Mali- Politique : quelle opposition face à la transition ?

Alors même que la nouvelle Constitution qu’elles veulent faire adopter est contestée par une frange de la classe politique et de la société civile, les autorités de la Transition du Mali, surtout depuis la prise totale du pouvoir par le Colonel Assimi Goïta, ne semblent faire face à aucune opposition majeure. Ni politique, ni sociale et encore moins parlementaire.

Le référendum à venir a mis en exergue plusieurs réalités. Une première étant une « remise sur pied » d’une vieille garde politique qui conteste le projet de nouvelle Constitution. Rassemblée au sein d’un mouvement lancé le 11 juin dernier et qui comprend également des associations hétéroclites (voir Page 3), elle dénonce le référendum. Même si ce mouvement entend mener des actions, rien n’est encore acté, et la contestation dans la rue dans le style Antè A Bana en 2017 ne semble pas être une option. Une deuxième réalité est que le processus lié à la Constitution a suffi à fractionner le Cadre des partis pour un retour à l’ordre constitutionnel, l’un des rares rassemblement qui était présenté comme menant une « Opposition » à la Transition, même s’il a toujours lui-même réfuté ce mot. Déjà fragilisé par l’ADEMA, qui s’est rangée du côté de la transition depuis le changement au niveau de son directoire et les positions à contre-courant de Moussa Mara, il vit sonner son hallali lorsqu’en février les noms d’Amadou Koïta et d’Amadou Haya sont apparus sur la liste des membres de la Commission de finalisation. Koïta et plusieurs autres membres du Cadre ont par la suite appelés à voter Oui. Bien que le M5 Malikura soit opposé à la Constitution et aux « actions » des autorités la Transition, il s’approprie tout de même le terme. « Étant donné que les militaires qui ont pris le pouvoir en août 2020 disent qu’ils sont venus parachever l’œuvre du M5-RFP, nous considérons que c’est donc nous la Transition. C’est nous qui l’avons souhaitée en sollicitant le départ d’IBK », explique Bréhima Sidibé, Secrétaire Général du parti FARE An Ka Wuli et membre de la coalition politique. Selon unanalyste qui a requis l’anonymat, les affaires judiciaires visant des politiques et les ayant poussés à l’exil, le décès en détention de Soumeylou Boubeye Maiga ou encore la grande popularité du Colonel Assimi Goïta contraignent les politiques à la prudence. Sur ce dernier point, il assure que ceux-ci ont leur part de responsabilité. « Des politiques n’ont jamais cessé de critiquer les autorités. Mais les critiques se sont concentrés sur le Premier ministre Choguel Maïga, en ignorant soigneusement les militaires au pouvoir, qui sont pourtant  qui dirigent ».

Pour le Pr Abdoul Sogodogo, Vice-Doyen de la Faculté des Sciences administratives et politiques de Bamako (FSAP), lorsqu’un pays traverse une crise politique comme celle que connaît le Mali, l’opposition politique peut jouer un rôle important dans la résolution de la crise ou, au contraire, l’aggraver en alimentant la polarisation et la violence.

« L’opposition politique peut jouer un rôle essentiel dans la restauration de la démocratie et de l’État de droit. En s’opposant aux auteurs du coup d’État et en exigeant un retour à l’ordre constitutionnel, à l’instar du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR) en 2012. L’opposition peut également aider à garantir que les droits civils et politiques des citoyens soient protégés et défendus ».

Outre les politiques, le pouvoir législatif, le Conseil national de transition (CNT), ne fait non plus pas office de contre-pouvoir à l’Exécutif. Des observateurs regrettent que ses membres n’interpellent pas les autorités de la Transition sur des questions importantes, notamment liées à l’électricité ou la sécurité. Certains conseillers nationaux, comme Adama Ben Diarra ou encore le Dr Amadou Albert Maïga, affichent même clairement leur soutien aux autorités. Finalement, le plus grand bras de fer que mènent les autorités de la transition est contre les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix. Les coups de chaud se sont multipliés ces dernières semaines et la médiation internationale semble prêcher dans le désert.  Certains de ces groupes, qui ne se reconnaissent pas dans le projet de nouvelle Constitution, menacent même la tenue du référendum dans les zones sous leur contrôle.

Fare an ka wuli : rentrée politique à Yanfolila

Le parti Fare an ka wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé fera le dimanche 21 mars sa rentrée politique au titre de l’année 2021 à Yanfolila, à 195 km de Bamako, dans la région de Sikasso. Yanfolila est le fief du parti et le seul cercle au Mali à avoir donné, à l’issue des dernières communales, une quarantaine d’élus communaux aux Fare. Selon le Secrétaire général adjoint du parti, Bréhima Sidibé, c’est également une manière de remercier les militants du cercle et de consolider les bases de la formation politique. Cette rentrée politique sera « l’occasion pour l’ensemble des organes invités d’échanger sur l’actualité nationale, les perspectives par rapport aux élections générales de 2022 et la vie du parti également ».

La rentrée politique sera présidée par Modibo Sidibé. Entre 400 à 500 délégués et sympathisants du parti sont attendus pour prendre part à cette rencontre importante. Les organisateurs assurent qu’ils mettront tout en œuvre pour le respect des mesures barrières anti Covid-19.

