat, ainsi qu’aux instructions de leurs supérieurs hiérarchiques », a-t-il relevé.

– « Absence de garanties » –

« Une personne recherchée sur la base d’un mandat d’arrêt européen émis par le ministère public d’un Etat membre (…) doit pouvoir former un recours contre ce mandat devant un juge ou une juridiction de cet Etat, sans devoir attendre sa remise, dès que le mandat a été émis (sauf si cela risque de compromettre la procédure pénale) ou lui a été notifié », a ajouté l’avocat général.

Les doutes émis aux Pays-Bas et au Luxembourg sur le parquet français ont aussi été soulevés à l’égard des ministères publics suédois et belge, dans d’autres cas soumis à la CJUE.

Au-delà de la France, où 1.736 MAE ont été émis en 2018, « un flux en augmentation constante » selon la ministère de la Justice, la décision de jeudi pourrait avoir des conséquences sur l’exécution de mandats d’arrêt provenant d’autres Etats membres.

Un jugement rendu en mai par la Cour de Luxembourg avait déjà remis en cause la compétence du parquet allemand comme autorité émettrice, ouvrant une brèche dans ce dispositif européen.

Décidé en 2002, le mécanisme du mandat d’arrêt européen s’est substitué en 2004 dans l’UE aux lentes procédures d’extradition, qui devaient transiter par le pouvoir exécutif.

Ce mécanisme repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires entre Etats membres de l’Union. L’exécution du mandat par le pays destinataire est toutefois soumise à un certain nombre de conditions.

En France, une loi de 2013 a supprimé les instructions au parquet sur des cas individuels. Toutefois, la possibilité pour le ministre de la Justice de donner des instructions générales a été maintenue.

« Dans le système français, il y a une absence de garanties pour prévenir l’influence indirecte du gouvernement dans une affaire particulière », estime Me Philippe Ohayon, un avocat français coutumier de la procédure du mandat d’arrêt.

Il suggère que ce mandat puisse être soumis à l’approbation d’un magistrat du siège, indépendant, comme le JLD (juge des libertés et de la détention).

Les principales étapes du Brexit depuis le référendum de 2016

Rappel des principales étapes du Brexit, enjeu majeur des élections législatives anticipées du 12 décembre au Royaume-Uni.

– « Yes » au Brexit –

Le 23 juin 2016, les Britanniques votent en faveur d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le lendemain, le Premier ministre conservateur David Cameron, initiateur du référendum mais partisan du maintien dans l’UE, démissionne. Il est remplacé par Theresa May, eurosceptique qui a voté contre le Brexit.

– Article 50 –

Le 29 mars 2017, Theresa May active l’article 50 du Traité de Lisbonne, enclenchant le processus de sortie de l’UE, censé alors aboutir deux ans plus tard.

Pour asseoir son autorité avant les négociations avec l’UE, elle convoque des législatives anticipées, mais perd sa majorité le 8 juin et doit s’allier avec le petit parti unioniste nord-irlandais ultra-conservateur DUP.

– Premier accord –

Le 13 novembre 2018, Downing Street annonce que les négociateurs britanniques et européens ont conclu un projet d’accord, approuvé le 25 novembre lors d’un sommet européen extraordinaire.

– Rejet du Parlement –

Le 15 janvier 2019, les députés rejettent l’accord. Le lendemain, le gouvernement survit de justesse à une motion de censure et entame de nouvelles discussions avec Bruxelles, qui refuse de renégocier.

L’accord est encore rejeté deux fois en mars, malgré la promesse de Theresa May de démissionner s’il était adopté. Les députés votent toutefois en faveur d’un report du Brexit au 22 mai, approuvé par les 27 autres membres de l’UE.

– Report –

Le 11 avril, les dirigeants européens accordent un nouveau délai jusqu’au 31 octobre.

Theresa May est contrainte d’organiser les élections européennes le 23 mai. Le lendemain, elle annonce qu’elle va démissionner.

– Boris Johnson aux manettes –

Le 23 juillet, Boris Johnson, partisan d’un Brexit au 31 octobre avec ou sans accord, est désigné par le Parti conservateur pour succéder à Theresa May.

Le 28 août, il annonce suspendre le Parlement à partir de la deuxième semaine de septembre et jusqu’au 14 octobre, soit deux semaines avant le Brexit.

– Johnson perd sa majorité –

Le 3 septembre, Boris Johnson perd la majorité absolue après des défections et des expulsions de députés de son parti. Il est lâché par des membres de son gouvernement.

Une loi est votée l’obligeant à demander un report du Brexit à l’UE s’il n’obtient pas d’accord de sortie d’ici au 19 octobre.

Le 24 septembre, la Cour suprême britannique juge à l’unanimité « illégale, nulle et non avenue » la suspension du Parlement, intervenue le 10. Il recommence à siéger le lendemain.

– Second accord –

Le 17 octobre, avant l’ouverture du sommet, l’UE et le Royaume-Uni annoncent être parvenus à un nouvel accord de divorce. Le texte est approuvé par les dirigeants des 27. Il doit être ratifié par les Parlements britannique et européen.

Le 22, le Parlement britannique entérine le principe du nouvel accord mais vote contre son examen en accéléré comme le voulait Boris Johnson pour que le Brexit puisse avoir lieu le 31 octobre.

Le 24, Boris Johnson appelle à la tenue d’élections législatives anticipées le 12 décembre pour sortir de l’impasse.

– Nouveau report et élections –

Le 28 octobre, les 27 pays de l’UE donnent leur feu vert pour accorder un report flexible du Brexit jusqu’au 31 janvier 2020 avec la possibilité de sortir le 30 novembre ou le 31 décembre en cas de ratification de l’accord de divorce avant ces échéances.

Le lendemain, à l’issue de débats mouvementés, les députés britanniques donnent massivement leur accord à des législatives anticipées le 12 décembre.

Le Parlement est dissous le 6 novembre.

Réforme du code pénal au Maroc: l’avenir des libertés individuelles en débat

Les défenseurs des droits humains se mobilisent au Maroc pour faire abroger les lois criminalisant l’adultère et l’homosexualité et pour élargir le droit à l’avortement, alors que le Parlement examine une réforme du code pénal sans grand changement dans sa version actuelle.

La question des libertés individuelles a été au coeur d’un vaste débat ces dernières semaines du fait des démêlés judiciaires de la journaliste Hajar Raissouni.

Cette reporter de 28 ans a été condamnée mi-octobre à un an de prison pour « avortement illégal et sexe hors mariage » avant d’être graciée par le roi dans la foulée.

Né pendant l’affaire Raissouni, le collectif marocain des « hors-la-loi » a déposé la semaine dernière une pétition au Parlement, réclamant que « toutes les infractions pénales portant sur les libertés individuelles » soient retirées du code pénal.

Le collectif a également lancé une campagne sur les réseaux sociaux, intitulée « l’amour n’est pas un crime », pour recueillir les 5.000 signatures légales requises pour que la pétition soit discutée par les parlementaires.

Le Conseil national des droits humains (CNDH, un organisme officiel) a lui aussi adressé au Parlement un mémorandum plaidant pour le respect des libertés individuelles.

Ce texte demande également une dépénalisation des relations sexuelles, y compris homosexuelles, entre adultes consentants, et un élargissement du droit à l’avortement, non seulement dans le cas où la grossesse constitue un danger pour la vie de la mère, mais aussi en cas de menace pour « la santé mentale et sociale ».

– Loin des regards –

Human Rights Watch a salué des recommandations « novatrices » et « audacieuses », tandis que différentes associations marocaines ont exigé une abrogation de toutes les lois pénalisant les libertés individuelles.

