Tidji fô damé : Le conte, facteur de transmission culturelle

À Tombouctou a débuté le 15 mars la 4ème édition de la traditionnelle Tidji fô damé (La nuit du conte). Une initiative de la troupe théâtrale locale Sababou Bangou qui vise à « perpétuer la culture tombouctienne » à travers des contes, des chants traditionnels, du slam…

Dans la Cité des 333 Saints, Ramadan rime avec jeûne et prière, mais aussi avec activités culturelles. Chaque année, durant tout le mois sacré des Musulmans, est organisé l’événement Tidji fô damé.

Il est une création de Sababou Bangou, une association locale à vocation culturelle qui se donne comme objectif le vivre ensemble, à travers la mise en œuvre d’activités théâtrales et de sensibilisation sur des thématiques de cohésion sociale et de développement. « Spécifiquement, l’association veut être un cadre idéal permettant aux jeunes de la région de s’informer, de se former et de sensibiliser pour un changement de comportement positif et un développement humain durable », explique Ibrahim Dicko, Secrétaire général de Sababou Bangou.

C’est dans cet élan que la troupe a lancé le 15 mars dernier la 4ème édition de l’activité, sur le thème « Conte, un mode de transmission de nos valeurs culturelles ». Le lancement officiel a eu lieu dans le quartier de Badjindé, avec un programme riche et varié mêlant contes, poésies, danses et chants traditionnels liés au Ramadan. Il se poursuivra jusqu’au 7 avril, avec au menu des activités dans tous les autres quartiers de Tombouctou.

« Tidji fo damé, ce sont des séances populaires de contes et légendes dans les quartiers de la ville de Tombouctou à l’intention d’un public jeune. Nous faisons appel à des personnes ressources (conteurs) désignées dans le quartier même pour animer ces séances. Avec leur aide, la troupe organise des activités durant toutes les nuits du Ramadan dans les 8 quartiers de Tombouctou, à raison de 2 quartiers par semaine) », fait savoir Hameye Mahamane Touré, Président de l’Association culturelle Sababou Bangou.

Selon lui, Tjidi fo damé vise à consolider les valeurs et principes moraux de la société tombouctienne, à contribuer au renforcement de la cohésion sociale entre les populations de la ville et à exhorter les jeunes « à adopter des comportements favorisant le vivre ensemble ».

En outre, Tjidi fo damé est aussi devenu un moyen pour les populations de la ville de Tombouctou « de se procurer de la joie et de resserrer leurs liens ». Oubliant ainsi, le temps d’une soirée, les affres du terrorisme auxquelles elles font face depuis 2012.

Le « polar » au Mali : Les héritiers de Moussa Konaté

Le roman policier (polar) malien, dans un style qui lui est propre, montre la société dans ce qu’elle refuse de voir, parle d’amour, de mariage, de solidarité, de coutumes, de l’organisation traditionnelle de nos communautés, avec au centre un sujet préoccupant, qui a le mérite d’être posé, la sécurité. Sur les traces de Moussa Konaté, de nouvelles plumes s’illustrent dans ce genre littéraire.

Quand on parle de roman policier sur le continent africain, les gardiens de l’histoire, témoins de la naissance de ce genre littéraire en Afrique subsaharienne francophone, ne manquent pas de mentionner le Malien Modibo Sounkalo Keita comme le pionnier de cette trame qui repose sur le suspense et les rebondissements d’une enquête policière. D’ailleurs, « L’Archer Bassari », publié en 1984, qui fait un clin d’œil au Sénégal, vaudra au journaliste – écrivain le Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1985, ainsi que le Grand Prix du Syndicat des journalistes et écrivains français.

Cependant, de par la richesse et la diversité de son œuvre, l’histoire retiendra le malien Moussa Konaté comme celui qui aura marqué et impacté pendant une période plus ou moins longue, le roman policier au Mali et sur le continent. En 1981, « Le Prix de l’âme », son premier roman, écrit pendant ses années de lycée, traçait déjà le chemin d’une carrière pleine de promesses. En 1998, avec Le Figuier, sa maison d’édition, il captive avec « Le Commissaire Habib » et signe son entrée dans le « Polar », et ce jusqu’à la fin de sa vie, en 2013.

Il plonge le lecteur au cœur d’une enquête interminable sur les rives du fleuve Niger et le tient en haleine sur une série d’intrigues passionnantes et énigmatiques, avec le Commissaire Habib, personnage clé de chaque dénouement. Moussa Konaté deviendra l’emblème incontesté du roman policier, qui à travers ses écrits, entraîne le lecteur au cœur de l’agora civilisationnelle africaine, où la tradition, dans sa science secrète, et la modernité se livrent des combats insoupçonnés, parfois mortels. Son style le classe dans la catégorie du « polar ethnologique », précise le nouvelliste, poète et romancier Ousmane Diarra.

Après Moussa Konaté, le roman policier malien continue d’écrire l’histoire sur les terres maliennes, dans les contrées lointaines comme dans les grandes villes. Des grands noms comme Mandé Alpha Diarra, Aïda Mady Diallo ou l’incontournable Mohammed Diarra suivent les traces de Moussa Konaté.

Tous, chacun dans son style unique et ondoyant, se rencontrent quand ils interrogent comme leurs pairs le « surnaturel », la science du « marabout » ou «la géomancie », explique Mohamed Diarra, dont la dernière intrigue policière, « Meurtre sous le pont des indigents », parue en 2019 après avoir obtenu le Prix du meilleur manuscrit de la Rentrée littéraire du Mali en 2015, relate une étonnante enquête sur le destin de Chata, dans laquelle les policiers du commissariat du 20ème arrondissement s’emparent de l’affaire pour rassembler les pièces du puzzle.

L’auteur, qui est actuellement sur un nouveau projet littéraire, pour l’instant intitulé « Un corps dans le lit du marigot », promet une publication pour les jours à venir.

Cette relève des héritiers est également assurée avec la romancière et réalisatrice Aïda Mady Diallo, première africaine à avoir écrit un roman noir, « Kouty, mémoire de sang », paru aux éditions Gallimard en 2002, où angoisse, peur, insécurité et détermination se succèdent.

Le « Polar » pour tous les âges, se matérialise en 1999 avec le roman policier pour enfant « Rapt à Bamako » de Mandé Alpha Diarra, écrit avec Marie-Florence Ehret. Un roman pour la jeunesse qui met en scène, au cœur d’une histoire tonique de disparition, des adolescents au flair d’enquêteurs. Des personnages drôles, dans un ouvrage de 100 pages qui font découvrir des paysages du Mali, ses coutumes et ses habitants. Dans ces yeux d’enfants, on se perd, mais si on lit bien dans l’encre de chaque regard, la vérité triomphe toujours quand l’enquête est bien menée.

Les écrivains catégorisés « polar » au Mali, transcendent l’apparence des faits pour aller chercher la vérité du « moi intérieur », défiant les chaînes de la tradition pour que seule la vérité soit fille d’investigation, au gré d’épreuves redoutables et parfois invisibles par le commun des mortels. C’est cette signature par essence du roman policier malien qui traversera le temps, avec des plumes qui assureront la relève pour chaque génération après Moussa Konaté.

Idelette Bissuu