Cadre des partis et regroupements politiques : que reste-il du mouvement ?

Mis en place par une soixantaine de partis et regroupements au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires, en août 2020, le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie semble s’essouffler. Malgré son changement de nom pour devenir le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, le mouvement, qui ambitionnait de fédérer les énergies pour constituer un contrepoids aux autorités de la Transition, peine à exister dans un paysage politique en pleine reconstruction.

Il semble bien loin le temps où le Cadre revendiquait plus de 70 partis politiques, dont 3 regroupements de partis : EPM (24 partis politiques), Espérance Nouvelle Jigiya-Kura (21 partis), ARP (21 partis), 2 Mouvements politiques (Morema et ADRP) et « de grands partis politiques » comme Asma CFP, UM-RDA, Yelema et RDS.

Après avoir décidé de boycotter les Assises nationales de la refondation initiées par les autorités de la Transition, le Cadre a connu ses premières dissensions et plusieurs de ses membres ont pris des positions divergentes, mettant à mal l’unité du regroupement. Mais c’est la récente campagne pour l’adoption de la nouvelle Constitution, votée lors du référendum du 18 juin 2023, qui semble avoir mis un terme au consensus au sein du mouvement.

Cadre vide ?

Le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel est doté d’un système de rotation de sa présidence.
Le Président en exercice a trois mois pour passer le flambeau a un autre pour la conduite des activités. Une présidence qui semble être moins formelle actuellement, tant le Cadre s’exprime peu, sinon pas du tout.

« Présentement, le Cadre, bien qu’il existe, est en hibernation depuis le début de la campagne référendaire, où il n’y a pas eu de consensus autour du mot d’ordre à donner aux militants », avoue Dr Laya Amadou Guindo, Président de l’Alliance démocratique pour le rassemblement du peuple (ADRP), membre du cadre.
Étant entendu que c’est un cadre d’échanges, les sujets qui ne font pas l’unanimité sont laissés à l’appréciation des entités qui le composent, explique M. Guindo.
Ainsi, malgré les départs de l’ADEMA et de Yelema, entre autres, le « Cadre reste dynamique, avec des entrées et des sorties », comme tout mouvement, affirme M. Guindo. Ne pouvant pas s’exprimer au nom du Cadre, qui ne se réunit plus depuis longtemps, il tient à préciser que son parti reste opposé au report de l’élection présidentielle et invite les autorités de la Transition à respecter le chronogramme concernant les dates de l’élection présidentielle et la Charte de la Transition, seul document qui régisse les autorités actuelles.

Mali – Crise politique: après la stupeur, les réactions des acteurs politiques

La confusion a longtemps persisté durant les heures qui ont suivies l’arrestation le 24 mai du Président de la transition Bah N’daw  et de son Premier ministre Moctar Ouane, après l’annonce d’un nouveau gouvernement. Mais la déclaration le lendemain du Vice-président de la Transition, le  colonel Assimi Goïta, a clarifié la situation. Les deux désormais ex-dirigeants de la transition ont été mis « hors  de leurs prérogatives » par l’homme fort de l’ex-junte. Un coup d’Etat de plus que la classe politique dans sa quasi-totalité a condamné.

II a été le premier à avoir pris position face à ce qui était encore désigné dans les premières heures de l’arrestation comme une « tentative de coup de force ». L’ancien Premier ministre Moussa Mara a condamné « sans équivoque » toute prise de pouvoir par les armes, avant d’appeler à la libération des détenus et au dialogue.

« Je demande la libération sans condition des responsables et la poursuite normale de la Transition. Seul le dialogue peut nous permettre de dépasser les incompréhensions et d’avancer ensemble vers le retour à un ordre constitutionnel normal », a insisté celui qui a également appelé à « mettre notre pays au-dessus de nos intérêts personnels ».

Le jour suivant, le 25 mai, son parti, Yelema, a dans un communiqué signé du Président Youssouf Diawara rappelé aux uns et aux autres que « l’extrême profondeur de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays exige de chacun de nous d’agir avec responsabilité et exemplarité ».

De son côté, Housseyni Amion Guindo, Président de la Codem et de la plateforme Jiguiya Koura, s’est également dressé contre « les évènements en cours dans notre pays » et a exigé « la libération immédiate et sans conditions » du Président de la transition Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane.

Même son de cloche à l’URD qui, en plus,  a exigé l’instauration d’un dialogue inclusif dans le but de « parvenir rapidement au retour à une situation normale susceptible de conduire le processus de transition à terme dans les délais impartis ».

Manque de concertations

L’Action républicaine pour le progrès (ARP), coalition de partis politiques  portée par l’UDD de Tiéman Hubert Coulibaly est allée plus loin.  Elle a invité à la concertation de l’ensemble des forces vives de la nation en vue de « sauver la République » et a demandé la recomposition du CNT conformément à la charte de la Transition.

Pour le Dr. Abdoulaye Amadou Sy, Président de la Coalition des forces patriotiques (COFOP), un regroupement issu de l’ancienne majorité présidentielle, à partir du moment où le pays est dans une situation anormale, où ceux qui gèrent le pouvoir sont des personnalités nommées, la gestion demande « beaucoup plus de concertations avant la prise de grandes décisions ».

 « L’armée n’a pas été concertée, or c’est elle qui dirige. C’est elle qui a fait son coup d’État et ce sont les militaires qui ont le pouvoir. Le CNSP n’existe plus du point de vue légal, mais dans les faits c’est tout le contraire », a-t-il réagi.

Retour à l’ordre constitutionnel ?