Même si une certaine tolérance existe tant que tout se passe loin des regards, sans plainte ou dénonciation d’un tiers, les textes actuels punissent le sexe hors-mariage d’un mois à un an de prison, l’adultère et l’avortement illégal d’un à deux ans, l’homosexualité de six mois à trois ans.

En 2018, d’après les chiffres officiels, la justice marocaine a poursuivi 14.503 personnes pour « débauche », 3.048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortement –sachant qu’entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, selon des estimations.

Dans sa version actuelle, le projet de réforme du code pénal ne change rien sur la question des moeurs, hormis un léger assouplissement de l’interruption volontaire de grossesse, qui sera autorisée en cas de viol, d’inceste et de malformation du fœtus, si le texte est voté.

Même si la société civile se mobilise, la commission parlementaire chargée d’examiner le texte n’a, à ce stade, aucune intention d’ouvrir le débat sur les libertés individuelles, comme l’a indiqué à l’AFP son président Taoufik Mimouni. « La procédure ne le prévoit pas », a-t-il dit.

– « Référentiel islamique » –

Surtout, le Parti justice et développement (PJD, islamiste modéré), majoritaire au Parlement, n’a « aucune intention d’abroger » les lois visées, selon la parlementaire PJD Boutaina Karouri.

Il y a cependant un débat au sein du parti sur la possibilité de définir une « sphère privée » où les droits individuels seraient protégés, a-t-elle déclaré à l’AFP.

De façon générale, les conservateurs s’opposent à tout assouplissement sur les moeurs: selon eux, les lois visées, même si elles ne sont pas tirées de la charia, répondent aux valeurs traditionnelles dans un pays où l’islam est religion d’Etat.

Le chef du gouvernement Saad-Eddine El Othmani (PJD) a donné le ton début novembre en déclarant qu’il ne renoncerait pas au « référentiel islamique » du pays, au lendemain de la publication du mémorandum du CNDH.

Les autres partis politiques, aussi bien de la majorité que de l’opposition, ont jusqu’au 13 décembre pour présenter des amendements.

Actuellement, seule la Fédération de la gauche démocratique (FGD) a présenté des amendements en faveur des libertés individuelles.

« Notre rôle est de trouver des solutions. L’âge moyen du mariage au Maroc est de 28 ans, nous avons des milliers de jeunes non mariés, les envoyer en prison n’est pas la solution », a déclaré Omar Balafrej, l’un des deux députés de la FGD.

« Les couches défavorisées sont les plus vulnérables », soit parce qu’elles ne peuvent pas voyager à l’étranger pour avorter soit parce qu’il leur est plus difficile de trouver un refuge pour les amours illégales, a-t-il noté.

Les défenseurs des droits ont pour leur part dénoncé l’utilisation de ces lois sur les moeurs comme instrument de répression des voix critiques, prenant pour exemple l’arrestation de Hajar Raissouni. Cette journaliste a elle-même toujours dénoncé une affaire « politique ».

Retraites: la grève torpille le trafic SNCF et RATP, perturbations aussi dans l’aérien

Onze lignes de métro fermées à la RATP, plus de 90% des trains SNCF supprimés, des centaines de vols annulés, des lignes de bus à l’arrêt en région: les transports seront très fortement perturbés jeudi par les appels à la grève contre la réforme des retraites.

– SNCF: « Moins de 10% » –

« Avec moins de 10% du trafic habituel » jeudi « sur l’ensemble du réseau » SNCF, « très clairement, nous invitons nos clients à annuler leurs déplacements », prévenait mardi la directrice de la communication du groupe.

La mobilisation des cheminots « est plus forte qu’en 2018 », lors de la grande grève contre la réforme ferroviaire, du jamais-vu depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2007 sur le service garanti, notait Agnès Ogier.

Les TER seront les plus touchés par cette grève illimitée. Seulement 3% de ces trains régionaux circuleront en moyenne, voire aucun dans certaines régions. La Bretagne et l’Occitanie seront les plus affectées. Des autocars de substitution assureront 23% des liaisons habituelles.

Sur le réseau TGV, les axes Atlantique et Sud-Est seront les plus perturbés, avec 10% des trains en circulation. Il y aura un TGV sur six sur les axes Est, Nord et pour les Ouigo, un Eurostar sur deux et deux Thalys sur trois. Aucun TGV intersecteurs (province-province) ne roulera.

En Ile-de-France, 90% des Transilien (RER SNCF et trains de banlieue) seront supprimés, avec une desserte squelettique voire inexistante sur certaines lignes.

De même, 90% des trains Intercités resteront au dépôt. Vers la Normandie par exemple, il n’est prévu que deux allers-retours entre Paris, Rouen et Le Havre.

– Les transports urbains réduits –

Onze lignes de métro sur seize fermées, aucun RER (A et B) aux heures creuses: après le « coup de semonce » de la grève très suivie à la RATP le 13 septembre – un record de perturbations depuis 2007 -, le trafic sera encore plus perturbé sur l’ensemble du réseau francilien jeudi, au premier jour d’une grève là aussi illimitée.

Sur la ligne 9, un métro sur quatre est prévu, mais seulement entre les stations Nation et Mairie de Montreuil. Et uniquement aux heures de pointe, comme pour les lignes 4 (un métro sur trois) et 7 (un métro sur quatre), dont certaines stations seront fermées. Les lignes automatiques 1 et 14 circuleront normalement, au risque d’être saturées à certaines heures.

Le trafic sera normal sur la ligne Orlyval qui dessert l’aéroport d’Orly.

Dans le réseau de bus RATP, un tiers du trafic sera assuré. Il y aura un tramway sur trois aux heures de pointe sur certaines lignes, et toute la journée un tramway sur trois sur les lignes 7 et 8 ainsi qu’un tramway sur deux sur la ligne 6.

A Strasbourg, le trafic sera interrompu sur quatre des six lignes de tram. De nombreuses lignes de bus seront également affectées. Des difficultés qui s’ajouteront à la suppression des arrêts dans le centre historique pour assurer la sécurité du marché de Noël.

A Lyon, les métros, tramways et funiculaires circuleront normalement alors que débute jeudi la Fête des lumières.

A Toulouse, les deux lignes de métro automatiques fonctionneront normalement et environ 60% du service tram et bus devrait être assuré.

A Bordeaux, l’opérateur TBM prévoit un « trafic extrêmement perturbé »: la circulation des trois lignes de tram sera seulement assurée de 06H30 à 20H30 avec une fréquence de quinze minutes. Une quarantaine de lignes de bus seront à l’arrêt.

A Marseille, sur les deux lignes de métro, RTM prévoit une rame environ toutes les dix minutes entre 08H00 et 17H00. Pour les tramways, la fréquence pourrait être fortement allongée. Une grande partie des bus ne rouleront pas.

A Nantes, le tramway et une vingtaine de lignes de bus fonctionneront en service réduit. A Rennes, le métro ne sera pas touché, ni les navettes du festival Trans Musicales, contrairement à certains bus.

Le réseau lillois sera « fortement impacté », selon Transpole, qui prévoit une fermeture totale de la ligne 2 du métro et une « fréquence modifiée » sur la ligne 1.

– Aérien: le court et moyen-courrier touché –

À la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), l’USAC-CGT, deuxième syndicat chez les contrôleurs aériens et premier tous personnels confondus, appelle à faire grève jusqu’à samedi.

La DGAC a mis en place un service minimum dans les centres de navigation aérienne et certains aéroports. Mais elle a tout de même demandé aux compagnies aériennes de réduire pour jeudi de 20% leur programme de vols aux aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly, Beauvais, Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux.

Chez Air France, le long-courrier ne sera pas affecté. En revanche, 30% des vols intérieurs et 15% des moyen-courriers prévus jeudi sont supprimés.

La britannique renonce à « une partie » de son programme français pour jeudi et raye du programme 233 vols intérieurs et moyen-courriers.

L’irlandaise Ryanair annule également des vols, sans donner de précisions.

burs-er-esp/lum/cbn

Le Pacte vert, « nouvelle stratégie de croissance » de l’UE, dévoilé et déjà critiqué

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté mercredi son « Pacte vert », une feuille de route vers la neutralité climatique destinée à devenir la « nouvelle stratégie de croissance » de l’UE.

L’annonce, très attendue et médiatisée, a suscité des réactions très variées, les critiques les plus dures venant des défenseurs de l’environnement.

« C’est notre nouvelle stratégie de croissance », a commenté l’Allemande, en dévoilant son Pacte en pleine COP25 et à la veille d’un sommet européen. D’un côté, « réduire les émissions de gaz à effet de serre », de l’autre « créer des emplois et doper l’innovation ».

Ursula von der Leyen a dévoilé « 50 actions pour 2050 », une liste de propositions législatives, plans d’actions et stratégies, couvrant différents secteurs. Avec pour objectif de faire de l’Europe le « premier continent » neutre en carbone d’ici le milieu du siècle.

L’occasion valait bien une session plénière extraordinaire du Parlement européen, où Ursula von der Leyen est venue présenter son plan en personne, avec son vice-président chargé du Climat, Frans Timmermans.

Le pilier en sera une grande « loi climatique » qui doit inscrire la date de 2050 pour la neutralité carbone. Elle sera proposée d’ici mars.

Cette échéance n’a toutefois pas encore reçu l’aval des dirigeants de l’UE. Le nouveau président du Conseil européen Charles Michel espère rallier les derniers récalcitrants lors d’un sommet jeudi. Trois pays, encore très dépendants des énergies fossiles et en particulier du charbon, font barrage: la Pologne, la Hongrie et la République tchèque.

– Transition juste –

« La Commission a donné une orientation, (…) il faut ensuite une traduction législative ou financière dans le budget européen, et il faut bien sûr l’accord des pays membres, mais ça donne une direction », a réagi Laurence Tubiana, présidente de la Fondation européenne pour le climat et architecte de l’accord de Paris.

Le gouvernement français a estimé que le Pacte vert « ouvre la voie à une ambition forte pour le climat et la protection de l’environnement ».

« La France partage cette priorité et la volonté que l’Europe s’affirme comme le leader mondial de la transition écologique », ont affirmé la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, la secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Amélie de Montchalin ainsi que la secrétaire d’Etat à la Transition écologique Brune Poirson dans un communiqué commun.

Pour convaincre les Etats membres, la Commission prévoit un « mécanisme de transition juste », une disposition très attendue par les pays les plus en retard, qui sera détaillée en janvier.

Il doit permettre de mobiliser « 100 milliards d’euros d’investissements » au cours des sept prochaines années pour les régions et les secteurs « les plus vulnérables ».

« Il est important qu’en parallèle de l’annonce de la Commission sur le Pacte vert, il y ait un signal » des dirigeants européens, a affirmé Charles Michel, qui mènera les discussions jeudi.

La Commission soutient également des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ambitieux à l’horizon 2030, de 50%, voire 55% (contre 40% actuellement). Elle espère pouvoir soumettre ces chiffres aux Etats membres à l’été.

« Ce sera prêt à temps pour la COP26 à Glasgow » fin 2020, a promis Ursula von der Leyen.

– Financements –

Si la prise de conscience de la Commission a été largement saluée, les critiques ont rappelé que le plus dur sera d’appliquer le programme.

« Bien que la quantité soit impressionnante et que les promesses soient plus importantes que celles des Commissions précédentes, les politiques elles-mêmes sont soit trop faibles, soit doivent encore être mieux construites », a prévenu Greenpeace.

Au Parlement, la droite (PPE) et les centristes et libéraux (Renew Europe) ont soutenu les annonces. L’eurodéputé français Pierre Larrouturou (S&D, sociaux-démocrates), a lancé sur Twitter un avertissement à Mme von der Leyen: « Le nerf de la guerre, c’est l’argent ».

Pour atteindre les objectifs du Pacte vert, 260 milliards d’investissements annuels supplémentaires par an nécessiteront « la mobilisation des secteurs public et privé », souligne la Commission.

Parmi sa longue liste de projets, elle prévoit également une réforme du marché du carbone européen qu’elle veut étendre au secteur maritime, très pollueur.

Avec un mécanisme prévu pour 2021 visant les produits importés dans l’UE, la Commission entend en outre s’assurer que les produits manufacturés en Europe ne soient pas pénalisés par rapport à des industries étrangères moins regardantes sur leurs émissions de carbone.

Peter Handke, dérangeant explorateur du langage

Inlassable marcheur en quête du langage, l’Autrichien Peter Handke, qui reçoit mardi le prix Nobel de littérature 2019, est un auteur foisonnant en lutte contre les conventions, au prix de violentes controverses venant faire de l’ombre à son oeuvre.

Le Nobel de littérature? « Il faudrait enfin le supprimer. C’est une fausse canonisation » qui « n’apporte rien au lecteur », avait affirmé un jour l’écrivain de 77 ans, silhouette élégante, cheveux argentés rejetés en arrière et regard perçant derrière de fines lunettes.

Dans le monde de l’édition, nombreux sont d’ailleurs ceux qui pensaient que le prix lui échapperait à jamais, malgré une œuvre mondialement reconnue, à cause de son engagement pendant la guerre en ex-Yougoslavie.

Issu de la minorité slovène d’Autriche par sa mère, d’origine allemande par son père, l’écrivain né le 6 décembre 1942 en Carinthie (sud) s’affiche alors comme un des rares intellectuels occidentaux favorables à Belgrade.

A l’automne 1995, quelques mois après le massacre de Srebrenica, il part en Serbie et rapporte ses impressions de voyage dans des récits qui taisent la souffrance des victimes.

En 1999, il proteste contre les frappes de l’Otan sur Belgrade, évoquant un « nouvel Auschwitz ». Et sept ans plus tard, il provoque un tollé en se rendant aux funérailles de l’ex-président yougoslave Slobodan Milosevic, accusé de crimes contre l’humanité et génocide.

– « Intenable » –

Médiatiquement, cette polémique occulte pour de nombreuses années le travail de Peter Handke. Le Nobel ne semble pas avoir changé l’écrivain: depuis l’annonce de la récompense, il s’est montré contrarié voire colérique face aux journalistes qui lui ont réclamé, en vain, des explications ou une contrition.

Pour l’un des meilleurs spécialistes de son oeuvre, son compatriote Klaus Kastberger, l’Autrichien est une « tête de mule », coutumière des « prises de position intenables », entremêlant « littérature, politique et vie personnelle ».

De nombreux artistes, au premier rang desquels sa compatriote Elfriede Jelinek (Prix Nobel 2004), ont pris sa défense ces dernières semaines se livrant, par tribunes interposées, à des joutes passionnées avec d’autres intellectuels le jugeant indigne d’une telle reconnaissance.

Peter Handke n’en demeure pas moins un des auteurs de langue allemande les plus lus et les plus joués dans le monde. Il a signé plus de 80 œuvres et a traduit vers l’allemand des ouvrages d’Emmanuel Bove, René Char et Francis Ponge.

« J’ai le rêve et j’ai la force d’être universel », résume Handke lors de la réception en Allemagne il y a trois ans d’un prix de la Littérature européenne.

Il fustige la « littérature internationale », calquée sur l’anglais, uniformisée sur un plan structurel et grammatical, et le journalisme, qui « colonise la littérature comme un cancer ».

