Gouvernement – Groupe armés : jusqu’où ira la discorde ?

Le survol de Kidal, en milieu de semaine dernière, par des avions de l’armée malienne a exacerbé les tensions entre différentes parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Alors que la médiation internationale tente de trouver une voie pour la reprise du dialogue, le gouvernement malien et les groupes armés signataires campent sur leurs positions.

Que serait-il advenu ce 5 avril 2023 si, depuis le ciel du Septentrion malien, l’armée de l’air avait répondu aux tirs de sommation des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) en direction des avions de chasse qui ont survolé à basse altitude, selon plusieurs sources, certaines villes du nord dont Kidal ? Il n’en a en tout cas pas fallu plus pour que les ex-rebelles crient à une « violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et une provocation grave opérée sous les yeux de la communauté internationale, garante des arrangements sécuritaires et de l’Accord pour la paix ».

À cette accusation à peine voilée les autorités de la Transition n’ont jusque-là officiellement pas réagi. Selon nos informations, elles ne souhaitent pas communiquer pour l’heure sur cette situation. Nos tentatives auprès de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) pour plus d’informations sur l’opération de survol et les moyens mobilisés n’ont pas abouti.

Reprise des combats ?

L’Accord pour la paix et la réconciliation en lui-même est vacillant depuis des mois. En décembre 2022, les représentants des groupes armés signataires, réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement  (CSP-CSD) ont suspendu leur participation aux mécanismes de sa mise en œuvre.

Les différentes tentatives de la médiation internationale (Rencontre à Kidal avec les groupes armés, rencontre des groupes armés à Alger avec le Président algérien, réunion de la médiation à Bamako avec l’ensemble des parties…) pour que les différentes parties signataires reprennent le dialogue n’ont visiblement pas porté fruit.

Dans ce contexte, le récent « incident » de Kidal fait craindre à certains observateurs une nouvelle poussée de température entre le gouvernement du Mali et les mouvements armés, sans exclure une montée des tensions aboutissant à une reprise des combats armées entre les deux camps près d’une décennie après la fin des confrontations. Le 6 avril, sur les réseaux sociaux, des photos d’armes antiaériennes aux mains des mouvements signataires ont circulé lors de la célébration de l’unilatérale « indépendance » de l’Azawad. Une réponse, selon certains, au survol.

Mais, à en croire Dr. Aly Tounkara, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel, un tel scénario est peu probable. « Quand on regarde depuis trois mois de part et d’autre les différentes déclarations qui sont faites çà et là, tout laisse entendre que des velléités sécessionnistes pourraient difficilement être déclenchées de nouveau, au regard de l’intérêt, en dépit de ces agissements, que les deux parties manifestent vis-à-vis des débuts d’accalmie que l’Accord a pu quand même instaurer entre elles depuis des années ».

Sauver l’Accord

La médiation internationale, garante du suivi de l’Accord depuis sa signature en 2015, tente de le sauver. D’ailleurs, le gouvernement de transition a toujours réitéré son attachement et son engagement à une mise en œuvre « intelligente » de l’Accord. Même s’ils semblent ne pas s’accorder sur les mêmes priorités que les autorités, les groupes armés signataires, de leur côté, restent également disposés à aller vers sa mise en œuvre.

Mais aucune des deux parties n’a pour l’heure réagi aux nouvelles « propositions concrètes » que la médiation internationale a indiqué leur avoir fait, dans un communiqué en date du 9 avril 2023. « Nous sommes en train d’étudier et de nous concerter sur ces propositions avant d’y répondre », nous a indiqué une source au sein des groupes armés qui n’a pas souhaité détailler les propositions en question.

Toutefois, selon certaines sources, il s’agirait, entre autres, de l’opérationnalisation de la Commission ad hoc sur la chaîne de commandement des forces reconstituées, d’un début de l’opération DDR sur un premier lot de 13 000 ex-combattants et de la mise à jour des arrangements sécuritaires sur le cessez-le-feu. La médiation internationale veut aller vite. Selon nos informations, elle envisage de rencontrer le gouvernement le 17 avril, avant d’élargir les discussions aux groupes armés signataires une semaine plus tard, à partir du 24.

Accord pour la paix : le président algérien reçoit les représentants des groupes armés signataires

Le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, a reçu dimanche à Alger les chefs et les représentants des groupes armés signataires de l’accord pour la Paix dont l’Algérie est garante et qui patine depuis plusieurs années.

