Développement durable : lancement du programme « Chinfinw Ka Baara Sira » au Mali

Le gouvernement, en partenariat avec l’Union européenne et LuxDev, a récemment lancé « Chinfinw Ka Baara Sira », un programme de formation professionnelle destiné aux jeunes de 15 à 35 ans, financé à hauteur de 17 millions d’euros dans le cadre de la Vision 2063 « Mali Kura ».

La ministre de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Oumou Sall Seck, a présidé la cérémonie de lancement du projet « Chinfinw Ka Baara Sira » (« Le chemin des jeunes vers l’emploi »), dans le cadre de la Vision 2063 du Mali Kura. Ce programme vise à former et insérer professionnellement 5 500 jeunes âgés de 15 à 35 ans. Il s’inscrit dans la stratégie nationale de renforcement du capital humain pour un développement durable du pays.

Le projet, financé par l’Union européenne à hauteur de 17 millions d’euros, soit plus de 11 milliards de francs CFA, propose une double orientation : dix pour cent des bénéficiaires seront formés pour occuper un emploi salarié, tandis que quatre-vingt-dix pour cent seront accompagnés dans la création d’activités indépendantes . Les profils ciblés incluent des jeunes non scolarisés, déscolarisés, diplômés, techniciens, personnes en situation de handicap et migrants de retour.

Lors de son intervention, Oumou Sall Seck a souligné que ce dispositif répond à la demande du marché du travail tout en tenant compte des réalités locales. Le programme prévoit dès le démarrage la mise en place d’un comité de pilotage chargé de lancer un plan opérationnel doté d’un budget consacré à l’élaboration de modules adaptés, la sélection et la formation initiale de jeunes, ainsi qu’à l’étude des besoins du marché.

Aux côtés de LuxDev, acteur de la coopération luxembourgeoise, les premières activités de formation et d’accompagnement se sont tenues, dans une dynamique de renforcement des capacités et de soutien à l’emploi .

Le lancement de « Chinfinw Ka Baara Sira » marque une étape majeure dans la mise en œuvre de la Vision 2063, qui vise à transformer le capital humain en moteur du développement durable du Mali.

 

Jeunesse malienne et emploi : Une génération face à un marché du travail inadapté

Avec 75 % des chômeurs âgés de 18 à 35 ans, le Mali fait face à une crise d’emploi qui reflète des inégalités profondes et structurelles. Entre inadéquation des formations, domination du secteur informel et disparités régionales marquées, la jeunesse malienne lutte pour s’insérer dans un marché du travail inadapté.

Selon l’étude Mali-Mètre (2019-2024), les jeunes âgés de 18 à 35 ans représentent 75 % des chômeurs, soit trois fois plus que les autres groupes d’âge. Cette situation reflète des inégalités marquées sur les plans régional, éducatif et de genre, aggravant les défis liés à leur intégration dans le marché du travail. Les régions du Nord, notamment Gao, Kidal, Mopti et Ménaka, sont les plus touchées par le chômage et l’inactivité. Les jeunes de ces régions ont jusqu’à 70 % moins de chances d’être actifs par rapport à leurs homologues de Bamako. Ce déséquilibre est aggravé par les défis sécuritaires et le manque d’opportunités locales.
À l’inverse, les régions méridionales enregistrent un niveau d’activité plus élevé, mais cette activité est dominée par le secteur informel, qui emploie plus de 70 % des jeunes actifs, avec un taux de 77 % chez les femmes.
Le genre est un facteur déterminant dans l’accès à l’emploi. Les femmes, qui constituent 51 % des jeunes, sont largement surreprésentées parmi les inactifs, avec 75 % d’entre elles confinées à des rôles domestiques. Parmi les jeunes actives, la plupart évoluent dans des emplois précaires. Paradoxalement, les hommes, bien qu’affichant un taux d’activité plus élevé, sont plus souvent au chômage, ce qui reflète leur forte présence dans les secteurs formels, où la concurrence est rude.
L’étude révèle également une inadéquation majeure entre l’éducation et l’emploi. Les diplômés du supérieur ont 5,66 fois plus de chances d’être au chômage que ceux sans formation, tandis que les jeunes diplômés du secondaire affichent également des taux d’inactivité élevés. En revanche, les jeunes sans formation ou ayant un niveau primaire sont plus souvent actifs, bien que cantonnés à des emplois peu qualifiés dans l’agriculture ou l’artisanat. Cette inadéquation met en évidence les limites du système éducatif, qui ne parvient pas à répondre aux besoins d’un marché du travail dominé par l’économie informelle.
Pour inverser cette tendance, une réforme profonde et ciblée est nécessaire. L’amélioration de la formation professionnelle pour répondre aux besoins économiques locaux, le soutien à l’entrepreneuriat pour favoriser la création d’emplois et l’adoption de politiques inclusives visant à réduire les disparités régionales et de genre sont essentiels.
De plus, l’étude souligne aussi qu’exploiter pleinement le potentiel de la jeunesse malienne nécessite des efforts concertés pour aligner les opportunités économiques avec leurs compétences et aspirations. Le document prévient que sans ces actions, cette génération, pourtant centrale à la démographie du Mali, continuera de porter le poids des échecs structurels du marché du travail.
Massiré Diop