G5 Sahel : une redynamisation presque impossible sans le Mali

Depuis quelques semaines, les pays membres du G5 Sahel affichent une volonté de redynamisation de l’organisation sahélienne, dont le fonctionnement était au ralenti ces dernières années. Multiplication des rencontres ministérielles, appels du pied au Mali, qui s’en est retiré en mai dernier, Sommet extraordinaire des Chefs d’États en vue, le G5 Sahel semble tourné vers une difficile « renaissance » sans le Mali.

L’année 2023 est-elle partie pour être celle de la redynamisation du G5 Sahel ? Depuis son début, les réunions se multiplient entre les 4 pays membres restants pour « préserver et redynamiser » l’organisation.

Le 10 janvier, les ministres en charge de la Défense des pays membres se sont retrouvés en Séance extraordinaire à N’Djamena, au Tchad, pour parler du fonctionnement de l’organisation et faire des recommandations pour la lutte efficace contre le terrorisme dans le Sahel, vocation première du G5 Sahel depuis sa création, en 2014.

Dans le cadre du redimensionnement du Commandement et du renforcement des capacités de combat de la Force conjointe du G5 Sahel, pour la rendre plus opérationnelle et efficace, ils ont décidé de l’augmentation du nombre de bataillons à 14. Le Burkina Faso va désormais compter 5 bataillons, de même que le Niger, et la Mauritanie et le Tchad, 2 chacun.

Toujours dans la capitale tchadienne, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du G5 Sahel se sont rencontrés le 18 janvier pour faire l’état des lieux de l’organisation, « en relation notamment avec le retrait du Mali », auquel ils ont à nouveau exprimé leur « souhait de voir rejoindre sa famille naturelle qu’est le G5 Sahel ». Ces diplomates ont également recommandé une mobilisation des ressources croissantes, organisées et efficaces des États-membres.

Inefficace sans le Mali 

Si la volonté de redynamisation de l’instance sahélienne est clairement affichée, plusieurs analystes s’accordent à dire qu’elle sera difficile et inefficace sans le Mali. Cela semble d’ailleurs être le cas des autres pays membres du G5 Sahel, qui ne cessent de plaider pour son retour dans l’organisation.

Le Mali, de par sa position géographique, était le seul pays qui se retrouvait dans 2des 3 fuseaux du G5 Sahel (Fuseaux Ouest avec la Mauritanie et Centre avec le Burkina Faso et le Niger).

« Sans le Mali, le G5 Sahel perd son élément le plus essentiel dans la lutte qu’il entend mener pour la sécurisation du Sahel. Aucune redynamisation sans ce pays et sans une capacité de financement propre aux États membres ne saurait donner à l’instance ses lettres de noblesse », tranche Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance pour la réforme du secteur de la Sécurité.

« Le Mali est frontalier de 3 des 4 autres pays membres du G5 Sahel et partage une superficie quadrilatère de plus de 300 000 km² avec deux d’entre eux. Cette portion constitue aujourd’hui l’épicentre du terrorisme dans le Sahel et aucun succès dans cet espace commun entre 3 pays ne saurait être viable et durable sans une véritable coordination entre eux », poursuit-il.

Mahamadou Sawadogo, chercheur burkinabè spécialiste des questions de sécurité, abonde dans le même sens. « Le Mali, le Burkina et le Niger forment le Fuseau central du G5 Sahel. Avec le retrait du Mali, il est difficile que ce Fuseau central survive. Ce qui veut dire que l’organisation a besoin du Mali pour contrôler ce Fuseau central, qui est d’ailleurs l’épicentre de la menace terroriste, parce que c’est à ce niveau que se trouve la Zone des 3 frontières », souligne-t-il.

Selon Soumaila Lah, le retrait du Mali de l’organisation constitue un véritable casse-tête  parce que le pays était jusque-là le maillon à partir duquel il était possible d’affirmer une certaine puissance sur les groupes armés terroristes et le banditisme transnational. Un retour du Mali, comme le souhaitent les autres pays membres, apparait comme essentiel pour une redynamisation efficace du G5 Sahel.

Mais cette possibilité a déjà été écartée par les autorités de la Transition, qui estiment que cette instance est noyautée par l’étranger. Dès lors, pour beaucoup d’observateurs, la « mort » annoncée du G5 Sahel semble inévitable.

Mali – Burkina Faso : les enjeux d’une coopération militaire renforcée

Pour contrer la menace terroriste à laquelle font face les deux pays, le Mali et le Burkina Faso sont dans une dynamique de renforcement de leur coopération bilatérale militaire depuis la prise de pouvoir du Capitaine Ibrahim Traoré.

Le 2 novembre 2022, pour son premier déplacement à l’étranger après sa désignation à la tête de la transition burkinabé, le Capitaine Ibrahim Traoré avait choisi le Mali pour échanger avec son homologue malien, le Colonel Assimi Goita, sur « comment renforcer notre coopération militaire et pouvoir mieux mener nos opérations pour sécuriser nos populations ». Un choix « normal » porté sur « un pays frère avec lequel nous partageons une très large frontière et avons beaucoup d’échanges de populations », s’était justifié le Capitaine Traoré.

Dans la foulée de cette visite, le 11 novembre le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Colonel Sadio Camara, accompagné du Chef d’État-major général des armées et de plusieurs officiers, a effectué une visite d’amitié et de travail à Ouagadougou.

« Nous avons reçu des instructions de nos chefs d’États de nous mettre ensemble, de mutualiser non seulement les efforts mais aussi les moyens pour faire face à cet ennemi commun (le terrorisme, ndlr) pour le bien-être de nos populations », a indiqué le Colonel Sadio Camara au sortir de la rencontre avec son homologue burkinabé.

Un rapprochement « gagnant – gagnant »

Pour plusieurs observateurs, depuis le retrait du Mali du G5 Sahel, un renforcement des relations bilatérales sur le plan militaire avec ses voisins que sont le Burkina Faso et le Niger était devenu indispensable. Selon le chercheur Mahamadou Sawadogo, spécialiste des questions sécuritaires, avec la mort programmée du G5 Sahel il était difficile que le fuseau central Mali – Burkina – Niger, qui constitue d’ailleurs l’épicentre de la menace terroriste, survive sans le Mali.

Pour lui, dans ce sens, le renforcement en cours de la coopération bilatérale militaire entre le Burkina Faso et le Mali est « gagnant – gagnant ». Il permettra d’une part au Burkina Faso de sécuriser ses frontières avec le Mali et d’autre part au Mali de prendre à revers les groupes armées terroristes qui attaquent le centre du pays.

« Le Mali est dans la traque des groupes terroristes depuis une dizaine d’années et le Burkina Faso pourrait bénéficier de son expérience et aussi des moyens techniques et des vecteurs aériens dont dispose le Mali dans ce domaine. De l’autre côté, le Burkina Faso est soutenu par la communauté internationale, ce qui pourrait, de façon indirecte, bénéficier au Mali si toutefois il continue à être ostracisé. Le Mali a besoin de partenaires et ne peut pas continuer à s’isoler. Le Burkina Faso peut donc lui servir un tant soit peu de bouclier », analyse M. Sawadogo.

« C’est une obligation de part et d’autre. En mettant en commun les capacités militaires, cela ne peut que renforcer la lutte anti-terroriste. Le Burkina Faso a une majeure partie de son territoire située dans la zone des 3 frontières. Ce renforcement est donc d’abord au bénéfice du Burkina, même si le Mali y a aussi une partie non négligeable de son territoire », souligne pour sa part Boubacar Salif Traoré, analyste politique et sécuritaire, Directeur du Cabinet Afriglob Conseils.

Rendre la lutte anti-terroriste plus efficace

Pour que la dynamique de renforcement de la coopération sur le plan sécuritaire entre le Mali et le Burkina Faso aboutisse à des résultats probants, Boubacar Salif Traoré pense que les deux pays doivent partager des renseignements. « Il va falloir travailler assez rapidement sur cette question afin que les deux pays mettent en place des canaux d’échange assez dynamiques et des relations de confiance », suggère l’analyste, pour lequel des formations communes doivent également être envisagées au niveau des deux armées, qui doivent travailler ensemble, afin qu’elles se comprennent dans les différentes unités.

Dans le cadre de cette coopération militaire renforcée entre le Mali et le Burkina, les opérations conjointes des deux armées au niveau des frontières, arrêtées il y a plus d’un an, pourraient reprendre dans la zone. Toutefois, pour Mahamadou Sawadogo, « il est impératif que les opérations conjointes dans cette zone impliquent le Niger. Sans quoi il sera difficile d’engranger des résultats ».

Mali-Dinangourou : Sous blocus depuis plus d’un mois, le village appelle à la rescousse

« A Dinangourou, personne ne rentre, personne ne sort depuis plus d’un mois », s’indigne Oumar Aya, ressortissant de la localité. Un blocus qui rappelle celui très médiatisé de Farabougou mais que Alhousseiny Guindo, autre habitant de ce village juge pire. Village du cercle de Koro (région de Mopti), privé de tout réseau de communication, la localité est assiégé depuis le 02 mai 2021 par des hommes armés. « Violentée, affamée, assoiffée, malade, martyrisée et même tuée, cette innocente population souffre de tous les maux. Les activités génératrices de revenues sont à l’arrêt, les travaux champêtres menacés, les écoles fermées, la peur au ventre, la population agonise sous les balles du terrorisme et n’implore que pour la sécurité et la paix », dénonce M. Aya. Pour tous ces actes ignobles et inhumains, il lance un SOS aux plus hautes autorités afin qu’elles trouvent des solutions rapides et pérennes à la situation.  Pour ce faire, l’Association des Jeunes Ressortissants de Domno (AJRDO), dont il est le Secrétaire au département affaires étrangères, organise une conférence de presse, ce samedi 19 juin 2021, « parce que le mal a atteint son paroxysme. Il est impératif d’interrompre le silence radio et de prendre des mesures immédiates », plaide Oumar Aya.

Pour rappel Dinangourou est le plus grand chef-lieu d’arrondissement et le plus peuplé (la population est estimée à 62 355 habitants selon le recensement administratif de 2009) du cercle de Koro. L’insécurité qu’y prévoit est la conséquence de la crise sécuritaire dans la région de Mopti depuis 2015.

Aly Asmane Ascofaré (stagiaire)

Barkhane : à l’heure du choix

Huit ans après le début de l’intervention militaire française au Mali, le bilan est à bien des égards mitigé. L’opération Barkhane, qui a succédé à l’opération Serval en 2014, a engrangé des résultats, mais doit de plus en plus faire face à un rejet grandissant tant au Mali qu’en France, où, selon certains sondages, plus de la moitié des citoyens ne l’approuvent plus. Si un retrait immédiat, comme le souhaite une frange de la population malienne qui donne de la voix, semble ne pas être une option, certains faits laissent entrevoir une possible réorganisation du dispositif de la force au Mali.

73% d’opinions favorables en 2013 et 59% en 2019. Ils ne sont plus que 49% des Français à approuver l’opération Barkhane, selon un sondage Ifop réalisé début janvier 2021 et publié par Le Point le 11 janvier 2021. Une nette détérioration au fil des années de l’adhésion en France à cette opération, qui s’ajoute à une exigence accrue ces dernières semaines de certains Maliens d’un départ des forces étrangères du Mali, dont les troupes françaises.

Aux avant-gardes de cette position, le mouvement « Yèrèwolo, Debout sur les remparts », qui avait appelé à une mobilisation à Bamako le mercredi 20 janvier, jour symbolique du 60ème anniversaire de l’armée malienne, pour demander « le départ de l’armée française à travers l’opération Barkhane au Mali ». Mobilisation qui tourna finalement court après que les forces l’ordre aient gazé la poignée de personnes rassemblés pour cette manifestation interdite par les autorités.  Pour ce mouvement,qui s’appuyait sur l’activiste Kemi Séba, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français pour la réussite de la manifestation, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pour ce mouvement, appuyé pour cette manifestation par Kemi Séba, activiste, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pointée du doigt

La relative impopularité de l’opération Barkhane aujourd’hui résulte d’un sentiment de lassitude des populations maliennes vis-à-vis d’elle, sentiment qui s’est développé au fil des années avec l’enlisement de la crise sécuritaire dans les régions du nord et du centre, mais aussi progressivement dans celles du sud du pays.

« C’est normal que l’opération Barkhane soit critiquée aujourd’hui. S’il y a une minorité agissante au Mali qui fait beaucoup de bruit pour le retrait des troupes françaises, c’est tout simplement  parce que  l’insécurité gagne de plus en plus de terrain dans le pays », constate le Dr. Abdoulaye Tamboura, géopolitologue.

Comme pour ne rien arranger, la polémique autour de la frappe de Barkhane à Bounti, dans le cercle de Douentza, région de Mopti, le 3 janvier 2021, est venue renforcer la vision des Maliens qui souhaitent le retrait de cette force.

Par ailleurs, même si comme l’affirmaient le 7 janvier, deux communiqués distincts de l’État-major des armées françaises et du ministère de la Défense et des anciens combattants du Mali, il n’y a pas eu de dommage collatéral, ni d’élément constitutif d’un rassemblement festif ou d’un mariage dans la zone des frappes, le parti SADI du Dr. Oumar Mariko a affirmé « sans ambages », dans une déclaration en date du 18 janvier 2021, que l’armée française avait commis « une tragique bavure, qui a coûté la vie à de nombreux innocents et décimé partiellement une lignée familiale ».

