CSP-PSD : Un retour au combat en vue 

Le 12 mars 2024, le Président du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), Alghabass Ag Intalla, a procédé à la nomination de nouveaux Commandants de zone dans les régions du nord. Muets depuis leur défaite à Kidal, les groupes armés rebelles préparent leur retour au combat  contre l’armée malienne.

Ils sont au total 10 officiers à avoir été nommés aux postes de Commandant de zone et Commandant de zone adjoint dans les régions de Kidal, Gao, Tombouctou, Ménaka et Taoudéni et un 1er Adjoint chargé des questions de Défense auprès du 1er Vice-président chargé des questions de Défense et de sécurité.

Depuis leur « repli stratégique » suite à la bataille de Kidal, qu’ils ont perdue en novembre 2023, c’est la première fois que les groupes armés du CSP s’activent de nouveau sur le terrain. « Cela entre dans le cadre de la réorganisation de l’État-major militaire pour faire face à plusieurs défis. Normalement c’est la routine, mais comme depuis un certain temps nous sommes dans la guerre, nous n’avons pas eu le temps de nous réorganiser », confie Mohamed Elmaouloud Ramadane, Porte-parole du CSP.

Mais dans des régions essentiellement contrôlées par l’armée malienne et où la marge de manœuvre du CSP est relativement réduite, peut-il encore s’affirmer militairement et poursuivre ses objectifs ? Si cela ne semble pas a priori évident, le Porte-parole du Cadre y  croit. « Les Fama et Wagner ne contrôlent que les zones urbaines. Nous, nous avons une présence militaire dans toutes ces régions en dehors des villes. Nos hommes sont bien présents », affirme-t-il.

Nouveaux affrontements ?

La réorganisation en cours du CSP-PSD semble s’inscrire dans l’optique d’une reprise imminente des combats avec les Forces armées maliennes. À en croire M. Ramadane « ce n’est qu’une question de temps ». « Nous sommes sur le terrain. Nous ne pouvons pas mener des actions isolées sans une bonne planification. Nous attendons le moment opportun. C’est une guerre qui nous a été imposée et nous sommes dedans. Au moment opportun les opérations seront déclenchées », clame le Porte-parole du CSP.

Pour autant, selon certains spécialistes sécuritaires, les groupes armés du CSP pourraient difficilement prendre le dessus sur l’armée malienne dans d’éventuels futurs combats entre les deux parties. « Aujourd’hui, en terme de moyens et de présence sur le terrain, l’armée malienne est clairement en position de force. Je pense que tout affrontement dans l’immédiat serait à nouveau synonyme de défaite pour le CSP, même s’il est possible qu’il se soit renforcé pendant son repli », glisse un analyste.

Soumaila Lah : « Ce jeu va se gagner à l’usure »

Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, répond à nos questions sur les récentes attaques de la CMA et les retraits au sein du CSP

Comment comprendre le retrait de plusieurs membres du CSP ces dernières semaines ?

Ces retraits étaient prévisibles dès l’instant que où le CSP et les autorités de la Transition sont entrés en bras de fer sur fond de récupération des emprises de la MINUSMA. Une première lecture en filigrane nous permet d’affirmer que la composition de départ du CSP explique en partie ces retraits. Certains groupes membres étaient à la base pro-gouvernement (même si certains bras armés ont depuis fait le choix de rester dans la configuration actuelle du CSP). Une seconde lecture fait état de pressions sur certains mouvements, ce qui a conduit ces mouvements à porter leur choix sur Bamako, d’où ces retraits.

Ces différentes parties pourraient-elles prendre part aux hostilités ?

Sauf à y être contraintes, je ne pense pas. Ces parties ont toutes rappelé leur attachement à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Une manière soft et très pragmatique de ne pas prendre position et éventuellement être amenées à prendre part ouvertement aux hostilités. Il y a lieu de rappeler, en outre, que ces parties sont aujourd’hui entre le marteau et l’enclume, entre leurs frères d’hier et leurs alliés de circonstance du moment. Une participation aux hostilités ne saurait donc être une option pour elles.

