Aramco: le mastodonte pétrolier derrière la prospérité de l’Arabie saoudite

Depuis la découverte du premier gisement de pétrole en Arabie saoudite en 1938, le géant Aramco, qui a réalisé mercredi la plus grosse entrée en Bourse de l’histoire, est la source de la richesse de ce royaume aride et ultraconservateur.

Aramco avait annoncé avoir levé 25,6 milliards de dollars, dépassant ainsi le record détenu jusqu’ici par le géant chinois du commerce en ligne Alibaba et ses 25 milliards de dollars levés en 2014 lors de son introduction à Wall Street.

L’entreprise est née d’un accord de concession signé en 1933 par le gouvernement saoudien avec la Standard Oil Company of California. La prospection démarre en 1935 et trois ans plus tard, le pétrole commence à couler à flots.

En 1949, la production de pétrole atteint un niveau record de 500.000 barils par jour et continue d’augmenter après la découverte de grands champs pétroliers dont Ghawar, le plus grand du monde, avec environ 60 milliards de barils de réserves.

En 1973, en pleine flambée des prix liée à l’embargo pétrolier arabe, imposé aux Etats-Unis en raison de leur soutien à Israël, le gouvernement saoudien acquiert 25% de l’entreprise, portant sa part à 60% et devenant actionnaire majoritaire.

En 1980, l’entreprise est nationalisée et, huit ans plus tard, renommée Saudi Arabian Oil Company, ou Saudi Aramco.

– Réseau national et international –

Depuis les années 1990, Aramco a investi des centaines de milliards de dollars dans des projets d’expansion, portant sa capacité de production à plus de 12 millions de barils par jour.

Actuellement, Aramco possède quelque 260 milliards de barils de réserves prouvées de pétrole, ce qui place l’Arabie saoudite derrière le Venezuela, qui détient les premières réserves du monde.

Basée à Dhahran, la société opère aussi à l’international, où elle a multiplié acquisitions et créations de coentreprises. Aramco a également construit un réseau national et international d’oléoducs et de raffineries et étendu sa présence dans l’industrie pétrochimique.

En avril, le groupe a ouvert ses comptes pour la première fois, annonçant un bénéfice net de 111,1 milliards de dollars en 2018, en hausse de 46% par rapport à l’année précédente, et un revenu annuel de 356 milliards de dollars.

Cette ouverture de comptes était destinée à accroître sa transparence avant l’introduction en Bourse, pierre angulaire d’un vaste plan de réformes nommé « Vision 2030 », lancé par le prince héritier Mohammed ben Salmane pour diversifier l’économie du royaume ultradépendante du pétrole.

L’introduction a été retardée à plusieurs reprises en raison notamment de conditions défavorables sur les marchés.

En septembre, des attaques de drones contre des installations d’Aramco ont entraîné la réduction temporaire de la moitié de sa production, ce qui représente environ 6% de l’approvisionnement mondial, faisant craindre une perte de confiance des investisseurs.

Ryad avait accusé l’Iran d’avoir à tout le moins « parrainé » cette attaque, revendiquée par les rebelles yéménites Houthis, soutenus par Téhéran.

Assistants parlementaires européens: que reproche-t-on au MoDem et à ses cadres?

De Michel Mercier à Sylvie Goulard, plusieurs cadres ou anciens élus Modem ont été mis en examen depuis la mi-novembre dans l’enquête sur les assistants parlementaires de députés européens.

Que reproche-t-on au MoDem?

Les juges du pôle financier du tribunal de Paris, qui enquêtent sur cette affaire depuis 2017, soupçonnent des collaborateurs d’eurodéputés MoDem d’avoir été rémunérés par des fonds du Parlement européen alors qu’ils étaient affectés à d’autres tâches pour le parti centriste.

L’enquête, ouverte pour « abus de confiance » et « détournement de fonds publics », porte sur la législature 2009-2014 mais aussi, dans une moindre mesure, sur les législatures précédentes. Dans le cas où ces accusations seraient fondées, cela correspondrait à un système d’emplois fictifs.

À ce stade, sept ex-eurodéputés MoDem se trouvent dans le viseur de la justice. Les enquêteurs s’intéressent aussi au rôle joué par les cadres financiers et responsables du parti, soupçonnés d’avoir organisé ce système de rémunération litigieuse.

« Des éléments laissent à penser » que le MoDem « aurait pu institutionnaliser, dans son mode de fonctionnement, l’utilisation des ressources du Parlement européen à son profit », estimaient ainsi les enquêteurs dans un rapport de synthèse de 2018 consulté par l’AFP.

Que dit le parti?

Le MoDem a toujours nié tout emploi fictif. Les assistants, qui travaillaient « à temps partiel » pour le parti, « étaient payés pour une fraction de temps par le Parlement européen et pour l’autre fraction du temps par notre mouvement », a insisté mercredi François Bayrou, estimant qu’il n’y avait rien « de répréhensible à ça ».

Face aux enquêteurs, plusieurs anciens assistants ont pourtant contesté la réalité du travail effectué pour le Parlement. Dans un livre, l’ancienne vice-présidente du MoDem Corinne Lepage a de son côté raconté que le parti avait « exigé » qu’un de ses assistants travaille pour le MoDem – ce qu’elle a refusé.

Des affirmations contestées par le parti centriste, qui a transmis à la justice des documents censés prouver la réalité du travail réalisé et qui attribue ces accusations à un règlement de comptes politique.

Quelles sont les règles en vigueur?

Les députés européens disposent d’une enveloppe mensuelle d’environ 25.000 euros pour rémunérer leurs assistants, tous statuts confondus. Les « accrédités » consacrent tout leur temps à Bruxelles ou Strasbourg. Les « locaux » doivent épauler le parlementaire dans son pays d’origine.

Pour encadrer l’octroi de ces enveloppes, la réglementation européenne prévoit depuis 2009 que les travaux des assistants soient « en lien avec l’Europe »: les députés doivent ainsi détailler, dans les contrats de travail de leurs collaborateurs, les tâches à accomplir.

Mais la rédaction des contrats peut être vague, ce qui rend les investigations délicates. Difficile dans ce contexte de « constater formellement la réalité ou non de l’accomplissement d’un travail », souligne le rapport de synthèse consulté par l’AFP.

Le cumul d’emplois à temps partiel pour le Parlement et le parti complique encore un peu plus la donne. Comment vérifier si la distinction entre l’un et l’autre a bien été respectée? « La frontière entre leurs tâches partisanes et parlementaires » est « difficile à établir », concède le rapport.

La pratique était-elle courante?

Le MoDem n’est pas le seul visé par des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen: des enquêtes similaires ont été ouvertes contre La France Insoumise (LFI) et le Rassemblement national (ex-FN), dans laquelle une vingtaine de personnes, dont Marine Le Pen, ont été mises en examen.

Dans l’enquête la plus avancée, celle sur le FN, le préjudice a été estimé par Bruxelles à sept millions d’euros pour la période 2009-2017. Les enquêteurs, qui ont pointé « l’absence totale ou quasi-totale de travail » pour l’UE, soupçonnent le parti d’avoir mis en place un « système » frauduleux, de façon « concertée et délibérée ».

Que risquent les mis en cause?

Le « détournement de fonds publics », infraction la plus grave parmi celles retenues par les enquêteurs, est en théorie passible de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende se chiffrant en millions d’euros.

Le danger pour le MoDem est cependant d’abord de nature politique. L’affaire a déjà coûté en 2017 leurs postes de ministres à François Bayrou (Justice), Marielle de Sarnez (Affaires européennes) et Sylvie Goulard (Armées). Avec ces mises en examen, c’est l’ensemble du parti qui se trouve fragilisé à quelques semaines des municipales.

Algérie: la Kabylie frondeuse veut « zéro vote » à la présidentielle contestée

A Tizi Ouzou, en Kabylie, région frondeuse à l’est d’Alger, la campagne contre la présidentielle de jeudi, massivement rejetée dans toute l’Algérie, bat son plein. En ville, les affiches électorales ont laissé place à… des briques, devenues le symbole de l’opposition au scrutin.

Des appels à une grève générale –largement suivie– ornent en outre les murs de la ville, signe de la mobilisation contre la présidentielle dans cette région berbérophone, historiquement opposée au pouvoir et où la participation aux élections est traditionnellement faible.

« La grève est un coup de force contre l’élection. Nous voulons zéro vote ici », explique Amar Benchikoune, 38 ans, assis devant son magasin fermé.

Au premier jour de cette grève, dimanche, toutes les activités étaient bloquées à Tizi Ouzou, à l’exception des pharmacies.

« Ici, il n’y a aucune chance qu’un seul électeur glisse un bulletin dans l’urne. D’ailleurs, il n’y a pas d’urnes ni de bureaux de vote », s’amuse Boudjemaâ Lakhdari, un commerçant de 36 ans, au milieu de centaines de manifestants rassemblés devant le siège de la daïra (sous-préfecture).

– Candidats aux abonnés absents –

Depuis le début de la campagne électorale le 17 novembre, des manifestants ont muré la quasi-totalité des 21 sous-préfectures du département de Tizi Ouzou, qu’ils soupçonnent d’abriter le matériel électoral (urnes, bulletins).

« Ils veulent organiser le vote en catimini mais nous ne les laisserons pas faire », glisse Mokrane, 29 ans.

Durant les trois semaines de campagne, qui s’est terminée dimanche, aucun des cinq candidats en lice ne s’est hasardé à Tizi Ouzou ou Béjaia, l’autre grande ville de Kabylie.

Dimanche, à quelques centaines de mètres de la sous-préfecture, où d’importants renforts de police équipés de casques et de boucliers étaient déployés, des dizaines de jeunes munis de briques et sacs de ciment se sont avancés, en file indienne, vers l’entrée du bâtiment.

Sous l’effet d’une foule de plus en plus compacte, les policiers, qui avaient réussi à la contenir pendant trois heures, se sont finalement retirés sous des clameurs de joie.

« Algérie libre et démocratique », ont scandé les manifestants après avoir élevé un mur de briques entre les montants de la porte d’entrée. Au-dessus, un groupe avait peint l’inscription « Ulac L’vot Ulac » (Pas de vote).

Ils arboraient drapeaux algériens mais aussi amazigh (berbère). Cet emblème a été interdit par l’armée dans les manifestations du « Hirak », le mouvement massif de contestation du régime qui agite toute l’Algérie depuis le 22 février, et s’oppose à la tenue de la présidentielle.

– La brique comme bulletin –

Avec la campagne antivote, la brique est devenue l’objet fétiche des habitants de la région. Sur Facebook, nombreux sont ceux qui mettent en guise de photo de profil une brique avec l’inscription « bulletin de vote ».

« C’est notre façon d’exprimer notre rejet total du scrutin », explique Ouerdia, 55 ans, retraitée de l’Education.

« Nous sommes ici pour réaffirmer (ce) rejet (…), mais d’une manière pacifique », lance Massinissa Houfel devant une foule en délire. « Nous ne voulons plus revivre les tragédies du passé ».

Une allusion aux émeutes sanglantes du « Printemps noir » de 2001, quand la Kabylie, qui s’apprêtait à célébrer le 21e anniversaire du soulèvement pour la reconnaissance de l’identité berbère, se révoltait une nouvelle fois après la mort d’un lycéen dans une gendarmerie.

Ces émeutes avait fait 126 morts et des milliers de blessés.

Un quart de la population algérienne, soit quelque 10 millions de personnes, est berbérophone, concentrée majoritairement en Kabylie (nord), et les revendications liées à l’identité amazighe ont été longtemps niées voire réprimées par l’Etat, construit autour de l’arabité.

Le jeune juriste de 29 ans se dit « choqué » de la présence dans la course à la présidence de candidats comme Ali Benflis –Premier ministre lors de la répression en 2001– et de l’autre ancien chef du gouvernement Abdelmadjid Tebboune, qui ont travaille sous l’autorité directe du président déchu Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission en avril.

« Il n’y aura pas de vote. Le pouvoir doit d’abord libérer les prisonniers d’opinion », jure M. Houfel, en référence à la centaine de manifestants, militants et journalistes arrêtés, placées en détention provisoire ou condamnées, selon les organisations de défense des droits humains.

Alberto Fernandez, le modéré et discret président argentin

Alberto Fernandez, qui doit être investi mardi président d’Argentine, est un péroniste de centre-gauche, connu pour sa discrétion et sa modération, tout le contraire de sa vice-présidente, la volcanique Cristina Kirchner.

M. Fernandez a remporté l’élection présidentielle d’octobre dès le premier tour face au président sortant, le libéral Mauricio Macri, qui briguait un second mandat. Alberto Fernandez a bénéficié de la réunification de l’opposition péroniste pour empêcher la réélection de M. Macri. L’ex-présidente Kirchner, 66 ans, consciente des passions qu’elle provoque, avait en effet préféré céder la place à son ancien directeur de cabinet.

La sénatrice de centre-gauche depuis 2017 et deux fois présidente entre 2007 et 2015 se contente en effet de la vice-présidence, après avoir elle-même lancé la candidature de M. Fernandez.

Propulsé sur le devant de la scène, cet avocat de 60 ans avait écrasé les autres candidats lors des primaires d’août — sorte de répétition générale du scrutin présidentiel — en obtenant 48% des voix, loin devant M. Macri.

Un résultat surprenant pour celui qui n’avait eu auparavant qu’une seule occasion de se frotter aux urnes: en 2000, lors des législatives à Buenos Aires.

Le poulain de l’ancienne cheffe de l’Etat a toutefois montré qu’il pouvait prendre ses distances, comme durant la première année de mandat de Mme Kirchner, lorsqu’il avait multiplié les déclarations blessantes en plein affrontement entre l’ex-présidente, les propriétaires terriens et les grands médias. Il avait finalement démissionné.

– « Libéral, progressiste, péroniste » –

Un épisode désormais perçu comme une preuve d’indépendance pour ceux qui le voyaient comme une marionnette de Cristina Kirchner.

« Fernandez a tenu bon face à Cristina Kirchner en 2008 (…) Elle n’a pas pu le contrôler, elle pourra encore moins à présent », à son poste de vice-présidente, estimait peu avant l’élection le politologue Raul Aragon.

La veuve de l’ancien président Nestor Kirchner (2003-2007), disparu en 2010, avec qui elle formait un couple inséparable à la ville comme sur la scène politique, est une farouche rivale de M. Macri, allant jusqu’à refuser de participer à sa cérémonie d’investiture.

Le député Daniel Filmus, qui fut ministre de l’Education de Nestor Kirchner, décrit Alberto Fernandez comme une personne avec qui on peut « discuter, échanger sur de nombreux sujets ».

Un homme qui « en différentes circonstances a prouvé qu’il pouvait travailler en osmose avec des acteurs aux profils variés, aux idées très différentes pour donner lieu à des politiques à moyen et long terme », estime-t-il.

Ses détracteurs, en revanche, le perçoivent comme un caméléon, qui fréquente aussi bien les secteurs ultra-libéraux que les populistes de gauche comme les Kirchner.

M. Fernandez, lui, se dit « libéral de gauche, libéral progressiste ».

« Je crois aux libertés individuelles et je crois à l’Etat qui doit être présent lorsque le marché l’exige. Je suis un péroniste. Je fais pousser la branche du libéralisme progressiste péroniste », affirme l’homme à la moustache grise.

