Trump et le pape: rencontre de deux hommes que tout oppose ou presque

Donald Trump, président de la plus grande puissance mondiale, a été cordialement accueilli mercredi matin au Vatican par le pape François, pourtant souvent aux antipodes de ses idées.

Le président américain, accompagné de son épouse Melania, toute de noir vêtue avec une voilette, a traversé le somptueux palais du Vatican, précédé par les représentants de familles nobles italiennes comme le veut le protocole des visites officielles.

Après une poignée de main cordiale, Donald Trump grand sourire, le pape la mine beaucoup plus sérieuse, ont été longuement photographiés avant de s’assoir pour entamer à huis clos un tête-à-tête qui a duré une petite demi-heure dans la bibliothèque des appartements pontificaux.

« Bienvenue », a entamé le pape, tandis que M. Trump a répondu: « C’est un très grand honneur ».

De prime abord, les sujets de dissension entre « le milliardaire » et « le pape des pauvres » semblent innombrables, des barrières contre l’immigration à l’économie libérale. Mais ces hommes très imprévisibles pourraient aussi se focaliser sur leurs points communs, comme la lutte intransigeante contre l’avortement.

M. Trump a ainsi autorisé des entreprises à refuser de financer la prise en charge de la contraception de leurs employés, bloqué le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement et nommé à la Cour suprême un juge ultra-conservateur étiqueté anti-avortement.

De quoi faire plaisir à la moitié conservatrice de l’électorat catholique qui a voté pour lui, mais aussi au pape François.

Car malgré son image de « révolutionnaire », le pontife argentin reste un strict gardien de la tradition sur les questions éthiques, s’opposant encore récemment à la recherche sur des embryons humains.

Avec ce rendez-vous matinal au Vatican, le président américain clôture aussi son tour des trois grandes religions monothéistes, après un discours sur l’islam en Arabie saoudite et une visite au mur des Lamentations à Jérusalem.

« Ce que le président Trump essaie de faire est d’unir les peuples de toutes les fois autour d’une vision commune de paix, de progrès et de prospérité », avait expliqué le conseiller américain à la sécurité nationale, le général H.R. McMaster.

Après la rencontre, François ira tenir sa traditionnelle audience hebdomadaire du mercredi devant des milliers de fidèles sur la place Saint-Pierre, tandis que M. Trump aura le privilège d’une visite privée de la chapelle Sixtine et de la célèbre basilique, chef-d’oeuvre de Michel-Ange et du Bernin.

Il rencontrera ensuite le président et le chef du gouvernement italiens, pendant que son épouse Melania rendra visite à des enfants malades à l’hôpital Bambino Gesù et que sa fille et conseillère Ivanka se rendra auprès de la communauté catholique de Sant’Egidio pour y évoquer la lutte contre le trafic de migrants.

Chercher les portes

« Je dirai ce que je pense, il dira ce qu’il pense », a précisé le pontife argentin voici une dizaine de jours, en affirmant « ne jamais porter de jugement sur une personne sans l’écouter ».

Ce pourfendeur de la prolifération des armes évoquera-t-il les contrats de 110 milliards de dollars pour la vente d’armement signés samedi à Ryad ?

Peut-être, mais le pape argentin a aussi annoncé sa démarche vis-à-vis du président Trump: « Chercher les portes qui au moins sont un peu ouvertes » et « parler des choses communes » pour aller de l’avant.

Il pourrait donc essayer d’influer sur des dossiers encore non tranchés, comme la position américaine sur le changement climatique.

Ces précautions oratoires sont loin de sa mémorable pique de février 2016. Interrogé sur M. Trump, alors juste candidat, François avait lancé: « Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne ».

Le milliardaire avait jugé « honteux » qu’un responsable religieux « mette en doute la foi d’une personne ». Ce qui ne l’a pas empêché de maintenir son projet de construire un grand mur le long de la frontière avec le Mexique.

Lors de la prestation de serment de M. Trump en janvier, le pape avait prié pour que ses décisions soient marquées par une « préoccupation pour les pauvres et les exclus ». Mais la Maison Blanche a dévoilé mardi une proposition de budget 2018 comprenant des coupes dans l’assurance maladie et des programmes sociaux.

L’avion présidentiel Air Force One repartira en début d’après-midi pour Bruxelles, où M. Trump doit rencontrer le roi et le Premier ministre belges.

