Partis politiques : Un avenir remis en cause ?

Le spectre d’une dissolution plane de plus en plus sur l’ensemble des partis politiques au Mali. Alors que les Forces vives de la Nation sont appelées à se prononcer au niveau national fin avril sur la relecture de la Charte des partis, la plupart des formations politiques se retirent du processus.

La fin du processus de relecture de la loi N°05-047 portant Charte des partis politiques divise. Le gouvernement a annoncé, lors du Conseil des ministres du 9 avril dernier, la consultation des Forces vives de la Nation et des Maliens établis à l’extérieur pour la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales de la Refondation (ANR), dans le cadre de la relecture de la Charte des partis politiques. Si pour les autorités de la Transition il s’agira de discuter des propositions des partis politiques et des organisations de la société civile en vue de la formulation de recommandations précises permettant d’appréhender les modalités de mise en œuvre des recommandations des ANR, les partis politiques ne l’entendent pas de cette oreille.

Selon ces derniers, il est « difficilement compréhensible » de vouloir soumettre à de nouvelles concertations régionales des « résolutions déjà mises en œuvre sur plusieurs points ». En effet, la plupart des partis politiques avaient déjà soumis leurs propositions en commun lorsqu’ils avaient été saisis par le gouvernement et ils  s’interrogent sur la raison pour laquelle les autorités veulent encore consulter les Forces vives sur un sujet sur lequel elles « s’étaient clairement prononcées lors des ANR ».

Boycott

Lors d’un point de presse tenu le 15 avril 2025 à Bamako, 101 partis politiques issus de l’Initiative des partis politiques pour la Charte (IPAC), parmi lesquels l’ADEMA-PASJ, l’URD, le CNID-Faso Yiriwaton, le parti Yelema ou encore la CODEM, entre autres, ont annoncé leur décision unanime de ne pas prendre part aux consultations des Forces vives.

En lieu et place de ces consultations, ils ont demandé au Premier ministre, lors d’une rencontre le 13 avril, d’ouvrir « sans délai » un « dialogue responsable » avec la classe politique sur la Charte qui la concerne au premier chef.

« Nous ne pouvons pas demander de renoncer à ces concertations parce que, pour nous, la formule choisie n’est pas la bonne, et au même moment y participer », explique Issa Diarra, 2ème Vice-président de l’ASMA-CFP.

À en croire ce dernier, cette non-participation des partis politiques a été mûrement réfléchie et ne risque pas de se retourner contre eux.

« Dans la forme qui est annoncée, même si les partis politiques y participaient, les décisions finales sont déjà peut-être plus ou moins préparées », affirme M. Diarra.

Vers une dissolution ?

Certains bruits de couloirs qui proviennent de quelques Forces vives réputées proches des autorités gouvernementales tendent de plus en plus vers des recommandations finales des consultations allant dans le sens d’une dissolution des partis politiques ou d’une nouvelle suspension de leurs activités.

Dans la répartition des quotas des participants dans les régions et dans le District de Bamako, la Direction régionale des Collectivités, les élus et les chefs de quartiers ou de villages sont les mieux représentés, avec 12 participants sur 22. Les 10 autres places sont réparties entre le Gouvernorat (2), le Préfet ou son adjoint (2), les femmes (1), les jeunes (1), les leaders religieux (2) et les partis politiques (2).

La crainte des partis politiques viendrait du fait qu’ils estiment être sous-représentés et donc pas en mesure de peser dans la prise des décisions finales lors de ces consultations sur l’éventuel sujet de leur dissolution.

Toutefois, préviennent-ils, tout en faisant le rapprochement avec le Burkina Faso et le Niger, « il est important d’avoir présent à l’esprit que ces deux pays frères et amis de la Confédération AES n’ont pas de Constitution en vigueur comme au Mali et que contrairement à chez eux, les Forces vives du Mali réunies dans le cadre des ANR ont reconnu et validé l’existence des partis ».

Mohamed Kenouvi

Moctar Ousmane Sy : « Il faut remettre en cause les acquis pour avancer »

La révision en cours de la Charte des partis politiques du Mali suscite un large débat. Entre le besoin de structurer la vie politique et le risque de restreindre certaines libertés, ces nouvelles règles soulèvent des interrogations. Moctar Sy, Président du Mouvement Génération Engagée, analyse ces réformes et leur impact sur la démocratie malienne. Propos recueillis par Massiré Diop.

La révision de la Charte impose des critères plus stricts pour créer un parti. Cette mesure renforcera-t-elle la démocratie ?

Il était nécessaire d’encadrer davantage la création des partis pour limiter leur prolifération. Il y en a trop, ce qui nuit à la lisibilité politique. Mais cela ne doit pas entraver la liberté d’association, qui est un principe fondamental. Cette révision doit permettre d’avoir des partis mieux structurés et capables de remplir leur rôle. Dans un processus, il faut remettre en cause les acquis, regarder ce qui marche ou non et pouvoir avancer.

Un statut officiel avec plus de prérogatives est aussi demandé pour le Chef de l’opposition. Cela renforcera-t-il réellement son rôle ?

Donner un statut officiel au Chef de file de l’opposition ne peut que renforcer son poids dans la démocratie. Il doit pouvoir analyser, critiquer et proposer face aux décisions de la majorité. Ce statut lui donnera un cadre d’échange institutionnel avec les autorités, ce qui est essentiel.

Le financement public des partis sera désormais placé sous le contrôle de la Cour des Comptes. Ces garanties suffiront-elles pour assurer une gestion transparente ?

Le financement public est important pour soutenir la démocratie, mais il doit être rigoureusement encadré. Par le passé, des abus ont conduit à sa suspension depuis plus de sept ans. Il faut un mécanisme de contrôle efficace et des sanctions en cas de détournement. Cependant, au vu du contexte actuel, il serait préférable d’y renoncer temporairement pour allouer ces fonds aux priorités nationales.

Les élus qui changent de parti pourraient perdre leur mandat. Cette mesure stabilisera-t-elle la vie politique malienne ?

C’est une mesure nécessaire. La transhumance politique affaiblit la confiance des citoyens. Un élu doit respecter l’engagement pris avec sa base. Cette réforme renforcera la responsabilité et limitera les changements dictés par des intérêts personnels.

Parmi les réformes en discussion, lesquelles vous semblent les plus essentielles ?

L’obligation pour un parti de présenter un projet de société avant d’obtenir son récépissé est essentielle. Cela garantit que chaque formation repose sur une vision claire et non sur des ambitions opportunistes.

Pensez-vous que ces réformes seront réellement appliquées ?

Leur application dépendra du dialogue entre les acteurs politiques et les autorités. Si un consensus est trouvé, ces réformes peuvent améliorer la perception de la politique et restaurer la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants.