Dépôt d’ordures de Lafiabougou : une énième évacuation

Ce n’est pas la première fois que le dépôt de transit des ordures situé à Lafiabougou en commune IV du District de Bamako, communément appelé « Kilimandjaro » est évacué. En ce mois d’août 2023, cette nouvelle évacuation constitue un soulagement pour les habitants et les autorités de la collectivité. Mais la problématique de la gestion des déchets reste entière, parce que cet espace que les habitants souhaitent voir transformé, reste le dépôt de transit de la commune.

Des eaux de puits inutilisables, des odeurs nauséabondes et une route coupée, les désagréments causés par le dépôt d’ordure de Lafiabougou ne sont pas exhaustifs. Des maux que les populations riveraines souhaitent ne plus revivre. Ce dépôt, à l’origine situé à la périphérie, est aujourd’hui en plein centre de ce quartier désormais au cœur de la ville. Difficile donc pour les populations d’envisager une cohabitation avec des déchets qui s’accumulent le long de l’année et à la source de bien de désagréments surtout en période hivernale.

Les populations qui se réjouissent donc de cette évacuation, espèrent que ce sera pour de bon.

« L’évacuation va contribuer à la santé. Mais si on pouvait ne plus jeter les ordures ici, ce serait bien », a annoncé un membre du collectif qui avait milité pour l’évacuation des déchets.

La proximité du cimetière fait de cet endroit particulièrement sensible, un lieu dont on doit prendre soin, ajoute-t-il. Outre les déchets, il reste à curer les caniveaux situés aux abords, parce qu’en cas de pluie, ce sont toutes les maisons riveraines qui sont inondées.

Déplacer le dépôt

L’objectif du collectif est donc d’en finir avec ce dépôt. C’est pourquoi les membres du collectif ont entrepris de faire signer des pétitions et ont engagé des concertations afin que ce dépôt soit transformé. Le collectif s’est même engagé à sensibiliser les habitants afin qu’ils ne déversent plus les ordures, sur l’espace où il s’apprête à planter des arbres.

Si les autorités municipales se réjouissent autant que les populations, elles se disent impuissantes face à la gestion de ces déchets.

« Le dépôt a été évacué, grâce à des partenaires. Même s’il s’agit d’une compétence transférée, l’assainissement est toujours à la charge de l’Etat.  Dans le plan d’urbanisation c’est un dépôt de transit. La mairie n’a pas la compétence pour déclasser », précise le conseiller municipal en charge de la question.  La mairie qui espère que la décision permettra aux populations de ne plus subir les désagréments, souhaite que ce dépôt soit amélioré.

Evacuation des tas d’ordures de Lafiabougou

La montagne d’ordure appelée  mont Kilimandjaro II,  n’est plus qu’un mauvais souvenir pour la population de la commune 4 du district de Bamako. Il a fallu 80 jours à Ozones Mali pour évacuer les 700 000m3 d’ordures dans un nouveau dépotoir à Tienfala, dans la région de Koulikoro et dans les champs de Sanankoroba, Moutougoula. C’est un grand soulagement pour la population de Lafiabougou qui vivait dans la pollution et les odeurs  nauséabondes. Certains riverains sont néanmoins mécontents car ils dépendaient de ces ordures pour vivre.