Nous avons assisté ces derniers jours à une recrudescence des attaques de la CMA (Bourem, Léré, Bamba, Taoussa) alors que beaucoup pensaient qu’elle allait concentrer ses forces sur la région de Kidal…

Ces attaques étaient prévisibles pour qui s’attarde un brin sur l’évolution de la situation ces derniers mois. Les désaccords sur la mise en œuvre de l’Accord et le jeu des chaises musicales avec comme fond sonore la rétrocession des camps de la MINUSMA ont fait souffler de part et d’autre des intentions d’affirmation et des velléités va-t’en-guerre. Les renforcements des positions et les attaques peuvent être analysés comme des stratégies de défense et de démonstration des capacités de nuisances des parties en présence. Les crispations ont fini par faire franchir le Rubicon. Les bruits de bottes demeurent donc une option sur la table pour faire fléchir et in fine prendre le pas sur l’autre. 

Une de ces attaques a été menée à Dioura dans la région de Mopti. Quel message la CMA souhaite passer à travers cette offensive ?

Cette attaque s’inscrit également dans cette stratégie globale. Prendre les devants et montrer au camp d’en face ses capacités à l’attaquer là où il s’y attend le moins. Ce jeu va se gagner à l’usure. Chaque camp a donc intérêt à maintenir le moral de ses troupes au beau fixe. La configuration peut rapidement changer.

Autorités de transition – CMA : dialogue de sourds

Entre les autorités de Bamako et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), les relations se sont graduellement dégradées au fil de la Transition.

Avant de se dégrader, les relations entre les ex-rebelles et les autorités transitoires n’étaient pas aussi tendues qu’elles le sont aujourd’hui. En octobre 2020, à la suite de la formation du premier gouvernement, dirigé alors par le Premier ministre Moctar Ouane, et pour laquelle elle avait été d’ailleurs consultée, la CMA exprimait son soutien aux nouvelles autorités.

Le premier couac interviendra en décembre 2020. Mécontente du quota qui lui a été attribué au Conseil national de Transition (CNT), la CMA décide de surseoir à sa participation à l’organe législatif.

Par la suite, lors de la « rectification » de la Transition en mai 2021, après le renversement de Bah N’daw, elle fait le choix de ne pas accompagner la Transition du Président Assimi Goïta, demandant un consensus, notamment autour des dispositions de mise en œuvre de l’Accord pour la paix.

En décembre 2022, la CMA suspend sa participation aux mécanismes de mise en œuvre de l’Accord, après avoir demandé en vain la tenue d’une réunion en terrain neutre pour discuter de sa viabilité. Elle pointe du doigt « l’absence persistante de volonté politique des autorités de transition d’appliquer l’Accord » et « l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts ».

Le 28 janvier 2023, la CMA annonce ne pas prendre pas part à la commission chargée de la finalisation du projet de nouvelle Constitution, tout en se démarquant des déclarations « unilatérales » du ministre Abdoulaye Diop à la tribune des Nations unies, la veille, parlant « d’élans freinés dans la mise en œuvre de l’Accord par les mouvements signataires ».

Dans la foulée, le 24 février 2023, dans une lettre confidentielle des autorités de transition adressée au chef de l’équipe de la Médiation internationale, le gouvernement revient à la charge et accuse la CMA de représenter un « frein à la paix ». Pour les représentants de la Coordination des ex-rebelles, cette sortie est une « menace à peine dissimulée ».

3 jours après la tenue du scrutin référendaire du 18 juin, la CMA et d’autres mouvements armés, réunis au sein du Cadre stratégique permanent (CSP-PSD) rejettent le nouveau texte constitutionnel, dénonçant des « irrégularités qui ont entaché tout le processus de cette Constitution, qui n’est ni inclusive ni consensuelle ».

Début août dernier, les représentants de la CMA à Bamako quittent la capitale, la direction de la Coordination estimant qu’ils n’y étaient plus en sécurité et que les raisons de leur présence étaient « entièrement compromises ». Dans un communiqué publié hier dimanche 10 septembre, le CSP-PSD déclare adopter dorénavant toutes mesures de légitime défense contre les autorités de la transition. Le mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), et la Plateforme des mouvements du 14 juin se sont désolidarisés du communiqué, même Fahad Ag Almahmoud assure toujours s’exprimer au nom de la Plateforme. Samedi 9 septembre, la CMA a annoncé avoir abattu un avion des FAMa. Le chef d’état-major de l’armée de l’air a démenti, évoquant plutot un problème technique qui a conduit au crash de l’aéronef. La mission a été menée à bien a t-il assuré. « Les pilotes se sont éjectés et ont été récupérés par une unité dans un milieu très hostile » a t-il déclaré sur l’ORTM.