« Vouloir occulter cette réalité et conclure à la présence de Groupes Armés Terroristes pour justifier une quelconque frappe de l’armée française est une insulte à l’intelligence collective de notre peuple, profondément attristé par cette tragédie », lit-on dans le communiqué signé du Bureau politique.

Ajustement impératif 

Alors donc que l’opération Barkhane fait face aux critiques sur son efficacité, la France envisage de réduire l’effectif de son dispositif présent au Sahel. Les 600 soldats supplémentaires déployés en janvier 2020, à l’issue du sommet de Pau, devraient être prochainement rapatriés.

« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort, par définition, c’est temporaire », a affirmé Florence Parly, ministre française des Armées, au « Parisien », dans un entretien publié le 4 janvier. Le  sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel, prévu pour février prochain à N’Djamena, sera l’occasion de prendre une décision. Le président français Emmanuel Macron a confirmé le 19 janvier ce réajustement qui se fera lors du sommet, où il se rendra.

Au-delà de cette réduction de l’effectif de l’opération Barkhane, des interrogations se posent sur l’opportunité d’une réorganisation de la force en vue d’un désengagement progressif de l’armée française au Sahel.

Une réduction et une possible réorganisation dont l’impact sur le terrain peut laisser entrevoir plusieurs options, selon Niagalé Bagayoko, politologue, Présidente de l’African Security Sector Network.

« Cette réduction sera peut-être vue comme un acte de bonne volonté qui pourrait permettre de faire avancer les négociations entre Bamako et les djihadistes,  mais elle peut être vue également comme un aveu de faiblesse et encourager au contraire d’avantages d’actions contre les effectifs restants de Barkhane ou de la Minusma. Et bien entendu contre les FAMa », analyse-t-elle.

La Task Force Takuba, qui vise à faire travailler les forces spéciales européennes en accompagnement et en formation des forces sahéliennes, pourrait en revanche bénéficier d’un renforcement.

Mais, là aussi, « on peut s’interroger, parce que les dernières attaques, qui ont été très meurtrières pour la Force Barkhane en fin d’année 2020 et en début d’année 2021, pourraient avoir dissuadé les partenaires européens, qui sont encore aujourd’hui très peu nombreux, déjà, de déployer des effectifs combattants sur le terrain », indique Niagalé Bagayoko.

Pour l’experte en sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale, il parait de plus en plus difficile pour une opération extérieure de s’impliquer dans la résolution d’une crise dont les racines font qu’il est extrêmement difficile de n’avoir qu’une approche militaire.

« On voit très bien aujourd’hui que cette problématique terroriste ou djihadiste apparait comme très imbriquée dans d’autres questions, notamment celles des affrontements inter ou intra-communautaires ou plus largement  entre groupes djihadistes  et certains groupes ou milices d’auto-défense, ce qui tend à rendre la situation extrêmement complexe », souligne-t-elle.

Renforcement des FAMa

Les autorités de la transition malienne se sont inscrites dans la poursuite de la coopération militaire avec les forces étrangères présentes au Mali. C’est dire que l’option d’un retrait immédiat de l’armée française, qui vient en appui à des forces armées maliennes faisant face à de multiples défis sécuritaires, n’est pas à l’ordre du jour.

« Ceux qui prônent le discours d’un départ immédiat de la France ne feront que précipiter le Mali dans un désastre qui ne dirait pas son nom. Je comprends cette position, parce qu’il y a de plus en plus de morts et de victimes, mais c’est ensemble, avec la communauté internationale, qu’on pourra résoudre ce problème », argue Dr. Abdoulaye Tamboura.

« Le Mali peut diversifier sa coopération,  mais elle se construit, elle ne vient pas comme cela, du jour au lendemain. C’est dans le cadre d’une confiance mutuelle. Au sein de l’Europe, aujourd’hui, je ne vois pas d’autres pays, à part la France, qui est l’un des seuls qui puisse envoyer des troupes sur un terrain extérieur d’opération. Même la Grande-Bretagne a des difficultés et l’Allemagne n’a pas une armée aussi efficace que cela », relève le géopolitologue.

La véritable alternative ne serait autre qu’un renforcement des capacités des forces armées maliennes, à travers « une formation et des outils de guerre assez efficaces, même en matière de renseignement, ce qui prendra encore quelques années », ajoute celui qui soutient qu’à partir de Ségou les forces armées maliennes ne maîtrisent plus le terrain, contrairement aux djihadistes aguerris.

C’est pourquoi, la France n’ayant pas vocation à « rester éternellement » au Mali, comme l’a plusieurs fois répété Florence Parly, l’État malien doit se préparer à trouver des alternatives pour réduire dans un premier temps l’impact que pourrait avoir l’ajustement du dispositif de Barkhane.

Barkhane: La France va envoyer 600 militaires supplémentaires

Le ministère des Armées officialisé l’information le dimanche 2 février dans un communiqué. Le président Emmanuel Macron a décidé de porter à 600 le nombre de troupes supplémentaires au Sahel allouées à l’opération Barkhane. C’est plus que ce que le renfort de 220 soldats annoncé en janvier lors d’un sommet à Pau avec les pays du G5 Sahel (Niger, Mali, Burkina, Tchad, Mauritanie).

« L’essentiel des renforts sera déployé dans la zone dite des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Une autre partie de ces renforts sera engagée directement au sein des forces du G5 Sahel pour les accompagner au combat », indique le communiqué de la ministre des Armées Florence Parly. « Cette étape majeure de notre engagement au Sahel doit marquer un tournant à la fois dans la mobilisation de nos partenaires européens et la montée en puissance des forces du G5 », précise le texte.

Lutte contre le terrorisme: Rencontre entre le nouveau commandant de la Force Barkhane et les FAMa à Gao

Le nouveau commandant de la Force Barkhane (Comanfor), le général de Division Facon, a effectué une visite de terrain le 6 août 2019 dans la première Région militaire de GaoDeux événements ont marqué cette visite du Comanfor Barkhane à Gao : une rencontre avec sa troupe (Force Barkhane) et une visite de courtoisie au nouveau Bataillon spécial des FAMa.

Boubacar Bocoum : « La CMA ne peut prendre tout un pays en otage »

Le gouvernement a institué à travers un décret en date du 08 mars l’opération ‘’Dambé’’ qui doit couvrir l’intégralité des régions du nord et du centre. Il créé aussi à travers un arrêté des bataillons d’unités spéciales dans ces régions pour faire face à l’insécurité et lutter contre le terrorisme. Le politologue Boubacar Bocoum analyse l’impact de ces nouvelles mesures rejetées par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA).

Que pourront apporter ces nouvelles mesures dans la situation actuelle ?
En réalité, elles n’apporteront pas grande chose. Elles permettront seulement de montrer que l’armée est en train de se réorganiser. Ce qui n’arrange pas la CMA. Même si vous transporter l’armée des États–Unis au Mali, elle ne changera rien à la situation sécuritaire aujourd’hui. Il faut revoir l’organisation et la vision politique. Il s’agit d’une tentative de maillage de terrain, mais aucun bataillon ne pourra empêcher des attaques. La solution doit être globale en résolvant les problèmes économiques, sociologiques et politiques. En ce moment, les attaques deviendront un problème résiduel. Au lieu de créer des bataillons à tort et à travers, pourquoi ne pas désarmer les mouvements?
La CMA a rejeté ces dispositions estimant qu’elles violent l’accord alors qu’en même temps la Plateforme et d’autres mouvements y adhèrent. Qu’est-ce qui s’explique cela ?
Elles ne violent pas l’accord. La CMA pense que c’est elle l’État alors qu’elle est une entité qui est à l’intérieur du Mali et qui a signé un accord dans lequel elle reconnaît l’intégrité et l’autorité de la République. Donc, elle ne peut pas remettre en cause l’autorité de l’État. L’État a le droit et le devoir de prendre des initiatives et ses initiatives s’imposent à la CMA si elles visent à consolider la paix et des intérêts de la Nation. La CMA a les armes et fait du chantage à l’État. Quant à la plateforme, ses objectifs sont différents. Elle a toujours été plus ou moins un mouvement qui accepte dans ses principes fondamentaux L’État du Mali. La CMA ne peut pas être une entité qui prend tout un pays en otage. A un moment donné, il faut s’inscrire dans la construction nationale.
Pourrait-il y avoir un lien entre l’attaque de Dioura et son opposition à ces mesures ?
Il y a toujours des spéculations possibles. Aucune preuve n’indique qu’elle fait partie, mais puisqu’elle est sur le terrain, les portes sont ouvertes pour qu’elle soit suspectée. Ses services de renseignement doivent être bel et bien au courant de ce qui s’est passé mais pourquoi n’ont- ils pas informé les autorités ? Ce sont des spéculations mais elle est suspecte à cause de son attitude.

 

Barkhane: Immersion à Ménaka

Présente à Ménaka depuis plus d’un an pour lutter contre les groupes armés terroristes, la force Barkhane représente, dans cette région stratégique, une arme redoutable. Ses actions sur le terrain, en partenariat avec les FAMAs, la Minusma, les forces de sécurité et certains groupes armés, ont permis d’instaurer depuis quelques mois une relative accalmie dans la ville. Immersion avec une force qui mise parallèlement sur des actions de développement pour un retour à la normale.

Ménaka. 23 février. Il est 16 heures quand l’avion se pose sur une piste en latérite, à une centaine de mètres du super camp de la Minusma, qui abrite les forces armées maliennes et la base opérationnelle avancée de la force Barkhane. Un vent poussiéreux souffle sur toute la zone. Un camion de Barkhane pour le transport de l’équipage est déjà stationné, sécurisé à 360° par des véhicules blindés légers. Le convoi pénètre quelques minutes après dans la base de Barkhane, dont la voie d’accès passe par la Minusma. De véritables fortifications se présentent sous nos yeux. Des postes de défense, des BRDM, des véhicules blindés, des avions, des militaires armés sont installés dans cette zone, soigneusement  épargnée des regards indiscrets.

À l’intérieur de la base, l’ambiance est particulière. Des tentes en bâches sont dressées, des douches et toilettes de campagne aussi. À quelques mètres, le drapeau de la France flotte à côté de celui du Mali. « Bienvenue sur le camp français de Ménaka. C’est assez exceptionnel d’accueillir autant des journalistes sur une base militaire, donc nous sommes forcément obligés de respecter certaines consignes de sécurité », explique  le lieutenant Léopold, officier de presse. Au même moment, un hélicoptère survole de camp. C’est dans ce labyrinthe que se préparent les opérations communes et les patrouilles, souvent avec les forces armées maliennes ou avec la Minusma. Mais aussi des opérations d’envergure contre les groupes armés terroristes (GAT). Une vie rustique, dans un environnement aux aléas difficiles. Déjà,  le soleil rougeâtre cède la place à l’obscurité.  

L’éternel combat pour la sécurité

À Ménaka ou Minika (Où allons-nous en tamasheq), la force Barkhane entretient un partenariat solide avec les forces armées maliennes. Les deux armées mènent régulièrement des patrouilles communes dans la ville. Dimanche 24 février. Alors que la nuit a été froide, les premiers rayons du soleil annoncent le début d’une journée de forte chaleur. Sur la base de Barkhane, le dispositif se met en place pour une patrouille commune avec les FAMAs dans Ménaka. Le convoi se met en marche et quelques instants après, toujours à l’intérieur du super camp, deux pick-up des Famas, équipés d’armes lourdes, rejoignent le cortège. Au dehors, un premier arrêt au commissariat de police de la ville, de l’autre côté de la route nationale. Les bâtiments avaient  été occupés suite à la rébellion de 2012 par des groupes armés. Rénovés par la Minusma, ils sont redevenus opérationnels en décembre 2017, avec un effectif d’une vingtaine d’éléments. Selon le capitaine Alhousseyni Ag Annaib, chef du commissariat, la conjoncture sécuritaire s’est améliorée depuis, même si les défis sont considérables. « Il y a du calme aujourd’hui. La situation sécuritaire à Ménaka n’est pas seulement d’ordre terroriste, elle est mise à mal surtout par les conflits intercommunautaires », souligne-t-il. « Nous avons obtenu la participation des groupes armés, qui montre leur volonté d’aller vers la paix.  Cette dynamique fait qu’avec les  FAMAs et les forces étrangères, ils patrouillent ensemble pour sécuriser les populations, d’où une certaine tranquillité », ajoute-t-il. L’établissement bénéficie, outre de l’appui de la MINUSMA, de celui de  la force antiterroriste. « Barkhane nous a installé des postes de combat sur le toit et dans les alentours, mais aussi des fils barbelés. Nous avons  mis en place avec les FAMA, Barkhane et la Minusma un poste de coordination d’opérations tactiques, ici au commissariat », se réjouit le capitaine, avant d’ajouter « sans la France nous n’en serions pas là ». Il reste cependant que l’action de ces forces de sécurité intérieures est très limitée dans une ville où tout le monde peut s’arroger le droit de porter des armes. Il déplore l’insuffisance des moyens humains et matériels. « La police ici, est militaire et donc nous avons besoin de moyens militaires. Quand on va attaquer le commissariat avec des moyens militaires, ce n’est pas avec du gaz lacrymogènes que nous allons pouvoir nous défendre », argumente sereinement le chef de la police judiciaire.