Le pape en Egypte pour un voyage « d’unité et de fraternité »

Le pape François a entamé vendredi une visite de deux jours en Egypte, un voyage pour « l’unité » et « la fraternité », selon le pontife venu apporter son soutien à la minorité chrétienne cible d’attaques djihadistes.

Placée sous haute sécurité, la visite éclair du pontife argentin, la première dans le plus peuplé des pays arabes, intervient trois semaines après deux attaques contre des églises coptes orthodoxes qui ont fait 45 morts et ont été revendiquées par le groupe Etat islamique (EI).

« C’est un voyage d’unité et de fraternité. Moins de deux jours, mais très intense », a dit le pape aux journalistes dans l’avion l’emmenant au Caire.

« Il y a une attente spéciale du fait que l’invitation est arrivée du président de l’Egypte, du patriarche des coptes catholiques et du grand imam d’Al-Azhar », a-t-il ajouté.

Aussitôt après son arrivée, le pape François doit se rendre au palais présidentiel pour un entretien privé avec le président Abdel Fattah al-Sissi. Il doit aussi rencontrer le pape copte orthodoxe Tawadros II et le grand imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmed al-Tayeb.

« Cette rencontre sera déjà un exemple et un modèle de paix parce que précisément ça sera une rencontre de dialogue », a dit le pape au sujet de son rendez-vous avec le grand imam.

La visite vise en effet à réchauffer les relations entre Al-Azhar et le Vatican, qui s’étaient crispées après des propos controversés en 2006 du pape Benoît XVI semblant associer islam et violence.

Menace omniprésente

Le long du parcours que doit emprunter François au Caire, des affiches géantes montrant le pontife sur fond de pyramides, lui souhaitaient la « bienvenue », en anglais et en italien.

Les abords de la Nonciature apostolique, où le pape doit séjourner, étaient fermés à la circulation et sous la garde d’une forte présence policière et militaire.

Près de la cathédrale, siège de l’église orthodoxe copte, des blindés étaient stationnés.

Et toutes les églises d’Egypte ont été placées sous haute surveillance dans la crainte d’un attentat durant le voyage du pape.

Les djihadistes se sont engagés à multiplier les attaques contre les coptes, majoritairement orthodoxes, qui représentent environ 10% des 92 millions d’Egyptiens.

En décembre, un attentat suicide revendiqué par l’EI avait déjà fauché 29 personnes dans une église copte du Caire, où François se recueillera en fin de journée avec Tawadros II.

Communauté chrétienne la plus importante en nombre du Moyen-Orient, les Coptes orthodoxes d’Egypte se disent victimes de discriminations de la part des autorités et de la majorité musulmane.

Mais M. Sissi a été le premier président égyptien à se rendre à la messe de Noël à la cathédrale copte du Caire. Il jouit d’une forte popularité au sein de la communauté depuis qu’il a destitué son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi en 2013.

Dégel

Le voyage de François est le deuxième d’un pape en Egypte contemporaine, après celui de Jean-Paul II en 2000, qui avait également rencontré le cheikh d’Al-Azhar.

Vieille de presque mille ans, l’institution sunnite s’oppose au djihadisme inspiré du salafisme rigoriste dominant en Arabie saoudite.

Mais Al-Azhar est également au cœur d’une lutte entre les autorités politiques et religieuses, depuis que M. Sissi fait campagne pour des réformes visant à éradiquer le discours extrémistes de la sphère religieuse.

L’institution religieuse a par exemple refusé d’amender la pratique islamique des divorces prononcés de manière orale.

L’institution cairote avait gelé ses relations avec le Vatican lorsque Benoît XVI avait appelé spécifiquement à protéger les chrétiens après un attentat suicide meurtrier contre une église copte.

Mais en mai 2016, le pape François avait reçu l’imam Ahmed al-Tayeb, une rencontre qui avait constitué le point culminant d’un rapprochement rapide entre le Saint-Siège et Al-Azhar.

Depuis son élection en 2013, Jorge Bergoglio, désireux de promouvoir la paix, multiplie les gestes d’ouverture envers les musulmans, au point de déconcerter parfois certains chrétiens.

Il s’est rendu dans des mosquées, a lavé à Pâques les pieds de migrants musulmans ou encore ramené à Rome à bord de son avion trois familles syriennes musulmanes lors d’un déplacement sur l’île grecque de Lesbos.

Le chef spirituel de près de 1,3 milliard de catholiques célébrera samedi une messe dans un stade militaire de la banlieue du Caire pour la très minoritaire communauté catholique égyptienne, 272.000 fidèles de différents rites, déterminés à lui offrir un accueil mémorable.