– « Aucune raison d’être nerveux » –

Avant son investiture, il a rendu visite à divers responsables de la gauche latino-américaine: le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, alors emprisonné, l’Uruguayen José « Pepe » Mujica et le Bolivien Evo Morales avant qu’il ne soit chassé du pouvoir.

Dans la dernière ligne droite de la campagne, il s’est aussi efforcé de rassurer les marchés, inquiets de la profonde crise économique que traverse le pays et des mesures qu’il pourrait prendre à la tête du pays.

D’abord critique envers le FMI, qui a octroyé un prêt de 57 milliards de dollars à l’Argentine, il s’est ensuite voulu rassurant avec les Argentins : « Nous allons veiller sur votre épargne, nous allons prendre soin de vos dépôts en dollars à la banque. Vous n’avez aucune raison d’être nerveux ».

Parmi ses déclarations les plus polémiques, il a remis en question les poursuites judiciaires à l’encontre de Cristina Kirchner, visée par plusieurs enquêtes pour corruption, estimant que « la justice ne fonctionnait pas bien ».

Alberto Fernandez a également créé la controverse avec ses déclarations sur le Venezuela, un pays selon lui qui n’est pas une dictature mais un « gouvernement autoritaire ».

Professeur de droit depuis 30 ans à l’université de Buenos Aires, ce fan de foot et de rock est très discret sur sa vie privée. Il a un fils unique de 24 ans et vit en couple avec l’actrice Fabiola Yañez.

Johnson et Corbyn jouent leur va-tout avant des élections cruciales pour le Brexit

A quelques heures d’élections cruciales pour le Brexit, le Premier ministre britannique Boris Johnson et son adversaire travailliste Jeremy Corbyn ont joué mercredi leurs dernières cartes pour remporter un scrutin qui s’annonce serré selon les derniers sondages.

Au terme d’une campagne où il aura préparé des doughnuts, changé une roue de Formule 1 et pulvérisé un faux mur symbolisant « l’impasse » du Brexit à l’aide d’un bulldozer, le dirigeant conservateur a débuté sa journée en livrant des bouteilles de lait à Guiseley dans le Yorkshire (nord de l’Angleterre), à la surprise du couple qui lui a ouvert la porte.

Il a ensuite préparé une tourte au boeuf et à la bière, qu’il a comparée à l’accord de Brexit négocié avec l’Union européenne mais qui n’a pas été voté au parlement, faute de majorité. M. Johnson compte « réchauffer » et resservir le texte aux députés, s’il gagne.

« On le met au four, on claque la porte, on le sort, et voilà, on a fait le Brexit! », a déclaré Boris Johnson.

Arrivé au pouvoir fin juillet avec la promesse de sortir son pays de l’Union européenne, l’ancien maire de Londres consacre ses derniers déplacements au nord et au centre de l’Angleterre et au pays de Galles, régions traditionnellement acquises au Labour mais favorables au Brexit.

Il a convoqué ces élections avec l’espoir d’obtenir une majorité absolue lui permettant de sortir le processus de l’impasse et de tourner la page de cette saga qui divise profondément son pays depuis le référendum de 2016, remporté à 52% par le « leave ».

– « Mirages » –

Son adversaire Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste, a lui rassemblé ses troupes avant l’aube à Glasgow, en Ecosse, où il espère battre les indépendantistes du SNP. Il a promis « espoir » et « sécurité » aux électeurs et attaqué Boris Johnson sur son manque de sincérité, l’accusant de « faire des promesses qui se transforment en mirages le lendemain ».

Face à la récente progression du Labour dans les sondages, Boris Johnson fait planer le « véritable risque » d’un Parlement sans majorité, qui prolongerait la crise politique.

« Nous nous battons pour chaque vote », a-t-il déclaré mercredi.

Le dernier sondage de la campagne publié par l’institut YouGov donne son Parti conservateur en tête des intentions de vote avec 339 sièges sur 650. C’est 20 députés de moins que lors des précédentes projections de YouGov, le 28 novembre, mais 22 de plus que par rapport au précédent scrutin de 2017.

Selon l’institut, un tel résultat constituerait « la meilleure performance des conservateurs depuis 1987 », sous Margaret Thatcher. Mais la marge d’erreur, l’impact d’un éventuel vote utile et la récente tendance en faveur du Labour peuvent encore conduire à un Parlement sans majorité.

– « Mouchoir de poche » –

Le sondage YouGov laisse penser que les Tories sont parvenus à séduire les électeurs frustrés de ne pas avoir vu se réaliser leur vote en faveur du Brexit, au détriment du parti du Brexit, partisan d’une rupture nette avec l’UE.

De son côté, le Labour, favorable à un nouveau référendum laissant le choix entre un nouvel accord de Brexit et un maintien dans l’UE, semble avoir séduit des électeurs qui auraient pu se tourner vers le Parti libéral démocrate, qui promet de renoncer purement et simplement à la sortie.

Les conservateurs et les travaillistes promettent tous deux des changements radicaux: Boris Johnson s’engage à faire sortir le Royaume-Uni de l’UE d’ici fin janvier, après trois reports.

Le très à gauche leader travailliste Jeremy Corbyn promet une « révolution industrielle verte » et des milliards pour les services publics, notamment de santé, qui souffrent des conséquences d’années d’austérité.

Sur le Brexit, il compte organiser un nouveau référendum mais rester « neutre », une posture critiquée pour son manque de clarté.

« Tout le monde pense que tout sera terminé si les conservateurs gagnent, mais ce n’est pas le cas, ça va durer encore des années », soupire Judy Wilkinson, électrice rencontrée par l’AFP à Londres. « Tout le monde va en souffrir. Il y aura toujours des sans-abri et le changement climatique a tout simplement été oublié », alors que « c’est le problème le plus important auquel on doit faire face ».

Même s’il est « contre le Brexit », Steve Banham estime qu’il faut accepter le résultat du référendum de 2016. Il votera conservateur, « parce qu’on a besoin d’aller de l’avant et que les entreprises ont besoin de clarté ».

Le Graët: « Quasiment » aucune chance d’organiser Algérie-France en 2020

Il n’y a « quasiment » aucune chance que le projet très symbolique de match amical Algérie-France aboutisse en 2020 pour des questions de calendrier, a annoncé mardi le président de la Fédération française de football Noël Le Graët à l’AFP, assurant néanmoins garder la ferme volonté de le concrétiser.

La possibilité de voir le projet aboutir est-elle exclue pour l’an prochain ? « En 2020, quasiment. Quand je vois le calendrier, entre les matches de qualifications, l’Euro, la Ligue des nations, c’est très compliqué, pour eux comme pour nous. (…) Il y a une élection présidentielle importante là-bas (le 12 décembre). Mais il faut qu’on y arrive », a lancé le dirigeant auprès de l’AFP.

« En tout cas, (ce ne sera) pas au premier semestre », avait-il déclaré un peu plus tôt en conférence de presse après l’annonce de la prolongation de contrat du sélectionneur Didier Deschamps jusqu’en 2022, assurant toutefois: « Ma volonté reste ferme. »

Hautement symbolique en raison de l’histoire commune aux deux pays, la seule rencontre France-Algérie a eu lieu en octobre 2001. Le match avait été interrompu après l’envahissement du terrain par des supporters algériens alors que le score était de 4-1 pour la France.

Noël Le Graët a toutefois réaffirmé qu’il rêvait de pouvoir organiser dans un avenir proche un duel entre les champions du monde 2018 et les champions d’Afrique 2019.

« On a l’impression que la France ne pourra jamais rencontrer l’Algérie, mais moi j’ai tellement envie. Ce sont les deux seuls pays pratiquement qui ne peuvent pas se rencontrer, alors qu’il y a un attachement », a-t-il souligné, rappelant les liens historiques et culturels entre les deux pays.

Le président de la FFF a précisé qu’il comptait se rendre en Algérie « fin janvier, début février pour bavarder », tout en restant attentif au « contexte politique là-bas qui doit se stabiliser » à deux jours de la présidentielle du 12 décembre.

Budget Sécu 2020: les principales mesures au vote du Parlement mardi

Réindexation d’une part des retraites sur l’inflation, indemnisation du congé proche aidant, expérimentation du cannabis thérapeutique… le Parlement s’apprête à adopter définitivement mardi le projet de budget 2020 de la Sécurité sociale. En voici les principales dispositions:

Retraités et prestations sociales

Conformément à l’engagement d’Emmanuel Macron à la suite de la crise des « gilets jaunes », les retraites de moins de 2.000 euros (14 millions de retraités, les trois quarts) seront réindexées sur l’inflation, tandis que le minimum de pension garanti pour une carrière complète sera porté à 1.000 euros par mois.

Comme l’an dernier, la plupart des autres prestations sociales, dont les allocations familiales, ne seront revalorisées que de 0,3%, bien en deçà de l’inflation.

Congé proche aidant indemnisé

Création d’un congé indemnisé de trois mois fractionnable pour les aidants soutenant un proche âgé, malade ou handicapé, de 43 euros par jour pour une personne aidante en couple à 52 euros pour une personne isolée. Un montant similaire à ce que prévoit le congé pour un enfant malade.

La mesure entrera en vigueur en octobre 2020 et coûtera 100 millions d’euros en année pleine.

Ehpad

Comme prévu par la feuille de route présentée en mai 2018, les recrutements vont s’intensifier dans les maisons de retraites médicalisées. Un plan de soutien à la rénovation de ces structures sera amorcé avec une enveloppe de 130 millions d’euros l’an prochain.

Maternité

Pour les femmes habitant à plus de 45 minutes d’une maternité, un forfait de transport et d’hébergement hôtelier ou hospitalier sera pris en charge quelques jours avant le terme, de manière à leur offrir une offre périnatale sécurisée.

Quelque 60.000 femmes pourraient être concernées pour cette mesure chiffrée à 10 millions d’euros la première année et vouée à monter en charge.

Certificats et sport

Suppression de l’obligation de fournir un certificat médical lors d’une inscription à une activité sportive pour les mineurs.

Ce document sera remplacé par une déclaration sur l’honneur, remplie par les parents. Quelque six millions de consultations médicales pourraient ainsi être évitées.

Cancer

Création d’un parcours de soins, remboursé par la Sécu, pour l’accompagnement des patients après un cancer. Une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue pour la première année de mise en œuvre, les établissements de soins devant composer le forfait en fonction des offres qu’ils souhaitent proposer.

Quelque 175.000 personnes (70% des 250.000 patients potentiellement concernées par la mesure) pourraient avoir recours chaque année à ce nouveau parcours de soin.

Pensions alimentaires

Mise en place à partir de juin 2020 d’un nouveau « service public de versement des pensions alimentaires » à destination des parents séparés afin d’éviter les impayés, les caisses d’allocations familiales jouant le rôle d’intermédiaire.

Ce service, qui pourrait concerner quelque 100.000 familles monoparentales d’ici la mi-2021, vise aussi à augmenter le taux de recours à l' »allocation de soutien familial » de 115,64 euros par mois et par enfant versée par la CAF aux victimes de mauvais payeurs.

La mesure coûtera plus de 40 millions d’euros en 2020, une somme qui pourrait atteindre 120 millions par an à partir de 2022, notamment pour renforcer les effectifs des Caf.

Victimes de pesticides

Création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides pour mieux dédommager les exploitants agricoles, mais aussi les enfants nés malades en raison d’une exposition de leurs parents.

Ces dépenses (53 millions d’ici à 2022) seront notamment financées par un relèvement progressif de la taxe sur les ventes de pesticides.

Pénurie de médicaments et transparence

Pour lutter contre les pénuries de médicaments, de plus en plus fréquentes, les industriels seront soumis à des sanctions renforcées, en cas de défaut de constitution d’un stock de sécurité et en cas de défaut d’information à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Les laboratoires pharmaceutiques devront rendre publics les investissements publics de recherche et développement dont ils ont bénéficié lors du développement d’un médicament.

Urgences et visibilité budgétaire

Nouveau mode de financement des urgences, en répartissant notamment les dotations en fonction de la population sur le territoire concerné.

Les établissements de santé auront une visibilité à trois ans sur leurs ressources financières, dès la période 2020-2022.

Usage médical du cannabis

Expérimentation de l’usage médical du cannabis. Prévue pour deux ans, elle devrait concerner environ 3.000 patients dans plusieurs centres hospitaliers pour traiter des douleurs liées par exemple au cancer ou à la sclérose en plaques.

Taxes sur les alcools visant les jeunes

Taxe sur les « premix » (mélangeant alcool et boisson non alcoolisée très sucrée) à base de vin, pour dissuader la consommation des jeunes, coeur de cible de ce produit.

Ces produits de type « vinpops » (rosé pamplemousse, blanc pêche…), jusque-là exonérés, seront taxés de 3 euros par décilitre d’alcool pur, là où les autres « premix » sont taxés à 11 euros.

La Gambie ausculte son sombre passé, sans dissiper le fantôme de l’ancien dictateur Jammeh

Meurtres, tortures, exorcisme… La Gambie vient d’achever un an de douloureux et cathartique retour sur son histoire récente et les crimes imputés à l’ancien président Yahya Jammeh et son régime.

Cette conclusion n’est que provisoire. Le petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest devrait replonger début 2020 et pour une année supplémentaire dans les horreurs des années Jammeh quand une commission instaurée en 2017 après le départ de l’ex-dictateur reprendra ses auditions de témoins, victimes ou exécutants.

Jusqu’alors, la Commission vérité, réconciliation et réparations n’a pas entamé les convictions des nostalgiques de l’ancien autocrate qui, récemment, réclamaient son retour dans les rues de Banjul.

Officier arrivé à la tête de la Gambie par un coup d’Etat en 1994, Yahya Jammeh a dirigé pendant 22 ans un régime de féroce répression. Il a été contraint de s’exiler en Guinée Equatoriale en janvier 2017, cédant à une intervention militaire africaine après avoir rejeté sa défaite à la présidentielle face à l’opposant Adama Barrow.

La Commission vérité a été établie la même année. Mission: enquêter sur les violations des droits humains entre 1994 et 2016, favoriser la recherche de la justice et des réparations pour les victimes, oeuvrer à la réconciliation.

La Commission pourra recommander des poursuites. Elle ne pourra pas prononcer de condamnations.

Depuis que la Commission a ouvert ses auditions en janvier 2019, les Gambiens ont assisté au spectacle fascinant et éprouvant consistant à explorer le passé dans une salle impersonnelle au plafond bas et à l’éclairage artificiel.

En personne ou par vidéoconférence, 190 femmes ou hommes, notables ou anonymes, en costumes traditionnels ou en uniformes, ont répondu en anglais ou en langue locale aux questions dépassionnées mais sensibles et acérées du chef conseiller Essa M. Fall et de son adjointe Horeja Bala Gaye, traduites simultanément en langage des signes.

– Aveuglement –

Ils ont livré des témoignages accablants.

D’anciens membres d’un escadron de la mort personnel de l’ex-président (les « junglers ») ont reconnu avoir assassiné le journaliste Deyda Hydara, correspondant de l’AFP, plus de 50 migrants ouest-africains échoués sur une plage, ainsi que d’anciens compagnons de route de M. Jammeh soupçonnés de vouloir le renverser.

« Nous vouions une loyauté aveugle à Yahya Jammeh », a expliqué l’un d’eux, Amadou Badjie.

Une ancienne reine de beauté a rapporté en larmes comment l’ancien président l’avait violée pour lui faire payer d’avoir rejeté sa demande en mariage.