En plus de son appui aux forces de sécurité, c’est véritablement avec les forces de défense que Barkhane collabore de façon quotidienne. « Nous faisons des patrouilles avec Barkhane, mais aussi avec la Minusma et les groupes signataires de l’Accord, comme le GATIA et le MSA », témoigne le sergent Aboubacar Traoré, chef  de l’équipe en patrouille des Famas.

En visite à Ménaka le 25 février, le commandant de la force Barkhane, le Général Fréderic Blachon, a rappelé tout son intérêt pour la région. « Tout commence par la sécurité. En venant ici, c’est l’occasion pour moi de vous montrer à combien la force Barkhane estime essentielle la sécurité de cette ville. Ce que je suis en train de faire en ce moment, au côté d’un gouverneur, je le fais peu, et peut être pour la seule et unique fois au cours de mon mandat », affirme-t-il. « En 2018, nous avons pu neutraliser pas mal de terroristes. Nous leurs avons porté des coups et repoussé la menace. Mais nous savons que l’ennemi peut toujours faire du mal, même si c’est sans commune mesure avec la situation d’il y a deux ans », ajoute avec verve le commandant. Alors que les Famas s’installent à Anderanboukane, le patron de la plus importante opération militaire extérieure française rassure. « Nous avons bien l’intention de continuer à nous investir. Nous resterons le temps nécessaire à Ménaka, jusqu’à ce que le relais puisse être un jour pris complètement par les FAMAs », affirme-t-il. Parlant des rapports de Barkhane avec les mouvements présents sur le terrain, comme la Plateforme, la CMA et le MSA, le général fait le point. « Barkhane entretient entre avec l’ensemble des groupes signataires une impartialité totale. Il y a des groupes signataires qui sont plus engagés aux côtés du gouverneur et, par la force des choses, ce sont bien ceux-là qui bénéficient de plus de soutien », précise-t-il, avant d’ajouter : « ceux qui payent le prix du sang contre le terrorisme ont à un moment donné plus de légitimité, qu’on le veuille ou non », avance-t-il, faisant référence notamment au  GATIA et au MSA. 

Quelques minutes après, comme elle le fait le plus souvent, la patrouille commune s’engouffre dans la ville, au nord-ouest. Les enfants dans les rues, au passage des véhicules, lèvent une main en guise de salutation aux soldats. Une présence militaire qu’ils ont finie par intégrer, dans cette ville où le bruit des armes n’effraie plus. Sur certains murs figure encore le nom de la discorde : Azawad. 

Arrivée Place de l’indépendance, adjacente à la mairie, la patrouille s’immobilise, puis commence une progression à pied vers le principal marché moderne de la ville. Des commerçants détaillants exposent leurs produits variés dans cet espace public. Mais c’est au marché que se concentre l’essentiel des articles, des céréales, des habits, des condiments, avec toujours une ambiance animée. Ceux qu’on appelle là-bas en tamasheq les « Ikoufar » (les Blancs, les Occidentaux, les non musulmans en général), suscitent malgré tout la méfiance de certaines personnes. « Je n’ai rien contre eux, mais je sais que les gens s’en méfient ici », confie un habitant de la ville, sous anonymat.  Par contre, l’Imam de la mosquée du premier quartier se dit satisfait de leur présence. « Ils ne nous dérangent pas. Ce sont seulement ceux qui n’ont pas confiance en eux qui n’apprécient pas leur présence ici », se démarque Ibrahim Souley Maiga. 

Opérations séduction

Force militaire par excellence, Barkhane s’investit aussi depuis quelques mois dans des actions civilo-militaires en faveur des populations de Ménaka. « Nous sommes là pour rassurer la population et faire en sorte que le développement puisse se poursuivre, et même reprendre parfois dans certaines régions. Il n’y a pas de développement sans sécurité, ni de sécurité sans développement », dit le colonel Gabriel, commandant du groupement tactique numéro 2 de la force. Pour manifester cette volonté, Barkhane a signé un contrat avec le Groupement entreprise commerce général dans le cadre de la gestion des déchets du 1er quartier. Un incinérateur a été installé pour permettre à l’association des femmes de trier les déchets de Barkhane, qu’elles récupèrent, brûlant ce qui est inutile. D’un coût de  22 millions de francs CFA, il permettra dès le 1er mars à 110 familles de bénéficier de ses retombées, en vendant les bidons et contenants en aluminium récupérés jusqu’au Niger voisin. « Barkhane nous a aidé à obtenir le projet. C’est un atout, parce qu’il n’était pas destiné à l’origine à Ménaka », souligne l’entrepreneur Moussa Ismaguel. 

De l’autre côté de la ville, dans le lit de la mare d’Izgaret, au troisième quartier, la force Barkhane a également doté les maraichers d’un puits à grand diamètre d’une valeur de 5 millions de francs CFA. Mais, mal conçu, il a été endommagé avant de recevoir un autre financement de Barkhane. « Je cultive de la betterave, de la salade, du choux et des épices variées. Je les vends à bas prix à ces femmes là-bas, qui, elles, les revendent au marché avec un peu de bénéfice », signale le jardinier Abdoulaye Mohamed. « Vu que nous n’avons pas d’activités, à cause de la crise, nous faisons ce travail », note-t-il avec amertume. Ces initiatives d’aide à la population sont mises à profit par la force pour échanger avec elle et recenser certaines de ses préoccupations. C’est dans ce cadre qu’elle a fourni en juillet 2018, dans l’ouest de la ville, au quartier Abattoir, un château d’eau. D’une capacité de 50 barriques, sa réalisation a coûté 22,6 millions de francs Cfa à Barkhane. Plus de 120 familles bénéficient désormais de cette source, rare, d’eau potable, grâce à cinq bornes fontaines installées dans le quartier.  Devant le domicile du chef de quartier, président de l’entreprise Bellakoni, une borne fontaine. Des dizaines de bidons sont  rangés devant.

Duo sécurité – développement

Si la sécurité de la ville et de la région en général est une préoccupation majeure, le développement demeure le socle de la stabilité. « La création d’un cadre de concertation de tous les acteurs présents à Ménaka a permis de conjuguer nos efforts, Famas plus groupes armés, de patrouiller à l’intérieur de la ville, mais, également, les patrouilles Famas – Barkhane – Minusma ont réduit largement l’insécurité à Ménaka et dans ses alentours », rapporte Daouda Maiga, le gouverneur de la région. Pour soutenir les actions de sécurisation, il mise sur des projets de développement colossaux, en plus des actions des ONG présentes. « Nous avons lancé il  y a quelques jours le Programme  de développement de la région de Ménaka, pour presque 1,5 milliard de francs CFA, sur financement de l’Agence française de développement (AFD), pour un an. (…) On lutte contre l’insécurité et on installe le développement, qui est l’une des mamelles de la stabilité », affirme le gouverneur. 

Pour sa part, le Comanfor (Commandant de la force) prévoit de revenir au printemps avec le conseiller en développement de l’AFD. « Nous, notre  domaine, c’est la sécurité. Mais le constat est fait depuis fort longtemps qu’il n’y a pas de développement sans sécurité. Nous sommes donc ceux qui vont créer les conditions pour cela », résume le Général Blachon.

G5 Sahel : Reprise des opérations, et après ?

Fin janvier, la ministre française des Armées a révélé « qu’après plusieurs mois d’arrêt (…), la force conjointe du G5 Sahel est en train de reprendre ses opérations ». Devenue muette depuis l’attentat qui l’avait endeuillée fin juin dernier, cette force antiterroriste doit encore convaincre, après six opérations déjà menées. Dans l’immédiat, cela semble aléatoire.

« Les différentes opérations menées n’auront pas enregistré en tant que tels des résultats remarquables, mais elles ont plutôt permis à l’État islamique au Grand Sahara et aux autres groupes terroristes de migrer du centre du Mali et du nord du Burkina vers l’est du Burkina. Elles ont conduit à un redéploiement du dispositif des groupes terroristes, sans pour autant les détruire », observe Mahamadou Savadogo, spécialiste de l’extrémisme violent et de la radicalisation au Sahel. L’analyse  de  ce chercheur burkinabé du Centre de recherche action pour le développement et la démocratie (CRADD) est soutenue ces derniers mois par la multiplication des attaques meurtrières dans ce pays frontalier du Mali et également membre du G5 Sahel. Lundi dernier, une attaque ayant visé l’armée burkinabé a fait quatre morts, alors que la veille une autre avait coûté la vie à dix civils.

La reprise des opérations après leur arrêt depuis l’attaque du quartier général de la force, à Sevaré, il y a sept mois, n’annonce pas du nouveau. Malgré les plaidoyers  sur son utilité au Sahel, le FC G5S, regroupant le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad en laisse plus d’un sur sa faim.

Montage inadapté ?

« Le G5 est une force qui ne répond pas à l’architecture de base idoine, parce qu’il a été concocté par les pays de la sous-région de manière assez autonome pour s’occuper de la sécurité. Mais toute la conduite des opérations, même si c’est avec nos forces armées, est sous tutelle étrangère, ce qui nuit au bon fonctionnement de l’organisation », estime l’analyste politique Salia Samaké.

Au total, la force G5 Sahel a conduit depuis sa mise en place six opérations. Les trois dernières ont été menées de mi-juin à mi-juillet 2018. Il s’agit de l’opération « Gourma », du 15 au 28 juin dans le fuseau Centre, à la frontière Mali – Burkina – Niger et des opérations « Odossou » (vigilance) dans le fuseau Est, à la frontière Niger – Tchad et « El Emel »(espoir) dans le fuseau Ouest, à la frontière Mali – Mauritanie, conduites conjointement du 1er au 12 juillet 2018. Ces différentes interventions ont été menées le plus souvent en coordination avec la Force Barkhane. « Il y a eu des résultats et ces forces ont eu des confrontations dans lesquelles elles ont obtenu peut-être des victoires, mais le maillon manquant est le maintien de la paix après ces opérations », souligne Salia Samaké.

Outre les difficultés à récolter les fonds promis, le regroupement semble confronté à des stratégies « complaisantes » et à une approche « molle » de la menace dès le départ. « Elle est restée théorique. Et, même en se mettant en marche, le G5 Sahel a minimisé la stratégie et l’action de ces groupes. On a l’impression qu’ils sont en avance sur la force du G5 Sahel parce qu’ils arrivent à anticiper ses actions », explique Mahamadou Savadogo, pour qui, elle est en « déphasage avec la réalité». « La stratégie mise en place depuis 2016 – 2017 pour couvrir le Sahel et pour le Burkina le nord du pays est désuète, car aujourd’hui il y a deux fronts ouverts : l’Est et l’Ouest », déplore le chercheur.  

Si l’idée de cette force demeure originale, une plus grande implication des initiateurs serait plus que nécessaire. Tous les pays engagés dans cette lutte sont ciblés par les djihadistes, excepté la Mauritanie. La coordination des armées, aux capacités et au mode de fonctionnement différents, se trouve être une autre difficulté majeure. « Sur le terrain, pour l’armée burkinabé, que je connais très bien, il y a le comment vont être rémunérés les soldats qui seront sous la bannière du G5 Sahel, d’autant qu’ils évoluent sur le même terrain que les autres, qui prennent les mêmes risques ? », s’interroge Mahamadou Savadogo. Il met aussi l’accent sur l’absence de priorités communes aux chefs d’États du G5 Sahel. Le Niger et le Burkina seront bientôt  dans la phase de leurs campagnes électorales, ce qui entrainera un relâchement  dans les efforts. De plus en plus, il s’avère que des communautés, dans les zones d’opérations, considèrent cet outil comme une force étrangère. Au Burkina, à l’Est notamment, « il y a des confirmations que ce sont des communautés locales même qui se sont radicalisées contre le système en place », révèle le spécialiste de l’extrémisme violent et de la radicalisation au Sahel, Mahamadou Savadogo.

Quoi qu’il en soit, les nouvelles opérations, annoncées depuis l’extérieur, prouvent que la force a encore des progrès à réaliser avant toute forme d’encensement.

Général de division Frédéric Blachon : «Barkhane n’est ni manipulée, ni manipulable»

Commandant de l’opération Barkhane depuis le 1er août 2018, le Général de division Frédéric Blachon a accordé une interview exclusive au Journal du Mali. Lutte contre le terrorisme, coopération avec les FAMa et le G5 Sahel, défiance de la population à son égard, le nouveau chef de Barkhane se prête à un exercice assez inédit pour cette force, présente au Mali depuis 2014.

Mon général, vous avez pris vos fonctions à la tête de la force Barkhane le 1er août 2018. Ces derniers mois, vos raids ont porté de grands coups aux terroristes. Votre prédécesseur affirmait même qu’il n’y avait plus de sanctuaire terroriste dans le pays. Pouvez-vous nous dire quelle est la situation un mois après votre arrivée ?