L’audience s’est déroulée au siège de la Présidence de la République en présence du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, M. Ramtane Lamamra et du directeur de Cabinet à la Présidence de la République, M. Abdelaziz Khellaf. Se félicitant du rôle que joue l’Algérie dans « la résolution des problèmes au Mali », le porte-parole de la délégation a indiqué que la rencontre avait permis de souligner l’engagement ferme de l’Algérie en faveur d’une « nouvelle dynamique de paix dans la région ». La CMA dans un communiqué a dit avoir évoqué ses attentes et ses priorités, et élaboré «des pistes de solutions pouvant aider à sortir de l’impasse et du statu quo actuel». Fin décembre 2022, les groupes armés signataires ont suspendu leurs participation au processus de mise en œuvre et de suivi de l’accord. Ils réclament entre autres la tenue d’une réunion en terrain neutre pour statuer sur l’avenir de l’accord. Les autorités de la transition rejettent l’idée d’une réunion hors du Mali.

Accord pour la paix : des mouvements armés signataires suspendent leur participation

Les 20 et 21 décembre, les groupes armés signataires de l’accord pour la paix réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) ont tenu une série de rencontres qui ont pris fin ce mercredi. La décision prise est sans appel : les membres du Cadre ont annoncé à « l’unanimité » dans le communiqué final de la réunion, la suspension de leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’APR jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation internationale en terrain neutre, « afin de statuer sur l’ Accord ».La cause ? Le CSP-PSD dit « regretter l’absence persistance de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger signé depuis 2015 et l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionnés des centaines de morts et de déplacés dans les régions de Ménaka, Gao et de Tombouctou ».

Une demande de réunion déjà formulée le 10 décembre dans une lettre du président de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) envoyée au ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra. La Médiation internationale dont l’Algérie assure la présidence avait appelé le 14 décembre dernier les parties à s’abstenir de toute déclaration qui risque de porter atteinte aux efforts inlassables d’instaurer un climat de confiance et à reprendre les travaux du comité de suivi de l’accord dont la dernière session avait été suspendue le 29 novembre dernier.

Dans le communiqué rendu public ce jeudi, il est indiqué que Fahad Ag Almahmoud a été remplacé par Alghabass Ag Intalla. Il sera pour un an, à la tête d’un bureau exécutif, d’une commission de réconciliation et d’une autre dédiée aux Affaires religieuses.

Sur le plan humanitaire, l’un des trois motifs de la rencontre, les groupes armés font savoir que la situation sécuritaire engendre « une crise humanitaire sans précèdent » dans les régions du Nord. Tout en annonçant prendre « des dispositions idoines pour la sécurisation des personnes et leurs biens victimes d’une barbarie sans précédent des forces du mal », la coalition a lancé un SOS à toutes les organisations humanitaires pour venir en aide aux populations en détresse.

Réunion de niveau décisionnel : une relance de l’Accord pour la paix ?

Alors que le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, dont le pays est le chef de file de la médiation internationale de suivi de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, a appelé le 31 juillet à l’application de cet accord, issu du processus d’Alger, les parties maliennes (gouvernement et groupés armés signataires) tiennent une Réunion de niveau décisionnel (RND)  du 1er au 5 août 2022 à Bamako. De quoi présager d’une reprise de sa mise en œuvre ?

Sept ans que la mise en œuvre de l’Accord tâtonne. La médiation internationale de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger s’inquiète. Dimanche dernier, le Président algérien Abdelmadjid Tebboune a expliqué dans la presse algérienne que « tant que l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger n’a pas été mis en œuvre, les problèmes auxquels est confronté le Mali perdureront, car le pourrissement de la situation est tel que n’importe qui s’arroge le droit de s’immiscer dans les affaires de ce pays ». Une situation déjà déplorée le 17 juillet dernier par les groupes signataires de l’Accord de 2015 à l’issue d’une réunion à Kidal. Selon eux, l’Accord est à l’arrêt depuis le coup d’État d’août 2020.

C’est dans ce contexte que le gouvernement a lancé cette semaine une réunion de niveau décisionnel. Tenue pour la deuxième fois après celle des 8 et 9 février 2021, elle a pour « objectif global de diligenter la mise en œuvre des actions prioritaires de défense et sécurité de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, conformément à la Feuille de route actualisée du 18 décembre 2020 », annonce le ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, le Colonel-major Ismaël Wagué.

« Questions superficielles »

Elle vise également à déboucher sur des solutions visant à redynamiser la mise en œuvre de l’Accord, à créer les conditions nécessaires pour entamer le Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) global et à s’accorder sur certaines réformes politiques et institutionnelles.

« Pour ce faire, nous procèderons aux discussions relatives à la répartition des quotas pour l’intégration des ex-combattants dans les corps constitués de l’État, y compris au sein des forces armées et de sécurité, au mécanisme de gestion du cas des hauts cadres civils et militaires des mouvements et, enfin, à convenir des réformes politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle », explique-t-il.

Les groupes armés abordent dans le même sens. Pour Attaye Ag Mohamed, chef de la délégation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), « la paix, ce n’est pas que sur le papier, ça se construit. Pendant sept ans nous avons beaucoup discuté sur des questions superficielles ou de surface, mais là c’est l’occasion pour nous tous d’évoquer les véritables enjeux ».

De même, Fahad Ag Almahmoud, Président de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 et Secrétaire général du groupe d’autodéfense Gatia, engagé depuis mars 2022 dans une lutte contre le groupe terroriste État Islamique dans la région de Ménaka, trouve qu’il y a « urgence que les acteurs de l’Accord se donnent la main pour faire face à ce phénomène, qui s’intensifie au nord et partout dans le pays ».

Ce mécanisme, selon l’analyste politico-sécuritaire Jean-François Camara, pourrait faire figure de relance de la mise en œuvre de l’Accord. Mais « pour quelle soit totale  il faut une relecture de l’accord. Ce que doivent accepter les groupes armés, car lors de sa signature le Mali n’était pas en position de force, ce qui a changé à présent. S’ils accordent sur ces changements, on assistera à une véritable relance de la mise en route de l’Accord », assure-t-il.

Depuis sa signature, en 2015, il y a eu 45 réunions du Comité de suivi de l’Accord (CSA) qui n’ont pas réussi à apporter des résultats probants. Cette Réunion de niveau décisionnel, qui prend fin ce vendredi, sera-t-elle la bonne ? « Nous l’espérons une fois pour toute », plaide le chef de file de la médiation internationale, El-Haouès Riache.

Mise en place ce mardi de la plateforme « Convergence des Forces Républicaines »

Mise en place mardi 16 juin d’une plateforme d’associations de soutien au Président Ibrahim Boubacar Kéïta dénommées « Convergence des Forces Républicaines (CFR) ». Coordonnée par Cheick Oumar Gadjigo, ancien candidat aux législatives en commune II de Bamako, la plateforme entend « défendre des institutions de la République et contrecarrer toute déstabilisation du régime ». Cette plateforme de soutien à IBK naît alors que le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques prévoit une autre manifestation pour demander la démission d’IBK.

Kidal : Un CSA de haut niveau le 17 septembre ?

La prochaine session du Comité de suivi de l’Accord (CSA) pourrait se tenir à Kidal. Prévue pour le 17 septembre, cette réunion de haut niveau, à laquelle participeront le ministre algérien des Affaires étrangères et son homologue malien, sera une première depuis la signature de l’Accord pour la paix, en 2015.

Le 17 septembre prochain, la ville de Kidal pourrait acceuillir la 38ème session du Comité de suivi de l’Accord. Une réunion de haut niveau qui verra la participation des ministres des Affaires étrangères et de la coopération internationale de l’Algérie et du Mali. Le porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mossa Ag Attaher, est confiant. « Nous avons prévu de tenir la prochaine session du CSA à Kidal, pour la délocaliser et amener tous les acteurs et la communauté internationale à voir les réalités sur place. Elle devait se tenir le 9 septembre, mais elle a été repoussée, normalement au 17 ». Même si le Président du CSA reste prudent quant au lieu, tout porte à croire que la rencontre pourrait bien se tenir dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas. « Rien n’est encore définitivement décidé. Il y a plusieurs propositions à l’étude. Cela peut être Bamako ou ailleurs. Pour l’instant rien n’est tranché », souligne Ahmed Boutache. La délocalisation d’une session du CSA à Kidal, avec le cortège d’acteurs qui en sont membres et les hautes personnalités qui y participent, peut être plus qu’un symbole. La région échappe depuis plusieurs années à l’État et de plus en plus devient source de discordes. « C’est une innovation qu’on veut apporter, pour que les ambassadeurs et les autres personnalités aillent voir ce qui se passe sur le terrain. L’objectif est de voir de plus près les réalités. Les symboles de l’État dont parlait Tiebilé, il va les voir ». Mais, « si on veut vraiment les symboles qui représentent un État, il faut créer les services de l’État qui préserveront ces symboles » ajoute Mossa Ag Attaher.

Pour le retour de l’administration, le porte-parole de la CMA estime qu’il ne peut se faire que dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. « Il n’y a pas de calendrier formel ». Quant au Gouverneur, il assure que les administrateurs sont déjà à Kidal. « On travaille dans le calme et les gens reviennent petit à petit », glisse Sidi Mohamed Ag Ichrach. 

Accord pour la paix : Faut-il une relecture ?

Le 15 mai 2015, la salle Djeli Baba Sissoko du Centre international de conférences de Bamako accueillait solennellement la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale entre le gouvernement du Mali et la Plateforme, puis avec la CMA un mois plus tard. Un vent d’espoir soufflait. Quatre ans après, la situation a empiré et certains s’interrogent sur la viabilité de l’Accord en l’état.

Chaque jour qui passe, le sang coule dans une partie du territoire national. Des attaques armées, des mines, des braquages, ont installé un climat de terreur inégalé. Pourtant, il y a quatre ans, un Accord pour la paix et la réconciliation nationale à l’issue du  processus d’Alger avait été conclu en deux temps entre le gouvernement, la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).  Sa mise en œuvre prévoyait tout, sauf la situation actuelle de violence du nord au centre. Pour le porte-parole de la CMA, « c’est le manque de volonté qui a fait qu’il y a un pourrissement de la situation ». « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en train de perdre seulement le Septentrion du pays, mais aussi le Centre et le Sud. Nous avions dit qu’il fallait une armée nationale refondée, reconstituée et redéployée dans les régions septentrionales pour circonscrire l’ensemble des problèmes de sécurité auxquels nous pouvions faire face, mais on ne nous a pas écoutés », se plaint Mahmoud Ould Mohamed. Selon lui l’aggravation de la situation découle du retard accusé dans la mise en œuvre et du fait d’avoir occulté les axes principaux de l’accord. « Quand nous avons signé l’accord, en 2015, le problème de Mopti et du Centre n’existait pas. En 2014 et 2015 on cherchait à redéployer l’armée à Kidal. Aujourd’hui il y a des difficultés à le faire à Ségou et à Mopti », précise-t-il. Le porte-parole de la CMA estime que l’Accord devrait s’attaquer aux axes majeurs, comme la révision constitutionnelle, au lieu de s’attarder sur les autorités intérimaires ou le MOC, 48 mois après sa signature. « Cela n’est plus du retard mais un rejet », accuse-t-il.

Relire l’Accord ?

Ces absences de progrès et la crainte d’une partition programmée du pays  alimentent les velléités de relecture de l’Accord afin de l’adapter au contexte et pour le faire accepter par le peuple. « Il est aisé de constater que sur le terrain l’Accord n’a pas instauré la paix, parce qu’il n’émane pas des communautés concernées. Il a été conçu et imposé du dehors », explique le Professeur Issa N’Diaye. Il ajoute « l’insécurité et les conflits armés ont créé une économie malsaine, dont se nourrissent certains groupes armés » et « on ne saurait arriver à la paix sans démolir les bases de cette économie malsaine ». En outre, de la signature de l’Accord à aujourd’hui, de nouveaux acteurs sont apparus sur le terrain. « L’État est confronté à une réalité tellement complexe que s’attaquer à la mise en œuvre de l’Accord demande au préalable un certain nombre des réformes institutionnelles. Or, à ce niveau, il y a la réticence de la société civile, l’instabilité politique et le chef de l’État lui-même, qui semble être à l’arrière-plan sur toutes ces questions », relève le politologue Ballan Diakité. Selon lui, il y a des craintes qui expliquent la « nonchalance » de l’État. « Demander à un État fragilisé de mettre en œuvre un accord pour l’autonomisation de certaines régions alors qu’il y a des velléités séparatistes, c’est précipiter d’une certaine façon la division ». Le Professeur Issa N’Diaye pense que « cet accord est mauvais » et que « sa viabilité passe par sa renégociation avec les populations concernées ». Une alternative qui ne fait pas l’unanimité. « Il est prévu que les parties maliennes, entre elles, discutent d’un certain nombre des choses, mais il n’est pas question de remettre l’Accord sur la place publique pour en débattre avec des partis politiques ou d’autres », réfute le porte-parole de la CMA.

Fahad Ag Almahmoud : « Nous ne pouvons pas accepter que cette tendance prenne le contrôle de la Plateforme »

La Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 d’Alger, partie signataire de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale est depuis quelques semaines sujet à des dissensions internes.  Le dernier acte de discorde était le retour au CSA du secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) en lieu et place de son secrétaire permanent. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, membre de la Plateforme, explique les points d’achoppements.

Qu’est-ce qui explique les dissensions au sein de la Plateforme ?

Après la signature de l’Accord en 2015, on nous a communiqué le nombre des représentants de la Plateforme au sein du Comité de suivi de l’Accord (CSA). Il y a eu un tiraillement entre le secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Ahmed Ould Sidi Mohamed et  son secrétaire permanent.  Nous, nous avons estimé à juste titre que le secrétaire permanent nous est plus utile que le secrétaire général, vu l’âge de ce dernier, ses problèmes de santé et sa lucidité. Nous avions donné la liste mais quelques temps après il écrit au CSA pour dire qu’il conteste. Le CSA a estimé que la Plateforme a donné une liste et il a été prié de sortir de la salle en 2016. Entre temps, il y a eu un problème d’humeur entre la branche MAA de Tombouctou et celle de Gao. Cette dernière a écrit au CSA pour lui demander d’enlever le secrétaire permanent. Le président du CSA a donné une suite favorable à cette missive, or qu’en 2016, la demande avait été déboutée. Et cela,  sans donner aux parties concernées une marge de manœuvre suffisante à fin de parvenir à un compromis.  Au sein aussi de la Plateforme et de la CMA il y a des mouvements qui ont des liens avec des groupes terroristes et d’autres qui n’en ont pas et qui les combattent comme nous. C’est en fonction de cela que défendons ou pas. C’est ce qui a créé notre proximité avec la tendance de Moulaye Ahmed Ould Moulaye Reggani (secrétaire permanent), car  nous pensons que l’autre de Gao est complètement sous les ordres de la CMA.  Nous ne pouvons pas accepter que cette tendance prenne le contrôle de la Plateforme.  Ce vieux a vécu 35 ans en Mauritanie et n’a aucune attache militaire chez nous.

Que comptez-vous faire ?

Nous ne comptons plus être assimilés à des gens qui n’ont pas le même agenda que nous. Nous tous faisons partie de la Plateforme originelle. Chacun de nous est là parce qu’il représente des hommes en armes. On ne peut pas faire sortir celui qui représente ces hommes  et amener quelqu’un qui ne représente personne. Je ne peux pas comprendre que le président (Algérie) du président du CSA (Ahmed Boutache) ait été obligé de démissionner il y a quelques  semaines parce qu’il est inapte, et que, dans le même temps, ce dernier veuille que nous acceptions une personne tout aussi inapte. Nous comptons entreprendre tout ce qui rendra audible notre mécontentement.

Ces dissensions ont –elles un lien avec Me Harouna Touré que vous récusez?

Tout le monde sait depuis très longtemps que Me Harouna Touré est au service de la CMA. Nous ne partageons plus les mêmes valeurs. Il n’est plus notre porte-parole  et même la CMFPR a officiellement écrit au président du CSA et à la communauté internationale pour leur dire qu’il ne les  représente plus. Lui et ce vieux sont tous au service d’une certaine partie obscurantiste de la CMA.

 

Gatia – Ganda Izo : On réclame justice

Alors que le Conseil supérieur des Imghads et Alliés venait de clôturer sa rencontre sur la paix et la cohésion sociale à Gao, un affrontement est survenu le 6 février, à l’entrée de la ville entre certains éléments du Gatia et de leurs alliés de la Coalition des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR I). Une semaine après cet incident tragique, la tension est retombée, mais on réclame justice.

« C’est un incident qui a surpris tout le monde, parce qu’il n’y avait jamais eu de problème entre éléments de la Plateforme. Ce sont des accidents qu’on ne peut pas prévoir. Maintenant, il faut gérer les conséquences », déplore Ibrahim Diallo, responsable de la Plateforme au Comité de suivi de l’Accord (CSA). Le 6 février, aux abords de la route de Bourem, un différend mortel a éclaté entre des éléments du Gatia  et ceux du CMFPR I, tous deux membres de la Plateforme. Tout serait parti d’un supposé vol de bétail par des éléments du Gatia. Selon Ibrahim Diallo, des membres du Ganda Izo ont vu des animaux qu’ils ont suspectés volés et ont arrêté ceux qui conduisaient le troupeau. Les bêtes appartenaient à certains éléments du Gatia, qui se sont donc présentés afin de clarifier la situation. Sur place, l’échange aurait été houleux et, dans l’incompréhension, le premier geste fut  fatal. « Selon la  version du Gatia, alors que leur chef parlementait avec son vis-à-vis pour avoir des explications, le Ganda Izo a ouvert le feu sur lui, le tuant sur le coup. C’est à ce moment-là que la riposte du Gatia a entrainé la mort de tous les combattants Ganda Izo présents, mis à part un », rapporte Azaz Ag Loudagdag, figure du Conseil supérieur des Imghads et Alliés. Cinq décès ont été enregistrés, quatre côté Ganda Izo et un côté Gatia.

Mais, peu après, des combattants de la CMFPR I, dont est membre Ganda Izo, auraient poursuivi ceux du Gatia impliqués dans l’affrontement jusqu’au domicile de Azaz Ag Loudagdag, saccagé par la suite. C’est grâce à l’interposition des Famas que le pire aurait été évité.

Appels au calme

Plus d’une semaine après, les tensions sont retombées, mais le CMFPR I demande justice. « Nous avons eu des réunions avec le gouverneur toute la nuit pour calmer la situation, ainsi qu’au sein de la Plateforme. Nous leur avons demandé ce qu’ils voulaient. Ils disent que c’est la justice », témoigne Azaz Ag Loudagdag. « Quand il y a mort d’hommes, ce n’est pas une question qu’on peut régler facilement. C’est à la justice de trancher maintenant », plaide de son côté Ibrahim Diallo.

Mahmoud Ould Mohamed : « Ce DDR accéléré est un premier processus de mise en confiance»

La cérémonie du lancement officiel du programme DRR des ex-combattants des groupes armés présents dans le MOC de Kidal, Gao et Tombouctou a eu lieu le 6 novembre à Gao.  L’enregistrement des 1 600 premiers d’entre eux s’est tenu le lendemain. Mais les intéressés demandent des garanties sur certains points avant de s’engager dans un processus qui pourrait leur être fatal. Le porte-parole de la CMA, Mahmoud Ould Mohamed, présent lors du lancement, explique ses réserves.

Qu’est-ce qui explique les réticences des combattants à s’engager dans le processus ?

Ce sont des incompréhensions et un manque de communication. Depuis qu’on a déclenché le système de DDR accéléré, la  commission technique de sécurité (CTS) qui gère le MOC  n’avait pas fait de feedback aux intéressés par rapport aux questions qu’ils soulevaient, notamment sur les grades et les statuts de ceux qui sont morts ou blessés au cours des différents attentats. Ils attendent plus de réponses et d’éclaircissements que des questions de revendications. La commission DDR a péché sur ce plan pour n’avoir pas procédé à ces genres de flux d’information et de communications avec les intéressés. Au niveau de la CMA nous portons ces revendications à un niveau plus élevé, ce ne doit pas constituer un blocage pour nous.

Avez-vous la même compréhension du DDR que les autres parties ?

Nous avons la même vision que le gouvernement et la Plateforme. Le problème c’est beaucoup plus la commission DDR elle-même qui est un peu confuse, parce que son plan de travail n’est pas très clair. Elle pense que ce sont seulement des étapes pendant qu’il y a un travail de communication et d’appropriation qu’il faudrait faire avec les acteurs sur le terrain. C’est ce qui a péché.

En quoi le processus pourrait contribuer à la sécurité dans ces régions ?

C’est pour cela qu’on l’a appelé DDR accéléré, pour essayer de mettre en marche l’armée reconstituée qui commence avec le noyau du MOC. Ils vont faire les mêmes missions dévolues au MOC auparavant, que sont la sécurisation des institutions et les patrouilles mixtes. Ils vont rentrer dans le processus et être redéployé immédiatement. C’est le noyau de l’armée reconstituée.