De mi-novembre jusqu’à début décembre, 44 témoins ont relaté une chasse aux sorcières menée en 2009. Un millier de personnes ont été enlevées, accusées de faits de sorcellerie, selon Amnesty International. On les a forcés à ingurgiter d’étranges décoctions, avec de graves conséquences sur leur santé, ont dit les témoins.

Les raisons n’en sont pas claires. Yahya Jammeh passe pour extrêmement superstitieux, et aurait cru que des sorciers avaient causé la mort de sa tante.

L’an prochain, la Commission s’intéressera au traitement à base d’herbes que Yahya Jammeh avait inventé contre le sida et qui aurait été administré de force à des patients.

Yahya Jammeh s’est fait discret en exil. Mais la Commission ne semble pas altérer le soutien dont il bénéficie parmi certains Gambiens.

– Jammeh, le retour ? –

Son parti, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC) avec laquelle il semble rester en contact, a réuni en novembre des milliers de sympathisants qui ont réclamé son retour.

La Commission relève de « la chasse aux sorcières », assène Yankuba Colley, un membre de l’APRC, elle cherche « juste à faire dire aux témoins que c’est Jammeh le responsable de ces crimes ».

Fabakary Tombong Jatta, le chef actuel de l’APRC, organise des réunions chez lui où le retour de l’ancien leader est sur toutes les lèvres. « Il a le droit de revenir (…) Ce n’est qu’une question de temps », prédit M. Jatta.

Le seul scénario possible, « c’est qu’il revienne comme simple citoyen, pas comme président », a répondu à l’AFP la présidence.

Le président actuel est lui-même à la croisée des chemins. Il avait promis de quitter son poste au bout de trois ans sans attendre la fin de son mandat de cinq ans. Mais cet engagement paraît sérieusement remis en cause.

D’autres demandent le retour de Yahya Jammeh, mais pour qu’il soit jugé.

La Commission est « vraiment en train de monter un dossier contre lui », dit Reed Brody, avocat pour l’ONG Human Rights Watch. L’attente générale, c’est que la Commission demande son extradition, dit-il.

Retraites: les pistes à l’étude pour éteindre le feu

Moins de deux jours : c’est le temps qu’il reste à l’exécutif pour trancher les points encore en suspens de sa réforme des retraites et tenter d’apaiser les craintes sans y renoncer. Tour d’horizon des pistes de sortie de crise à l’étude avant qu’Edouard Philippe ne dévoile « l’intégralité du projet » mercredi.

Pas d’économies immédiates

C’est la condition sine qua non pour garder le soutien de la CFDT, seul syndicat favorable à un régime universel.

Si le candidat Macron assurait que le « problème des retraites » n’était plus « financier », le président avait changé son fusil d’épaule ces derniers mois, exigeant que le futur « système universel » censé remplacer les 42 régimes existants soit « équilibré financièrement » dès son entrée en vigueur, à l’origine prévue pour 2025.

Mais cette date est désormais remise en cause, comme l’objectif d’économies associé.

La réforme ne doit pas comporter « immédiatement » de volet budgétaire, a ainsi déclaré jeudi le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

Pour combler un déficit compris entre 8 et 17 milliards à l’horizon 2025, selon le Conseil d’orientation des retraites, le gouvernement envisageait diverses mesures d’allongement de la durée du travail, au risque de toucher des personnes à moins de cinq ans de la retraite, censées être épargnées.

Lundi, le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye a estimé que la « mise en place progressive » d’un « âge d’équilibre » à 64 ans, assorti d’une décote/surcote, « paraît devoir être privilégiée ».

Retarder la réforme

Également remise en cause, l’application de la réforme à partir de la génération 1963, qui aura 62 ans en 2025.

Les cheminots de l’Unsa et de la CFDT demandent une mise en oeuvre pour les seuls nouveaux entrants à la SNCF.

Une « clause du grand-père » jugée « impossible » par M. Delevoye par souci d' »équité » envers les autres professions.

« Entre ces deux extrêmes, on doit pouvoir trouver le bon curseur », veut croire le Premier ministre, Édouard Philippe.

Dans leur édition de mardi, Les Echos, sans citer de source, évoquent un décalage de la réforme à la génération née en 1973, voire en 1975.

Lundi, M. Delevoye a esquissé un scénario en deux temps : « les jeunes générations pourraient commencer à s’affilier au système universel, si possible rapidement après la loi », tandis qu’une autre date de bascule serait fixée pour « la première génération concernée par l’intégration progressive » dans ce nouveau régime.

Du sur-mesure pour les régimes spéciaux…

Ferme sur la « disparition des régimes spéciaux », Édouard Philippe se montre toutefois ouvert à des « transitions progressives » pour éviter de « changer les règles en cours de partie ».

En ce qui concerne les cheminots, attachés notamment à leur droit à partir avant 62 ans, « cela semble acté, il va y avoir une clause du grand-père », croit savoir une source parlementaire LREM.

D’autres, comme les policiers, gendarmes, pompiers, surveillants pénitentiaires ou les contrôleurs aériens, ont déjà obtenu le maintien de leur droit à des départs anticipés à 57 voire 52 ans au titre de leurs « fonctions dangereuses ».

Un statu quo envié par d’autres, comme les chauffeurs routiers.

… Et pour les profs

De l’aveu même du gouvernement, les enseignants risquent d’être pénalisés par la réforme avec la fin du calcul de leurs retraites sur les six derniers mois de carrière.

Leurs pensions « ne baisseront pas », répète le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, promettant un effort « considérable » et « historique » pour améliorer leurs rémunérations.

A partir de « 2021 », il y aura « forcément une part d’augmentation de salaire et une part d’augmentation des primes dans des proportions qui restent à définir », a ajouté M. Blanquer, Gérald Darmanin évoquant quant à lui un coût compris entre « 400 et 500 millions d’euros ».

Lâcher les rênes

« La réforme butte sur un manque de confiance dans le politique en général », juge Frédéric Sève, négociateur de la CFDT, qui souhaite « que l’État renonce à gérer lui-même » le futur système et se tienne « à une distance raisonnable ».

« C’est un élément décisif pour rendre la réforme acceptable », insiste-t-il, mettant en avant le pilotage du régime complémentaire des salariés du privé, l’Agirc-Arrco, par les syndicats et le patronat: « gérer le système, on sait faire, ça ne pose pas de souci ».

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Un 3e militant assassiné en 10 jours en Irak, l’ONU accuse des « milices »

Un troisième militant anti-pouvoir a été assassiné en moins de dix jours en Irak, en proie à une révolte inédite marquée par des centaines de morts et de nombreux enlèvements imputés mercredi à des « milices » par l’ONU.

Dans un pays où les factions armées pro-Iran, désormais intégrées aux forces de sécurité, n’ont cessé de gagner en influence, la campagne d’intimidation visant manifestants et militants s’intensifie.

Jusqu’ici, l’Etat, qui fait face à un mouvement populaire réclamant la mise à bas du système et de tous ses politiciens et déjà endeuillé par plus de 450 morts et 25.000 blessés, assure ne pas pouvoir identifier ni arrêter les responsables de dizaines d’enlèvements et d’une récente tuerie à Bagdad.

Mercredi de nouveau, les proches d’un militant anti-pouvoir, Ali al-Lami, ont retrouvé le corps de ce père de cinq enfants de 49 ans, le crâne transpercé par plusieurs balles, tirées « par derrière », selon un ami, par « trois hommes ayant muni leurs pistolets de silencieux », selon des policiers.

Cet Irakien avait quitté il y a quelques jours sa ville de Kout, dans le sud, pour manifester avec ses enfants à Bagdad, et ne cessait d’appeler sur les réseaux sociaux les protestataires au « pacifisme ».

« Ce sont les milices du gouvernement corrompu qui l’ont tué », a accusé son ami proche Tayssir al-Atabi.

– « Climat de colère et de peur » –

Avant lui, Zahra Ali, 19 ans, qui distribuait des repas place Tahrir à Bagdad avec son père, était enlevée et retrouvée morte, torturée, quelques heures plus tard.

Et dimanche, dans la ville sainte chiite de Kerbala, au sud de Bagdad, Fahem al-Taï, un père de famille de 53 ans et figure de la contestation dans sa ville, était abattu par deux tireurs à moto alors qu’il rentrait chez lui.

Avec lui, un autre militant, était blessé par balles. Un troisième manifestant a, lui, été hospitalisé après que sa voiture a pris feu, visiblement à cause d’une charge explosive collée sous le véhicule, selon ses proches.

Depuis début octobre, plusieurs autres militants ont été retrouvés morts dans différentes villes du pays et des dizaines de manifestants et de militants ont été enlevés et retenus plus ou moins brièvement par des hommes armés et en uniformes que l’Etat assure ne pas pouvoir identifier.

Pour la mission de l’ONU en Irak toutefois, les coupables sont « des groupes que les gens appellent +milices+, +tierce partie non identifiée+, +factions armées+, +hors-la-loi+ et +saboteurs+ ».

Ils « sont responsables des assassinats et des enlèvements de manifestants », accuse-t-elle mercredi dans un rapport.

Dans ce « climat de colère et de peur », il faut, poursuit l’ONU, que « le gouvernement identifie ces groupes sans attendre et fasse rendre des comptes aux auteurs » de ces attaques.

– Blocage au Parlement –

Depuis la tuerie de vendredi soir près de Tahrir, le Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires pro-Iran créée pour combattre le groupe Etat islamique (EI) en 2014, est au coeur de toutes les attentions dans un pays où la mainmise de l’Iran ne cesse d’enfler.

Après ce massacre ayant fait 24 morts, dont quatre policiers, le chef du Hachd, désormais intégré à l’appareil sécuritaire de l’Etat, a ordonné à ses hommes de ne pas s’approcher des manifestants.

Les protestataires ont perçu cet appel comme un aveu de culpabilité.

Signe que le sujet est sensible, quatre ambassadeurs occidentaux qui avaient appelé à veiller à ce que cet ordre soit respecté ont été convoqués par Bagdad.

Malgré les violences et les menaces, les manifestations se sont poursuivies mercredi à Bagdad comme dans le sud du pays. Ils étaient des milliers à réclamer de nouveau « la chute du régime » et un renouvellement de la classe politique.

A Nassiriya, dans le sud, Hussein Husseinaoui, étudiant en pharmacie, a affirmé à l’AFP continuer à manifester malgré « les tueries barbares ». « On reste jusqu’à la victoire ».

Sur le plan politique, la commission des Lois du Parlement tentait parallèlement de « mettre la touche finale » à une loi électorale réformée, a indiqué l’Assemblée.

La séance parlementaire prévue à la mi-journée ne s’était toutefois toujours pas ouverte en fin d’après-midi, différents partis appelant à des modifications plus radicales que celles envisagées pour satisfaire la rue.

Total au tribunal jeudi, assigné par six ONG pour ses activités en Ouganda

Les ONG dénoncent des « menaces » pour la biodiversité, un « accaparement » des terres: le groupe Total, assigné en justice pour ses activités en Ouganda, a rendez-vous jeudi matin au tribunal à Nanterre.

Il s’agit de la première action en justice en France basée sur la loi relative au « devoir de vigilance » des multinationales, selon les deux ONG françaises et les quatre ougandaises qui ont assigné en référé (procédure d’urgence) le groupe pétrolier fin octobre.

Ces ONG estiment que le groupe ne respecte pas la loi dite du « Rana Plaza », du nom de l’immeuble qui s’est effondré en 2013 au Bangladesh, causant la mort de 1.138 ouvriers.

Cette loi votée en 2017 impose aux groupes d’établir un « plan de vigilance » destiné à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l’étranger.

Pour les ONG, le plan de Total publié en mars est trop parcellaire, en particulier ce qui concerne le projet « Tilenga » en Ouganda, opéré par Total aux côtés des compagnies chinoise CNOOC et britannique Tullow.

Il consiste à forer des puits de pétrole pour atteindre une production d’environ 200.000 barils par jour. Un projet associé EACOP prévoit la construction d’un oléoduc de plus d’un millier de kilomètres en Ouganda et en Tanzanie.

Un premier plan de réinstallation a touché près de 5.000 personnes et les ONG ont observé « des phénomènes de famine » et de « déscolarisation des enfants », explique Thomas Bart, militant de Survie qui a coordonné l’enquête sur le terrain.

Jeudi, deux Ougandais qui ont dû quitter leurs terres doivent témoigner devant le tribunal.

Par ailleurs, « Total va forer plus de 400 puits, majoritairement dans un parc naturel protégé [celui des Murchison Falls] qui est à la fois le plus vieux et le plus grand d’Ouganda », ajoute M. Bart.

Cette audience est « importante à deux titres »: « le juge peut contraindre Total à mieux prévenir les risques de violations et donc changer ses pratiques en Ouganda » et « il y a un enjeu d’une correcte application de la loi » de 2017, souligne Juliette Renaud des Amis de la Terre France.

Sollicité lundi, Total a renvoyé à son communiqué publié fin septembre, dans lequel le groupe dit avoir « conscience des impacts potentiels pour les populations locales (…) ».

« Total E&P Uganda et ses partenaires ont réalisé des évaluations détaillées des impacts sociétaux et environnementaux potentiels des projets » qui « ont permis de mettre en place les mesures afin d’éviter ces impacts ou de les minimiser », selon le groupe.

« Ces études d’impact ont été conduites dans le respect des standards nationaux et internationaux » et ont « nécessité la consultation de près de 70.000 personnes en Ouganda et en Tanzanie », affirme Total.

La décision sera mise en délibéré.

Guerre commerciale: après une brève accalmie, les Etats-Unis relancent la tempête

Après quelques mois d’apaisement sur le front commercial, le président américain Donald Trump a brutalement relancé les hostilités ces derniers jours, en visant à la fois sa cible favorite, la Chine, mais aussi des alliés comme l’Europe ou le Brésil.

Voici un tour d’horizon des différents conflits commerciaux ouverts par les Etats-Unis depuis près de deux ans.

– L’interminable feuilleton avec la Chine –

C’est un fil rouge du mandat de Donald Trump: les deux plus grandes économies au monde ont passé ces deux dernières années à batailler à grands coups de tarifs douaniers sur des centaines de milliards de dollars de produits.

Donald Trump mène cette guerre tarifaire pour obtenir notamment des autorités chinoises qu’elles mettent fin aux subventions massives d’Etat, au transfert forcé de technologies ou encore au vol de la propriété intellectuelle.

Prochaine échéance: le 15 décembre, date à laquelle de nouvelles taxes américaines doivent être mises en place.

En attendant, la perspective d’un accord commercial, qui a tiré les marchés vers le haut en novembre, a pris du plomb dans l’aile.

Le président américain assure désormais qu’il l’envisage toujours…après son éventuelle réélection en novembre 2020.

– L’UE, un allié bousculé-

Depuis son élection, Donald Trump ne cesse de brandir la menace de droits de douanes sur les importations européennes.

Si les automobiles, poumon de l’économie allemande, sont régulièrement ciblées mais pour l’instant épargnées, les produits français sont désormais davantage dans le collimateur du chef de l’Etat américain.

En cause, l’intention de Paris de mettre en place une taxe sur le numérique que Washington estime préjudiciable pour les entreprises américaines, et en particulier les « Gafa ».

Vins pétillants, fromages, produits de beauté et sacs à main pourraient donc être lourdement surtaxés – jusqu’à 100%, sur un montant de produits équivalant à 2,4 milliards de dollars – par les Etats-Unis.