Tout d’abord, je suis très heureux de répondre à ma première interview à un journal malien depuis mon arrivée dans la bande sahélo-saharienne. En effet, Barkhane a obtenu de grands résultats dans sa lutte contre les groupes armés terroristes (GAT). Ces derniers n’ont pas totalement disparu, mais ils sont fortement affaiblis et désorganisés, car nous visons tant leurs chefs que leurs combattants ou leur armement.

Nous les frappons pour qu’ils ne disposent plus de sanctuaire et qu’ils ne soient plus en mesure de conduire des opérations d’envergure. Notre action dans la lutte contre les GAT est donc unanimement reconnue. Mais je constate aussi depuis mon arrivée que les succès de Barkhane s’observent dans bien d’autres domaines, comme le partenariat avec les FAMa et les autres forces partenaires et surtout les actions qui sont menées au profit de la population avec ces mêmes forces partenaires.

Certains observateurs y voient néanmoins des succès relatifs, les principaux chefs de ces groupes terroristes étant toujours dans la nature…

La menace de ces groupes ne se résume pas à leurs chefs, mais à leur capacité d’action. Dès lors que celle-ci est affaiblie, le gain est réel. Comme je vous l’ai dit, nous visons aussi les chefs. Cela peut prendre un peu de temps, mais nous arrivons régulièrement à en neutraliser. Ils peuvent encore frapper, comme ils l’ont fait malheureusement le 7 septembre à Boni, mais leurs stocks d’armement sont régulièrement détruits.

J’invite vos observateurs, qui semblent bien connaitre ces chefs, et la population, qui désire vivre en paix, à communiquer à Barkhane et aux forces partenaires toutes les informations qui nous permettront d’être encore plus efficaces. La sécurité, c’est bien l’affaire de tous !

Vous avez neutralisé récemment un chef, mais vous avez déploré au cours de ce raid la mort de 2 civils. Une investigation est ouverte. Qui la mène ?

Barkhane a effectivement mis hors de combat un chef important de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) qui avait commis de nombreux crimes à l’encontre de la population et des forces partenaires. Il ne faut jamais oublier de rappeler ces exactions et de les condamner, tout comme il faut condamner le comportement des terroristes qui s’abritent lâchement derrière les populations ou qui les attaquent sans discrimination.

C’est à cette lâcheté que Barkhane a été confrontée tout récemment. Comme vous le savez, elle a immédiatement annoncé que deux civils avaient malheureusement trouvé la mort lors de cette frappe qui a mis un terme à la cavale meurtrière de Mohamed Ag Almouner, l’un des chefs de l’EIGS.

Une analyse interne a montré que nos procédures strictes, visant à épargner les populations, ont bien été appliquées. Sa conclusion nous pousse à renforcer encore  notre prudence avant action, pour ne pas alimenter l’immoralité de nos adversaires.

Barkhane semble s’être rapprochée de certains groupes armés signataires de l’Accord de paix afin de lutter contre le terrorisme. Pourquoi cette nouvelle approche ?

Il n’y a pas de solution à la situation qui soit totalement extérieure au Mali. En ce sens, Barkhane est un appui, mais pas la solution. La solution appartient au Mali, à ses forces armées, à sa population et, d’une certaine manière, à tous les Maliens de bonne volonté. En signant l’Accord pour la paix et la réconciliation, ces groupes ont témoigné de cette bonne volonté. Si celle-ci est sincère, et qu’elle est démontrée par les faits, il n’y a pas de raison de ne pas associer ceux qui en font preuve. Le Mali a besoin de toutes les forces utiles pour se débarrasser de la menace terroriste.

Le récent rapport de l’ONU, qui fait état de l’implication de certains membres de ces groupes dans des actions terroristes, pourrait-il rebattre les cartes ?

Bien sûr. Comme je vous le disais, la situation exige un engagement sincère, prouvé par les faits. Ceux qui démontrent le contraire s’excluent de la solution pour appartenir au problème. Et, comme pour les groupes terroristes, le moment où la justice demande des comptes finit toujours par arriver.

Des informations font état de manipulations de Barkhane de la part de ces « nouveaux alliés »…

Barkhane n’est ni manipulée, ni manipulable, et ceux qui disent le contraire mentent. Il arrive toujours un moment où l’ambiguïté n’est plus possible. Ceux qui auront joué risquent fort de tout perdre. J’invite donc ces joueurs éventuels à bien réfléchir et à prendre rapidement des décisions qui préserveront leurs intérêts sur la durée. Dans mon esprit, ces intérêts vont de pair avec la préservation de la paix et avec la conformité à la loi malienne.

La coopération avec les populations est très importante dans la lutte contre le terrorisme. Ces dernières ont, vers la fin de 2017, manifesté une certaine défiance à l’égard de Barkhane. La situation a-t-elle évolué favorablement depuis ?

C’est parce que Barkhane est impartiale et efficace qu’elle gêne tous ceux qui n’ont pas d’autre projet que de vivre aux crochets de la population. Ainsi, de manière cyclique, Barkhane est attaquée, sous la forme de désinformations et de manifestations dont la mise en scène grossière devrait attirer l’attention, notamment des journalistes.

La situation que nous rencontrons sur le terrain est bien meilleure que ce qui est parfois publié et notre force est globalement bien acceptée. Il suffit de le demander aux populations. Nos échanges ne se limitent pas aux autorités locales et les populations voient les actions qui sont entreprises pour améliorer leur quotidien.

La force Barkhane est ici à la demande de l’État malien, au service de la sécurité de tous les Maliens, et s’efforce chaque jour, au péril de la vie de ses soldats, d’améliorer la situation. Elle s’efforce, là où elle est présente, de reconstruire les conditions nécessaires au retour d’une vie normale pour les habitants. Ici en creusant un puits, là en rebâtissant une école ou un pont, là en électrifiant une laiterie…

Notre mission est globale et le développement y prend une place grandissante. Un chargé de mission développement est d’ailleurs depuis quelques jours à mes côtés, dont l’action sera visible dans les mois à venir.

La mission de Barkhane étant de lutter contre le terrorisme, comment expliquer que la force ne soit pas plus opérante au centre du Mali ?

Le centre du Mali n’a malheureusement pas le monopole de la présence de GAT ou de groupes menaçant la sécurité des populations. Il y a donc eu un partage des zones d’actions en totale transparence avec les hautes autorités maliennes : les FAMa dans le centre, Barkhane dans le Nord. D’ailleurs, depuis mon arrivée, j’ai pu constater l’efficacité des forces de défense et de sécurité maliennes dans le domaine de la sécurisation, notamment pendant cette période électorale.

Le Président Macron a fait savoir que les récentes actions devaient se dérouler en « complétant Barkhane ». Quelle est la priorité pour votre force ?

Barkhane est une force militaire. Sa principale action se situe donc dans le champ militaire. Toutefois, nous savons que la solution durable ne se situe pas seulement là. Par le soutien au développement, tout d’abord, nous entendons donner une impulsion susceptible de recréer les conditions d’une vie normale. Cette impulsion doit être poursuivie, approfondie et c’est le travail d’autres acteurs. Certains sont déjà à l’œuvre. Enfin, le retour à la sécurité ne peut advenir qu’en faisant abandonner à tous le champ de la violence pour entrer dans le champ politique. Il y a donc là aussi un travail à accomplir pour inciter tous les acteurs à réformer leurs méthodes pour être entendus. C’est le jeu démocratique : l’abandon des armes pour entrer dans la confrontation des idées et des faits.

Cinquante militaires estoniens sont venus renforcer Barkhane. Peut-on y voir les prémices d’un engagement européen plus soutenu auprès de cette force ?

Comme vous l’avez remarqué, il ne s’agit plus de prémices, mais d’une réalité. Les pays de l’UE sont déjà présents au sein de Barkhane. Les Britanniques mettent en œuvre des hélicoptères lourds à partir de Gao, mais vous avez également l’Espagne, par exemple, qui participe au transport aérien au profit de Barkhane. Il y a également les contingents qui arment la MINUSMA et dont nous soutenons la mission. Je pense aux Allemands notamment. Je peux témoigner de leur efficacité sur le terrain au profit de la paix au Mali et dans la région. Car, comme l’ont bien compris les pays de la bande sahélo-saharienne en se regroupant au sein du G5 Sahel, l’union renforce l’efficacité de la lutte contre le fléau commun.

A n’en pas douter, d’autres pays européens viendront certainement nous rejoindre.

Comment se déroule la coopération avec les FAMa, qui semblent ne pas être très associées dans les opérations menées par Barkhane ?

C’est tout l’inverse, en réalité. Les FAMa sont nos partenaires. Nous nous engageons pleinement dans leur entrainement opérationnel avant de conduire des opérations ensemble. Le partenariat militaire opérationnel est une vraie réussite et nous combattons ensemble, en apportant quelques fonctions opérationnelles, comme du renseignement, certains appuis aériens et parfois un complément logistique.

Quel rôle Barkhane joue-t-elle auprès de la force G5 Sahel ?

La France, vous le savez, mais aussi l’Europe, et plus largement l’ensemble de la communauté internationale, soutiennent totalement la création et l’action de cette force, souhaitée par les pays membres du G5 Sahel et qui représente une réponse à la menace transfrontalière que représente le terrorisme. Face à cette menace, qui se joue des limites entre États, la Force Conjointe G5 Sahel constitue d’ores et déjà une capacité d’action crédible. Barkhane, depuis sa création, lui a apporté son soutien dans sa montée en puissance par des actions de formation, d’assistance ou d’entrainement. Elle l’a également épaulée lors de ses opérations. Barkhane poursuivra cette action avec détermination.

G5 Sahel: 414 millions d’euros de financement

Les chefs d’État et de gouvernement réunis ce vendredi à Bruxelles se sont engagés à l’issue de la conférence des donateurs à mobiliser 414 millions d’euros pour le G5 Sahel.

Trente-deux chefs d’État et de gouvernement ont participé ce vendredi à Bruxelles à la conférence des donateurs pour le G5 Sahel.

« Au total, avec les contributions des autres donateurs, 414 millions d’euros ont été mobilisés vendredi pour la force (du G5 Sahel). Cela va bien au-delà des attentes », a annoncé la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini. L’enjeu financier est essentiel pour la montée en puissance de cette force de 5 000 hommes appelée à combattre le djihadisme et à apporter la stabilité dans le Sahel. Les difficultés « à boucler le budget » sont une source d’irritation pour les pays du Sahel qui pointent un manque de solidarité de la communauté internationale face à un enjeu sécuritaire qui dépasse selon eux le Sahel. Le président du Mali Ibrahim Boubacar Keita ne s’est d’ailleurs pas privé pour le rappeler lors d’une récente interview avec le journal ‘’Le Monde’’. « Nous souhaitons que les ressources promises soient débloquées le plus rapidement possible », appelle Mahamadou Issoufou, chef d’Etat du Niger et président en exercice du G5 Sahel.  « L’effort financier doit être rendu pérenne, 480 millions d’euros sont nécessaires pour la première année, mais 75 millions d’euros devront ensuite être mobilisés chaque année, en sachant que nous ne savons pas combien de temps va durer ce combat » ajoute-t-il.

À ce stade, outre les 100 millions d’euros de l’Union européenne, les États membres du G5 (Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad) se sont engagés chacun à hauteur de 10 millions, la France à neuf millions, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabe-Unis respectivement à 100 et 30 millions d’euros et les Pays-Bas cinq millions. Les États-Unis ont eux promis 60 millions de dollars d’aide bilatérale. « Mais à ce jour, seulement 50 millions d’euros, ceux engagés par l’UE en juillet, ont été débloqués » déplore Federica Moghereni.

« Au Sahel, le combat que nous menons contre le terrorisme, nous le menons non seulement pour le Sahel mais aussi pour le monde, par conséquent l’Union européenne et la communauté internationale doivent être solidaires avec le Sahel », a souligné le président du Niger, Mahamadou Issoufou.

Le tramadol entre les mains des terroristes


L’ONU envisage de faire la lumière sur la circulation d’un médicament dénommé Tramadol « drogue », qu’elle retrouve fréquemment sur certains kamikazes. Cette pratique est fréquente dans la zone de l’Afrique de l’Ouest. La question sur la provenance de ce produit reste une préoccupation et une menacée pour le monde entier. 



L’ONU à travers son Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), affirme que les saisies de drogues s’accroissent d’année en année, de 300 kg à plus de trois tonnes par an. En septembre dernier, « trois millions de pilules » dans des boîtes portant le logo de l’ONU ont été retrouvées au Niger. « On retrouve régulièrement du tramadol dans les poches des suspects arrêtés pour terrorisme ou qui ont commis une attaque suicidaire au Sahel », a déclaré Pierre Lapaque, représentant de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Autres utilités

Ces stupéfiants sont souvent prescrits par les médecins uniquement dans le but de soulager les patients atteints de cancers. Les terroristes et les malfaiteurs l’utilisent pour atteindre leurs objectifs. 

Les groupes terroristes incitent les enfants à consommer ces stupéfiants en grande quantité avant de les utiliser pour des opérations commanditées. Plus de 600 000 cachets ont été saisis en août dernier à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. « La situation pourrait devenir incontrôlable et continuer de compromettre la sécurité à l’échelle internationale », a averti Pierre Lupique. 

Dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, les Nations unies font toujours face à des suspects et à des terroristes qui ont commis des suicides, avec deans leurs poches du tramadol. Cette organisation souhaite mettre la main sur les fournisseurs de ces produits illégaux. La circulation de ces produits reste un réel problème d’insécurité dans dans la zone du Sahel.

L’ONUDC affirme que le trafic de drogue, qui provient généralement clandestinement d’Asie par le biais de gangs criminels du Golfe, pourrait se détériorer en une crise sanitaire majeure au Sahel, en particulier dans le nord du Mali et au Niger.

Barkhane : « Nous montons nos opérations sur la base de renseignements solides »

La force Barkhane, suite à plusieurs opérations récentes, se retrouve dans le collimateur de la population de Kidal, qui manifeste régulièrement pour exiger son départ. Sur les réseaux sociaux, elle est la cible d’une campagne de critiques virulentes. Le Lieutenant – Colonel Philippe Bou, porte-parole de la force, a répondu aux questions du Journal du Mali sur cette hostilité visant la force française, qui semble déranger, particulièrement dans la région de Kidal.

Barkhane a procédé, ces dernières semaines à des interventions et des arrestations à Kidal et dans sa région. Qu’est-ce qui les a motivées et est-ce dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

Barkhane a pour mission principale de lutter contre le terrorisme. A ce titre, nous montons des opérations sur la base de renseignements solides et nous les conduisons seuls ou avec des forces partenaires, comme les FAMa. Ces interventions conduisent à prendre sur le fait des individus en possession de ressources liées à des activités terroristes, comme de l’armement, des munitions, du matériel explosif, ou pouvant servir à différents types d’attaques. De fait, les individus détenant ces ressources ont des comptes à rendre à la justice du Mali. Ceux qui n’ont rien à se reprocher mais qui se trouvent suspectés d’être en relation avec des groupes terroristes au moment de l’action sont naturellement relâchés après vérification.

Dans quelle mesure Barkhane peut-elle décider de perquisitionner le domicile d’un suspect, en utilisant la force si nécessaire ?

Contrairement aux groupes armés terroristes (GAT), nous agissons en toute transparence, dans un cadre en totale conformité avec le droit international et en liaison avec les autorités maliennes. Comme tout le monde le sait, les GAT sont armés et dangereux, pas seulement pour Barkhane. Faut-il rappeler le bilan des actions des GAT sur la population ? Donc, sans dévoiler quoi que ce soit sur nos méthodes, pour des questions de sécurité opérationnelle, Barkhane adapte son dispositif et ses moyens à la menace et à l’environnent du moment, en toute légalité.

Qu’ont permis toutes les dernières opérations ?

Elles ont été fructueuses. Dans le cas de l’action menée à Kidal le premier octobre, par exemple, du matériel conséquent a été saisi dans les habitations, notamment de l’armement, des munitions et des ressources importantes qui entrent dans la composition d’engins explosifs improvisés, comme des détonateurs ou du cordeau détonant. Ces engins explosifs provoquent la mort, indifféremment, de soldats ou de la population civile le long des routes. Les personnes résidant dans ces habitations ont donc des comptes à rendre à la justice. Ce qui n’a pu être saisi a été détruit, pour éviter un emploi pour des actions terroristes. Toutes nos actions, qui permettent localement de désorganiser, démanteler et neutraliser des réseaux de GAT ont été réalisées en totale transparence, avec les autorités de Kidal et la justice malienne.

Ces opérations ont déclenché plusieurs manifestations à Kidal. Barkhane est accusée d’avoir volé des bijoux, de l’argent. Pourquoi ces saisies et que deviennent ces biens personnels ?

Nous avons parfaitement suivi les manifestations dans la ville de Kidal. Qu’elles réunissent quelques centaines de personnes ou les plus modestes. Celles qui sont spontanées et celles qui sont orientées, provoquées, téléguidées. Il s’agit en fait de campagnes de dénigrement. Concernant les saisies, Barkhane agit en totale conformité avec le droit international et avec les autorités maliennes. Si du matériel saisi lors d’une opération doit être rendu après exploitation, il le sera systématiquement. Même si certaines procédures peuvent prendre un peu de temps. Plus précisément, s’agissant des bijoux et de l’argent par exemple, sachez que nos prises font l’objet d’un procès-verbal de la gendarmerie et que l’ensemble est remis, soit aux intéressés, si aucune charge n’est retenue contre eux, soit aux autorités maliennes, contre PV contradictoire, dans le cas inverse.

L’action de Barkhane est de plus en plus critiquée. Des véhicules de la force ont même été récemment caillassés. Certains vont même jusqu’à parler d’une « force d’occupation ». Comment expliquez-vous cela ?

Barkhane ne répond pas aux allégations. Elle agit, elle fait ce qu’elle dit, elle fait agir. Nos nombreux contacts avec la population et les autorités nous permettent de savoir que nos actions sont appréciées dans le domaine de la sécurité, mais aussi dans le partenariat avec les forces de sécurité maliennes, dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de l’eau. Depuis le début de l’année 2017, 78 actions d’aide au développement ont été entreprises. Plus d’une vingtaine sont des projets d’envergure. Il faut plutôt regarder ce que nous apportons au Mali et à sa population, en termes de contribution à la sécurité et au développement.

Que compte faire Barkhane contre ces opérations visant à discréditer son action ?

Tôt ou tard, les masques tombent. Les gens comprennent où sont leurs intérêts. Les jeunes kidalois qui se sont vu récemment détruire leur sonorisation, mise en place pour une grande rencontre de football, dans le but de leur interdire le concert qui devait suivre, savent parfaitement ce que l’on veut leur imposer. C’est aux Maliens de se prendre en main et de préparer leur avenir, qui passe principalement par la sécurité. A Barkhane, nous poursuivrons notre mission en appui au Mali et à sa population.

 

G5 Sahel : Michel Goya, « La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces »

 

La force conjointe du G5 Sahel devrait être opérationnelle à l’automne prochain, bien que son financement soit loin d’être bouclé et que plusieurs questions subsistent quant à son mandat et son opérationnalisation. Michel Goya, stratégiste, analyste et historien militaire, ancien officier dans l’armée de terre française, breveté de l’Ecole de guerre, analyse pour le Journal du Mali cette nouvelle force inter-africaine qui devra combattre le terrorisme dans les cinq pays du Sahel.

La force conjointe du G5 ne dispose ni des fonds ni de l’équipement nécessaire à son fonctionnement. Son opérationnalisation est-elle possible pour l’automne prochain ?

L’opération Barkhane,  4 000 soldats sur l’ensemble des pays du G5 Sahel, coûte entre 500 et 600 millions d’euros par an. C’est autant que les budgets de défense des pays du G5 du Sahel réunis. Le fonctionnement d’un équivalent africain, même doté de moyens moins sophistiqués, ne peut pas être financé par ces Etats. Il faudra trouver les financements adéquats auprès de donateurs comme des organisations régionales ou des nations comme la France ou les Etats-Unis. C’est un processus long et complexe, par ailleurs régulièrement remis en question. Le financement est toujours le talon d’Achille de toutes les forces inter-africaines. Il est probable qu’il en sera de même cette fois d’autant plus qu’on ne connaît pas très bien le mandat de la nouvelle force, ce qui rend plus difficile la justification des aides. La force sera officiellement qualifiée d’opérationnelle à l’automne mais il est peu probable qu’elle le soit pleinement.

Comment cette force militaire devrait-elle être équipée et organisée pour bien fonctionner ?

Une force militaire n’est pas un objectif en soi mais un instrument au service d’une stratégie. Or, on ne sait pas très bien en réalité à quoi va servir cette force. S’agit-il d’une force d’appoint ou de substitution à Barkhane ? La France a-t-elle poussé à sa création pour augmenter l’efficacité générale de la lutte contre les organisations djihadistes ou simplement pour se dégager ? Une force de 5 000 hommes, voire de 10 000, comme on l’évoque à terme pour l’ensemble du Sahel, ne peut être qu’une force d’intervention. Elle doit disposer d’un état-major, de renseignements, de moyens aériens, terrestres et de transport. Surtout, elle doit disposer de troupes et là on ne sait pas très bien qui va les fournir. S’il s’agit de troupes nouvelles, il faudra un effort conséquent de formation et d’équipement dans des pays dont les forces armées sont déjà en flux tendus. Si ce sont, plus probablement, des forces déjà existantes, on ne voit pas très bien la différence avec la situation actuelle, les forces des pays du G5 Sahel étant déjà régulièrement engagées ensemble et avec les forces françaises pour lutter contre les groupes djihadistes.

Ces armées africaines pourront-elles facilement travailler ensemble ?

Elles travaillent déjà ensemble. On a même déjà une bonne expérience de l’emploi de forces interafricaines, régionales ou sous mandat de l’ONU. La force d’intervention conjointe multinationale qui regroupe des unités béninoises, camerounaises, nigériennes, nigérianes et tchadiennes pour lutter contre Boko Haram est très efficace. La difficulté pour coordonner l’action de différentes armées est technique. Il faudra donc un état-major commun qui est prévu pour être installé en position centrale, à Sévaré au Mali, et des moyens de communication communs, un des points faibles habituels des forces africaines. Il faut également une doctrine commune d’emploi des forces et un minimum de cohérence opérationnelle, en plus de la confiance mutuelle.

Quels sont les grands défis qui attendent cette force conjointe du G5 Sahel ?

Le défi tactique consiste à empêcher les groupes djihadistes de constituer des bases ou d’évoluer en forces importantes à l’intérieur du G5 Sahel. La menace, sans être éradiquée, sera ainsi maintenue à un niveau qui pourra être traité par d’autres forces et par d’autres services, la force de ces groupes n’étant pas seulement militaire. La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces présentes dans la zone, comme la MINUSMA, à laquelle elle pourra peut-être se substituer efficacement en récupérant les crédits qui y sont consacrés et un certain nombre de moyens, et surtout la force française Barkhane. Dans l’idéal, on pourrait envisager une fusion avec un commandement commun mais qui ne soit pas un subterfuge de la France pour se désengager.

 

 

 

Nouvelles arrestations après l’attentat de Londres revendiqué par l’EI

La police britannique a procédé lundi à de nouvelles arrestations dans l’enquête sur l’attentat de Londres, revendiqué par le groupe Etat islamique (EI), qui a fait sept morts et des dizaines de blessés à quelques jours des élections législatives.

« Un certain nombre de personnes ont été arrêtées » lors de deux nouvelles perquisitions à Newham et à Barking, à l’est de Londres, a indiqué la police dans le cadre de l’enquête sur ce troisième attentat en trois mois au Royaume-Uni.

Dimanche, elle avait déjà arrêté à Barking, un quartier multi-ethnique de l’est de la capitale, 12 personnes, sept femmes et cinq hommes âgés de 19 à 60 ans. Un homme de 55 ans a ensuite été relâché sans être poursuivi.

D’après Sky News, la police, lourdement armée, a perquisitionné dimanche au domicile d’un des trois auteurs de l’attaque. Cet assaillant était avec deux complices dans la camionnette qui a foncé sur le London Bridge samedi soir, fauchant plusieurs piétons. Les trois hommes ont été peu après abattus par la police tandis qu’ils lacéraient de coups de couteau passants et fêtards. »Une priorité majeure pour nous est d’essayer de comprendre s’ils ont agi avec d’autres personnes », a déclaré lundi sur la BBC, la cheffe de la police, Cressida Dick, ajoutant que la police scientifique avait récupéré « une énorme quantité » d’éléments sur le véhicule des assaillants.Comme les deux précédentes, l’attaque de samedi a été revendiquée par l’EI, contre qui le Royaume-Uni a effectué ces dernières années des raids aériens en Irak et en Syrie.

L’attentat a été perpétré par « une unité de combattants de l’Etat islamique », a rapporté l’agence de propagande de l’EI, Amaq, dans un communiqué.

Les identités des assaillants n’ont pas été rendues publiques mais la police a assuré dans un communiqué qu’elles seraient dévoilées dès que cela serait « opérationnellement possible ».La Première ministre Theresa May a annoncé le maintien des élections législatives prévues pour jeudi, qui doivent renouveler la chambre des Communes au moment où le Royaume-Uni s’apprête à négocier le Brexit, ainsi que la reprise de la campagne lundi, après une journée de suspension.- ‘Poignardé au hasard’ –

Le drame a éclaté vers 22H00 heure locale quand venait de s’achever la finale de la Ligue des champions de football, qu’un public nombreux était allé regarder dans les pubs de Borough Market, un quartier branché de la rive sud de la Tamise.

« Ils ont renversé des tas de gens » à bord d’une camionnette blanche sur le London Bridge, a témoigné à la radio Chris, un chauffeur de taxi. « Ensuite, trois hommes en sont sortis armés de lames assez longues » et « ont poignardé des gens au hasard » dans le quartier voisin de Borough Market. Ils portaient de faux gilets explosifs pour accentuer la panique.Malgré l’intervention rapide de la police, qui a abattu les trois hommes huit minutes après avoir été alertée, le bilan est lourd: sept morts et une cinquantaine de blessés. Quelque 36 personnes restaient hospitalisées lundi matin, dont 21 dans un état « critique », d’après le service de santé NHS.

Les tirs nourris de la police, plus de cinquante, ont aussi blessé un passant, a précisé Scotland Yard.

Plusieurs témoins ont déclaré avoir entendu les assaillants hurler: « C’est pour Allah ! ».

Parmi les personnes tuées figurent un Canadien et un Français. Un autre Français est porté « disparu », a dit le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian. Selon son entourage, le ministre se rendra lundi après-midi à Londres pour y rencontrer les familles des victimes, des blessés et son homologue Boris Johnson.Au total sept Français ont été blessés, dont quatre grièvement, ainsi que deux Allemands, un Australien et un Espagnol.Les Londoniens rendront hommage aux victimes lundi au cours d’une veillée à 18H00 (17H00 GMT).

Polémique

Dénonçant des « actes barbares », le maire de Londres Sadiq Khan a appelé la population à « ne pas s’alarmer » d’une présence policière renforcée, y compris des officiers armés et d’autres en uniformes ».

Ces propos ont sucité une réaction du président américain Donald Trump, qui a accusé en substance le maire de Londres de ne pas prendre au sérieux la menace terroriste.

« Au moins 7 morts et 48 blessés dans un attentat terroriste et le maire de Londres dit qu’il n’y a +pas de raison d’être alarmés!+ », s’est-il indigné dans une série de tweets.

Le maire de Londres a « mieux à faire » que de répondre au tweet « mal informé » du président Trump, a répondu le porte-parole de M. Khan.

Londres avait été frappée par une autre attaque fin mars, déjà commise à l’aide d’un véhicule, une voiture, et d’un couteau. Puis, le 22 mai à Manchester, 22 personnes sont mortes dans un attentat-suicide à la sortie d’un concert de l’Américaine Ariana Grande.

Retournée à Manchester, Ariane Grande s’y est produite dimanche soir pour un concert géant en hommage aux victimes et réunissant notamment, devant 50.000 personnes et sous haute sécurité, Justin Bieber, Coldplay et Pharrell Williams.

« Manchester, faites résonner votre esprit de résistance dans le monde ! », s’est exclamé ce dernier.

Charia : Une réalité malienne

Le 16 mai dernier à Taghlit, entre les localités d’Aguelhoc et Tessalit, une femme et un homme auraient été lapidés par des islamistes qui leur reprochaient d’avoir violé la charia, la loi coranique, parce qu’ils vivaient en concubinage. La véracité de ce triste évènement, relayé par les médias nationaux et internationaux, reste à démontrer, certains affirmant même avoir vu quelques jours plus tard la jeune femme vivante à Aguelhoc. Pour autant, la rumeur de cette lapidation, inédite depuis les jours sombres de la crise de 2012, pose la question de la présence de ces forces djihadistes dans certaines zones du pays qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères, et de leur capacité à faire peser leur vision étriquée de la loi divine sur le caractère laïc du pays, s’ils parvenaient à propager leur foi rigoriste.

« Oui la charia est appliquée dans certaines zones de la région de Kidal ! », déclare sans ambages Abinaje Ag Abdallah, maire d’Aguelhoc. « Ils interdisent l’alcool, les cigarettes. Il faut s’acquitter de la zakat (l’aumône). Ils font appliquer toute la charia qui est de leur portée et on constate de plus en plus qu’ils ont le contrôle de certaines localités », ajoute-t-il. À Taghlit, Abeïbara, au nord et nord-est de la région de Kidal, dans la région de Tombouctou, Taoudéni, Ségou, Mopti, nombreux sont ceux qui attestent de la présence des islamistes dont les forces se sont redéployées et contrôleraient des zones entières qui échappent aux autorités. Dans ces zones désertées par la République, où même parfois les groupes armés ne vont pas, les djihadistes à moto font respecter leurs lois, maintenant les populations dans la crainte. « Aujourd’hui, dans la région de Kidal, de Gao ou de Tombouctou, les campagnes sont occupées par des groupes terroristes. Dans la zone de Ménaka, il y a le groupe d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui qui se renforce jour après jour. Au nord de la région de Kidal, trois katibas appliquent la charia partout dans les brousses, même à Tinzawatène. Dans la zone de Gao à Almoustarat, il y a l’armée mais il y a aussi des djihadistes en ville qui prêchent le djihad ouvertement le soir dans la mosquée, pendant que l’armée est dans la caserne », confie ce cadre militaire du MNLA qui a eu maintes fois maille à partir avec les djihadistes.

Dans certains villages, ces groupes ont imposé leur charia aux villageois qui ne sont plus autorisés à pratiquer certaines coutumes devenues « haram ». « Il faut les écouter et faire ce qu’ils disent, ça s’est sûr ! », lâche cet employé du CICR de la région de Kidal. « Quand nous partons en mission dans ces zones, on retrousse nos pantalons au-dessus des chevilles, on ne fume pas, on se tient éloignés des femmes et on évite d’y aller avec des véhicules arborant le logo du CICR, parce que les gens considèrent la croix comme un signe chrétien. On doit se conformer, c’est automatique », poursuit-il.

 Vivre sous la charia Dans ces zones, la peur tient les populations qui redoutent de se voir infliger ces actes barbares que les islamistes considèrent comme les punitions issues de la charia : couper la main du voleur, lapider des coupables d’adultère, sanctionner par le fouet les libertins. Ces pratiques qui ont eu cours au nord du Mali durant la crise, ont normalement cessé depuis 2013 et la fin de l’occupation. « Les mains coupées pour un voleur, les coups de fouets, c’est très rare depuis 2012, parce que les gens se sont conformés à leur loi. Mais si tu commets un acte contraire à la charia, ils vont prendre les choses en main et t’envoyer un message par un intermédiaire pour te convoquer. Dans un premier temps, ce sera une mise en garde. Donc, après cet avertissement, soit tu quittes la ville, soit tu t’y conformes. Si tu continues, ils vont appliquer sur toi le châtiment de la charia. Ça se passe comme ça. Ils ont des informateurs dans tous les villages, donc les gens sont tenus dans la crainte et font ce qu’on leur dit », affirme cet habitant de Kidal.

Pour la majorité des musulmans, il est difficile de s’opposer à la charia, les thèses prônées par les islamistes ne séduisent pas les populations maliennes très attachées à la tolérance et éloignées de l’application qu’en font les salafistes. « La population ici est à 100 % musulmane. Elle ne peut pas réprouver la charia en tant que telle, mais les gens disent que ce n’est pas la méthode. La plupart des chefs djihadistes, ce sont des Algériens, des Mauritaniens, des gens qui viennent d’ailleurs. On a nos propres imams et marabouts qui nous expliquent la religion, alors pourquoi nous conformer à des gens qui amènent une doctrine venue d’ailleurs ? Avec les attaques, les attentats suicides, les gens ne sont pas avec eux mais ils sont contraints d’observer ou d’adhérer par la force », explique ce journaliste de Douentza. « Si leur but est de créer une république islamique, notre histoire et nos croyances sont trop anciennes pour que ça marche. Ils ne peuvent pas venir comme ça imposer ça chez nous ! », s’exclame-t-il.

 Frapper les fourmilières djihadistes Par leurs diktats religieux, les djihadistes, sous l’impulsion du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, tentent de tisser une toile pour le moment encore disparate. Leur mobilité et leur capacité à se fondre au sein des populations les rendent insaisissables, leur permettant de perdurer et d’imposer par la force leurs préceptes religieux. « Si l’autorité de l’État s’étendait à l’ensemble du territoire, l’État pourrait être interpellé en cas d’application de la charia. Mais c’est l’Occident qui a dit « je m’installe dans le nord ». Barkhane est là-bas, la MINUSMA est là-bas. Cette zone dans laquelle s’est produite la lapidation n’est pas sous contrôle de l’armée malienne », objecte un officiel malien. Cependant, la force française, devenue elle aussi la cible privilégiée des djihadistes, semble inefficace à pouvoir stopper cet état de fait.

« Depuis 2015, les opérations terroristes ne visent pas à faire la guerre. Ils font des opérations de récupération de matériel, ils se réorganisent et se renforcent. Ils ont récupéré, depuis fin 2016, plus de 30 pick-up, des armes et des munitions. À Taoudéni, ils ont des bases fixes, ils créent des souterrains, y mettent des groupes électrogènes, des citernes d’eau pour 2 mois ou 3 mois, tout pour vivre et tu ne vois rien. Ils attendent que l’armée malienne se remette en place, que le désarmement soit effectif après ils vont occuper les campagnes, et nous, nous restons là, à compter ce qu’ils ont récupéré », s’emporte cet officier du MNLA. « Les djihadistes ont très bien compris comment les forces françaises fonctionnent. C’est une armée conventionnelle, avec des véhicules vieillissants, peu rapide. Au moindre mouvement ils bougent à moto. À chaque fois que tu pars vers l’est, ils partent vers l’ouest et vice-versa », poursuit-il. « Il faut créer des unités d’élite contre les terroristes, former des gens en local et intervenir avec l’appui aérien français. Pour cela, il faut plus de confiance entre les différents acteurs, arrêter les hostilités, suivre l’Accord de paix, reconstituer l’armée et envoyer des militaires appuyés par des forces locales. Il n’y a pas d’autres solutions, sinon on retournera à la situation de 2012 ». Un avis partagé par cette source sécuritaire malienne, qui estime que « la lutte antiterroriste demande la complicité et l’aide des populations locales, du renseignement, puis une connaissance du terrain. Malheureusement, ni les forces étrangères ni l’armée malienne n’ont cela ».

Dans la région de Kidal, certains ont commencé à se résigner à un retour des djihadistes. « C’est Iyad le commandant de bord à Kidal. Il détient toujours la réalité du terrain. C’est pour cela que les gens ne dénoncent pas. Si tu dénonces, demain tu seras le seul perdant. Barkhane, malgré l’arrivée du nouveau président français, ne fera rien pour nous, la MINUSMA non plus. Donc on se tient à carreau », résume, philosophe, ce commerçant de la région. Seul répit provisoire mais attendu, le ramadan, période de trève où les djihadistes suspendent leur activité, pour s’adonner pleinement à la religion. Mais d’autres en redoutent déjà la fin. « Beaucoup de gens ont peur qu’après le ramadan il y ait une grande offensive. C’est très possible avec tout le matériel que les djihadistes ont obtenu dans leurs attaques à Almoustarat et ailleurs au Mali et au Niger. Ils ont à peu près les mêmes moyens qu’avant l’intervention de Serval ».

 

Ibrahim Maïga « Prendre en charge la complexité de la situation sécuritaire »

Ibrahim Maïga, chercheur à Institut d’études de sécurité (ISS) de Dakar et représentant du bureau du Mali, analyse la situation sécuritaire à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso.

La frontière entre le Mali et le Burkina est en proie à des attaques terroristes. Pourquoi un tel regain de violence dans cette zone ?

Cette situation est tributaire de plusieurs dynamiques dans les deux pays. Il y a tout d’abord l’insécurité qui prévaut depuis plusieurs mois dans le centre du Mali sur fond de faible présence de l’État, d’actions armées de la Katiba Macina et de tensions intercommunautaires récurrentes. Côté burkinabè, on assiste depuis la fin 2016 à l’émergence d’un front extrémiste violent animé par le groupe Ansarul islam. Ce regain de violence peut aussi s’appréhender sous l’angle de la jonction entre ces deux foyers, à travers les liens entre les deux groupes concernés.

L’opération Panga menée conjointement par ces pays et la France est-elle la meilleure stratégie pour lutter contre le terrorisme ?

La coopération sécuritaire régionale entre la France et les pays du G5 Sahel n’est pas nouvelle. Cette dernière est d’ailleurs au cœur de l’action du dispositif Barkhane. La zone concernée (frontière entre le Mali et le Burkina Faso), ainsi que les objectifs de l’opération Panga, empêcher l’implantation durable de groupes djihadistes, et l’ampleur des combats qui semblent y avoir eu lieu, en font une opération particulière. La lutte contre le terrorisme nécessite une combinaison d’actions à prendre dans chacun des pays concernés, sur le plan sécuritaire, du renseignement, mais aussi sur des dimensions sociales, économiques, voire de gouvernance. La coopération régionale peut compléter cette lutte sur certains des aspects de la menace.

Les attaques terroristes se multiplient dans le centre du Mali malgré les dispositifs sécuritaires mis en place par la MINUSMA et l’armée malienne. Quelles actions doivent être menées pour mettre fin à ces massacres ?

Il y a probablement une combinaison d’actions à mener à la fois sur le plan sécuritaire, mais aussi dans le rétablissement de l’autorité de l’État en mettant l’accent sur l’utilité de ses services publics. La violence dans le centre n’est pas uniquement le fait de groupes djihadistes, mais aussi la résultante de conflits entre communautés professionnelles. Il faut donc prendre en charge la complexité de la situation et y répondre avec un usage de la force pour les groupuscules refusant le dialogue, et une prise en charge politique des questions d’ordre politique.