– Influence Nouveau Roman –

Profondément marqué à 15 ans par la lecture dans son internat catholique de « Sous le soleil de Satan » de Georges Bernanos, influencé par les Français Claude Simon et Alain Robbe-Grillet, il interrompt ses études de droit à Vienne et publie son premier roman, « Les Frelons », en 1966.

La même année, il fait sensation avec sa première pièce, « Outrage au public », où s’entrechoquent injures aux spectateurs, messages de désarroi et critique radicale de la littérature engagée.

L’auteur de 24 ans attaque les principes esthétiques du « Groupe 47 », qui domine les lettres allemandes de l’après-guerre, et oppose un refus radical à l’usage préétabli de la langue. Le thème sera au centre de son oeuvre.

Maître de la prose, il développe un style tranchant et intense, disant « ne pas rechercher la pensée mais la sensation ».

« L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty », en 1970, puis « Le Malheur indifférent » (1972), bouleversant requiem dédié à sa mère, lui apportent la notoriété.

La migration, la solitude sont au coeur de son oeuvre foisonnante: une quarantaine de romans, essais et recueils, une quinzaine de pièces de théâtre, mais aussi des scénarios, dont celui des célèbres « Ailes du désir » pour son ami Wim Wenders.

Il achève une nouvelle pièce qui sera jouée au festival de Salzbourg l’été prochain. Elle reviendra sur l’immolation en 2003 d’un étudiant idéaliste à Prague.

Peter Handke s’est établi définitivement en 1990 en banlieue parisienne, dans une maison en lisière de la forêt, où ce marcheur parfaitement francophone glane l’inspiration.

Johnson et Corbyn jouent leur va-tout avant des élections cruciales pour le Brexit

A quelques heures d’élections cruciales pour le Brexit, le Premier ministre britannique Boris Johnson et son adversaire travailliste Jeremy Corbyn ont joué mercredi leurs dernières cartes pour remporter un scrutin qui s’annonce serré selon les derniers sondages.

Au terme d’une campagne où il aura préparé des doughnuts, changé une roue de Formule 1 et pulvérisé un faux mur symbolisant « l’impasse » du Brexit à l’aide d’un bulldozer, le dirigeant conservateur a débuté sa journée en livrant des bouteilles de lait à Guiseley dans le Yorkshire (nord de l’Angleterre), à la surprise du couple qui lui a ouvert la porte.

Il a ensuite préparé une tourte au boeuf et à la bière, qu’il a comparée à l’accord de Brexit négocié avec l’Union européenne mais qui n’a pas été voté au parlement, faute de majorité. M. Johnson compte « réchauffer » et resservir le texte aux députés, s’il gagne.

« On le met au four, on claque la porte, on le sort, et voilà, on a fait le Brexit! », a déclaré Boris Johnson.

Arrivé au pouvoir fin juillet avec la promesse de sortir son pays de l’Union européenne, l’ancien maire de Londres consacre ses derniers déplacements au nord et au centre de l’Angleterre et au pays de Galles, régions traditionnellement acquises au Labour mais favorables au Brexit.

Il a convoqué ces élections avec l’espoir d’obtenir une majorité absolue lui permettant de sortir le processus de l’impasse et de tourner la page de cette saga qui divise profondément son pays depuis le référendum de 2016, remporté à 52% par le « leave ».

– « Mirages » –

Son adversaire Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste, a lui rassemblé ses troupes avant l’aube à Glasgow, en Ecosse, où il espère battre les indépendantistes du SNP. Il a promis « espoir » et « sécurité » aux électeurs et attaqué Boris Johnson sur son manque de sincérité, l’accusant de « faire des promesses qui se transforment en mirages le lendemain ».

Face à la récente progression du Labour dans les sondages, Boris Johnson fait planer le « véritable risque » d’un Parlement sans majorité, qui prolongerait la crise politique.

« Nous nous battons pour chaque vote », a-t-il déclaré mercredi.

Le dernier sondage de la campagne publié par l’institut YouGov donne son Parti conservateur en tête des intentions de vote avec 339 sièges sur 650. C’est 20 députés de moins que lors des précédentes projections de YouGov, le 28 novembre, mais 22 de plus que par rapport au précédent scrutin de 2017.

Selon l’institut, un tel résultat constituerait « la meilleure performance des conservateurs depuis 1987 », sous Margaret Thatcher. Mais la marge d’erreur, l’impact d’un éventuel vote utile et la récente tendance en faveur du Labour peuvent encore conduire à un Parlement sans majorité.

– « Mouchoir de poche » –

Le sondage YouGov laisse penser que les Tories sont parvenus à séduire les électeurs frustrés de ne pas avoir vu se réaliser leur vote en faveur du Brexit, au détriment du parti du Brexit, partisan d’une rupture nette avec l’UE.

De son côté, le Labour, favorable à un nouveau référendum laissant le choix entre un nouvel accord de Brexit et un maintien dans l’UE, semble avoir séduit des électeurs qui auraient pu se tourner vers le Parti libéral démocrate, qui promet de renoncer purement et simplement à la sortie.

Les conservateurs et les travaillistes promettent tous deux des changements radicaux: Boris Johnson s’engage à faire sortir le Royaume-Uni de l’UE d’ici fin janvier, après trois reports.

Le très à gauche leader travailliste Jeremy Corbyn promet une « révolution industrielle verte » et des milliards pour les services publics, notamment de santé, qui souffrent des conséquences d’années d’austérité.

Sur le Brexit, il compte organiser un nouveau référendum mais rester « neutre », une posture critiquée pour son manque de clarté.

« Tout le monde pense que tout sera terminé si les conservateurs gagnent, mais ce n’est pas le cas, ça va durer encore des années », soupire Judy Wilkinson, électrice rencontrée par l’AFP à Londres. « Tout le monde va en souffrir. Il y aura toujours des sans-abri et le changement climatique a tout simplement été oublié », alors que « c’est le problème le plus important auquel on doit faire face ».

Même s’il est « contre le Brexit », Steve Banham estime qu’il faut accepter le résultat du référendum de 2016. Il votera conservateur, « parce qu’on a besoin d’aller de l’avant et que les entreprises ont besoin de clarté ».

Total au tribunal jeudi, assigné par six ONG pour ses activités en Ouganda

Les ONG dénoncent des « menaces » pour la biodiversité, un « accaparement » des terres: le groupe Total, assigné en justice pour ses activités en Ouganda, a rendez-vous jeudi matin au tribunal à Nanterre.

Il s’agit de la première action en justice en France basée sur la loi relative au « devoir de vigilance » des multinationales, selon les deux ONG françaises et les quatre ougandaises qui ont assigné en référé (procédure d’urgence) le groupe pétrolier fin octobre.

Ces ONG estiment que le groupe ne respecte pas la loi dite du « Rana Plaza », du nom de l’immeuble qui s’est effondré en 2013 au Bangladesh, causant la mort de 1.138 ouvriers.

Cette loi votée en 2017 impose aux groupes d’établir un « plan de vigilance » destiné à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l’étranger.

Pour les ONG, le plan de Total publié en mars est trop parcellaire, en particulier ce qui concerne le projet « Tilenga » en Ouganda, opéré par Total aux côtés des compagnies chinoise CNOOC et britannique Tullow.

Il consiste à forer des puits de pétrole pour atteindre une production d’environ 200.000 barils par jour. Un projet associé EACOP prévoit la construction d’un oléoduc de plus d’un millier de kilomètres en Ouganda et en Tanzanie.

Un premier plan de réinstallation a touché près de 5.000 personnes et les ONG ont observé « des phénomènes de famine » et de « déscolarisation des enfants », explique Thomas Bart, militant de Survie qui a coordonné l’enquête sur le terrain.

