Ras Bath : le chroniqueur placé sous mandat de dépôt

Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath a été placé ce lundi sous mandat de dépôt. Selon son mouvement le CDR, il a été interpellé chez lui ce 13 mars vers 10h par le commissariat du cinquième arrondissement. Après une audition de plus de cinq heures sur ses propos tenus samedi 11 mars lors de la conférence de l’ASMA CFP, il a été placé sous mandat de dépôt par le procureur de la commune IV. Invité à prendre la parole le weekend dernier lors de la troisième conférence nationale du parti de l’ASMA CFP, le chroniqueur a affirmé que Soumeylou Boubeye Maiga, fondateur du parti a été « assassiné « . Il a appuyé assurant que les proches de Soumeylou Boubeye Maiga ont interpellé sur son état de santé en vain. Avant de tacler le CNT, ainsi que différentes formations politiques sur leur silence sur les circonstances de la mort de l’ex Premier ministre. En prison depuis août 2021, accusé entre autres de « faux et usage de faux et d’atteinte au biens publics dans l’affaire de l’acquisition de l’avion présidentiel et des achats d’équipements militaires, l’état de santé de Soumeylou Boubeye Maiga s’était sévèrement dégradé durant sa détention. Il est décédé le 21 mars 2022 à Bamako dans la clinique où il était hospitalisé depuis décembre 2021.

ASMA – ARP – EPM : 2023 déjà en ligne de mire ?

Depuis la réélection en 2018 du Président IBK pour son second et dernier mandat, l’échiquier politique semblait relativement calme, jusqu’à la signature de l’Accord politique de gouvernance en mai 2019. Depuis, l’entrée au gouvernement d’une frange de l’opposition et la mise à l’écart de certains membres de la majorité a entraîné une reconfiguration politique qui touche tous les regroupements. La Création d’un groupe parlementaire ASMA-CFP, le lancement de l’ARP, la relance de la commission mixte Adema/RPM et le possible rapprochement ASMA-ARP sont autant de signes que si 2023 est encore loin, personne ne perd de vue la cible. Le tour de chauffe est déjà lancé.

Début juin, plusieurs partis membres de la majorité présidentielle et non représentés au gouvernement annonçaient la création d’un nouveau regroupement politique, l’Action républicaine pour le progrès (ARP), autour de l’UDD de Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre. Composée entre autres du Mouvement pour le Mali (MPM) du prospère député de la commune II de Bamako Hady Niangadou, du Parti malien pour la démocratie sociale (PMDS) de l’ancien ministre Ben Kattra, des Forces alternatives pour le changement (FAC) et du Mouvement Mali émergence (MME), cette nouvelle alliance cherche à peser, malgré sa faible implantation sur le terrain (3 députés).

Bien que démissionnaire de la plateforme Ensemble pour le Mali (EPM), « ce regroupement reste dans le camp IBK. C’est une réaction à EPM, mais rien de nouveau sous le soleil. Je ne vois pas Tiéman mâcher tout cela pour quelqu’un », analyse un observateur politique, alors que d’autres expliquent la création de l’ARP par les frustrations nées après la formation du gouvernement Boubou Cissé.

ASMA – ARP : Objectif Koulouba ?

« Nous nous sommes dits qu’il fallait créer une commission paritaire pour échanger régulièrement sur le futur pôle politique. Mais pour le moment rien n’est fait », explique Issa Diarra, Secrétaire général du bureau politique national de l’ASMA-CFP, la formation de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga (SBM), suite à une rencontre réunissant l’ARP et son parti au début août.

« Il y a tellement d’échéances avant 2023. SBM pense que c’est encore trop loin pour en parler. Il faut d’abord réussir le dialogue politique, aller aux élections législatives, etc. Avant de penser à 2023, il faut passer ces étapes-là », tranche Issa Diarra. Optimiste, ce politique averti est néanmoins convaincu que son poulain mériterait plus que quiconque de succéder à l’actuel locataire du Palais de Koulouba, le moment venu. « On ne peut jamais être aimé de tout le monde, mais je sais que SBM connait les problèmes de ce pays. Il a le courage de se promener, d’aller dans les coins et recoins du Mali pour être à proximité des populations », plaide cet « apparatchik » pour lequel la politique n’est autre chose que d’être à l’écoute de ceux que l’on est appelé à servir.

Revenant sur la convergence de vues entre l’ASMA-CFP et l’ARP, qui attire l’ attention, le secrétaire général souligne les bonnes relations entre les deux présidents. « Tiéman, c’est notre frère. En 2006, quand nous avons créé Convergence 2007, c’est lui qui était notre rapporteur. Il y a donc de fortes relations entre nous en dehors de la politique. L’ARP est composée de gens que nous connaissons, avec lesquels nous partageons beaucoup de choses », dit M. Diarra sans ambages, et malgré les rivalités entre les deux anciens ministres de la défense.

Calculs politiques

Mais même si l’ASMA-CFP n’a pour sa part pas quitté officiellement EPM et que ce parti est « prêt à soutenir IBK jusqu’au bout pour le mandat en cours », cette scission de la coalition présidentielle ne sera pas sans conséquences.

« Il y aura une guerre de leadership et de positionnement pour savoir qui aura plus de légitimité pour incarner la majorité », prédit un analyste pour lequel l’ASMA-CFP n’avait de poids que parce qu’il détenait la Primature. « SBM a su s’aliéner tellement de sympathies qu’il n’incarne plus le renouveau politique qu’il prône. Et, en attendant, la vraie question, c’est jusqu’où ira Boubou Cissé, ce Premier ministre iconoclaste, qui est en train de faire des miracles ? », ajoute notre analyste pour réorienter le débat. Un débat qui touche également l’Adema et le RPM, les deux principaux partis de la majorité, qui ont relancé leur commission mixte et travaillent à des propositions communes dans le cadre du dialogue politique. Objectif affiché : conserver le leadership à l’approche de l’élection présidentielle de 2023.