 

Barkhane : « Nous allons chercher les terroristes là où ils sont »

Alors que s’est achevé, lundi 6 février, le sommet extraordinaire du G5 Sahel où les chefs d’État du Mali, Niger, Mauritanie, Tchad et Burkina Faso, ont convenu d’une mutualisation des efforts pour mieux sécuriser et gérer les zones de frontières et de la mise en place d’une force conjointe régionale, pour faire face à un ennemi commun, le terrorisme. Au Mali, la lutte contre cette menace ne faiblit pas. L’opération Filidjo à Gao ainsi que les opérations que la force Barkhane mène à Kidal et dans sa région, ont commencé à donner des résultats. Le Lieutenant-colonel Philippe de la force Barkhane est revenu, pour le Journal du Mali, sur les dernières opérations de la force française en coordination avec les forces maliennes et sur la création de ces forces, mixtes ou conjointes, qui devraient permettre peu à peu une reprise en main sécuritaire dans la région.

Les opérations menées à Gao dans le cadre de l’opération Filidjo et à Kidal, ont permis d’effectuer des arrestations et de saisir du matériel qui pourrait fournir de précieux renseignements. À Kidal, la maison de Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Dine, a été perquisitionnée le 28 janvier dernier, une première depuis 4 ans, pourquoi maintenant et qu’y avez-vous trouvé ?

Tout d’abord, il y a une limite dans ce que je peux vous répondre concernant cette question. Si je vous dis réellement pourquoi nous avons fouillé cette maison, je compromets la sécurité des opérations. Donc, de manière générale quand nous montons une opération, c’est que nous avons des renseignements qui nous laissent penser que l’opération qui va être menée va être rentable.

Qu’entendez-vous par « rentable » ?

C’est-à-dire que soit on va trouver quelque chose, le genre de chose que l’on cherche, ou alors, cette action va empêcher des groupes armés terroristes de se réimplanter de manière durable dans un endroit, parce que l’on va perturber leur réseau de soutien, leurs informateurs etc. En l’occurrence, on est plus dans cette logique-là en ce qui concerne l’opération à Kidal. En agissant dans cette maison, on a perturbé potentiellement son réseau, Nous avons trouvé dans cette maison des choses qui nous intéressent et que nous sommes en train d’exploiter.

Donc cette opération a été fructueuse ?

Tout à fait et ce qui nous fait aussi penser que cette opération a été fructueuse, ce sont les réactions que vous allez certainement évoquer dans votre prochaine question.

Justement, à Kidal ainsi qu’à Gao, certains se sont élevés contre des pratiques douteuses de la force lors de certaines perquisitions, notamment la saisie de bijoux ou d’argent, qui n’ont pas un réel intérêt dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, pourquoi ces saisies ?

Il faut savoir que nous avons des indicateurs qui nous laissent à penser que nos actions sont très bien perçues, que ce soit pour l’opération Filidjo à Gao ou à Kidal, nous sommes particulièrement soucieux de la perception que peut avoir la population de notre action. À Gao, il y a en effet une somme d’argent qui a été saisie à des fins d’enquête et tant que nous n’avons pas la certitude que cet argent est honnête ou malhonnête, en lien ou pas avec le terrorisme, l’argent est mis quelque part sous séquestre en attendant les résultats de l’enquête. Je vous parle de très fortes sommes qui parce qu’elles étaient importantes nous ont alerté. Concernant les bijoux, la fouille de la maison de la personne à laquelle vous avez fait référence a été effectuée par des équipes spécialisées comprenant des gendarmes. À l’issue de la fouille, il y a un compte-rendu qui est fait, un procès-verbal qui liste les ressources que l’on a saisies. Si après enquête, on s’aperçoit qu’il n’y a rien à en tirer, on les rend. Dans le procès-verbal de l’opération de Kidal, il n’est en aucun cas marqué qu’on a saisi des bijoux.

Donc ces accusations visaient à discréditer le travail de la force, selon vous ?

Ce que je comprends, c’est que parce qu’on dérange les réseaux des groupes armés terroristes, on nous accuse de tous les noms. On a rapidement entendu, ici ou là, qu’après l’opération de Kidal, on avait volé des bijoux et comme ça n’a pas marché, le lendemain ils ont fait dire que nous avions violenté une petite fille. Une photo de cette même jeune fille, souriante avec ses parents et des éléments de Barkhane a d’ailleurs totalement démenti ces accusations.

Le mois de janvier a été un mois particulièrement sanglant, avec l’attaque du camp MOC, ainsi que de nombreuses attaques au nord et au centre du Mali. Est-ce que l’action de la force Barkhane est plus difficile, plus complexe, dans le contexte actuel où les attaques terroristes semblent se multiplier ?

Tout dépend qu’elle est le prisme que l’on prend, si on s’intéresse au mois de janvier, avec le nombre de morts et ceux du MOC, c’est vrai que le bilan est peu positif. Cependant quand on regarde la situation qui prévalait lors de la crise malienne avec la descente des groupes armés terroristes vers Bamako, qui a pu être stoppé et la situation que l’on connaît aujourd’hui, il y a quand même une nette différence. L’État malien est revenu dans certaines de ces villes, notamment à Gao, à Tombouctou et globalement la situation a beaucoup progressé. L’ennemi réagit à nos opérations et aux opérations de l’armée malienne et trouve des failles qui nécessitent de nous adapter. C’est un peu l’histoire du glaive et du bouclier, c’est-à-dire que lorsque nous effectuons des actions qui nous mènent à de très bons résultats, une fois que l’ennemi a compris comment nous avons mené notre opération, ils se réadaptent, c’est comme cela qu’ils utilisent des IED (engins explosifs improvisés – NDLR -) qu’ils placent sous nos convois. Ce qui est sûr, c’est que Barkhane s’adapte en permanence, pour justement être imprévisible et continuer à les perturber.

Votre base provisoire dans la zone d’Abeibara, connue pour être un sanctuaire terroriste, à été démontée, est-ce à dire que votre travail contre le terrorisme dans cette zone a été un succès et ne craignez-vous pas que les djihadistes qui ont été chassés se reconstituent ailleurs comme au centre du Mali par exemple ?

Le PAT (Point d’Appui Temporaire) d’Abeibara servait à notre effort dans le cadre de l’opération Septentrion qui avait pour but de réduire durablement la présence terroriste dans cette région. Une opération ça se prépare, ça se conduit et ensuite il faut l’arrêter. Une fois que l’on a considéré que les résultats étaient obtenus, on a démonté le point d’appui, qui était une base temporaire de départ. Pour répondre à votre question, oui il y a une réarticulation de la force qui va se réorienter vers le centre du Mali, pour des raisons évidentes de sécurité, je ne peux, évidemment, vous dire où.

N’est-ce pas un peu le problème de la force Barkhane, d’évoluer dans un immense territoire avec un nombre insuffisant d’hommes pour mener à bien ces opérations de sécurisation ?

Barkhane ne peut pas être partout tout le temps avec 4000 hommes déployés sur 5 pays, ce n’est pas possible dans une zone grande comme l’Europe, on ne peut pas être partout. Par contre nous cherchons à être où l’on veut et quand on le veut, c’est important, notamment dans le dimensionnement de la force. Nous avons des avions, des hélicoptères etc. donc de manière assez fulgurante nous pouvons basculer, par exemple, de Gao à Kidal, de Kidal à Madama au Niger, etc. On est dans une zone où l’ennemi se joue des frontières où ils essaient de se trouver des planques, ils jouent à cache-cache en quelque sorte et nous nous allons les chercher là où ils sont, comme ils changent d’endroit, nous changeons aussi d’endroit. Ils ont besoin de financement, de soutien, ils ne vivent pas de manière évanescente, et nous cherchons à perturber durablement leurs réseaux.

En parlant de financement, il est clair que l’une des sources de financement du terrorisme dans la région est le trafic de drogue, certains mouvements armés sont notoirement connus pour participer à ses trafics. Pourquoi la force Barkhane n’agit-elle pas contre ces trafics qui représentent une manne financière pour les groupes terroristes ?

La mission de Barkhane n’est pas de lutter contre le trafic de drogue. La mission de Barkhane c’est de veiller à ce que ces réseaux terroristes ne se reforment pas, pour cela notre action est régulière pour éviter toutes résurgences et préparer le terrain pour les forces maliennes quand elles réinvestiront ces zones. Nous n’avons pas vocation à lutter contre le trafic de drogue parce qu’il y a d’autres missions qui sont chargées de le faire.

Cette mission est assurée par une autre force française ?

Non, je ne crois pas.

Après 3 ans d’opérations, la force Barkhane est-elle en train de s’enliser comme on peut l’entendre ici où là, notamment chez certains observateurs et dans les médias ?

Avant de vous répondre, j’aimerais faire une parenthèse. Il y a parfois des formules journalistiques qui sur le papier font bien mais qui en fait ne représentent pas tellement la réalité et ne sont pas ancrées dans le réel. Je constate, qu’il y a pas mal de commentateurs dont quelques-uns dans les salons parisiens qui présentent le verre à moitié vide et ils ont des arguments pour le faire que je ne remets pas en cause. Mais à la force Barkhane, nous voyons le verre à moitié plein et surtout nous voyons qu’il se remplit alors qu’il y a quelques années, il était totalement vide. Aujourd’hui, ce verre continu à se remplir à un rythme qui parfois devrait forcer l’admiration des commentateurs.

À quel niveau constatez-vous ces progressions qui viennent un peu contredire l’impression globale ?

Je prends un exemple, la défense européenne n’est jamais arrivée à un même niveau d’interopérabilité, de volonté de travailler en commun que les Africains dans cette zone-là aujourd’hui. Il y a 3 ans les armées de la sous-région s’ignoraient totalement et n’avaient pas vocation à travailler ensemble. Aujourd’hui on planifie des opérations ensemble. L’opération Garikou a été préparée en commun avec le Mali, le Niger et Barkhane. On a échangé du renseignement et on a opéré ensemble. Cette opération est exemplaire et a montré ce vers quoi il faut tendre. Je vois cette coopération d’une manière très positive. Ils travaillent aux coudes à coudes avec nous car ils ont compris qu’il y avait un ennemi commun et que cet ennemi se défie des frontières et même en joue. Aujourd’hui, il y a des pays de la sous-région qui ont accepté ce qu’on appelle le droit de poursuite, c’est à dire qu’une force armée a le droit de traverser une frontière pour poursuivre l’ennemi sur le territoire d’un état souverain, c’est conceptuellement quelque chose qui serait difficile à admettre en Europe. Ici, ils le font et au plus au niveau. En début de semaine à Bamako le sommet du G5 Sahel à développer ça et c’est formidable.

La mise en place de ces forces, tripartite pour la zone Liptako-Gourma et conjointe pour le G5 Sahel, sonne-t-elle un retrait progressif de la force Barkhane ?

Cette force conjointe est plutôt une très bonne nouvelle. Disons que c’est exactement le but à atteindre de ce que l’on poursuit. Barkhane n’a pas vocation à durer éternellement. À terme, dans l’idéal, il faudrait que Barkhane se retire et que cette force conjointe prenne le relais et que les Africains puissent s’approprier leur propre sécurité.

Terrorisme au Sahel : le Mali, le Niger et le Burkina unissent leur force

Partant du caractère indivisible dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational, les trois pays du Sahel (Mali, Niger et le Burkina Faso), ont décidé de mettre en commun leurs efforts pour faire front commun contre ce fléau qui menace la stabilité de ces pays.

La grande bande désertique qu’est le Sahel qui mesure 5500 km de longueur sur 400 à 500 km de largeur constitue un espace charnière, de contact et d’échanges qui demeure difficilement contrôlable pour des pays avec des moyens limités. Entre une population ethniquement très hommogènes, avec par exemple des touaregs, des peuls, ou encore des maures, on comprend rapidement que sécuriser cet immense territoire est un véritable défi pour les nations sahéliennes. Un des enjeux majeurs au regard des problèmes de trafics en tout genre et des conflits qui secouent la zone. Les populations nomades, les groupes terroristes ainsi que les trafiquants d’armes ou de drogues bénéficient d’une liberté de circulation presque totale qui profite bien évidemment à leurs activités. La sécurité au Sahel est donc une question épineuse à traiter dans les plus brefs délais.

C’est pour répondre à cette préoccupation qu’une rencontre tripartite entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, se tiendra le 24 janvier prochain à Niamey. L’annoncé a été faite par le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, en marge du 27ème Sommet Afrique-France, tenue les 13 et 14 janvier dernier à Bamako. L’enjeu de cette rencontre est de savoir quels sont les moyens disponibles pour améliorer la sécurité dans un futur proche.
«Nous avons également pris l’engagement d’équiper nos forces armées, de leur donner les moyens pour assurer la sécurité du territoire, mais également de rechercher des moyens pour que nous puissions avoir des hélicoptères qui nous permettent d’assurer une sécurité aérienne », a-t-il déclaré.

Le Burkina Faso, longtemps épargné, est devenu l’une des cibles privilégiées des terroristes depuis, les attaques de Ouagadougou, le 15 janvier 2016, faisant 30 morts et 70 blessés.
«Cette rencontre de haut niveau à laquelle le Mali prendra part sera l’occasion pour nos pays de mutualiser les efforts pour lutter contre le terrorisme. Le Mali t
ouché de plein fouet par le phénomène, comme nous l’a rappelé cruellement l’attentat de Gao, s’active sur le terrain depuis fort longtemps pour ce genre d’initiative. Parce qu’il est évident qu’aucun pays seul ne peut y faire face », explique un cadre du ministère des Affaires étrangères. « En plus de la coordination des forces, appel sera fait aux populations des pays concernés à coopérer davantage avec les forces de défense et de sécurité chaque fois qu’on voit quelque chose de suspect », ajoute-t-il. C’est dans cette dynamique de coopération qu’Abdoulaye DIOP, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine effectue, depuis le 16 janvier dernier une visite de travail au siège de l’ONU. Cette visite s’inscrit dans le cadre de l’examen périodique  du rapport du Secrétaire général des Nations unies sur la situation au Mali.