Jeudi, deux Ougandais qui ont dû quitter leurs terres doivent témoigner devant le tribunal.

Par ailleurs, « Total va forer plus de 400 puits, majoritairement dans un parc naturel protégé [celui des Murchison Falls] qui est à la fois le plus vieux et le plus grand d’Ouganda », ajoute M. Bart.

Cette audience est « importante à deux titres »: « le juge peut contraindre Total à mieux prévenir les risques de violations et donc changer ses pratiques en Ouganda » et « il y a un enjeu d’une correcte application de la loi » de 2017, souligne Juliette Renaud des Amis de la Terre France.

Sollicité lundi, Total a renvoyé à son communiqué publié fin septembre, dans lequel le groupe dit avoir « conscience des impacts potentiels pour les populations locales (…) ».

« Total E&P Uganda et ses partenaires ont réalisé des évaluations détaillées des impacts sociétaux et environnementaux potentiels des projets » qui « ont permis de mettre en place les mesures afin d’éviter ces impacts ou de les minimiser », selon le groupe.

« Ces études d’impact ont été conduites dans le respect des standards nationaux et internationaux » et ont « nécessité la consultation de près de 70.000 personnes en Ouganda et en Tanzanie », affirme Total.

La décision sera mise en délibéré.

Guerre commerciale: après une brève accalmie, les Etats-Unis relancent la tempête

Après quelques mois d’apaisement sur le front commercial, le président américain Donald Trump a brutalement relancé les hostilités ces derniers jours, en visant à la fois sa cible favorite, la Chine, mais aussi des alliés comme l’Europe ou le Brésil.

Voici un tour d’horizon des différents conflits commerciaux ouverts par les Etats-Unis depuis près de deux ans.

– L’interminable feuilleton avec la Chine –

C’est un fil rouge du mandat de Donald Trump: les deux plus grandes économies au monde ont passé ces deux dernières années à batailler à grands coups de tarifs douaniers sur des centaines de milliards de dollars de produits.

Donald Trump mène cette guerre tarifaire pour obtenir notamment des autorités chinoises qu’elles mettent fin aux subventions massives d’Etat, au transfert forcé de technologies ou encore au vol de la propriété intellectuelle.

Prochaine échéance: le 15 décembre, date à laquelle de nouvelles taxes américaines doivent être mises en place.

En attendant, la perspective d’un accord commercial, qui a tiré les marchés vers le haut en novembre, a pris du plomb dans l’aile.

Le président américain assure désormais qu’il l’envisage toujours…après son éventuelle réélection en novembre 2020.

– L’UE, un allié bousculé-

Depuis son élection, Donald Trump ne cesse de brandir la menace de droits de douanes sur les importations européennes.

Si les automobiles, poumon de l’économie allemande, sont régulièrement ciblées mais pour l’instant épargnées, les produits français sont désormais davantage dans le collimateur du chef de l’Etat américain.

En cause, l’intention de Paris de mettre en place une taxe sur le numérique que Washington estime préjudiciable pour les entreprises américaines, et en particulier les « Gafa ».

Vins pétillants, fromages, produits de beauté et sacs à main pourraient donc être lourdement surtaxés – jusqu’à 100%, sur un montant de produits équivalant à 2,4 milliards de dollars – par les Etats-Unis.

Le ministre de l’Economie Bruno le Maire a d’ores et déjà prévenu que la France ne renoncera « jamais » à sa taxe et demandera à la Commission européenne une « riposte forte ».

Autre front: l’interminable conflit en cours à l’Organisaiton mondiale du commerce à propos d’Airbus et Boeing, Européens et Américains s’accusant réciproquement d’aides publiques illégales. Les Etats-Unis ont été autorisés dans ce dossier en octobre par l’OMC à imposer des taxes sur près de 7,5 milliards de dollars de biens et services européens importés chaque année.

– Brésil et Argentine, les taxes surprises –

A première vue, le Brésil de Bolsonaro et l’Amérique de Trump ont tout pour être de solides alliées.

Mais le 2 octobre, le président américain a pris par surprise son homologue en imposant des droits de douane sur les importations brésiliennes d’acier et d’aluminium.

La même politique s’appliquera à l’Argentine qui comme le Brésil exporte la majorité de ces matières premières vers les Etats-Unis.

Donald Trump justifie cette décision par la nécessité de riposter à la baisse des devises de ces deux pays, et notamment le peso argentin qui dégringole en raison d’une grave crise financière.

– Equilibre précaire chez les voisins –

Des mois de tensions et de négociations ont été nécessaires pour que l’Accord Etats-Unis Mexique Canada (AEUMC), nouvelle mouture du traité Aléna, voie le jour.

Ce nouvel accord doit permettre aux trois pays de continuer d’échanger des milliards de biens et de services sans droits de douane.

L’équilibre reste toutefois précaire puisqu’il n’a pas encore reçu l’aval de la chambre basse du Congrès américain, où l’opposition démocrate est majoritaire. L’approbation est également toujours en cours au Canada.

Les relations entre le Mexique, le Canada et leur voisin restent en outre tumultueuses.

Donald Trump met régulièrement le Mexique sous pression pour le forcer à agir contre l’afflux de migrants clandestins aux Etats-Unis.

– Nouvelles querelles avec l’Inde –

Les différends commerciaux entre l’Inde et les Etats-Unis ne sont pas nouveaux et les deux pays se retrouvent souvent opposés au sein de l’OMC.

Cet été, Donald Trump a annoncé son souhait de mettre fin aux avantages commerciaux sur les importations de ce pays.

L’Inde bénéficiait de longue date du régime de préférences généralisées (GSP, Generalized System of Preferences) qui permettait un accès libre au marché américain. Or le président américain se plaignait de ne pas avoir la même contrepartie sur le marché indien.

En représailles, l’Inde a augmenté les barrières douanières sur 28 produits importés des États-Unis, dont des amandes, des pommes et des noix.

En crise, Israël retournera aux urnes pour la 3ème fois en un an

Le sort en est jeté! Après des mois de pourparlers, deux scrutins et l’inculpation du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour corruption, les Israéliens retourneront aux urnes en mars pour une troisième élection en moins d’un an, une première dans l’histoire de l’Etat hébreu.

Et ce scrutin devrait avoir des allures de remake pour Benjamin Netanyahu, traqué par la justice, et son rival Benny Gantz, au coude-à-coude lors des élections d’avril puis de septembre et à chaque fois dans l’incapacité de rallier 61 élus sur les 120 de la Knesset, le Parlement.

Or mercredi soir, avant la date-butoir (23h59, 21H59 GMT) pour faire bouger les lignes politiques et former un gouvernement d’union entre les deux adversaires, le miracle attendu par de nombreux Israéliens ne s’est pas produit.

Sur le coup de minuit, le délai pour dénicher un candidat capable de rallier une majorité de députés a passé, mais le Parlement ne s’est pas automatiquement dissous.

Des députés y discutaient toujours d’une série d’amendements pour encadrer la tenue des élections prévues le 2 mars, avant les fêtes juives de Pourim. Et MM. Netanyahu et Gantz, incapables depuis des mois de s’entendre sur un partage du pouvoir, fourbissaient déjà leurs armes pour ce duel à venir.

« Ils nous poussent vers de nouvelles élections… et la seule chose à faire est de les remporter, de remporter une grande victoire, et c’est ce que nous allons faire », a commenté M. Netanyahu dans un message relayé par son équipe.