Dépotoir de Lafiabougou: une montagne d’ordures en plein coeur de Bamako

Quartier résidentiel et cité des affaires, l’ACI 2000 peine à  panser sa plaie : un dépotoir d’ordures en pleine ville et de surcroit contigu au cimetière de Lafiabougou. Silencieusement, les morts doivent s’interroger sur ce manque de respect des vivants et Jules Koné vendeur de médicaments traditionnels le dit bien « mourir et être enterré dans ce cimetière C’’est mourir deux fois. Les autorités n’ont aucun respect pour nos morts, voyez vous-même, les mauvaises odeurs vous asphyxient ». Ces dires de Koné sont corroborés par un petit garçon freluquet qui fouille les décombres avec des mains nues envahies par des plaies de toutes sortes et une poitrine bourdonnante. Il dit travailler dans le dépotoir à  l’instar de sa mère qui récupère des objets jetés pour les recycler et les vendre afin de subvenir aux besoins de la famille. Effectivement, des voix de femmes attirent notre attention. Il faut se boucher les narines pour enjamber les monticules d’ordures et rejoindre ce groupe de récupératrices. Elles achètent les chargements des charrettes qui collectent les ordures ménagères. Selon la provenance, elles savent si le chargement contient des ordures importantes, bien triées, commercialisables et donc rentables ou des ordures de pauvres. Kouttoum, la trentaine révolue, le visage rabougri par des années de bêche avoue « faire ce travail pour subvenir aux besoins de la famille. Je ne peux ni voler ni me prostituer alors je viens ici à  l’aube pour avoir des objets recyclables. Je rentre à  la mi-journée pour tout rincer et mes enfants se chargent de la commercialisation». 36 millions pour un bout de route pavée Monsieur Nimaga, gérant de cybercafé rencontré sur place nous a confié, dépité « je travaille ici depuis plus de six ans et chaque jour nous nous posons des questions sur ce monticule d’ordures. Au début C’’était un dépôt transitoire et face à  l’inertie des autorités, cela a pris des proportions incommensurables. IBK a été député de la commune 4 et président de l’Assemblée mais il ne s’est jamais intéressé à  cette plaie de l’ACI 2000 or les quartiers de Koda, Djikoroni, Lafiabougou, Sébénikoro, ACI 2000 et une partie de Hamdallaye viennent enterrer leurs morts ici. Avec l’élection de Moussa Mara à  la tête de l’institution municipale, nous pensions qu’il allait prendre le problème à  bras le corps mais rien ». Un propriétaire de salon couture ayant pignon sur rue non loin du dépotoir enfonce le clou « Moussa Mara a bien travaillé hein, il a mobilisé, tenez-vous bien, 36 millions pour faire sur trois ans ce petit bout de route pavée qui sépare le cimetière et le dépotoir. Il a clôturé le site et nous a refilé le monstre avant d’aller se réfugier au gouvernement ». Joint au téléphone sur conseils des riverains, un libyen logeant autrefois en face du dépotoir explique « avoir déménagé suite à  des maladies pulmonaires, aux odeurs pestilentielles, à  la misère ambiante, à  l’insécurité grandissante et à  cette cohabitation cynique entre les morts, les miséreux et la bourgeoisie nouvelle de l’ACI 2000 ». Le ressortissant libyen espère que « le ministre solutionnera ce problème qui le suit et qui en réalité entre dans ses prérogatives de ministre de la ville ». Pourquoi pas une conférence interministérielle ? Justement, nous nous sommes rendus une seconde fois sur les lieux mais cette fois nuitamment pour vérifier les arguments des autorités municipales qui disent « vouloir en finir avec le dépotoir ». Effectivement, à  partir de vingt et une heures, près de douze camions-benne en file indienne viennent enlever grâce à  une pelleteuse les ordures. l’opération entamée il y a plusieurs semaines ne donne pas encore les résultats escomptés d’autant que les tonnes d’ordures évacuées vers Samaya sont remplacées le matin par d’autres. Babel Thiam, tailleur ayant son atelier de couture à  un jet d’encre du dépotoir clôt le débat « si le président IBK et le ministre Moussa Mara respectent les morts et veulent prouver qu’ils pensent au bonheur des Maliens, ils ont l’occasion de le faire avec la fermeture pure et simple de ce dépotoir dont on dit, je n’en suis pas sûr et il est difficile de le vérifier, que le terrain appartiendrait à  l’actuelle première dame. La commune 4 qui a porté au pouvoir trois présidents ne mérite pas d’héberger un site aussi répugnant ». Affirmatif quand on sait que les morts méritent plus de respect et à  ce titre les ministres de la santé, de l’assainissement, de l’environnement, de la sécurité et des affaires religieuses doivent se pencher sur la question pour en finir avec ces déchets solides qui minent la vie des riverains. Quoi dire de plus ? Ce dépotoir qui pose des problèmes de santé publique, d’insécurité, de morale et de respect des normes urbaines doit disparaà®tre de la carte de la commune IV. C’’est une bombe sociale latente et les autorités le savent bien puisqu’il est déconseillé de s’aventurer seul aux abords du cimetière à  certaines heures de la nuit. Emoussant et non marrant, ce dépotoir doit être déporté, n’est–ce pas Moussa Mara!