Le ministre de l’Economie Bruno le Maire a d’ores et déjà prévenu que la France ne renoncera « jamais » à sa taxe et demandera à la Commission européenne une « riposte forte ».

Autre front: l’interminable conflit en cours à l’Organisaiton mondiale du commerce à propos d’Airbus et Boeing, Européens et Américains s’accusant réciproquement d’aides publiques illégales. Les Etats-Unis ont été autorisés dans ce dossier en octobre par l’OMC à imposer des taxes sur près de 7,5 milliards de dollars de biens et services européens importés chaque année.

– Brésil et Argentine, les taxes surprises –

A première vue, le Brésil de Bolsonaro et l’Amérique de Trump ont tout pour être de solides alliées.

Mais le 2 octobre, le président américain a pris par surprise son homologue en imposant des droits de douane sur les importations brésiliennes d’acier et d’aluminium.

La même politique s’appliquera à l’Argentine qui comme le Brésil exporte la majorité de ces matières premières vers les Etats-Unis.

Donald Trump justifie cette décision par la nécessité de riposter à la baisse des devises de ces deux pays, et notamment le peso argentin qui dégringole en raison d’une grave crise financière.

– Equilibre précaire chez les voisins –

Des mois de tensions et de négociations ont été nécessaires pour que l’Accord Etats-Unis Mexique Canada (AEUMC), nouvelle mouture du traité Aléna, voie le jour.

Ce nouvel accord doit permettre aux trois pays de continuer d’échanger des milliards de biens et de services sans droits de douane.

L’équilibre reste toutefois précaire puisqu’il n’a pas encore reçu l’aval de la chambre basse du Congrès américain, où l’opposition démocrate est majoritaire. L’approbation est également toujours en cours au Canada.

Les relations entre le Mexique, le Canada et leur voisin restent en outre tumultueuses.

Donald Trump met régulièrement le Mexique sous pression pour le forcer à agir contre l’afflux de migrants clandestins aux Etats-Unis.

– Nouvelles querelles avec l’Inde –

Les différends commerciaux entre l’Inde et les Etats-Unis ne sont pas nouveaux et les deux pays se retrouvent souvent opposés au sein de l’OMC.

Cet été, Donald Trump a annoncé son souhait de mettre fin aux avantages commerciaux sur les importations de ce pays.

L’Inde bénéficiait de longue date du régime de préférences généralisées (GSP, Generalized System of Preferences) qui permettait un accès libre au marché américain. Or le président américain se plaignait de ne pas avoir la même contrepartie sur le marché indien.

En représailles, l’Inde a augmenté les barrières douanières sur 28 produits importés des États-Unis, dont des amandes, des pommes et des noix.

Israël: vers de nouvelles élections en mars, les troisièmes en un an

Les députés israéliens ont donné leur accord préliminaire mercredi à la dissolution du Parlement et la convocation de nouvelles élections en mars, les troisièmes en moins d’un an, qui s’annoncent comme un nouveau duel entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son rival Benny Gantz.

Les députés israéliens ont en théorie jusqu’à 23H59 (21H59 GMT) mercredi pour offrir une majorité inespérée aux deux rivaux, au coude-à-coude lors des élections d’avril puis de septembre et à chaque fois dans l’incapacité de rallier 61 élus sur les 120 du Parlement. En l’absence d’accord, cet hémicycle disparaîtra au 12e coup de minuit.

Mercredi matin, un comité parlementaire a proposé de précipiter les choses et de réunir les députés afin de voter directement la dissolution de la Knesset, le Parlement, pour convoquer de nouvelles élections le 2 mars prochain.

Dans la foulée, les députés ont tenu un vote préliminaire pour dissoudre le Parlement et tenir des élections à cette date, juste avant les fêtes juives de Pourim.

Ce projet doit faire l’objet d’autres votes en journée, mais réduit d’emblée les chances d’arracher un accord de dernière minute pour la formation d’un gouvernement d’union, MM. Netanyahu et Gantz étant incapables de s’entendre pour partager le pouvoir.

Des affaires judiciaires sont au coeur de ce différend. Premier ministre le plus longtemps en poste de l’histoire d’Israël -13 ans, dont la dernière décennie sans discontinuer-, M. Netanyahu, 70 ans, a été inculpé fin novembre pour corruption, abus de confiance et malversations dans une série d’affaires.

Certains de ses proches, dont son avocat, doivent aussi être mis en examen pour blanchiment d’argent, pour l’achat de sous-marins à la société allemande ThyssenKrupp.

– Coup de Poker? –

M. Netanyahu souhaitait diriger en premier un éventuel gouvernement d’union, dans l’espoir notamment d’obtenir une immunité judiciaire, ce que M. Gantz refusait, estimant que son rival devait régler ses démêlés avec la justice avant de reprendre le poste de Premier ministre.

Entre les deux rivaux, se tient le nationaliste Avigdor Lieberman, chef de la formation Israel Beitenou, la seule qui restait encore non-alignée et dont le soutien à MM. Netanyahu ou Gantz pourrait suffire à décrocher une majorité et éviter de nouvelles élections.

« Une valeur clé pour moi est l’amitié. C’est une chose qui vous est totalement étrangère », a commenté M. Lieberman à l’endroit de M. Netanyahu, dont il fut jadis proche.

Malgré cette critique le « faiseur de roi » Lieberman n’a pas joué son atout ces derniers mois, menant ainsi Israël à de nouvelles élections, au grand désarroi d’une partie de la population et d’une partie des médias qui ironisent déjà sur la date de la… 4e élection.

En cas de nouveau scrutin, les derniers sondages, diffusés cette semaine par la chaîne Kan, placent le Likoud de M. Netanyahu et la formation Kahol Lavan (« Bleu-Blanc », les couleurs du drapeau) de M. Gantz dans un mouchoir de poche.

– Primaires au Likoud? –

Confronté à une contestation au sein même de son camp, menée par le député Gideon Saar, Benjamin Netanyahu a ouvert la porte à des primaires pour désigner le chef du Likoud, tout en assurant qu’il remporterait un tel scrutin interne.

Pour faire mousser ses appuis, M. Netanyahu a déjà souligné l’importance selon lui d’aller de l’avant avec son projet d’annexer un pan stratégique de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé, et de parapher un traité de défense commune avec les Etats-Unis.

M. Netanyahu est réputé proche du président américain Donald Trump, qui a reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan, reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et récemment jugé que les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée n’étaient pas contraires au droit international.

D’où le propos du Premier ministre israélien selon lequel il serait le seul, à la faveur de ses relations avec l’administration Trump, à pouvoir faire avancer ces dossiers sensibles.

De son côté, le parti de Benny Gantz a en quelque sorte entériné la future candidature de l’ancien militaire pour le poste de Premier ministre.

Les statuts de la formation prévoient une alternance avec son associé Yair Lapid comme tête d’affiche des élections. Mais M. Lapid a déclaré lundi aux députés « bleu-blanc » qu’il laissait toute la place à M. Gantz dans ce remake à venir.

« L’important n’est ni la rotation, ni le siège, mais la guerre de libération, pour libérer le pays de la corruption », a-t-il déclaré, en donnant peut-être le ton à la joute en gestation.

Le ministre Bill Barr, bouclier de Trump et fer de lance conservateur

Sous son air patelin, le ministre américain de la Justice Bill Barr s’est imposé en dix mois au gouvernement comme l’un des plus solides défenseurs de Donald Trump et de la droite ultra-conservatrice.

Défense de la peine de mort, des institutions religieuses contre les minorités sexuelles, d’une lecture extensive des pouvoirs présidentiels… le juriste de 69 ans a affiché ces dernières semaines son mépris pour les valeurs des « prétendus progressistes ».

A son arrivée à la tête du ministère en février, cet homme calme, au ton bonhomme, jouissait d’une image assez lisse. Sa première expérience à ce poste, au début des années 1990, était perçue comme un gage de sérieux dans une administration qui compte de nombreux novices en politique.

Mais ce relatif consensus a volé en éclat et Bill Barr s’est vite retrouvé affublé du surnom d' »avocat du président » pour sa défense sans faille de Donald Trump.

Cette semaine encore, il n’a pas hésité à contredire sa propre administration pour soutenir une théorie développée par le milliardaire républicain.

Ce dernier répète en boucle que le FBI a ouvert une enquête sur de possibles liens entre Moscou et son équipe de campagne en 2016 pour des raisons politiques.

Lundi, l’inspecteur général du ministère de la Justice a conclu que la police fédérale avait de bonnes raisons d’initier ces investigations, et pas d’arrière-pensée politique.

Balayant son rapport, Bill Barr a jugé que le FBI avait fondé sa décision sur des bases « fragiles ». « Avec le recul », elles n’étaient « pas suffisantes », a-t-il martelé mardi, en évoquant une possible « mauvaise foi » de certains agents.

« En tant que leader d’une institution qui est censée être dévouée à la vérité, Barr doit arrêter de se comporter comme le porte-parole de Trump », a commenté l’ancien patron du FBI, James Comey.

– « Ordre moral » –

Pour ses partisans, ce natif de New York, diplômé de la prestigieuse université Columbia, ne défend pas Donald Trump, mais la fonction présidentielle.

En novembre à Washington, il a réconcilié les deux approches: « en lançant une guerre de la terre brûlée, sans aucune retenue, contre cette administration, la gauche s’est engagée dans une attaque systématique des normes et de l’Etat de Droit », a-t-il lancé devant un parterre de juristes conservateurs.

Jamais il n’a cité l’enquête en destitution ouverte par les démocrates contre Donald Trump, mais il a regretté que le président soit soumis à un « harcèlement constant ».

En octobre, un autre de ses discours a marqué les esprits.

Devant les étudiants d’une université catholique, Bill Barr a déploré un déclin des valeurs religieuses aux Etats-Unis. « La campagne pour détruire l’ordre moral traditionnel a coïncidé et, je pense, apporté d’immenses souffrances et misères », a assuré ce fervent catholique.

« Parmi les militants laïcs, il y a beaucoup de prétendus progressistes. Mais où est le progrès ? », a poursuivi le ministre, dont les services soutiennent régulièrement des institutions religieuses poursuivies en justice par des homosexuels.

– « Trop vieux » –

Début décembre, le ministre a provoqué un autre tollé en déclarant que les Américains devaient manifester davantage de « soutien et de respect » envers les forces de l’ordre. Sinon « ils risquent de se retrouver sans la protection de la police… »

Cette phrase a été perçue comme une menace voilée aux communautés afro-américaines qui s’élèvent contre les violences policières envers les Noirs. « La police est au service des communautés et pas l’inverse », a souligné la puissante association de défense des droits civiques ACLU.

Vendredi, la Cour suprême des Etats-Unis lui a infligé à son tour un revers, en refusant de le laisser outrepasser les vétos des tribunaux pour reprendre les exécutions fédérales, interrompues depuis 16 ans.

Ses discours et ses politiques en ont fait une bête noire de la gauche, mais Bill Barr semble inébranlable.

Mardi, dans un entretien avec le Wall Street Journal, il a suggéré une explication à son indifférence. Pour lui, il n’y a que deux moments dans la vie pour être ministre de la Justice: « quand on est trop jeune pour connaître le risque, ou quand on est trop vieux pour y prêter attention ».

Assistants parlementaires européens: que reproche-t-on au MoDem et à ses cadres?

De Michel Mercier à Sylvie Goulard, plusieurs cadres ou anciens élus Modem ont été mis en examen depuis la mi-novembre dans l’enquête sur les assistants parlementaires de députés européens.

Que reproche-t-on au MoDem?

Les juges du pôle financier du tribunal de Paris, qui enquêtent sur cette affaire depuis 2017, soupçonnent des collaborateurs d’eurodéputés MoDem d’avoir été rémunérés par des fonds du Parlement européen alors qu’ils étaient affectés à d’autres tâches pour le parti centriste.

L’enquête, ouverte pour « abus de confiance » et « détournement de fonds publics », porte sur la législature 2009-2014 mais aussi, dans une moindre mesure, sur les législatures précédentes. Dans le cas où ces accusations seraient fondées, cela correspondrait à un système d’emplois fictifs.

À ce stade, sept ex-eurodéputés MoDem se trouvent dans le viseur de la justice. Les enquêteurs s’intéressent aussi au rôle joué par les cadres financiers et responsables du parti, soupçonnés d’avoir organisé ce système de rémunération litigieuse.

« Des éléments laissent à penser » que le MoDem « aurait pu institutionnaliser, dans son mode de fonctionnement, l’utilisation des ressources du Parlement européen à son profit », estimaient ainsi les enquêteurs dans un rapport de synthèse de 2018 consulté par l’AFP.

Que dit le parti?

Le MoDem a toujours nié tout emploi fictif. Les assistants, qui travaillaient « à temps partiel » pour le parti, « étaient payés pour une fraction de temps par le Parlement européen et pour l’autre fraction du temps par notre mouvement », a insisté mercredi François Bayrou, estimant qu’il n’y avait rien « de répréhensible à ça ».

Face aux enquêteurs, plusieurs anciens assistants ont pourtant contesté la réalité du travail effectué pour le Parlement. Dans un livre, l’ancienne vice-présidente du MoDem Corinne Lepage a de son côté raconté que le parti avait « exigé » qu’un de ses assistants travaille pour le MoDem – ce qu’elle a refusé.

Des affirmations contestées par le parti centriste, qui a transmis à la justice des documents censés prouver la réalité du travail réalisé et qui attribue ces accusations à un règlement de comptes politique.

Quelles sont les règles en vigueur?

Les députés européens disposent d’une enveloppe mensuelle d’environ 25.000 euros pour rémunérer leurs assistants, tous statuts confondus. Les « accrédités » consacrent tout leur temps à Bruxelles ou Strasbourg. Les « locaux » doivent épauler le parlementaire dans son pays d’origine.

Pour encadrer l’octroi de ces enveloppes, la réglementation européenne prévoit depuis 2009 que les travaux des assistants soient « en lien avec l’Europe »: les députés doivent ainsi détailler, dans les contrats de travail de leurs collaborateurs, les tâches à accomplir.

Mais la rédaction des contrats peut être vague, ce qui rend les investigations délicates. Difficile dans ce contexte de « constater formellement la réalité ou non de l’accomplissement d’un travail », souligne le rapport de synthèse consulté par l’AFP.

Le cumul d’emplois à temps partiel pour le Parlement et le parti complique encore un peu plus la donne. Comment vérifier si la distinction entre l’un et l’autre a bien été respectée? « La frontière entre leurs tâches partisanes et parlementaires » est « difficile à établir », concède le rapport.

La pratique était-elle courante?

Le MoDem n’est pas le seul visé par des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen: des enquêtes similaires ont été ouvertes contre La France Insoumise (LFI) et le Rassemblement national (ex-FN), dans laquelle une vingtaine de personnes, dont Marine Le Pen, ont été mises en examen.

Dans l’enquête la plus avancée, celle sur le FN, le préjudice a été estimé par Bruxelles à sept millions d’euros pour la période 2009-2017. Les enquêteurs, qui ont pointé « l’absence totale ou quasi-totale de travail » pour l’UE, soupçonnent le parti d’avoir mis en place un « système » frauduleux, de façon « concertée et délibérée ».

Que risquent les mis en cause?