– Immunité –

Des affaires judiciaires sont au coeur de l’affrontement entre Gantz et Netanyahu. Premier ministre le plus longtemps en poste de l’histoire d’Israël -13 ans, dont la dernière décennie sans discontinuer-, M. Netanyahu, 70 ans, a été inculpé fin novembre pour corruption, abus de confiance et malversations dans une série d’affaires.

Et certains de ses proches, dont son avocat, doivent aussi être mis en examen pour blanchiment d’argent, pour l’achat de sous-marins à la société allemande ThyssenKrupp.

M. Netanyahu souhaitait diriger en premier un gouvernement d’union, dans l’espoir notamment d’obtenir une immunité judiciaire, ce que M. Gantz refusait, estimant que son rival devait régler ses démêlés avec la justice avant de reprendre le poste de Premier ministre.

« Il semble que nous entrons aujourd’hui dans un troisième cycle d’élections en raison de la tentative de M. Netanyahu d’obtenir une immunité », a résumé M. Gantz, avant le déclenchement d’un nouveau scrutin qui pourrait produire les mêmes effets que les deux derniers.

Selon de récents sondages, le Likoud de M. Netanyahu et la formation Kahol Lavan (« Bleu-Blanc », les couleurs du drapeau israélien) de M. Gantz sont toujours dans un mouchoir de poche et incapables, avec leurs alliés respectifs, d’atteindre le seuil de la majorité en chambre, la condition pour former un gouvernement.

Mais il y a deux nouveautés. D’après les derniers sondages, les Israéliens blâment M. Netanyahu pour la tenue de ces troisièmes élections. Et contrairement aux deux derniers scrutins, le Premier ministre est désormais officiellement inculpé par la justice.

– Primaires au Likoud ? –

En dépit de son inculpation, annoncée il y a trois semaines, Benjamin Netanyahu a réussi à éviter les défections dans son camp, ce qui aurait pu nourrir les rangs de son rival et précipiter sa chute.

Le Premier ministre est néanmoins confronté à une contestation au sein de son parti, menée par le député Gideon Saar, qui demande la tenue de primaires pour désigner le chef de la formation pour le nouveau scrutin.

Un cadre du Likoud a indiqué à l’AFP que la formation envisageait la tenue de cette primaire dans deux semaines, le 26 décembre. « Il s’agit d’une avancée qui permettra d’en finir avec la crise politique actuelle », a jugé M. Saar, M. Netanyahu se disant de son côté certain de remporter cette primaire.

M. Netanyahu pourrait se présenter en victime d’un « coup d’Etat » ourdi par la Justice, comme il l’a déjà fait, et joué sur l’importance selon lui d’aller de l’avant avec l’annexion d’un pan de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé, et un éventuel traité de défense commune avec les Etats-Unis.

Le parti de Benny Gantz a lui en quelque sorte déjà entériné la nouvelle candidature de l’ancien militaire, même si les statuts de la formation prévoient une alternance avec son associé Yair Lapid comme tête d’affiche des élections.

Mais M. Lapid a déclaré qu’il laissait toute la place à M. Gantz dans ce remake. « L’important n’est ni la rotation, ni le siège, mais la guerre de libération, pour libérer le pays de la corruption », a-t-il dit cette semaine avant d’ajouter mercredi soir s’attendre à un « festival de haine et de violence ».

Birmanie: les dates-clés de la crise des Rohingyas

La Cour internationale de justice (CIJ) entend à partir de mardi à La Haye la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, venue défendre son pays accusé de génocide contre la minorité musulmane rohingya.

Depuis août 2017, quelque 740.000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les exactions de l’armée birmane et de milices bouddhistes.

Voici les dates clés de cette crise :

– Attaques rebelles et représailles

Le 25 août 2017, la rébellion rohingya lance une trentaine d’attaques contre des postes de police dans l’Etat Rakhine (ouest). Au moins douze policiers sont tués.

L’armée riposte par des raids sur des villages rohingyas, présentés comme des opérations antiterroristes. Des témoins évoquent des tirs sur des civils fuyant vers le Bangladesh.

L’armée dit avoir tué 400 rebelles, mais selon les opposants au régime, la majorité des victimes sont des civils. L’ONU évoque au moins 1.000 morts les deux premières semaines.

Début septembre, plus de 120.000 Rohingyas ont trouvé refuge au Bangladesh dans des camps de fortune déjà surpeuplés.

– Aung San Suu Kyi sort du silence

Le 19 septembre, dans un discours en anglais destiné à l’étranger, Aung San Suu Kyi se dit ouverte à un retour de Rohingyas. La communauté internationale dénonce son ambiguïté à l’égard de cette minorité musulmane, des apatrides considérés par la société birmane comme des étrangers menaçant l’identité nationale.

La prix Nobel de la Paix, au pouvoir depuis 2016, visite la zone du conflit début novembre.

Le 23 novembre, la Birmanie et le Bangladesh signent un accord sur le retour « dans les deux mois » des réfugiés, mais sans citer les Rohingyas.

Le lendemain, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) estime que les conditions pour un retour « sécurisé et durable » ne sont pas réunies. Le texte reste lettre morte.

– « Eléments de génocide »

Le 2 décembre, au Bangladesh, après un voyage en Birmanie, le pape François demande « pardon » aux Rohingyas.

Le 5, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme évoque des « éléments de génocide », réclamant une enquête internationale.

Le 27 août 2018, des enquêteurs de l’ONU demandent que la justice internationale poursuive le chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing et cinq autres hauts gradés pour « génocide », « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre ».

– Journalistes condamnés

Le 3 septembre, deux reporters birmans de Reuters accusés d' »atteinte au secret d’Etat » pour avoir enquêté sur un massacre de Rohingyas sont condamnés à sept ans de prison. Sous la pression internationale, ils seront libérés le 7 mai 2019 après plus de 500 jours de détention.

Le 20 décembre, l’armée birmane mène de nouvelles « opérations de nettoyage » dans l’Etat Rakhine après des attaques, dont l’une imputée à des Rohingyas.

Le 29 mai 2019, Amnesty International accuse les militaires de « crimes de guerre », « exécutions extra-judiciaires » et « tortures ».

– Sanctions américaines

Le 16 juillet 2019, Washington annonce des sanctions contre le chef de l’armée et trois autres responsables militaires.

A partir du 22 août, quelque 3.500 Rohingyas sont autorisés à rentrer en Birmanie s’ils le souhaitent, mais aucun ne se présente, faute de garanties de sécurité.

Le 16 septembre, l’ONU déclare que les quelque 600.000 Rohingyas restant en Birmanie vivent sous la menace d’un « génocide ».

– Poursuites judiciaires

Le 11 novembre, la Gambie, mandatée par les 57 États membres de l’Organisation de la coopération islamique, entame une action contre la Birmanie pour « actes de génocide » devant la Cour internationale de justice (CIJ) – plus haute juridiction de l’ONU.

De son côté, la Cour pénale internationale (CPI), également basée à La Haye, donne son feu vert le 14 à une enquête sur les actes de violence et la déportation des Rohingyas qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.

Parallèlement, une plainte a été déposée en Argentine concernant les crimes contre les Rohingyas (torture, disparition et abus sexuels notamment), en invoquant le principe de justice universelle.

Chine, UE, Turquie: La Russie lance trois gazoducs majeurs

La Russie, premier exportateur de gaz naturel du monde, et son géant Gazprom inaugurent coup sur coup ces prochaines semaines trois gazoducs majeurs ralliant la Chine, l’Allemagne et la Turquie.

– Power of Siberia

A travers plus de 2.000 kilomètres de forêts de pins et de sols gelés, le premier tronçon de ce gazoduc titanesque – inauguré le 2 décembre –, relie les champs gaziers de Sibérie orientale à la frontière chinoise, dans la région de l’Amour.