Mahamadou Issoufou : «Nous sommes sur le même bateau »

En marge du sommet Afrique-France qui s’est tenu dans la capitale malienne les 13 et 14 janvier, le Président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou, tire un bilan de l’événement et des relations franco-africaines, et revient, pour Journal du Mali, sur les enjeux de la sécurité et de l’immigration, communs aux pays de la région sahélienne.

Monsieur le Président, vous avez pris part au 27e Sommet Afrique-France qui s’est déroulé le 14 janvier à Bamako. Pour vous, quelle est la pertinence d’une rencontre de ce genre, d’ailleurs décriée par de nombreuses voix sur le continent ?

Le Sommet de Bamako avait pour thème « Pour le partenariat, la paix et l’émergence ». C’est un thème vraiment en phase avec les préoccupations qui sont les nôtres. Il a également été l’occasion pour nous de faire le bilan de la mise en œuvre des actions que nous avions programmées durant le précédent sommet qui s’était tenu à Paris. Le bilan a été positif et sur la base de ce bilan et sur la base des acquis, nous avons décidé de poursuivre les efforts pour renforcer les relations de partenariat qui existent entre la France et le continent africain. La France qui joue, comme vous le savez, un rôle extrêmement important du point de vue de la sécurité, avec l’intervention Serval qui a stoppée l’avancée des terroristes sur Bamako, avec l’opération Barkhane qui couvre l’ensemble des pays du Sahel. La France a décidé de continuer à maintenir ses efforts pour contribuer à la stabilité des pays africains. L’autre domaine d’action, c’est le développement. Il y a une liaison étroite que nous faisons désormais entre sécurité et développement. Certes, les solutions que nous envisageons face aux menaces sécuritaires sont à court terme, mais à long terme, c’est le développement économique et social qui permettra effectivement de battre le terrorisme. Donc, par rapport à tout cela, le sommet a eu à prendre des résolutions très fortes. Le sommet a eu à saluer l’action du Président Hollande pendant son quinquennat, où il a eu à prendre des décisions très courageuses, en particulier celle d’envoyer des forces françaises se battre à nos côtés pour assurer la sécurité de nos populations. La France, sous le Président Hollande, a eu également à mener des actions extrêmement importantes au plan du développement socio-économique en Afrique.

Pour le Niger, quelles sont les implications directes d’un sommet comme celui-ci ?

D’abord, la sécurité. Le Niger, vous le voyez est enfermé dans un triangle de menaces, avec comme premier foyer la Lybie, puis le Mali, et enfin le Bassin du Lac Tchad. Donc, les préoccupations sécuritaires perdurent. Nous allons continuer à travailler pour davantage protéger nos frontières ainsi que les personnes et les biens à l’intérieur pays. Et nous avons besoin des partenaires français pour pouvoir continuer cette mission de protection de notre pays. Sur le plan économique également, le Niger est en train de mettre en œuvre le Programme de Renaissance « Acte 2 ». Et ce programme a des ambitions importantes comme les infrastructures, l’initiative 3N « Les Nigériens Nourrissent les Nigériens », les secteurs sociaux de base (éducation, accès à l’eau et santé). Nous avons le défi de la jeunesse, avec cette croissance démographique exponentielle à laquelle nous sommes en train de faire face. Le Niger a besoin de ses partenaires extérieurs, en particulier la France, pour pouvoir mobiliser les ressources qui puissent permettre de réaliser ces objectifs.

Le sommet de Bamako a fait une large part à la jeunesse. Certains jeunes entrepreneurs ont été présentés aux chefs d’État et ont reçus des trophées. Pour vous, quelle est la place de la jeunesse africaine dans ces nouvelles relations voulues entre l’Afrique et la France ?

La jeunesse a une place centrale. Si je prends le cas du Niger, plus de 70% des Nigériens ont moins de 25 ans. Donc, toutes les stratégies que nous sommes en train de mettre en œuvre, ce sont des stratégies qui doivent d’abord profiter à la jeunesse. C’est pour cela que nous saluons les décisions prises par le sommet en rapport avec l’éducation, la promotion des jeunes, filles comme garçons, par rapport à la formation professionnelle et technique. Et là, le Niger fait un effort colossal. En 2011, quand nous sommes arrivés aux affaires, seuls 8% des enfants nigériens étaient orientés vers les centres de formation professionnelle. Aujourd’hui, ils sont 25% et d’ici 2020, ce sont 40% de nos enfants qui seront dirigés vers la formation professionnelle. Mais il ne suffit pas de former les jeunes, il faut aussi leur donner des emplois. C’est pour cela qu’il faut mettre en place des mesures d’expansion économique qui puissent permettre aux jeunes de créer des entreprises. Un peu partout dans le pays, nous sommes en train de créer des incubateurs qui assurent aux jeunes la mise en place d’un entreprenariat qui nous permette d’avancer.

Quel est votre message pour le successeur de François Hollande en ce qui concerne les relations entre l’Afrique et la France ?

Le Président Hollande a placé le partenariat entre la France et l’Afrique à un niveau très élevé. Je n’ai pas de leçons à donner à qui que ce soit, mais je souhaite bien sûr que celui qui le remplacera poursuivra ces actions dans la même direction, et cela dans l’intérêt des peuples africains mais aussi dans celui du peuple français.

Les questions sécuritaires sont d’une importance majeure pour le Mali et le Niger. Votre pays a reproché au Mali de ne pas prendre toutes les mesures pour éviter d’exporter l’insécurité hors de ses frontières. La situation a-t-elle positivement évolué ?

Je dois d’abord rectifier une chose : nous n’avons jamais rien reproché au Mali. Nous considérons que nous vivons dans le même espace. Nous considérons que cet espace est sous des menaces terroristes, sous les menaces d’organisations criminelles. Pour m’exprimer de manière terre à terre, je dirais que nous sommes sur le même bateau. Le Niger a toujours estimé que la situation sécuritaire du Mali est une question de sécurité intérieure pour le Niger et inversement. On ne fait pas de reproche aux autorités maliennes qui font un travail important, colossal. Voyez-vous les efforts qui sont faits dans la mise en œuvre de l’Accord de paix que je salue au passage ? Le gouvernement actuel a hérité d’une situation sécuritaire extrêmement difficile et il fait beaucoup pour créer les conditions du retour à la paix dans le pays. Avec le Mali, nous travaillons, ainsi qu’avec les autres pays de l’espace sahélien, en particulier dans le cadre du G5 Sahel. Il y a des initiatives que nous comptons prendre pour mettre en place des forces sur le modèle de ce que nous avons mis en place dans le bassin du Lac Tchad, c’est-à-dire faire la même chose au niveau de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad. Cela pour lutter plus efficacement contre le terrorisme, en rapport avec les autres forces déjà en présence, qu’elles soient celles de Barkhane ou de la MINUSMA.

Vous avez évoqué l’accord pour la paix et la réconciliation. On déplore souvent, au plan national comme international, la lenteur du processus de sa mise en œuvre. Qu’en pense Niamey ?

La situation est très difficile. Ceux qui regardent le problème de loin pensent que tout est facile mais ceux qui sont au pied du mur savent que ce n’est pas aussi simple. Nous saluons les efforts que fait le gouvernement malien pour la mise en œuvre de cet accord et nous l’encourageons à poursuivre. Nous sommes prêts à continuer notre soutien, puisque le Niger fait partie du Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Accord. Nous continuerons à remplir nos engagements par rapport à la nécessité de mutualiser les moyens pour notre sécurité commune.

Dernier volet de cet entretien, Excellence, parlons migrations. Vous avez sans doute suivi l’actualité au Mali qui a été marquée ces dernières semaines par la polémique sur l’accord de réadmission. On a même annoncé une signature du côté du Niger. Qu’est-ce que cela peut apporter à un pays de signer ce type de convention avec l’Europe ?

D’abord, il ne faut pas réduire le problème de migration aux accords de réadmission. En ce qui concerne le Niger, il faut bien spécifier de quelle migration il s’agit. Il s’agit de lutter contre une activité criminelle qu’on appelle migration clandestine. Le Niger est engagé dans la lutte contre la migration irrégulière. Nous avons défini un plan quand il y a eu le sommet Europe-Afrique à la Valette (Malte, ndlr). Ce plan a décidé de s’attaquer aux causes profondes des migrations. Ces causes profondes, c’est la pauvreté, le déficit démocratique dans certains pays, l’insécurité, mais aussi les effets des changements climatiques. Dans ce plan, il est dit clairement que nous allons lutter contre la migration irrégulière mais encourager la migration régulière. Le Niger, qui a adhéré à ce plan de la Valette et qui a conçu son propre plan de lutte contre la migration irrégulière en temps que pays de transit, le fait pour deux raisons. Pour des raisons morales d’abord parce que c’est insoutenable le drame que vivent les ressortissants africains à travers le désert ou la Méditerranée. Entre 2015 et 2016, pour donner un exemple, il y a eu plus de 10 000 Africains qui sont morts noyés en Méditerranée. Nous, dirigeants africains, ne pouvons pas rester insensibles à ce drame. Cela nous a amené à nous engager très fortement dans la lutte contre la migration clandestine. La deuxième raison est sécuritaire. Les passeurs qui amènent les migrants en Lybie, à travers le Niger, nous reviennent de ce pays avec des armes. Pour ces deux raisons, nous sommes très fortement engagés dans la lutte contre la migration clandestine. Les questions de réadmission, c’est juste un aspect du problème.

Ce ne sont donc pas, comme l’ont reproché certaines organisations de la société civile, les millions promis par Bruxelles qui vous poussent à renforcer la lutte ?

Je vous ai dit les raisons pour lesquelles nous nous sommes engagés.

Pour conclure, nous souhaiterions savoir comment se porte le Niger.

Le Niger se porte bien. J’ai fait un premier mandat qui a été concluant, à l’issue duquel j’ai eu à réaliser toutes les promesses faites au peuple nigérien. Mon programme a été réalisé à plus de 93%. Ces promesses tenues et le nouveau programme conçu et présenté aux électeurs m’ont permis d’être réélu et j’espère que ce deuxième quinquennat sera consacré d’une grande réussite, comme le premier.

 

 

11 ministres de l’Afrique francophone à Paris pour combattre la terreur

À Paris, durant deux jours, autour du ministre de l’Intérieur français Bernard Cazeneuve, 11 ministres de l’Afrique de l’Ouest ont réflechit à une stratégie pour une meilleure lutte contre le terrorisme ainsi qu’une meilleure coopération sécuritaire entre ces pays et avec la France.

Onze pays francophones d’Afrique de l’Ouest (Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger, Tchad, Côte d’Ivoire, Bénin, Sénégal, Guinée, Cameroun et Togo) étaient présents autour du ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, mardi 22 et mercredi 23 novembre pour évoquer les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme.

Cette rencontre inédite sur initiative du ministre français a permis de réaffirmer la volonté des nations présentes à lutter avec une totale détermination contre le terrorisme djihadiste et de réfléchir à des stratégies permettant de fluidifier le partage d’expérience et d’information notamment en matière de renseignement.

Paris déplore en effet, un manque de concertation entre les autorités et les services de la sous-région à l’heure ou le terrorisme transnational intensifie ces attaques dans plusieurs pays de l’afrique francophone.

À l’issue de ces deux jours de réflexion et de travail, une série de mesures ont été décidées : la mise en place de campagnes de contre-propagande pour mieux lutter contre la propagande djihadiste et détourner des sirènes du terrorisme les jeunes, particulièrement vulnérable à l’endoctrinement. Des programmes pour sensibiliser et mobiliser la population à ce problème au niveau régional, une meilleure détection des signaux de radicalisation via la réalisation d’un guide pratique, la mise en place de juridiction antiterroristes, le contrôle plus effectif des frontières, porter un coup aux sources de financement du terrorisme souvent en lien avec le trafic de drogue et d’être humains et la multiplication des exercices des forces de sécurité sur le terrain, élargie aux forces de police et de gendarmerie.

La France est d’ailleurs impliquée, dans la plupart de ces pays dans la formation des forces de sécurité.

Un dossier prix très au sérieux par les autorités françaises puisque dans le même temps, à Paris, la lutte contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine était au menu de la rencontre entre le président français François Hollande et son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, à l’Élysée.

Par ailleurs, mercredi 23 novembre, à Bamako, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Abdoulaye Idrissa Maïga recevait en audience la présidente de la commission défense de l’Assemblée nationale française, Patricia Adam, accompagnée d’une délégation du Parlement français. Les questions relatives aux relations militaires entre les deux pays ont été abordées durant cet entretien, ainsi que la question de Kidal où les forces armées maliennes ne sont plus présentent depuis mai 2014.