La plateforme An ko Mali Dron, membre du M5-RFP et présidée par Mme Sy Kadiatou Sow, a pour sa part, dans une déclaration, insisté sur « le respect des fondements, des valeurs et des principes de la République » qui « s’impose à toutes les composantes de la Nation et particulièrement aux forces de défense et de sécurité ».

Ce regroupement, dont font partie les Fare An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, a aussi exigé la « libération immédiate du Président, du Premier ministre et de toutes les personnes arrêtées ».

L’Alliance pour le Mali (EPM) a, pour sa part  après avoir condamné « toute prise de pouvoir par la force »,  réaffirmé sa volonté de soutenir le processus de transition civile en cours dans notre pays conformément à la charte et reste « intransigeant au respect du délai de la transition qui est de 18 mois ».

Mais il semble évident qu’avec la nouvelle donne sociopolitique, le chronogramme électoral des futures élections générales, publié le 15 avril dernier et fixant le premier tour de l’élection présidentielle au 27 février 2022, sera difficile à tenir.

Mohamed KENOUVI

 Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°320 du 27 mai au 02 juin 2021 

ASMA – ARP – EPM : 2023 déjà en ligne de mire ?

Depuis la réélection en 2018 du Président IBK pour son second et dernier mandat, l’échiquier politique semblait relativement calme, jusqu’à la signature de l’Accord politique de gouvernance en mai 2019. Depuis, l’entrée au gouvernement d’une frange de l’opposition et la mise à l’écart de certains membres de la majorité a entraîné une reconfiguration politique qui touche tous les regroupements. La Création d’un groupe parlementaire ASMA-CFP, le lancement de l’ARP, la relance de la commission mixte Adema/RPM et le possible rapprochement ASMA-ARP sont autant de signes que si 2023 est encore loin, personne ne perd de vue la cible. Le tour de chauffe est déjà lancé.

Début juin, plusieurs partis membres de la majorité présidentielle et non représentés au gouvernement annonçaient la création d’un nouveau regroupement politique, l’Action républicaine pour le progrès (ARP), autour de l’UDD de Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre. Composée entre autres du Mouvement pour le Mali (MPM) du prospère député de la commune II de Bamako Hady Niangadou, du Parti malien pour la démocratie sociale (PMDS) de l’ancien ministre Ben Kattra, des Forces alternatives pour le changement (FAC) et du Mouvement Mali émergence (MME), cette nouvelle alliance cherche à peser, malgré sa faible implantation sur le terrain (3 députés).

Bien que démissionnaire de la plateforme Ensemble pour le Mali (EPM), « ce regroupement reste dans le camp IBK. C’est une réaction à EPM, mais rien de nouveau sous le soleil. Je ne vois pas Tiéman mâcher tout cela pour quelqu’un », analyse un observateur politique, alors que d’autres expliquent la création de l’ARP par les frustrations nées après la formation du gouvernement Boubou Cissé.

ASMA – ARP : Objectif Koulouba ?

« Nous nous sommes dits qu’il fallait créer une commission paritaire pour échanger régulièrement sur le futur pôle politique. Mais pour le moment rien n’est fait », explique Issa Diarra, Secrétaire général du bureau politique national de l’ASMA-CFP, la formation de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga (SBM), suite à une rencontre réunissant l’ARP et son parti au début août.

« Il y a tellement d’échéances avant 2023. SBM pense que c’est encore trop loin pour en parler. Il faut d’abord réussir le dialogue politique, aller aux élections législatives, etc. Avant de penser à 2023, il faut passer ces étapes-là », tranche Issa Diarra. Optimiste, ce politique averti est néanmoins convaincu que son poulain mériterait plus que quiconque de succéder à l’actuel locataire du Palais de Koulouba, le moment venu. « On ne peut jamais être aimé de tout le monde, mais je sais que SBM connait les problèmes de ce pays. Il a le courage de se promener, d’aller dans les coins et recoins du Mali pour être à proximité des populations », plaide cet « apparatchik » pour lequel la politique n’est autre chose que d’être à l’écoute de ceux que l’on est appelé à servir.

Revenant sur la convergence de vues entre l’ASMA-CFP et l’ARP, qui attire l’ attention, le secrétaire général souligne les bonnes relations entre les deux présidents. « Tiéman, c’est notre frère. En 2006, quand nous avons créé Convergence 2007, c’est lui qui était notre rapporteur. Il y a donc de fortes relations entre nous en dehors de la politique. L’ARP est composée de gens que nous connaissons, avec lesquels nous partageons beaucoup de choses », dit M. Diarra sans ambages, et malgré les rivalités entre les deux anciens ministres de la défense.

Calculs politiques

Mais même si l’ASMA-CFP n’a pour sa part pas quitté officiellement EPM et que ce parti est « prêt à soutenir IBK jusqu’au bout pour le mandat en cours », cette scission de la coalition présidentielle ne sera pas sans conséquences.

« Il y aura une guerre de leadership et de positionnement pour savoir qui aura plus de légitimité pour incarner la majorité », prédit un analyste pour lequel l’ASMA-CFP n’avait de poids que parce qu’il détenait la Primature. « SBM a su s’aliéner tellement de sympathies qu’il n’incarne plus le renouveau politique qu’il prône. Et, en attendant, la vraie question, c’est jusqu’où ira Boubou Cissé, ce Premier ministre iconoclaste, qui est en train de faire des miracles ? », ajoute notre analyste pour réorienter le débat. Un débat qui touche également l’Adema et le RPM, les deux principaux partis de la majorité, qui ont relancé leur commission mixte et travaillent à des propositions communes dans le cadre du dialogue politique. Objectif affiché : conserver le leadership à l’approche de l’élection présidentielle de 2023.