Le « détournement de fonds publics », infraction la plus grave parmi celles retenues par les enquêteurs, est en théorie passible de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende se chiffrant en millions d’euros.

Le danger pour le MoDem est cependant d’abord de nature politique. L’affaire a déjà coûté en 2017 leurs postes de ministres à François Bayrou (Justice), Marielle de Sarnez (Affaires européennes) et Sylvie Goulard (Armées). Avec ces mises en examen, c’est l’ensemble du parti qui se trouve fragilisé à quelques semaines des municipales.

Abiy Ahmed, Premier ministre pressé de changer l’Ethiopie

Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la Paix, Premier ministre d’un régime dont il est le pur produit, fils de modestes villageois devenu espion en chef, a initié de profonds changements en Ethiopie, suscitant espoirs et inimitiés.

Lors de la réception de son prix, mardi à Oslo, le jeune dirigeant a lancé un nouveau plaidoyer pour l’union à l’heure où son pays est déchiré par des violences communautaires et où la Corne de l’Afrique peine à avancer sur le chemin de la stabilité.

Depuis qu’il a pris les rênes du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique en avril 2018, le quadragénaire a secoué jusque dans ses fondations un régime ankylosé par plus de 25 ans d’exercice autoritaire du pouvoir et pesé sur les dynamiques de la Corne de l’Afrique.

Six mois à peine après son investiture, Abiy Ahmed, 43 ans, avait conclu la paix avec son voisin érythréen, fait relâcher des milliers de dissidents, s’était publiquement excusé des violences des forces de sécurité et avait accueilli à bras ouverts les membres de groupes exilés qualifiés de « terroristes » par ses prédécesseurs.

Plus récemment, il a développé son programme d’ouverture d’une économie largement contrôlée par l’Etat et pèse désormais de tout son poids pour que les élections législatives, qu’il promet inclusives, se tiennent en mai 2020.

Ce faisant, mettent en garde des analystes, le jeune dirigeant s’est placé dans une situation délicate: ses mesures phares sont trop radicales et trop soudaines pour la vieille garde de l’ancien régime et pas assez ambitieuses et rapides pour une jeunesse avide de changement.

Son ouverture a également libéré des ambitions territoriales locales et d’anciens différends intercommunautaires qui ont débouché sur des violences meurtrières dans de nombreuses régions du pays.

Les soutiens d’Abiy, eux, font confiance en son inépuisable ambition personnelle pour faire avancer le pays.

« J’ai toujours dit à mes amis: quand ce type va accéder au pouvoir, vous allez voir d’énormes changements en Ethiopie », confie un de ses proches, l’homme d’affaires Tareq Sabt.

En octobre, M. Abiy a publié un livre détaillant sa philosophie personnelle, nommée « Medemer », un terme amharique signifiant « synergie » et qu’il entend promouvoir pour unifier le pays.

« Il n’y a pas de +nous+ et +eux+ », a-t-il déclaré mardi sous le regard de la famille royale norvégienne. « Il n’y a qu’un +nous+ car +nous+ sommes tous liés par un destin commun d’amour, de pardon et de réconciliation ».

– Dormir sur le sol –

Né d’un père musulman et d’une mère chrétienne dans une petite commune du centre-ouest, Beshasha, Abiy Ahmed « a grandi en dormant sur le sol » dans une maison qui n’avait ni électricité, ni eau courante.

« Nous allions chercher l’eau à la rivière », a-t-il relaté lors d’un entretien accordé en septembre à la radio de grande écoute Sheger FM, ajoutant n’avoir découvert l’électricité et l’asphalte qu’après l’âge de 10 ans.

Adolescent, Abiy s’engage dans la lutte armée contre le régime du dictateur Mengistu Haile Mariam. Le jeune opérateur radio y apprend par nécessité la langue des Tigréens, le groupe ethnique largement majoritaire dans cette lutte qui formera le noyau dur du régime après la chute de Mengistu en 1991.

Il entame alors une ascension linéaire au sein de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF).

Il grimpe les échelons de l’armée pour obtenir le grade de lieutenant-colonel et sera en 2008 l’un des fondateurs de l’agence nationale du renseignement, qu’il dirigera de facto pendant deux ans. En 2010, il troque l’uniforme pour le costume d’homme politique. Il devient député du parti oromo membre de l’EPRDF, puis en 2015 ministre des Sciences et Technologies.

Fin 2015, un mouvement populaire de protestation antigouvernementale prend de l’ampleur au sein des deux principales communautés du pays, les Oromo et les Amhara.

Le mouvement, bien que violemment réprimé, finit par emporter le Premier ministre Hailemariam Desalegn, symbole d’une coalition incapable d’apporter des réponses aux aspirations de la jeunesse. Aux abois, l’EPRDF désigne Abiy Ahmed pour sauver la situation, faisant de lui le premier Oromo à occuper le poste de Premier ministre.

– Sauver la coalition –

Une fois au pouvoir, Abiy a multiplié les initiatives sur la scène régionale. Outre le spectaculaire rapprochement avec l’Erythrée, il a joué un important rôle de médiation au Soudan et au Soudan du Sud.

Quant à savoir si ces démarches seront finalement couronnées de succès, la question reste entière. Y compris sur le dossier érythréen, où les signes concrets du rapprochement se font encore attendre.

« Abiy a bien enregistré des succès en terme de politique étrangère mais il y a eu cette forme d’optimisme mal avisé venant de l’étranger selon lequel il peut transformer la Corne de l’Afrique », avance James Barnett, un spécialiste de l’Afrique de l’Est au sein du groupe de réflexion American Enterprise Institute. « La Corne est volatile. Je doute qu’un seul leader puisse défaire des décennies de défiance et de luttes d’influences ».

Son prochain véritable défi sera l’organisation d’élections libres et équitables, qui pourraient lui donner la légitimité des urnes.

Il lui faudra également espérer que les inimitiés suscitées par ses réformes, les violences communautaires et d’importants mouvements au sein de l’appareil sécuritaire ne le rattrapent pas.

En juin 2018, M. Abiy a été visé par une attaque à la grenade lors d’un rassemblement à Addis Abeba. Lors de son entretien à la radio Sheger, il confiait: « Il y a eu beaucoup de tentatives jusqu’à présent, mais la mort n’a pas voulu venir à moi ».

Abiy Ahmed, Premier ministre pressé de changer l’Ethiopie

Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la Paix, Premier ministre d’un régime dont il est le pur produit, fils de modestes villageois devenu espion en chef, a initié de profonds changements en Ethiopie, suscitant espoirs et inimitiés.

Lors de la réception de son prix, mardi à Oslo, le jeune dirigeant a lancé un nouveau plaidoyer pour l’union à l’heure où son pays est déchiré par des violences communautaires et où la Corne de l’Afrique peine à avancer sur le chemin de la stabilité.

Depuis qu’il a pris les rênes du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique en avril 2018, le quadragénaire a secoué jusque dans ses fondations un régime ankylosé par plus de 25 ans d’exercice autoritaire du pouvoir et pesé sur les dynamiques de la Corne de l’Afrique.

Six mois à peine après son investiture, Abiy Ahmed, 43 ans, avait conclu la paix avec son voisin érythréen, fait relâcher des milliers de dissidents, s’était publiquement excusé des violences des forces de sécurité et avait accueilli à bras ouverts les membres de groupes exilés qualifiés de « terroristes » par ses prédécesseurs.

Plus récemment, il a développé son programme d’ouverture d’une économie largement contrôlée par l’Etat et pèse désormais de tout son poids pour que les élections législatives, qu’il promet inclusives, se tiennent en mai 2020.

Ce faisant, mettent en garde des analystes, le jeune dirigeant s’est placé dans une situation délicate: ses mesures phares sont trop radicales et trop soudaines pour la vieille garde de l’ancien régime et pas assez ambitieuses et rapides pour une jeunesse avide de changement.

Son ouverture a également libéré des ambitions territoriales locales et d’anciens différends intercommunautaires qui ont débouché sur des violences meurtrières dans de nombreuses régions du pays.

Les soutiens d’Abiy, eux, font confiance en son inépuisable ambition personnelle pour faire avancer le pays.

« J’ai toujours dit à mes amis: quand ce type va accéder au pouvoir, vous allez voir d’énormes changements en Ethiopie », confie un de ses proches, l’homme d’affaires Tareq Sabt.

En octobre, M. Abiy a publié un livre détaillant sa philosophie personnelle, nommée « Medemer », un terme amharique signifiant « synergie » et qu’il entend promouvoir pour unifier le pays.

« Il n’y a pas de +nous+ et +eux+ », a-t-il déclaré mardi sous le regard de la famille royale norvégienne. « Il n’y a qu’un +nous+ car +nous+ sommes tous liés par un destin commun d’amour, de pardon et de réconciliation ».

– Dormir sur le sol –

Né d’un père musulman et d’une mère chrétienne dans une petite commune du centre-ouest, Beshasha, Abiy Ahmed « a grandi en dormant sur le sol » dans une maison qui n’avait ni électricité, ni eau courante.

« Nous allions chercher l’eau à la rivière », a-t-il relaté lors d’un entretien accordé en septembre à la radio de grande écoute Sheger FM, ajoutant n’avoir découvert l’électricité et l’asphalte qu’après l’âge de 10 ans.

Adolescent, Abiy s’engage dans la lutte armée contre le régime du dictateur Mengistu Haile Mariam. Le jeune opérateur radio y apprend par nécessité la langue des Tigréens, le groupe ethnique largement majoritaire dans cette lutte qui formera le noyau dur du régime après la chute de Mengistu en 1991.

Il entame alors une ascension linéaire au sein de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF).

Il grimpe les échelons de l’armée pour obtenir le grade de lieutenant-colonel et sera en 2008 l’un des fondateurs de l’agence nationale du renseignement, qu’il dirigera de facto pendant deux ans. En 2010, il troque l’uniforme pour le costume d’homme politique. Il devient député du parti oromo membre de l’EPRDF, puis en 2015 ministre des Sciences et Technologies.

Fin 2015, un mouvement populaire de protestation antigouvernementale prend de l’ampleur au sein des deux principales communautés du pays, les Oromo et les Amhara.

Le mouvement, bien que violemment réprimé, finit par emporter le Premier ministre Hailemariam Desalegn, symbole d’une coalition incapable d’apporter des réponses aux aspirations de la jeunesse. Aux abois, l’EPRDF désigne Abiy Ahmed pour sauver la situation, faisant de lui le premier Oromo à occuper le poste de Premier ministre.

– Sauver la coalition –

Une fois au pouvoir, Abiy a multiplié les initiatives sur la scène régionale. Outre le spectaculaire rapprochement avec l’Erythrée, il a joué un important rôle de médiation au Soudan et au Soudan du Sud.

Quant à savoir si ces démarches seront finalement couronnées de succès, la question reste entière. Y compris sur le dossier érythréen, où les signes concrets du rapprochement se font encore attendre.

« Abiy a bien enregistré des succès en terme de politique étrangère mais il y a eu cette forme d’optimisme mal avisé venant de l’étranger selon lequel il peut transformer la Corne de l’Afrique », avance James Barnett, un spécialiste de l’Afrique de l’Est au sein du groupe de réflexion American Enterprise Institute. « La Corne est volatile. Je doute qu’un seul leader puisse défaire des décennies de défiance et de luttes d’influences ».

Son prochain véritable défi sera l’organisation d’élections libres et équitables, qui pourraient lui donner la légitimité des urnes.

Il lui faudra également espérer que les inimitiés suscitées par ses réformes, les violences communautaires et d’importants mouvements au sein de l’appareil sécuritaire ne le rattrapent pas.

En juin 2018, M. Abiy a été visé par une attaque à la grenade lors d’un rassemblement à Addis Abeba. Lors de son entretien à la radio Sheger, il confiait: « Il y a eu beaucoup de tentatives jusqu’à présent, mais la mort n’a pas voulu venir à moi ».

Le ministre Bill Barr, bouclier de Trump et fer de lance conservateur

Sous son air patelin, le ministre américain de la Justice Bill Barr s’est imposé en dix mois au gouvernement comme l’un des plus solides défenseurs de Donald Trump et de la droite ultra-conservatrice.

Défense de la peine de mort, des institutions religieuses contre les minorités sexuelles, d’une lecture extensive des pouvoirs présidentiels… le juriste de 69 ans a affiché ces dernières semaines son mépris pour les valeurs des « prétendus progressistes ».

A son arrivée à la tête du ministère en février, cet homme calme, au ton bonhomme, jouissait d’une image assez lisse. Sa première expérience à ce poste, au début des années 1990, était perçue comme un gage de sérieux dans une administration qui compte de nombreux novices en politique.

Mais ce relatif consensus a volé en éclat et Bill Barr s’est vite retrouvé affublé du surnom d' »avocat du président » pour sa défense sans faille de Donald Trump.

Cette semaine encore, il n’a pas hésité à contredire sa propre administration pour soutenir une théorie développée par le milliardaire républicain.

Ce dernier répète en boucle que le FBI a ouvert une enquête sur de possibles liens entre Moscou et son équipe de campagne en 2016 pour des raisons politiques.

Lundi, l’inspecteur général du ministère de la Justice a conclu que la police fédérale avait de bonnes raisons d’initier ces investigations, et pas d’arrière-pensée politique.

Balayant son rapport, Bill Barr a jugé que le FBI avait fondé sa décision sur des bases « fragiles ». « Avec le recul », elles n’étaient « pas suffisantes », a-t-il martelé mardi, en évoquant une possible « mauvaise foi » de certains agents.

« En tant que leader d’une institution qui est censée être dévouée à la vérité, Barr doit arrêter de se comporter comme le porte-parole de Trump », a commenté l’ancien patron du FBI, James Comey.

– « Ordre moral » –

Pour ses partisans, ce natif de New York, diplômé de la prestigieuse université Columbia, ne défend pas Donald Trump, mais la fonction présidentielle.

En novembre à Washington, il a réconcilié les deux approches: « en lançant une guerre de la terre brûlée, sans aucune retenue, contre cette administration, la gauche s’est engagée dans une attaque systématique des normes et de l’Etat de Droit », a-t-il lancé devant un parterre de juristes conservateurs.

Jamais il n’a cité l’enquête en destitution ouverte par les démocrates contre Donald Trump, mais il a regretté que le président soit soumis à un « harcèlement constant ».

En octobre, un autre de ses discours a marqué les esprits.

Devant les étudiants d’une université catholique, Bill Barr a déploré un déclin des valeurs religieuses aux Etats-Unis. « La campagne pour détruire l’ordre moral traditionnel a coïncidé et, je pense, apporté d’immenses souffrances et misères », a assuré ce fervent catholique.

« Parmi les militants laïcs, il y a beaucoup de prétendus progressistes. Mais où est le progrès ? », a poursuivi le ministre, dont les services soutiennent régulièrement des institutions religieuses poursuivies en justice par des homosexuels.

– « Trop vieux » –

Début décembre, le ministre a provoqué un autre tollé en déclarant que les Américains devaient manifester davantage de « soutien et de respect » envers les forces de l’ordre. Sinon « ils risquent de se retrouver sans la protection de la police… »

Cette phrase a été perçue comme une menace voilée aux communautés afro-américaines qui s’élèvent contre les violences policières envers les Noirs. « La police est au service des communautés et pas l’inverse », a souligné la puissante association de défense des droits civiques ACLU.