La portion chinoise devrait être achevée en 2022-2023 et amener 38 milliards de m3 de gaz par an jusqu’à la ville de Shanghai, pour rassasier l’inépuisable appétit énergétique du géant chinois, premier importateur mondial d’hydrocarbures.

Le tube s’accompagne d’un énorme contrat d’approvisionnement, estimé à plus de 400 milliards de dollars sur 30 ans, et signé en 2014 après une décennie de négociations.

Power of Siberia (« Force de Sibérie »), construit dans des conditions extrêmes, illustre la main tendue de Vladimir Poutine à l’Asie, alors que les relations avec ses traditionnels partenaires occidentaux se sont considérablement tendues depuis le début du conflit ukrainien.

– Nord Stream 2

L’Europe reste encore la priorité du géant gazier russe, malgré les tensions des dernières années.

Le controversé Nord Stream 2, arrivant en Allemagne, doit approvisionner l’Europe du Nord et de l’Ouest via la Baltique, en contournant l’Ukraine. Il est d’une capacité de 55 milliards de m3 par an, autant que son frère aîné, Nord Stream 1.

Ce projet est dénoncé par l’Ukraine, la Pologne, les pays baltes, mais aussi les Etats-Unis qui y voient un cadeau fait à l’adversaire qu’est le Kremlin. Washington a même menacé le projet de sanctions.

Le tube, qui a coûté 9,5 milliards d’euros, est financé à moitié par Gazprom, à moitié par les Européens: les alemands Wintershall et Uniper, l’anglo-néerlandais Shell, le français Engie et l’Autrichien OMV.

Le gazoduc, construit à plus de 80%, devait être initialement lancé avant la fin 2019, mais l’autorisation du Danemark de traverser ses eaux n’ayant été délivrée que fin octobre, la nouvelle date de mise en service n’est pas encore connue.

Gazprom espère un lancement prochain, mais l’achèvement du tube dépendra de la météo en mer en plein hiver.

Sa mise en service presse, le contrat liant la Russie et l’Ukraine pour le transit gazier vers l’Europe prenant fin en 2019. Et l’Europe occidentale n’a pas envie de revivre les coupures d’approvisionnements hivernales des années 2000 causées par les différends russo-ukrainiens.

– TurkStream

Le sud de l’Europe et la Turquie ne sont pas en reste: le gazoduc TurkStream, contournant également l’Ukraine, doit être inauguré en janvier par Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan.

D’une capacité de 31,5 milliards de m3 par an, il travers sur 930 km la mer Noire, comme son prédécesseur Blue Stream. Un des deux tuyaux de TurkStream est destiné à la Turquie et l’autre au sud et sud-est de l’Europe. Sa construction bénéficie d’une météo plus clémente que ses frères nordique et oriental.

L’accord d’intention pour sa réalisation entre Gazprom et Botas a été signé en 2014, avant que les relations russo-turques ne se détériorent brusquement après le crash d’un bombardier russe abattu par la Turquie fin 2015.

Poutine et Erdogan scellent néanmoins le contrat fin 2016. Le projet symbolise aujourd’hui le rapprochement de la Russie et de la Turquie. D’autant qu’Ankara entretient des relations compliquées avec l’UE et l’Otan.

Le gouverneur de Nairobi accusé de corruption remis en liberté sous caution

Le gouverneur de Nairobi Mike Sonko, récemment mis en cause pour corruption, a été remis en liberté mercredi après le versement d’une caution de 15 millions de shillings kényans (133.000 euros), a-t-on appris de source judiciaire.

Populaire et sulfureux, Mike Sonko cultive volontiers un look « gangsta », avec ses grosses chaînes et bagues en or assorties à ses chaussures dorées.

Il est accusé, avec d’autres responsables, d’avoir bénéficié de paiements illicites et acquis des biens illégalement pour une valeur totale de 3,5 millions de dollars (3,1 millions d’euros).

« Mike Sonko est libre. Sa caution a été encaissée », a déclaré à l’AFP un fonctionnaire du tribunal.

Le gouverneur de Nairobi a plaidé non coupable lundi de plus de 30 chefs d’accusation pour blanchiment d’argent, conflit d’intérêt et pour avoir accepté des pots-de-vin.

Les procureurs avaient auparavant lu de manière détaillée les comptes bancaires de l’accusé, avec les dates de virements effectués en plusieurs occasions par des chefs d’entreprise ayant remporté des appels d’offre émis par le comté de Nairobi.

M. Sonko a passé le week-end en prison après son arrestation théâtrale vendredi à Voi, dans le sud du pays, au cours de laquelle il s’était bagarré avec des policiers avant d’être maîtrisé et transféré par hélicoptère vers Nairobi.

Il avait été placé en détention provisoire, en attendant l’examen de sa demande de libération sous caution.

De son vrai nom Gidion Mike Mbuvi, le gouverneur a obtenu en justice le droit de prendre le nom de « Sonko », qui en argot swahili désigne une personne riche et extravagante.

Le parti au pouvoir avait fait un choix non conformiste en 2017 en le désignant pour le représenter aux élections des gouverneurs.

Mike Sonko est passé dans sa jeunesse par la case prison et est régulièrement accusé d’activités illégales, comme le trafic de drogue, mais il est très apprécié des Kényans les plus pauvres pour ses services d’ambulances et de pompiers, personnalisés à son nom, chargés de venir en aide aux personnes vivant dans les bidonvilles.

Il s’était récemment attiré des critiques pour avoir dévoilé sur les réseaux sociaux sa fastueuse salle à manger, aux parures et accessoires dorés. Il a aussi plusieurs voitures peintes en couleur or.

Le président Uhuru Kenyatta a lancé après sa réélection fin 2017 une guerre contre la corruption dans son pays, à l’économie dynamique mais miné depuis des décennies par une culture de pots-de-vin et de malversations.

Depuis, des dizaines de hauts responsables ont été inculpés, dont le ministre des Finances Henry Rotich, poursuivi depuis juillet pour fraude, abus de pouvoir et pour avoir accepté des pots-de-vin, en lien avec un projet de construction de deux barrages d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars.

Destitution: Donald Trump et l’affaire ukrainienne

Un échange téléphonique entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky s’est transformé en scandale d’Etat qui menace le président américain d’une destitution: retour sur les grandes dates de l’affaire ukrainienne.

– Début 2019: premières accusations –

L’avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, évoque sans les étayer des accusations de corruption contre le groupe gazier ukrainien Burisma, où Hunter Biden, fils de l’ancien vice-président démocrate Joe Biden, siège au conseil d’administration.

Au printemps, M. Trump charge M. Giuliani de convaincre le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky d’annoncer l’ouverture d’enquêtes anti-corruption, notamment contre Burisma, alors que Joe Biden se lance dans la course à la Maison Blanche.

– 10 juillet: première demande officielle –

L’ambassadeur américain auprès de l’Union européenne Gordon Sondland annonce à des responsables ukrainiens que Donald Trump recevra M. Zelensky à la Maison Blanche si Kiev annonce publiquement une enquête sur les Biden.

Deux participants à la discussion signalent à leur hiérarchie cette proposition « inappropriée ».

– 25 juillet: appel Trump/Zelensky –

Quelques jours après avoir gelé 400 millions de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, Donald Trump s’entretient par téléphone avec M. Zelensky. Il demande comme une « faveur » que Kiev enquête sur les Biden et les soupçons de corruption contre Burisma.

Un membre du Conseil de sécurité nationale, qui assiste à la conversation, signale un échange « inapproprié » aux services juridiques de l’instance.

– 12 août: le lanceur d’alerte –

Un laceur d’alerte, membre des services de renseignement, signale à sa hiérarchie l’appel entre les deux présidents. Il accuse Donald Trump d’avoir « sollicité l’ingérence » de l’Ukraine dans la campagne pour sa réélection en 2020.

Le signalement est bloqué par le directeur du renseignement américain, Joseph Maguire, après consultation avec la Maison Blanche et le ministère de la Justice, mais l’inspecteur général de services de renseignement, Michael Atkinson, décide d’informer le Congrès de l’existence du lanceur d’alerte.

– 28 août: le gel de l’aide rendu public –

La presse révèle le gel de l’aide militaire à l’Ukraine et des diplomates s’inquiètent d’une pression exercée par la Maison Blanche sur Kiev.

Pour les républicains, il n’y a pas de « donnant-donnant » puisque les Ukrainiens ignoraient le gel de l’aide. Mais selon une responsable du ministère américain de la Défense, l’ambassade ukrainienne à Washington s’était inquiétée d’une suspension de l’aide dès le 25 juillet.

L’administration Trump autorise le versement de l’aide militaire le 11 septembre.

– 24 septembre: enquête à la Chambre –

Après la révélation de l’existence du lanceur d’alerte, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, annonce l’ouverture d’une enquête en vue d’une procédure de destitution du président. Adam Schiff, patron de la commission du Renseignement à la Chambre, est chargé de diriger l’enquête.

M. Trump dénonce une « chasse aux sorcières » et la Maison Blanche publie le lendemain le contenu de la conversation Trump/Zelensky. A New York, les deux chefs d’Etat assurent qu’il n’y a eu aucune « pression ».

– 13-21 novembre: auditions publiques –

Après avoir entendu en octobre une dizaine de témoins à huis clos, la commission d’enquête débute les auditions publiques.

Gordon Sondland, affirmant avoir suivi les « ordres » de Donald Trump, confirme l’existence d’un « donnant-donnant »: une invitation du président Zelensky à la Maison Blanche contre l’annonce d’ouverture d’enquêtes par l’Ukraine.

Mais il admet avoir fait sa « propre déduction » en liant les deux affaires, le président Trump ne lui ayant « jamais dit directement que l’aide » militaire faisait partie du marché.

– 3 décembre: preuves « accablantes » –

Le rapport d’enquête affirme que la commission a rassemblé des « preuves accablantes » d’une « conduite inappropriée » de Donald Trump: celui-ci aurait « conditionné une invitation à la Maison Blanche et une aide militaire à l’Ukraine à l’annonce d’enquêtes favorables à sa campagne » et il aurait « entravé » les investigations des élus en interdisant à des membres de l’administration de collaborer.

– 4 décembre: l’avis des juristes –

La commission judiciaire de la Chambre, chargée de déterminer si les faits reprochés justifient une mise en accusation (« impeachment ») du président entend quatre juristes en séance publique.

– 10 décembre: deux chefs d’accusation –

Les démocrates annoncent retenir deux chefs d’accusation contre Donald Trump: abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès.

L’action de Saudi Aramco s’envole pour ses débuts historiques en Bourse

L’action du géant pétrolier saoudien Aramco s’est envolée de 10% pour ses débuts mercredi sur la place boursière de Ryad, dans le cadre de la plus grosse introduction en Bourse de l’histoire.

Le cours de l’action du mastodonte de l’or noir a gagné 3,2 riyals (0,75 centime d’euros) portant sa valeur à 35,2 riyals (8,5 euros, 9,39 dollars), quelques secondes seulement après que le PDG d’, Amin Nasser, a fait sonner la cloche marquant les débuts de l’entreprise en Bourse à 07H30 GMT.

Cette hausse de 10%, maximum autorisé pour la journée, s’est maintenue jusqu’à la clôture des échanges et valorise l’entreprise à 1.880 milliards de dollars, loin devant Apple et Microsoft.

Aramco avait fixé le prix initial de son action à 32 riyals (8,53 dollars) et affirmé avoir levé 25,6 milliards de dollars, dépassant la somme record des 25 milliards de dollars levés en 2014 par le géant chinois du commerce en ligne Alibaba, à Wall Street.

La cotation de l’entreprise qui génère le plus de bénéfices au monde propulse la Bourse saoudienne parmi les dix premières au monde.

« Aujourd’hui, le royaume d’Arabie saoudite n’est plus le seul actionnaire de l’entreprise », a déclaré le président du conseil d’administration d’Aramco, Yasir al-Rumayyan, lors d’une grande cérémonie organisée mercredi matin.

« Plus de cinq millions d’actionnaires, dont des citoyens et des résidents, ainsi que des pays (du Golfe) et des institutions internationales d’investissement y ont adhéré. C’est un jour où tout le monde à Aramco et dans le royaume peut être extrêmement fier », s’est-il félicité.

L’opération s’inscrit dans le cadre d’un vaste plan de réformes destiné à diversifier l’économie saoudienne largement dépendante de l’exportation de brut.

Les revenus générés devraient être injectés dans des mégaprojets d’infrastructures dans lesquels le royaume s’est lancé sous la houlette du prince héritier Mohammed ben Salmane, notamment dans les secteurs du tourisme et du divertissement.

– Objectif « 2.000 milliards » –

Mais sur fond de chute des cours du brut et de tensions régionales, les espoirs d’une valorisation de l’entreprise à 2.000 milliards de dollars ont été revus à la baisse pour atteindre quelque 1.700 milliards de dollars à l’issue de la période de souscriptions.

L’introduction en Bourse d’Aramco, annoncée pour la première fois en 2016 avant d’être plusieurs fois repoussée, devait initialement rapporter jusqu’à 100 milliards de dollars avec la vente de jusqu’à 5% de l’entreprise publique. Aramco a finalement mis en vente 1,5% de son capital à Ryad.

Les projets du gouvernement saoudien de lever des fonds supplémentaires avec l’entrée sur une place boursière internationale restent en suspens et l’introduction à Ryad a finalement été fortement axée sur les investisseurs saoudiens et d’autres pays du Golfe.

Les autorités tentent désormais de pousser les familles et les institutions fortunées du pays à acheter des actions d’Aramco en circulation, pour atteindre la barre des 2.000 milliards de dollars en faisant monter le prix du titre, selon un article du Financial Times.

Deux tiers des actions ont été réservés aux investisseurs institutionnels et le gouvernement saoudien a fini par mettre la main à la poche pour assurer le succès de l’opération, qui devait à l’origine permettre de lever des fonds privés afin de les réinjecter dans la diversification économique du royaume.

Les organismes gouvernementaux saoudiens ont représenté 13,2% de la tranche institutionnelle, investissant environ 2,3 milliards de dollars, selon Samba Capital, une des entreprises chargées de piloter l’introduction en Bourse.

– « Gonfler le prix » –

« Aramco va probablement atteindre les 2.000 milliards ou plus dans les premiers jours d’échanges », explique à Bloomberg News Zachary Cefaratti de la société d’investissements Dalma Capital Management, qui a acquis des parts dans l’opération.

Mais selon des analystes, la hausse du prix de l’action sera de courte durée : « Tout le monde soupçonne la hausse du prix de l’action d’être artificielle », affirme Elle Wald, auteure de « Saudi Inc ».

« Cela veut dire que le (gouvernement) saoudien devra continuer de le gonfler et d’y consacrer énormément de ressources, ce qui mettra à mal le budget et l’économie », ajoute-t-elle.

Les analystes les plus sceptiques estiment par ailleurs que les recettes de l’opération couvriront à peine le déficit budgétaire abyssal du royaume pendant un an.

L’introduction en Bourse s’accompagne également d’une pression sur les prix du pétrole en raison de la morosité de l’économie mondiale frappée par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et de la production record des exportateurs de pétrole brut hors OPEP.