Libye : indignation et mobilisation sur le sort des migrants réduits en esclavage

C’est au cours d’un reportage diffusé cette semaine  sur la chaîne américaine CNN que le monde s’est vraiment rendu compte de l’existence d’un trafic d’êtres humains en Libye. Les migrants y sont vendus comme esclaves alors que ces derniers ont fui des conditions de vie difficiles. Ces images ont suscité de vives réactions qui ont entraîné une vague de mobilisations.

Une vérité éclate au grand jour ! Depuis le début de la semaine, c’est le monde entier qui est stupéfait de la situation des migrants en Libye. Le pays est l’une des étapes incontournables pour atteindre l’Europe via l’Italie. Autrement dit « l’eldorado » tant fantasmé. Pourtant, leur sort est connu depuis assez longtemps, mais le voir et l’entendre a provoqué un électrochoc. Cela a pu se produire à la suite d’un reportage réalisé par deux confrères de la chaîne américaine CNN. Ce qu’on y voit ? Des migrants d’Afrique sub-saharienne réduits en esclavage et vendus aux plus offrants. Les sommes allant de 500 à 700 dinars libyens (soit environs 285 000 francs CFA)

« Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un grand homme fort, il va creuser », assure un passeur. Voilà ce que l’on peut entendre dans les images diffusées par CNN.

 

Les instances internationales

L’Union africaine, par la voix du Président en exercice, Alpha Condé, s’est indigné de la situation. « J’invite instamment les autorités libyennes à ouvrir une enquête, situer les responsabilités et traduire devant la justice les personnes incriminées et à revoir les conditions de détention des migrants », exhorte le Président guinéen. « Ces pratiques modernes d’esclavage doivent cesser et l’Union africaine usera de tous les moyens à sa disposition pour que plus jamais pareille ignominie ne se répète », prévient M. Condé.

Zeid Ra’ad Al-Hussein, le Haut Commissaire des Nations unies (ONU) aux droits humains n’a pas hésité à qualifier d’« inhumaine » la coopération de l’Union européenne avec ce pays. Cet « esclavage des temps modernes » est un « outrage à la conscience de l’humanité », a-t-il poursuivi.

Manifestations devant les ambassades libyennes

Du côté de la société civile, on assiste à des élans de mobilisations aussi bien sur le continent qu’en Europe. « Non à la discrimination et au marchandage des migrants sub-sahariens en Libye », est l’intitulé de la conférence de presse qui s’est tenu, ce samedi 18 novembre, au sein des locaux de la Radio Libre de l’artiste engagée Tiken Jah Fakoly. Pour les circonstances, il était accompagné d’Ousmane Diarra, Président de l’Association Malienne des Expatriés (AME) et de Malick Konaté, porte-parole du mouvement Trop c’est trop.

Chez nos voisins guinéens, en plus du chef de l’État qui s’est exprimé, certains de ses concitoyens se sont levés pour se rassembler devant l’ambassade de la Libye à Conakry.

En France, également, des personnalités appellent à la mobilisation pour dénoncer ce fléau. À l’instar des chanteurs Mokobé et Cheick Tidiane Seck et de l’acteur Omar Sy.

La Libye est le piège qui se referme sur ces migrants en quête d’un « eldorado » qui s’apparente à un enfer, au vu de ce qu’ils subissent. Ces conditions déplorables, vécues par les migrants sub-sahariens, ne datent pas d’aujourd’hui. Des politiques avaient été mises en place pour sensibiliser les potentiels candidats à la traversée sur les risques encourus. Au Mali, la chanteuse Rokia Traoré n’a pas hésité à user de sa notoriété afin de prêter mains fortes à l’Organisation Internationale pour les migrations (OIM) ainsi qu’aux autorités italiennes lors de la campagne Aware Migrants. Son message, elle le diffuse à travers un clip vidéo tourné entre Bamako et Bruxelles. Nous sommes en 2016.

Des témoignages d’hommes et de femmes viennent renforcer le message de l’artiste. Ces derniers déplorent, entre autres, ce qui se passe dans un pays « frère ».

Cette nouvelle forme d’esclavage est possible, car les bateaux qui réussissent à franchir la Méditerranée sont de moins en moins nombreux. Ce qui fait que les passeurs se retrouvent avec des personnes « sous le bras ». Que faire alors ? Les vendre pour soutirer encore plus d’argent sur le dos de la misère humaine.

Cheick Tidiane Seck : « Le jazz, c’est notre musique »

Ce vendredi 28 avril démarre la 7è édition du Festival Bamako Jazzy Koumben. Avec l’une de ses têtes d’affiche, le musicien et producteur malien Cheick Tidiane Seck, alias Black Bouddha, évoquons le jazz vu par les Maliens et ce rendez-vous musical qui durera une semaine.

Vous êtes l’une des figures du jazz au Mali, en Afrique et au-delà. Comment se porte le jazz malien ?

Le jazz malien, il est là, même s’il est un peu disparate. Nos aînés qui ont voyagé ont amené dans leurs bagages beaucoup de disques de grands du jazz. Louis Amstrong est même venu ici à Bamako et c’était un triomphe. Je pense que le jazz a toujours été. J’ai pu jouer en prime time avec Henri Coleman, qui est l’inventeur du free jazz et j’ai co-arrangé « Amen » pour Salif Keïta avec celui qui a créé le jazz rock, Joe Zawinul. Je suis professeur à l’université de Los Angeles en Californie où je donne des cours sur les liens entre la musique ouest-africaine et le jazz. Mais je ne suis pas que jazz, je suis aussi dans la mouvance pop, Rn’b, rock. Je suis quelqu’un qui épouse tous les styles.

Que pensez-vous de la musique que font les jeunes Maliens aujourd’hui ?

Je pense qu’il faut les encourager et les amener doucement à intégrer de façon intelligente les instruments. Il faut qu’ils fassent attention parce que leur style encourage à la paresse : il suffit de connaitre les bases, aller sur l’ordinateur, prendre les sons des autres, les mettre en boucle et on dit qu’on a fait de la musique. Mais il y en a qui viennent de la musique et qui font ça bien. Il leur faut maintenant creuser nos rythmes pour en faire quelque chose comme l’ont fait les Nigérians avec le hi-life, qui est la base de la musique qu’ils font aujourd’hui.

Quel accueil le public malien fait-il au Festival Bamako Jazzy Koumben?

Les Maliens sont un peu timides sur ce festival. L’actuelle génération ne s’identifie pas trop au jazz. Pourtant quand on leur parle des Roots, des Fugees, ou de Black Eye Peas, ils les reconnaissent alors que leur rythmique vient du jazz. Je pense que le jazz a toujours été au Mali, depuis bien avant le temps de Bazoumana, qui est d’ailleurs un contemporain de Louis Amstrong. C’est notre musique. Quand on l’écoute on se rend compte que les canevas mélodiques et rythmiques ont été empruntés à la sous-région. C’est à nous d’amener le public malien à se réapproprier cette forme de musique, qui à ses racines chez nous.