Est-ce que l’objectif à terme d’un désarmement des groupes armés est atteignable ?

Une fois que le processus se met en place sur le plan politique et sécuritaire il n’y a aucun problème. Le désarmement n’a jamais été un blocage. Mais il a toujours été sur les avancées politiques. Ce DDR accéléré est un premier processus de mise en confiance entre les acteurs. S’il marche, désarmer devient une question banale.

Point-presse MINUSMA: Pacte pour la paix, de l’ordre enfin ?

La Minusma  a tenu le 18 octobre à son siège à Badalabougou, son traditionnel point de presse bimensuel. Son  porte-parole, Olivier Salgado  est revenu sur les dernières activités de la mission avant d’introduire l’invité spécial Danilson Lopes Da Rosa, responsable de la médiation de la MINUSMA. Ce dernier a développé l’objectif  visé par le pacte pour la paix signé le 15 octobre entre le gouvernement et l’ONU avec l’adhésion des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Un nouveau document d’à peine trois pages fait désormais  figure de canevas de référence pour  l’accélération de la  mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Le pacte pour la paix, a été signé lors de la 28e session du Comité de suivi de l’Accord entre les Nations unis et le Gouvernement du Mali, avec l’approbation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme, parties prenantes de l’Accord. « Cet acte fort a  pour but de réaffirmer l’engagement des différentes parties pour la résolution du conflit », explique le porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado. Ce document avait été annoncé par la résolution  24-23 du conseil de sécurité de l’ONU.

Plus d’engagements des partis                    

Même si le pacte poursuit le même objectif qui est la mise en œuvre de l’Accord, elle insiste selon le représentant de la médiation sur des éléments nouveaux, tel l’inclusivité . « Il faut prendre en compte les réalités sur le terrain, car il y a des groupes armés qui ont  une importance au niveau locale », souligne-t-il. « Nous sommes arrivés à un moment ou les mouvements armés doivent penser  à autre chose qu’être dans une logique de mouvements armés », ajoute Danilson Lopes Da Rosa.  L’invité du jour a rappelé que « la responsabilité de la mise en œuvre de l’Accord incombe au gouvernement et aux groupes signataires, appuyés par la communauté internationale.» Le pacte stipule qu’en cas des divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Une nouveauté aussi qui découle d’un constat selon le conférencier. « Nous prenons des décisions aux CSA mais quand on quitte la salle,  chacun fait comme si la décision n’a jamais été prise », dit –il. « Nous essayons de mettre de l’ordre .Mieux vaut tard que jamais », a-t-il poursuivi.

Défier le statu quo

C’est face à l’absence des progrès tangibles trois ans après la signature de l’Accord qu’une telle idée est née.

Avant la signature du document, des négociations ont été menées pour harmoniser les points de vue entre la CMA, la Plateforme, le Gouvernement et la médiation internationale. Le texte a ainsi été retravaillé pour que toutes les parties s’y retrouvent. « Comme les mouvements ne doivent pas signer,  et que c’est un pacte entre  le Gouvernement et les Nations-Unies, il a été décidé que la CMA et la Plateforme fassent une déclaration d’adhésion », informe  le médiateur.

Pour  atteindre les engagements, toutes les décisions en lien avec la mise en œuvre de l’Accord sont désormais prises  au sein du  ministère de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale. « Les parties maliennes se réunissent dorénavant tous les jeudis pour débattre de tous les sujets en conformité avec les quatre piliers de l’Accord », assure Danilson Lopes Da Rosa.

Dr. Anasser Ag Rhissa: « L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix »

Pour accélérer la mise en œuvre intégrale et inclusive de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les Nations unies et le Gouvernement du Mali ont signé, le lundi 15 octobre 2018 à Bamako, le pacte pour la paix. Anasser Ag Rhissa, expert TIC, Gouvernance et Sécurité, répond à nos questions sur les contours de ce pacte qui doit  booster le processus.

 

La signature du pacte pour la paix marque-t-elle un tournant ?

Cette signature du pacte pour la paix entre les parties prenantes à l’Accord pour la paix et la réconciliation est un tournant décisif et une stratégie pour garantir l’engagement des acteurs concernés pour une mise en œuvre diligente, intégrale et inclusive de cet accord.

En quoi ce pacte pourra-t-il accélérer sa mise en œuvre ?