Report des législatives : Voix discordantes

C’était dans l’air depuis un moment. C’est désormais officiel. Les élections législatives sont à nouveau reportées, ouvrant la voie à une prorogation du mandat des députés jusqu’à la fin du premier semestre 2019. Entre respect de la constitution et le climat politico-sécuritaire, les réactions des partis politiques sont partagées.

La Cour constitutionnelle du Mali a donné un avis favorable à la demande de l’Assemblée nationale pour le report du scrutin législatif, constatant non seulement  « le caractère de force majeure des difficultés entravant le respect scrupuleux des dispositions constitutionnelles et légales » mais aussi « la nécessité d’assurer le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale ». L’institution précise cependant que « ladite prorogation doit intervenir au moyen d’une loi organique », selon l’avis N° 2018-02/CCM du 12 octobre 2018, paru dans le Journal officiel de la République du Mali.

Réactions divergentes Face à ce deuxième report des élections législatives, les partis politiques n’ont pas tardé à réagir. Dénonçant une action qui « vise à donner un cadre légal à une action politique destinée à couvrir un vide constitutionnel », Moussa Mara, président de Yèlèma, réitère la position de son parti au maintien de la date constitutionnelle des élections législatives et est donc « opposé par principe au report de cette consultation ». « Le parti Yèlèma rappelle que la situation actuelle du Mali nécessite un dialogue politique inclusif permettant d’aboutir à des solutions consensuelles », peut-on lire dans un communiqué daté du 16 octobre 2018.

Au FARE – An ka wuli, ce report de l’élection des parlementaires est plutôt bien accueilli. D’ailleurs le parti n’avait pas attendu l’officialisation pour se prononcer sur la question. « Le contentieux des élections présidentielles n’étant pas encore vidé et le pays ayant d’autres priorités pour l’heure, on ne peut pas aller aux élections législatives. Aucun Malien ne peut fermer les yeux aujourd’hui sur la situation dramatique que notre pays traverse », constate Bréhima Sidibé, secrétaire général adjoint.

Le président du Parti pour l’action civique et patriotique (PACP), Niankoro Yeah Samaké, évoque pour sa part  un « mal nécessaire ». « Nous n’encourageons en aucun cas la violation de la Constitution. Mais avec la procédure entamée pour aboutir à la prorogation, il y a eu un compromis politique et cela amène un climat plus apaisé. Nous saluons donc ce compromis entre l’opposition et la majorité », affirme le candidat malheureux à la dernière présidentielle.

Echiquier politique : un front électoral est né

Le Mali s’achemine allègrement vers les élections de 2018. Dans les états-majors politiques, l’on affûte les armes. Les alliances naissent de toutes parts. C’est ainsi qu’on a assisté, le lundi 27 février, à la Maison des Ainés, à la formation d’un nouveau pôle politique de gauche au sein de l’opposition malienne, qui s’annonce comme un levier électoral au service de Modibo Sidibé.

Ils sont cinq formations politiques dont les responsables avaient disparus des radars, à se retrouver pour signer l’acte de naissance d’un nouveau regroupement politique dénommé Nouveau pôle politique de la gauche républicaine et démocratique (NPP), cela, après plus de deux ans de discussions entre les partis concernés. Amadou Tiéman SANGARE a apposé sa signature au nom de l’UPD, Daba Diawara pour le Parti de l’indépendance, de la démocratie et de la solidarité (PIDS), Modibo Sidibé junior pour le PRDDM, Moussa Sissoko pour le Front Uni pour l’Alternance et le Changement (FUAC) et enfin Modibo SIDIBE pour les FARE-Anka-Wuli.

La principale raison de la naissance de ce nouveau groupement politique est selon ses initiateurs de défendre les idéologies des pères fondateurs de la nation malienne qui ont toujours voulu que le Mali soit un pays indépendant et souverain. « Notre objectif est de faire de notre un véritable exemple de démocratie avec des vraies élections et où l’État de Droit et la justice s’applique à tous », explique Daba Diawara, Président du parti de l’Indépendance de la Démocratie et de la Solidarité (PIDS). Pour les leaders du NPP, il faut harmoniser les positions politiques des partis politiques, mouvances, regroupements, et associations signataires sur toutes les questions touchant la vie de la nation et dégager ensemble des positions communes face aux défis se présentant au niveau sous régional, africain et mondial.

Mais au-delà de cette profession de foi de ces leaders, beaucoup voient dans ce regroupement une récupération politique de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, président des FARE AN KA Wuli, de plus en plus isolé au sein de l’opposition républicaine dirigée par Soumaila Cissé. «Le leader des FARE, est dans la perspective de l’élection présidentielle de 2018. Comme le courant ne passe pas beaucoup entre son parti et les autres formations de l’opposition, il cherche à occuper le terrain », explique Dr Harouna Diallo, analyste politique.

Le nouveau regroupement aura-t-il les moyens de sa politique ? Pourra-t-il se rassembler autour d’une candidature unique pour barrer la route à IBK en 2018 ?  Seuls, Modibo Sidibé et ses camarades du NPP sont à mesure de répondre à ces questionnements. Pour l’instant, ce front ne semble pas constituer une véritable menace pour la mouvance présidentielle car ses composantes ne font pas trop le poids face à la convention de la majorité présidentielle.