Vendredi, la Cour suprême des Etats-Unis lui a infligé à son tour un revers, en refusant de le laisser outrepasser les vétos des tribunaux pour reprendre les exécutions fédérales, interrompues depuis 16 ans.

Ses discours et ses politiques en ont fait une bête noire de la gauche, mais Bill Barr semble inébranlable.

Mardi, dans un entretien avec le Wall Street Journal, il a suggéré une explication à son indifférence. Pour lui, il n’y a que deux moments dans la vie pour être ministre de la Justice: « quand on est trop jeune pour connaître le risque, ou quand on est trop vieux pour y prêter attention ».

Somalie: cinq morts dans une nouvelle attaque des shebab contre l’hôtel SYL

Cinq personnes ont été tuées – trois civils et deux membres des forces de sécurité – dans l’attaque perpétrée mardi soir par un commando des islamistes radicaux shebab contre un hôtel du centre de Mogadiscio, a indiqué mercredi la police somalienne.

L’attaque a débuté aux alentours de 19H00 (16H00 GMT): selon plusieurs témoins interrogés par l’AFP, les assaillants étaient vêtus d’uniformes de police, ce qui leur a permis d’approcher de l’hôtel sans éveiller les soupçons.

Ils ont alors ouvert le feu et fait usage de grenades, déclenchant la riposte armée des forces de sécurité affectées aux barrages routiers menant à la présidence somalienne voisine.

Après plusieurs heures de siège, la police somalienne est parvenue à neutraliser les deux derniers membres des shebab retranchés à l’intérieur de l’hôtel SYL, régulièrement fréquenté par des dignitaires et déjà pris pour cible par les shebab.

« Nos valeureuses forces de sécurité ont mis fin à l’attaque terroriste contre l’hôtel SYL, après avoir secouru plus de 80 personnes », a annoncé la police dans son communiqué.

« Le nombre de morts confirmé est de cinq, dont deux membres des forces de sécurité et trois civils », ajoute la police qui fait également état de 11 blessés légers parmi lesquels neuf civils.

Les « cinq » membres du commando shebab ont été tués, précise le communiqué. La police avait fait état d’un commando de quatre membres dans un premier temps.

Contrairement à un mode opératoire éprouvé, les shebab n’ont pas fait usage d’un véhicule piégé pour débuter leur attaque et tenter ainsi d’ouvrir une brèche dans le mur d’enceinte du bâtiment visé, a relevé un responsable policier, Suleyman Adan.

« Donc il semble que les assaillants aient changé de tactique. Il leur a été facile de se déguiser pour pénétrer dans une zone de premier plan » et très contrôlée, a-t-il estimé.

Le responsable a ajouté que les unités de police impliquées dans l’opération avaient tiré profit des portes de service et de secours e l’hôtel pour sortir et sécuriser un grand nombre de clients de l’hôtel qui était presque complet au moment des faits.

Peu après l’entrée en action de leur commando, les shebab avaient revendiqué l’attaque dans un communiqué, comme à leur habitude. Ils affirmaient « avoir mené une opération qui s’est déroulée comme planifiée », sans toutefois donner de précisions.

– « Par-dessus le mur » –

Plusieurs témoins ont décrit à l’AFP les scènes de panique au début de l’attaque.

« Trois de mes amis se trouvaient à l’intérieur de l’hôtel quand l’attaque a débuté mais rapidement, ils se sont échappés. L’un d’eux souffre d’une fracture après avoir sauté par-dessus le mur d’enceinte », a témoigné à l’AFP Ali Moalim Nur.

« Je me trouvais près de l’hôtel quand les coups de feu ont éclaté, nous avons réussi à faire rapidement demi-tour avec notre véhicule », a pour sa part décrit un autre témoin, Abdukadir Ahmed.

L’hôtel SYL est situé à proximité de l’enceinte ultra-sécurisée de la Villa Somalia, un complexe fortifié abritant la présidence somalienne et les bureaux du Premier ministre.

C’est la quatrième fois depuis 2015 qu’il est visé par une attaque des shebab.

En janvier 2015, une première attaque avait fait cinq victimes somaliennes alors que l’hôtel abritait les membres de la délégation turque préparant une visite à Mogadiscio du président Recep Tayyip Erdogan.

L’établissement avait une nouvelle fois été visé le 26 février 2016 par un attentat qui avait fait 14 victimes. Un camion et un autre véhicule piégés avaient alors explosé à quelques minutes d’intervalle à proximité de l’hôtel et d’un jardin public attenant très prisé des habitants de la ville, le Peace Garden.

Fin août 2016, un attentat à la voiture piégée avait partiellement détruit l’établissement et fait 15 morts.

Les shebab, qui ont prêté allégeance à Al-Qaïda, ont juré la perte du gouvernement somalien. Confrontés à la puissance de feu supérieure de la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom), déployée en 2007 en Somalie, ils ont été chassés de Mogadiscio en août 2011.

Ils ont ensuite perdu l’essentiel de leurs bastions mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales d’où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats-suicides, prenant régulièrement pour cible les hôtels et les restaurants les plus en vue de Mogadiscio.

Destitution: Donald Trump et l’affaire ukrainienne

Un échange téléphonique entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky s’est transformé en scandale d’Etat qui menace le président américain d’une destitution: retour sur les grandes dates de l’affaire ukrainienne.

– Début 2019: premières accusations –

L’avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, évoque sans les étayer des accusations de corruption contre le groupe gazier ukrainien Burisma, où Hunter Biden, fils de l’ancien vice-président démocrate Joe Biden, siège au conseil d’administration.

Au printemps, M. Trump charge M. Giuliani de convaincre le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky d’annoncer l’ouverture d’enquêtes anti-corruption, notamment contre Burisma, alors que Joe Biden se lance dans la course à la Maison Blanche.

– 10 juillet: première demande officielle –

L’ambassadeur américain auprès de l’Union européenne Gordon Sondland annonce à des responsables ukrainiens que Donald Trump recevra M. Zelensky à la Maison Blanche si Kiev annonce publiquement une enquête sur les Biden.

Deux participants à la discussion signalent à leur hiérarchie cette proposition « inappropriée ».

– 25 juillet: appel Trump/Zelensky –

Quelques jours après avoir gelé 400 millions de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, Donald Trump s’entretient par téléphone avec M. Zelensky. Il demande comme une « faveur » que Kiev enquête sur les Biden et les soupçons de corruption contre Burisma.

Un membre du Conseil de sécurité nationale, qui assiste à la conversation, signale un échange « inapproprié » aux services juridiques de l’instance.

– 12 août: le lanceur d’alerte –

Un laceur d’alerte, membre des services de renseignement, signale à sa hiérarchie l’appel entre les deux présidents. Il accuse Donald Trump d’avoir « sollicité l’ingérence » de l’Ukraine dans la campagne pour sa réélection en 2020.

Le signalement est bloqué par le directeur du renseignement américain, Joseph Maguire, après consultation avec la Maison Blanche et le ministère de la Justice, mais l’inspecteur général de services de renseignement, Michael Atkinson, décide d’informer le Congrès de l’existence du lanceur d’alerte.

– 28 août: le gel de l’aide rendu public –

La presse révèle le gel de l’aide militaire à l’Ukraine et des diplomates s’inquiètent d’une pression exercée par la Maison Blanche sur Kiev.

Pour les républicains, il n’y a pas de « donnant-donnant » puisque les Ukrainiens ignoraient le gel de l’aide. Mais selon une responsable du ministère américain de la Défense, l’ambassade ukrainienne à Washington s’était inquiétée d’une suspension de l’aide dès le 25 juillet.

L’administration Trump autorise le versement de l’aide militaire le 11 septembre.

– 24 septembre: enquête à la Chambre –

Après la révélation de l’existence du lanceur d’alerte, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, annonce l’ouverture d’une enquête en vue d’une procédure de destitution du président. Adam Schiff, patron de la commission du Renseignement à la Chambre, est chargé de diriger l’enquête.

M. Trump dénonce une « chasse aux sorcières » et la Maison Blanche publie le lendemain le contenu de la conversation Trump/Zelensky. A New York, les deux chefs d’Etat assurent qu’il n’y a eu aucune « pression ».

– 13-21 novembre: auditions publiques –

Après avoir entendu en octobre une dizaine de témoins à huis clos, la commission d’enquête débute les auditions publiques.

Gordon Sondland, affirmant avoir suivi les « ordres » de Donald Trump, confirme l’existence d’un « donnant-donnant »: une invitation du président Zelensky à la Maison Blanche contre l’annonce d’ouverture d’enquêtes par l’Ukraine.

Mais il admet avoir fait sa « propre déduction » en liant les deux affaires, le président Trump ne lui ayant « jamais dit directement que l’aide » militaire faisait partie du marché.

– 3 décembre: preuves « accablantes » –

Le rapport d’enquête affirme que la commission a rassemblé des « preuves accablantes » d’une « conduite inappropriée » de Donald Trump: celui-ci aurait « conditionné une invitation à la Maison Blanche et une aide militaire à l’Ukraine à l’annonce d’enquêtes favorables à sa campagne » et il aurait « entravé » les investigations des élus en interdisant à des membres de l’administration de collaborer.

– 4 décembre: l’avis des juristes –

La commission judiciaire de la Chambre, chargée de déterminer si les faits reprochés justifient une mise en accusation (« impeachment ») du président entend quatre juristes en séance publique.

– 10 décembre: deux chefs d’accusation –

Les démocrates annoncent retenir deux chefs d’accusation contre Donald Trump: abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès.

Argentine: Alberto Fernandez, nouveau président d’un pays en crise

Promettant « de remettre l’Argentine sur pied » après plus d’un an de récession, le péroniste de centre gauche Alberto Fernandez a été investi mardi à la tête d’un pays qui vit selon lui une « catastrophe sociale », avec une inflation galopante et des taux de chômage et de pauvreté en hausse.

Après avoir prêté serment devant le Parlement, il a reçu l’écharpe présidentielle des mains de son prédécesseur, le libéral Mauricio Macri, sous les vivats des élus de sa coalition et de ses partisans dans la rue.

Dans son premier discours de chef de l’Etat, Alberto Fernandez a appelé les Argentins à construire un « nouveau contrat social solidaire » et à « dépasser le mur de haine et de rancœur » qui divise le pays.

L’Argentine « a la volonté de payer » sa dette extérieure, mais n’a pas « les moyens de le faire », a-t-il prévenu, en appelant le Fonds monétaire international (FMI) à développer une relation « constructive ». « Pour payer, il faut avant tout de la croissance », a-t-il ajouté.

« Nous partageons pleinement vos objectifs de suivre des politiques qui visent à réduire la pauvreté et en faveur d’une croissance durable. Le FMI reste déterminé à aider votre gouvernement dans cette entreprise », a réagi sur Twitter la patronne du FMI Kristalina Georgieva.

Selon le nouveau président, le précédent gouvernement « a laissé le pays dans une situation de défaut virtuel », avec une dette publique totale de 315 milliards de dollars, soit près de 100% du PIB.

Le FMI a accordé en 2018 un prêt sur trois ans de 57 milliards de dollars à l’Argentine, mais M. Fernandez a décidé de renoncer à la dernière tranche, d’un montant de 11 milliards de dollars, afin de relancer l’activité au moment où le FMI estime que celle-ci devrait se contracter de 3,1% cette année.

– Partisans en liesse –

, un avocat de 60 ans connu pour sa discrétion et sa modération, est l’ancien chef de cabinet des ex-présidents Nestor Kirchner (2003-2007) et Cristina Kirchner (2007-2015) durant sa première année de mandat.

L’homme à l’éternelle moustache grise avait fini par claquer la porte sur fond de désaccords avec sa patronne d’alors. Un épisode perçu comme une preuve d’indépendance pour ceux craignant qu’il ne soit qu’une marionnette.

« Fernandez a tenu bon face à Cristina Kirchner en 2008 (…) Elle n’a pas pu le contrôler, elle pourra encore moins à présent », à son poste de vice-présidente, estimait peu avant l’élection le politologue Raul Aragon.

M. Fernandez a bénéficié de la réunification de l’opposition péroniste pour empêcher la réélection de M. Macri. Il aura pour vice-présidente Mme Kirchner, 66 ans, qui, consciente des passions qu’elle provoque, a préféré céder la première place.

Adorée ou détestée, l’ancienne présidente est mise en examen dans plusieurs affaires en cours d’instruction pour blanchiment, enrichissement personnel, détournements de fonds ou pour avoir reçu des pots-de-vin. Son immunité ne pourra lui être retirée qu’au terme d’une procédure devant le Parlement.

En fin de journée, M. Fernandez, qui a durement critiqué les poursuites contre Mme Kichner, a promis devant des milliers de ses partisans en liesse sur la place de Mai, de mettre en place un « système judiciaire qui cessera de servir les puissants en poursuivant les opposants ».

Sans un parti politique derrière lui et après plusieurs années éloigné de la politique, le principal défi du nouveau président sera de diriger un gouvernement de coalition « hétérogène », selon l’analyste Enrique Zuleta.

– Chute de la Bourse –

Martin Guzman, 37 ans, a été choisi pour le poste stratégique les Finances.

Collaborateur à l’université de Columbia de New York du prix Nobel d’Economie Joseph Stiglitz, M. Guzman a proposé un moratoire de deux ans sur le paiement des intérêts de la dette publique, via un accord avec les créanciers de l’Argentine et un rééchelonnement du remboursement du capital.

La Bourse de Buenos Aires a réagi à sa nomination avec une chute de 4,81% en clôture.

Le nouveau président prend ses fonctions alors que les voyants de l’économie argentine sont au rouge. Outre la chute du PIB, l’année devrait se terminer avec une inflation de 55% environ, un taux de pauvreté autour de 40%, le chômage à 10,4% et une dévaluation de la monnaie de près de 40%.

Malgré ce sombre panorama, M. Fernandez hérite d’un pays relativement apaisé, aura le Parlement de son côté et du temps devant lui avant la prochaine échéance de remboursement de la dette. « S’il joue à fond, il pourra faire une grande présidence », estime M. Zuleta.

Algérie: les étudiants défilent nombreux à 48 heures de la présidentielle

Plusieurs milliers d’étudiants ont manifesté comme chaque mardi à Alger contre la présidentielle du 12 décembre en Algérie, le dernier avant ce scrutin massivement rejeté par la contestation algérienne, a constaté un journaliste de l’AFP.

Le cortège a parcouru les principales artères du centre-ville pour rejoindre la Grande poste, bâtiment emblématique du coeur d’Alger et lieu de ralliement traditionnel du mouvement (« Hirak ») populaire de contestation du régime qui agite l’Algérie depuis le 22 février.

« Pas de vote avec les bandes mafieuses », ont scandé les étudiants, rejoints par de nombreux citoyens. Après avoir obtenu en avril la démission d’Abdelaziz Bouteflika, président depuis 20 ans, le « Hirak » réclame des institutions de transition pour réformer le régime et refuse que l’actuel pouvoir organise un scrutin pour élire un successeur à Bouteflika, estimant qu’il veut ainsi se régénérer.

Au milieu d’un fort déploiement policier, ils ont également réclamé « Un Etat civil et pas militaire », message au haut commandement de l’armée, pilier du régime incarné par le général Ahmed Gaïd Salah, qui assume ouvertement la réalité du pouvoir depuis le départ de M. Bouteflika.

« Bye, bye Gaïd Salah, cette année, il n’y aura pas de vote », ont-ils crié à l’adresse du chef d’état-major de l’armée.