 

Grand parti politique : Un mirage ?

Lors du 2ème congrès de l’ASMA – CFP, le 29 décembre, le Président du parti,  Soumeylou Boubeye Maiga, a annoncé sa volonté de fusionner d’ici la fin du second mandat du Président IBK, le RPM, l’URD, l’ASMA – CFP, l’ADEMA et l’UDD pour créer un mouvement politique d’envergure. Des forces politiques toutes  nées de l’ADEMA Pasj, à l’exception de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD). Mais ce passé commun pour l’avènement de la démocratie suffira-t-il pour que l’aspiration devienne réalité ?

« Puisque nous avons décidé de travailler pour l’ouverture et le rassemblement, nous allons accentuer les actions que nous avons déjà commencées avec d’autres partis pour accélérer la fusion de nos formations. Je n’ai aucun complexe à dire que nous allons tout faire pour qu’avant la fin de ce  mandat (celui du Président Ibrahim Boubacar Keita) l’ADEMA, l’URD, le RPM, l’ASMA – CFP et l’UDD puissent constituer  un seul mouvement politique », a clamé le Premier ministre lors de la cérémonie d’ouverture du deuxième congrès de son parti, le 29 décembre à Bamako.

La déclaration intervient à un moment où le chef de gouvernement sollicite un dialogue avec l’opposition. Un challenge en passe d’être gagné, puisque des responsables de plusieurs partis, de l’opposition comme de la majorité, étaient présents à la clôture de l’évènement. Mais, en même temps, le Président de l’ASMA caresse l’idée  de redessiner la scène politique nationale en fusionnant les partis à l’origine de l’avènement de la démocratie. Des formations dont les plus grandes s’opposent pour le pouvoir.

Le projet séduit pourtant, en attendant qu’il soit développé. « Pour le moment, nous n’avons pas  encore réfléchit à cela  au sein de notre parti. C’est à lui, l’initiateur, de développer la proposition. C’est à partir de là que ceux qu’il a cités pourront donner leur opinion », indique Me Baber Gano, Secrétaire général du Rassemblement pour le Mali (RPM).

Mêmes attentes à l’Union pour la République et la Démocratie (URD), principal parti de l’opposition. « C’est certainement une idée que le Président de l’ASMA nourrit depuis un certain temps. Pour moi, c’est une proposition qui émane de lui et qui n’a pas été encore partagée avec nous. Il peut y avoir d’autres formats.  Je pense qu’il aura l’occasion, peut-être, d’en parler et de mieux la préciser », espère Ibrahima N’Diaye,  Chef du cabinet du Chef de file de l’opposition.

Passé en commun pour l’avenir ?

Les partis cités par Soumeylou Boubeye Maiga, l’UDD mise à part, sont tous issus de l’ADEMA. La plupart des personnalités qui les dirigent ont milité au sein de l’Adema association, dès 1990, contre la dictature du général Moussa Traoré. Érigée en parti politique après sa chute, l’ADEMA porte Alpha Oumar Konaré au pouvoir. Mais, très tôt, des guerres de succession ont fragmenté la grande formation. Presque trois décennies après, les camarades d’hier chérissent toujours leur lutte pour la démocratie, avec le sentiment d’avoir un passé glorieux en commun.

Présent au congrès de l’ASMA, Ibrahima N’Diaye, l’un des acteurs de l’époque le rappelle. « J’ai souligné que nous avons des divergences profondes, mais n’oublions pas quand même qu’à un moment nous avons été ensemble, parce que nous avons écrit l’une des plus belles pages de la démocratie, son instauration et son enracinement. Cela veut dire qu’au-delà des divergences il existera toujours quelque chose à sauvegarder  pour  s’entendre  sur l’essentiel », se souvient-il. Selon lui, « la plupart des gens qui ont participé à l’Adema « originelle » ont toujours gardé en eux le secret désir de reconstituer la grande famille ».

Cependant, tout en saluant la proposition du Premier ministre, il regrette que d’autres partis « réellement démocratiques », comme le PARENA et le CNID-FYT, ne figurent pas parmi ceux qu’il a cités.

Pour Ballan Diakité, analyste politique et chercheur au Centre de recherche d’analyses politiques, économiques et sociales(CRAPES), « un tel rassemblement serait la négation même de ces partis. Les partis politiques sont fondés sur des valeurs et des projets de société, et à partir du moment  où ces personnes ont claqué la porte, il n’y pas lieu de revenir. Mais, s’ils ont des éléments en commun, ceux-ci  peuvent leur servir pour former un ensemble de coalition ou de rassemblement. Mais pas pour une fusion, parce qu’il y a toujours des divergences, politiques ou d’intérêts », précise-t-il.

Pour Ibrahima N’Diaye, entamer le dialogue ne remettra pas en cause ce qu’il a défendu jusqu’alors. Et si le projet se réalisait ? Une nouvelle configuration politique naitrait, en même temps qu’une nouvelle opposition politique. « L’URD est le seul parti capable de tenir tête à la majorité présidentielle. De 2012 à aujourd’hui, elle est dans une tendance de consolidation d’une opposition démocratique », souligne Ballan Diakité.

Pour le moment, même si tout est à envisager, Ibrahima N’Diaye est convaincu «qu’il faudra toujours qu’il y ait une opposition réelle, vigoureuse et forte. Sinon, il n’y a pas de démocratie ».