De nombreux manifestants brandissaient des cartons rouges sur lesquels on pouvait lire en arabe « non au vote ». La foule a également dit « Bravo » et « merci » aux Algériens de l’étranger, qui ont massivement boudé le scrutin présidentiel, ouvert depuis samedi dans les représentations consulaires algériennes.

Les bureaux de vote à l’étranger restent quasi-vides et les rares votants essuient les insultes et quolibets d’opposants au scrutin, rassemblés devant plusieurs d’entre eux en France et dans d’autres pays du monde.

Les dirigeants actuels, issus de l’appareil mis en place par M. Bouteflika « ont réussi à imposer le vote mais nous n’allons pas baisser les bras », a expliqué à l’AFP Amar Boudjemaï, étudiant en électronique à Alger.

Pour Djazia, étudiante en biologie dans la même université, « cette ultime marche avant l’élection de jeudi est un message pour dire que nous n’allons pas reconnaître le futur président ».

La veille, des étudiants et des lycéens avaient été dispersés par la police dans le centre d’Alger, après avoir tenté de protester contre une marche de partisans de la présidentielle, rassemblés à proximité et scandant leur soutien à l’institution militaire.

Alberto Fernandez, le modéré et discret président argentin

Alberto Fernandez, qui doit être investi mardi président d’Argentine, est un péroniste de centre-gauche, connu pour sa discrétion et sa modération, tout le contraire de sa vice-présidente, la volcanique Cristina Kirchner.

M. Fernandez a remporté l’élection présidentielle d’octobre dès le premier tour face au président sortant, le libéral Mauricio Macri, qui briguait un second mandat. Alberto Fernandez a bénéficié de la réunification de l’opposition péroniste pour empêcher la réélection de M. Macri. L’ex-présidente Kirchner, 66 ans, consciente des passions qu’elle provoque, avait en effet préféré céder la place à son ancien directeur de cabinet.

La sénatrice de centre-gauche depuis 2017 et deux fois présidente entre 2007 et 2015 se contente en effet de la vice-présidence, après avoir elle-même lancé la candidature de M. Fernandez.

Propulsé sur le devant de la scène, cet avocat de 60 ans avait écrasé les autres candidats lors des primaires d’août — sorte de répétition générale du scrutin présidentiel — en obtenant 48% des voix, loin devant M. Macri.

Un résultat surprenant pour celui qui n’avait eu auparavant qu’une seule occasion de se frotter aux urnes: en 2000, lors des législatives à Buenos Aires.

Le poulain de l’ancienne cheffe de l’Etat a toutefois montré qu’il pouvait prendre ses distances, comme durant la première année de mandat de Mme Kirchner, lorsqu’il avait multiplié les déclarations blessantes en plein affrontement entre l’ex-présidente, les propriétaires terriens et les grands médias. Il avait finalement démissionné.

– « Libéral, progressiste, péroniste » –

Un épisode désormais perçu comme une preuve d’indépendance pour ceux qui le voyaient comme une marionnette de Cristina Kirchner.

« Fernandez a tenu bon face à Cristina Kirchner en 2008 (…) Elle n’a pas pu le contrôler, elle pourra encore moins à présent », à son poste de vice-présidente, estimait peu avant l’élection le politologue Raul Aragon.

La veuve de l’ancien président Nestor Kirchner (2003-2007), disparu en 2010, avec qui elle formait un couple inséparable à la ville comme sur la scène politique, est une farouche rivale de M. Macri, allant jusqu’à refuser de participer à sa cérémonie d’investiture.

Le député Daniel Filmus, qui fut ministre de l’Education de Nestor Kirchner, décrit Alberto Fernandez comme une personne avec qui on peut « discuter, échanger sur de nombreux sujets ».

Un homme qui « en différentes circonstances a prouvé qu’il pouvait travailler en osmose avec des acteurs aux profils variés, aux idées très différentes pour donner lieu à des politiques à moyen et long terme », estime-t-il.

Ses détracteurs, en revanche, le perçoivent comme un caméléon, qui fréquente aussi bien les secteurs ultra-libéraux que les populistes de gauche comme les Kirchner.

M. Fernandez, lui, se dit « libéral de gauche, libéral progressiste ».

« Je crois aux libertés individuelles et je crois à l’Etat qui doit être présent lorsque le marché l’exige. Je suis un péroniste. Je fais pousser la branche du libéralisme progressiste péroniste », affirme l’homme à la moustache grise.

– « Aucune raison d’être nerveux » –

Avant son investiture, il a rendu visite à divers responsables de la gauche latino-américaine: le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, alors emprisonné, l’Uruguayen José « Pepe » Mujica et le Bolivien Evo Morales avant qu’il ne soit chassé du pouvoir.

Dans la dernière ligne droite de la campagne, il s’est aussi efforcé de rassurer les marchés, inquiets de la profonde crise économique que traverse le pays et des mesures qu’il pourrait prendre à la tête du pays.

D’abord critique envers le FMI, qui a octroyé un prêt de 57 milliards de dollars à l’Argentine, il s’est ensuite voulu rassurant avec les Argentins : « Nous allons veiller sur votre épargne, nous allons prendre soin de vos dépôts en dollars à la banque. Vous n’avez aucune raison d’être nerveux ».

Parmi ses déclarations les plus polémiques, il a remis en question les poursuites judiciaires à l’encontre de Cristina Kirchner, visée par plusieurs enquêtes pour corruption, estimant que « la justice ne fonctionnait pas bien ».

Alberto Fernandez a également créé la controverse avec ses déclarations sur le Venezuela, un pays selon lui qui n’est pas une dictature mais un « gouvernement autoritaire ».

Professeur de droit depuis 30 ans à l’université de Buenos Aires, ce fan de foot et de rock est très discret sur sa vie privée. Il a un fils unique de 24 ans et vit en couple avec l’actrice Fabiola Yañez.

Nobel de la paix: l’Ethiopien Abiy plaide pour l’union contre la haine

« Pas de +nous+ et +eux+ »: le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a, en recevant son Nobel de la paix mardi, lancé un plaidoyer pour l’union à l’heure où son pays est déchiré par des violences ethniques et où ses efforts de réconciliation avec l’ex-frère ennemi érythréen piétinent.

M. Abiy, 43 ans, s’est vu attribuer le Nobel pour la réconciliation qu’il a menée tambour battant avec l’Erythrée. Annoncé le 11 octobre, le prix récompense aussi ses tentatives de médiation dans une région tourmentée ainsi que ses réformes visant à démocratiser son pays, longtemps livré à l’autoritarisme.

Après des progrès spectaculaires dans les mois ayant suivi son entrée en fonction en avril 2018, le vent a tourné: sa politique d’ouverture a ouvert la voie à une flambée de violences intercommunautaires en Ethiopie tandis que le processus de paix avec l’Erythrée semble à l’arrêt.

Dans le discours de remerciement qu’il a tenu, en costume sombre, dans les murs fleuris de l’Hôtel de Ville d’Oslo, le plus jeune dirigeant d’Afrique s’est voulu rassembleur.

« Il n’y a pas de +nous+ et +eux+ », a-t-il déclaré sous le regard de la famille royale norvégienne. « Il n’y a qu’un +nous+ car +nous+ sommes tous liés par un destin commun d’amour, de pardon et de réconciliation ».

Le 9 juillet 2018, à l’issue d’une rencontre historique à Asmara, la capitale érythréenne, M. Abiy avait mis fin avec le président érythréen Issaias Afeworki à 20 ans d’état de guerre.

– ‘Camarade de paix’ –

Mardi, il a veillé à associer à sa récompense son « partenaire et camarade de paix » érythréen, le seul dirigeant que l’Erythrée ait connu depuis l’indépendance acquise en 1993.

« Nous avions compris que nos nations ne sont pas ennemies mais que nous étions plutôt victimes d’un même ennemi qui s’appelle la pauvreté », a-t-il affirmé.

Ancien soldat, il a aussi témoigné des ravages de la guerre, se rappelant comment son unité avait été anéantie par une attaque d’artillerie érythréenne à laquelle il avait échappé parce qu’il s’était momentanément éloigné pour trouver un meilleur signal radio.

« La guerre est l’incarnation de l’enfer pour toutes les personnes impliquées », a-t-il dit.

Si l’accord de paix avec Asmara a été suivi de gestes de bonne volonté tels que la réouverture d’ambassades et de postes-frontières ou le rétablissement des liaisons aériennes, le processus de rapprochement connaît aujourd’hui des ratés.

Plusieurs postes-frontières importants sont de nouveau fermés, et la question du tracé des frontières reste en suspens.

« Ce travail semble être au point mort », a d’ailleurs noté la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, avant de remettre le prix.

« Le comité Nobel norvégien espère que vos réalisations antérieures, conjuguées au surcroît d’encouragement que représente le prix de la paix, inciteront les parties à poursuivre la mise en œuvre des traités de paix », a-t-elle dit.

Les experts redoutent toutefois que M. Abiy soit contraint d’accorder moins d’attention au processus de paix pour pouvoir se concentrer sur les élections « libres, justes et démocratiques » qu’il a promises pour mai.

Une gageure vu la situation sécuritaire actuelle en Ethiopie.

– Violences inter-ethniques –

Rompant avec l’autoritarisme de ses prédécesseurs, M. Abiy a levé l’état d’urgence, libéré des milliers de prisonniers politiques, créé une commission de réconciliation nationale et levé l’interdiction pesant sur certains partis.

Mais cet élan de démocratisation a favorisé l’affirmation des identités ethniques.

Des manifestations anti-Abiy ont ainsi débouché en octobre sur des affrontements ethniques qui ont fait 86 morts.

Dans son discours Nobel, M. Abiy a fustigé « les prêcheurs de la haine et de la division » qui « font des ravages dans notre société en utilisant les réseaux sociaux ».

Les festivités Nobel ont été assombries par son refus de s’exposer aux questions des médias: l’ex-chef d’un service d’espionnage a considérablement écourté le programme officiel et expurgé toutes les conférences de presse.

« Hautement problématique », a jugé le directeur de l’Institut Nobel, Olav Njølstad.

Ses services ont rétorqué qu’il était « assez difficile » pour un dirigeant en exercice de consacrer plusieurs jours à un tel événement, en particulier quand « les problèmes intérieurs sont urgents et requièrent l’attention ».

Ils ont aussi invoqué son « humilité », selon eux, « guère compatible avec la nature très publique du prix Nobel ».

Le Nobel consiste en un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 9 millions de couronnes suédoises (environ 850.000 euros). Les autres prix (littérature, physique, chimie, médecine et économie) ont aussi été remis mardi à Stockholm.

La formation des militaires saoudiens aux Etats-Unis suspendue

Le Pentagone a suspendu temporairement mardi le programme d’entraînement des militaires saoudiens sur le sol américain après la fusillade de Pensacola, dans laquelle trois jeunes militaires américains ont été tués par un pilote saoudien.

L’entraînement opérationnel des militaires saoudiens reprendra à l’issue d’une révision des procédures de sécurité et de vérification des antécédents de tous les militaires étrangers actuellement formés aux Etats-Unis, a indiqué à la presse un haut responsable du ministère américain de la Défense ayant requis l’anonymat.

Cette revue des procédures, ordonnée par le vice-ministre de la Défense David Norquist, devrait prendre de 5 à 10 jours, a précisé un autre responsable du Pentagone.

Cette suspension avait été réclamée par des élus républicains comme démocrates après qu’un membre de l’armée de l’air saoudienne a ouvert le feu vendredi avec une arme de poing dans une salle de cours de la base de Pensacola, en Floride, faisant trois morts et huit blessés avant d’être abattu par la police.

Il avait publié sur Twitter avant son attaque des messages hostiles envers les Etats-Unis, selon le groupe de surveillance des mouvements jihadistes SITE.

« Le ministère coopère étroitement avec le gouvernement saoudien pour répondre à cet incident », a souligné David Norquist dans une lettre aux chefs des services de l’armée américaine concernés par cette mesure, qui a été « approuvée » par Ryad.

L’US Navy avait annoncé un peu plus tôt avoir suspendu l’entraînement des 303 militaires saoudiens en formation sur les bases navales de Pensacola, Whiting Field et Mayport, en Floride.

– Pressions des élus –

Les responsables du Pentagone n’ont pas été en mesure de préciser combien de militaires saoudiens au total sont entraînés sur le sol américain, mais ils ont indiqué que les Etats-Unis formaient actuellement quelque 5.000 militaires étrangers sur des bases américaines.

Ils seront tous concernés par les changements de procédures de sécurité pour leur accès à l’entraînement et aux bases elles-mêmes.

Des centaines de militaires saoudiens suivent chaque année des formations au sein des forces armées américaines, illustration des liens forts qui unissent les deux pays alliés.

Dimanche, le sénateur républicain Lindsey Graham, un proche du président Donald Trump, avait estimé que ce programme devait « être suspendu » tant que la lumière n’aura pas complètement été faite sur les événements en Floride.

Les enquêteurs américains cherchent notamment à savoir si le tireur saoudien a agi seul.

« L’Arabie saoudite est un allié, mais il y a ici quelque chose de fondamentalement mauvais. Nous devons ralentir ce programme et le réévaluer », avait insisté M. Graham.

Un autre républicain, Matt Gaetz, qui représente au Congrès la Floride où a eu lieu l’attaque, avait lui aussi appelé à « mettre le programme en pause ».

« Nous ne devrions pas accueillir de nouveaux étudiants saoudiens tant que n’avons pas absolument confiance en notre processus de contrôle », avait-il expliqué.

Le ministre américain de la Défense Mark Esper a cependant défendu l’utilité de ce type de programmes.

« Nous disposons de quelque chose que n’ont pas nos adversaires potentiels, comme la Russie et la Chine », a-t-il souligné dimanche. « La possibilité de faire venir ici des étudiants étrangers pour s’entraîner avec nous, pour comprendre la culture américaine, nous est très importante afin de construire ces relations au long cours qui contribuent à notre sécurité ».

Bostwana: accusé de corruption, l’ex-président Khama contre-attaque en justice

L’ancien président du Botswana Ian Khama a annoncé le dépôt d’une plainte en diffamation contre un policier dont l’enquête le soupçonne d’avoir participé à un vaste scandale de corruption qui agite depuis des mois la vie politique du pays.

A la retraite depuis 2018, M. Khama, qui a dirigé le pays pendant dix ans, est entré en guerre contre son successeur Mokgweetsi Masisi, qu’il accuse de dérive autoritaire.

Il a claqué la porte du parti au pouvoir et rejoint officiellement l’opposition lors des élections générales disputées en octobre, remportées haut la main par M. Masisi.

Juste avant le scrutin, la justice a rendu publique l’ouverture d’une enquête sur des détournements de fonds publics d’un montant de 100 milliards de pula (8 milliards d’euros) dans laquelle le nom de l’ancien chef de l’Etat a été cité.

M. Khama a toujours farouchement nié ces accusations.

Lors d’une conférence de presse lundi, il est passé à la contre-attaque en annonçant le dépôt d’une plainte contre le policier dont le rapport a initié les poursuites.

« Les allégations contenues (dans ce rapport) sont fausses et ont été délibérément et malicieusement fabriquées pour ternir mon nom », a déclaré Ian Khama, « j’ai donc demandé à mon avocat (…) de porter plainte en diffamation ».

L’ex-président a également annoncé avoir confié à l’avocate Cherie Blair, l’épouse de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, une « enquête indépendante sur les allégations contenues » dans le rapport de police.

M. Khama a à nouveau accusé le gouvernement de son successeur d’être à l’origine des « accusations ordurières sous la forme de preuves fabriquées » qui le visent. « Ce régime a perdu toute légitimité de gouverner », a-t-il conclu.

L’opposition conteste la victoire de M. Masisi et a déposé le mois dernier un recours en annulation du scrutin pour fraude.

Abiy Ahmed, Premier ministre pressé de changer l’Ethiopie

Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la Paix, Premier ministre d’un régime dont il est le pur produit, fils de modestes villageois devenu espion en chef, a initié de profonds changements en Ethiopie, suscitant espoirs et inimitiés.

Lors de la réception de son prix, mardi à Oslo, le jeune dirigeant a lancé un nouveau plaidoyer pour l’union à l’heure où son pays est déchiré par des violences communautaires et où la Corne de l’Afrique peine à avancer sur le chemin de la stabilité.

Depuis qu’il a pris les rênes du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique en avril 2018, le quadragénaire a secoué jusque dans ses fondations un régime ankylosé par plus de 25 ans d’exercice autoritaire du pouvoir et pesé sur les dynamiques de la Corne de l’Afrique.

Six mois à peine après son investiture, Abiy Ahmed, 43 ans, avait conclu la paix avec son voisin érythréen, fait relâcher des milliers de dissidents, s’était publiquement excusé des violences des forces de sécurité et avait accueilli à bras ouverts les membres de groupes exilés qualifiés de « terroristes » par ses prédécesseurs.

Plus récemment, il a développé son programme d’ouverture d’une économie largement contrôlée par l’Etat et pèse désormais de tout son poids pour que les élections législatives, qu’il promet inclusives, se tiennent en mai 2020.

Ce faisant, mettent en garde des analystes, le jeune dirigeant s’est placé dans une situation délicate: ses mesures phares sont trop radicales et trop soudaines pour la vieille garde de l’ancien régime et pas assez ambitieuses et rapides pour une jeunesse avide de changement.

Son ouverture a également libéré des ambitions territoriales locales et d’anciens différends intercommunautaires qui ont débouché sur des violences meurtrières dans de nombreuses régions du pays.

Les soutiens d’Abiy, eux, font confiance en son inépuisable ambition personnelle pour faire avancer le pays.

« J’ai toujours dit à mes amis: quand ce type va accéder au pouvoir, vous allez voir d’énormes changements en Ethiopie », confie un de ses proches, l’homme d’affaires Tareq Sabt.

En octobre, M. Abiy a publié un livre détaillant sa philosophie personnelle, nommée « Medemer », un terme amharique signifiant « synergie » et qu’il entend promouvoir pour unifier le pays.

« Il n’y a pas de +nous+ et +eux+ », a-t-il déclaré mardi sous le regard de la famille royale norvégienne. « Il n’y a qu’un +nous+ car +nous+ sommes tous liés par un destin commun d’amour, de pardon et de réconciliation ».

– Dormir sur le sol –

Né d’un père musulman et d’une mère chrétienne dans une petite commune du centre-ouest, Beshasha, Abiy Ahmed « a grandi en dormant sur le sol » dans une maison qui n’avait ni électricité, ni eau courante.

« Nous allions chercher l’eau à la rivière », a-t-il relaté lors d’un entretien accordé en septembre à la radio de grande écoute Sheger FM, ajoutant n’avoir découvert l’électricité et l’asphalte qu’après l’âge de 10 ans.

Adolescent, Abiy s’engage dans la lutte armée contre le régime du dictateur Mengistu Haile Mariam. Le jeune opérateur radio y apprend par nécessité la langue des Tigréens, le groupe ethnique largement majoritaire dans cette lutte qui formera le noyau dur du régime après la chute de Mengistu en 1991.

Il entame alors une ascension linéaire au sein de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF).

Il grimpe les échelons de l’armée pour obtenir le grade de lieutenant-colonel et sera en 2008 l’un des fondateurs de l’agence nationale du renseignement, qu’il dirigera de facto pendant deux ans. En 2010, il troque l’uniforme pour le costume d’homme politique. Il devient député du parti oromo membre de l’EPRDF, puis en 2015 ministre des Sciences et Technologies.

Fin 2015, un mouvement populaire de protestation antigouvernementale prend de l’ampleur au sein des deux principales communautés du pays, les Oromo et les Amhara.

Le mouvement, bien que violemment réprimé, finit par emporter le Premier ministre Hailemariam Desalegn, symbole d’une coalition incapable d’apporter des réponses aux aspirations de la jeunesse. Aux abois, l’EPRDF désigne Abiy Ahmed pour sauver la situation, faisant de lui le premier Oromo à occuper le poste de Premier ministre.

– Sauver la coalition –

Une fois au pouvoir, Abiy a multiplié les initiatives sur la scène régionale. Outre le spectaculaire rapprochement avec l’Erythrée, il a joué un important rôle de médiation au Soudan et au Soudan du Sud.

Quant à savoir si ces démarches seront finalement couronnées de succès, la question reste entière. Y compris sur le dossier érythréen, où les signes concrets du rapprochement se font encore attendre.

« Abiy a bien enregistré des succès en terme de politique étrangère mais il y a eu cette forme d’optimisme mal avisé venant de l’étranger selon lequel il peut transformer la Corne de l’Afrique », avance James Barnett, un spécialiste de l’Afrique de l’Est au sein du groupe de réflexion American Enterprise Institute. « La Corne est volatile. Je doute qu’un seul leader puisse défaire des décennies de défiance et de luttes d’influences ».

Son prochain véritable défi sera l’organisation d’élections libres et équitables, qui pourraient lui donner la légitimité des urnes.

Il lui faudra également espérer que les inimitiés suscitées par ses réformes, les violences communautaires et d’importants mouvements au sein de l’appareil sécuritaire ne le rattrapent pas.

En juin 2018, M. Abiy a été visé par une attaque à la grenade lors d’un rassemblement à Addis Abeba. Lors de son entretien à la radio Sheger, il confiait: « Il y a eu beaucoup de tentatives jusqu’à présent, mais la mort n’a pas voulu venir à moi ».

Pourquoi l’assaillant de London Bridge a été libéré

Usman Khan, qui a tué deux personnes lors de l’attaque de London Bridge vendredi, avait été condamné pour terrorisme et libéré à mi-peine, une procédure classique et soumise à conditions.

Les condamnés peuvent par exemple être placés sous bracelet électronique et soumis à un couvre-feu, avoir l’obligation de rencontrer un officier de probation. Ils peuvent être réincarcérés à tout moment.

Selon le Premier ministre Boris Johnson, environ 74 personnes condamnées pour terrorisme ont pu bénéficier d’une libération anticipée, qui fait actuellement l’objet d’un réexamen.

– La condamnation de l’assaillant –

Khan a été condamné en janvier 2012 pour préparation d’actes de terrorisme. Il était impliqué dans un projet inspiré d’Al Qaida pour mettre sur pied un camp d’entraînement au Pakistan et commettre un attentat à la bombe contre la Bourse de Londres.

Condamné à 16 ans de prison, il a été remis en liberté sous bracelet électronique en décembre 2018, après moins de sept ans derrière les barreaux.

Il avait respecté toutes les conditions qui lui étaient imposées depuis sa libération, a déclaré samedi soir le chef de la police antiterroriste britannique Neil Basu.

– Sa libération –

En 2008, le gouvernement travailliste de l’époque a modifié les règles pour les peines prolongées, entraînant ainsi automatiquement une libération à mi-peine.

La législation a de nouveau été modifiée par la coalition conservateurs/libéraux-démocrates en 2012, reportant aux deux tiers de la peine les remises en liberté pour les condamnations supérieures à 10 ans, et soumises à l’accord d’un comité d’évaluation. Cette loi n’étant pas rétroactive, elle ne s’appliquait pas à Usman Khan, condamné sous l’ancien régime juridique.

– Et maintenant ? –

Boris Johnson a appelé à mettre un terme aux libérations anticipées automatiques et même la fin totale des libérations anticipées pour les personnes condamnées pour terrorisme.

« Si vous êtes condamné pour une infraction terroriste grave, il devrait y avoir un minimum obligatoire de 14 ans et certains ne devraient jamais être libérés », a-t-il déclaré.

Selon lui, en matière de terrorisme et d’extrémisme, les condamnés devraient purger l’intégralité de la peine prononcée par la justice.

Le père de Jack Merritt, l’une des deux victimes tuées par Usman Kahn, a déclaré samedi que son fils « ne voudrait pas que sa mort soit utilisée comme prétexte pour introduire des peines encore plus draconiennes pour les prisonniers ou pour maintenir en prison des gens plus longtemps que nécessaire ».

Le jeune homme de 25 ans était coordinateur d’un programme de l’université de Cambridge pour la réinsertion des détenus.

La plus jeune cheffe de gouvernement au monde prend ses fonctions en Finlande

La nouvelle Première ministre finlandaise, la sociale-démocrate Sanna Marin, a officiellement pris ses fonctions mardi, devenant à 34 ans la plus jeune cheffe de gouvernement en exercice de la planète.

Après avoir obtenu la confiance du parlement monocamérale par 99 voix pour et 70 contre, Sanna Marin et son cabinet ministériel de centre-gauche se sont entretenus avec le président Sauli Niinistö, qui a officiellement nommé le nouveau gouvernement.

L’ancienne ministre des Transports, aux valeurs libérales, succède au social-démocrate Antti Rinne, qui a démissionné début décembre après avoir perdu la confiance du parti du Centre, membre de la coalition au pouvoir, à cause de sa gestion contestée d’une grève postale.

La nomination de Sanna Marin à la tête du gouvernement ne devrait cependant pas changer la ligne politique conduite jusque-là par sa formation politique.

S’exprimant après le vote au Parlement mardi, la nouvelle Première ministre s’est engagée à rétablir la confiance dans son parti.

« Nous avons promis au peuple finlandais de changer les choses et nous devons maintenant tenir cette promesse. En juin, nous avons convenu ensemble d’un programme gouvernemental et je crois que c’est par l’action que nous restaurerons le mieux la confiance de la population », a-t-elle déclaré.

Son ascension fulgurante installe des femmes aux commandes des cinq formations composant la coalition de centre-gauche aux affaires, dont toutes, sauf une, ont moins de 35 ans.

Elle-même ne prendra les rênes du Parti social-démocrate (SDP) qu’à l’issue du congrès de la formation en 2020, mais c’est elle qui est d’ores et déjà à la manoeuvre.

Troisième femme Premier ministre de la République de Finlande, il n’est pas certain qu’elle reste longtemps la plus jeune dans le monde: elle pourrait être détrônée dans les semaines qui viennent par l’ex-chancellier autrichien Sebastian Kurz, 33 ans, si les négociations entre son parti conservateur ÖVP et les Verts aboutissent.

Elections britanniques: ces partis qui peuvent faire la différence

Si le Premier ministre britannique Boris Johnson ne réussit pas son pari de remporter une majorité absolue au Parlement, les partis seront contraints d’engager des jeux d’alliance donnant aux plus petites formations un poids considérable.

– Les « Lib-Dem », la voix du « remain » à la peine

Avec un message clair — annuler le Brexit — et une nouvelle dirigeante de 39 ans, Jo Swinson, le Parti libéral-démocrate espère capter les voix des « remainers », partisans d’un maintien dans l’Union européenne face à des conservateurs désormais résolument pro-Brexit et des travaillistes indécis.

Arrivés deuxièmes des européennes de mai avec 20% des voix, les « Lib-Dem » ont aussi été rejoints par des députés conservateurs dissidents pro-UE.

Mais les sondages les donnent en recul par rapport aux 21 sièges actuels. La promesse d’annuler le Brexit sans nouveau référendum, martelée par Jo Swinson, une Ecossaise élue députée à 25 ans, a été jugée antidémocratique même parmi les europhiles.

La participation du parti au gouvernement du conservateur David Cameron au début des années 2010, marquées par une rude austérité, le pénalise auprès de l’électorat travailliste.

Leur « échec à capitaliser sur leur position sur le Brexit est la principale surprise de la campagne », a jugé dans le Times John Curtice, professeur à l’Université de Strathclyde, pour qui le parti « n’a pas réussi à convaincre les électeurs du +futur radieux+ promis en cas d’annulation du Brexit ».

– Le DUP nord-irlandais, épine dans le pied des conservateurs

Faute de majorité absolue en 2017, les conservateurs ont été contraints de s’allier avec le Parti unioniste démocrate pour gouverner. L’inflexibilité des dix députés de ce mouvement ultraconservateur protestant nord-irlandais s’est révélée un cauchemar.

Europhobe, le DUP a paradoxalement bloqué la sortie de l’Union européenne en s’opposant aux deux accords de divorce négociés avec Bruxelles par Theresa May puis Boris Johnson. En cause: leurs dispositions censées éviter un retour d’une frontière entre la province britannique et l’Irlande, susceptibles de fragiliser 20 ans de paix.

Premier parti d’Irlande du Nord, le DUP est dirigé par Arlene Foster, 49 ans, dont le père, un policier, avait été blessé par balle par les paramilitaires de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) pendant les Troubles.

– Les indépendantistes écossais encouragés par le Brexit

L’Ecosse a voté à 62% pour rester dans l’UE. Surfant sur ce sentiment pro-européen fort, les indépendantistes du SNP, premier parti localement, ont fait campagne avec pour slogan « Arrêter le Brexit ».

Le parti dirigé par l’énergique Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, 49 ans (dont 33 au service du parti) estime que la sortie de l’UE donne de nouveaux arguments en faveur d’une indépendance susceptible d’ouvrir la porte à un retour dans le club européen.

Avec un programme anti-austérité, le SNP pourrait en théorie s’allier aux travaillistes. Mais sa volonté d’organiser dès 2020 un référendum d’indépendance, après celui de 2014 remporté par le non, ainsi que son opposition au programme nucléaire britannique Trident compliquent cette hypothèse.

– Le Parti du Brexit de Farage, apôtre de la sortie de l’UE

Difficile de dissocier le tout nouveau Parti du Brexit de son fondateur: Nigel Farage, 55 ans, un ancien trader gouailleur qui a passé sa carrière à dénigrer les institutions européennes, où il siège depuis 20 ans.

Sa première place aux élections européennes du printemps et l’incapacité des partis traditionnels à mettre en oeuvre la sortie de l’UE auraient pu faire de lui l’homme de la situation. L’ancien leader du parti anti-immigration UKip a lancé sa campagne avec l’un de ces coups médiatiques dont il a le secret en bavardant dans son émission de radio avec son « ami » Donald Trump.

Mais Nigel Farage a peiné à trouver sa place face à Boris Johnson, champion du Brexit.

Accusé d’affaiblir les Tories face à leurs rivaux favorables à un nouveau référendum, il a fini par retirer ses candidats dans des centaines de circonscriptions. Nouveau coup dur jeudi: quatre députés européens de son parti ont rejoint les conservateurs, y voyant le meilleur moyen de quitter l’UE.

Nigel Farage rejette l’accord de sortie négocié avec Bruxelles par Boris Johnson, souhaitant une rupture plus nette. Mais selon un sondage de l’institut YouGov, plus des trois quarts des Brexiters les plus durs, favorables à une sortie sans accord, veulent voter Tories contre 11% pour le Parti du Brexit.