En fixant une vision et un objectif précis pour les acteurs concernés, assortis d’un chronogramme, de critères de suivi-évaluation pour valider sans complaisance le bon déroulement de la mise en œuvre de l’accord de paix. En appliquant aussi des sanctions, après des enquêtes sérieuses, si une partie prenante empêche le bon déroulement de cet accord.

En cas de divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Pourquoi l’autorité de la médiation et comment pourrait-elle être accueillie par les parties signataires ?

La nécessité d’un leadership global, indépendant des parties signataires, sur le suivi de l’accord de paix explique cette autorité de la médiation. Elle serait bien accueillie par les autres parties signataires en cas d’indépendance de ce leadership et d’une bonne gouvernance, sans complaisance du suivi de cet accord de paix et des engagements pris par les acteurs.

« A terme, l’ensemble des mouvements et groupes armés est appelé à disparaitre pour laisser place à une armée reconstituée,  fondée sur la diversité et les valeurs républicaines ». Cet engagement est-il tenable ?

Cet engagement est tenable, de façon graduelle, au fur et à mesure que les différents MOC (Mécanismes opérationnels de coordination) s’installeront dans les régions du nord du Mali et au centre ainsi et que se déploiera le DDR (Démobilisation, désarmement et réinsertion) qui doit alimenter ces MOC. Tout se fera de façon progressive.

Ce pacte pour la paix implique-t-il d’autres acteurs en dehors de l’Accord ?

L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix. De ce fait, des acteurs maliens en dehors de l’accord de paix tels que certains membres de la CME (Coordination des mouvements de l’Entente), les milices au centre du pays et la société civile devront être intégrés dans ce pacte pour la paix. Déjà, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga a promis l’intégration de cent membres de l’association Dan Amassagou dans ce pacte pour la paix.

 

Zahabi Ould Sidy Mohamed : « Le DDR ne restera pas éternellement ouvert »

La date limite pour l’application effective du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion est prévue pour ce 15 octobre. Longtemps une arlésienne, le DDR semble désormais en passe d’enclencher la vitesse supérieure. Le président de la commission nationale de désarmement, démobilisation, et réinsertion (CNDDR) Zahabi Ould Sidy Mohamed revient pour nous dans cette longue interview sur les différents aspects du processus.

Quelles sont les avancées enregistrées depuis la mise en place du DDR ?

Le processus de désarmement, de cantonnement fait partie des mandats de la commission nationale désarmement, qui a été mise en place au dernier trimestre 2017. C’est une structure qui est prévue par l’accord de paix et qui est composée de commissions mixtes dans lesquelles on retrouve les parties signataires, c’est-à-dire essentiellement le gouvernement, la CMA et la Plateforme. Plus tard, pour des questions d’inclusivité, les commissions verront leurs effectifs augmenter, parce que les mouvements au cours du processus se sont éclatés en sous-groupes à cause de divergences. Nous avons toutes les structures qui sont déjà mises en place et ce au niveau national et régional. Les différentes antennes sont opérationnelles. Le travail de la commission se divise principalement en trois étapes. La première qui est la mise en place des structures est déjà terminée. La deuxième est celle de l’enregistrement des combattants. Il était convenu que les mouvements donnent la liste de leurs combattants quatre mois après la signature de l’accord, malheureusement ceci a pris du retard pour diverses raisons. Si je devais faire un bilan d’étape, les structures sont en place, le personnel est formé et nous en avons presque fini avec le processus d’enregistrement. Nous avons plus de 32 000 combattants enregistrés, certains avec leurs armes et d’autres avec des munitions. Nous avons une date butoir qui est le 15 octobre afin que les derniers registres nous parviennent. Vous avez des retardataires, des indécis.

Et pour ceux qui n’auraient pas transmis les listes avant cette date ?

Les mouvements ont une réserve sur la date. Ils nous disent que d’autres de leurs combattants doivent arriver bientôt. Mais, il nous faut des repères. Si après le 15, d’autres se présentent cela fera l’objet d’une discussion au niveau du comité de suivi de l’accord (CSA) qui l’acceptera ou le refusera. Le DDR ne restera pas éternellement ouvert, parce que nous n’en finirons pas.

Le processus a connu du retard. A quoi cela était-il dû ?

Le DDR ne se déroule pas de manière isolée. Il est lié au processus politique. L’accord prévoit plusieurs volets : politico-institutionnel, sécurité-défense, développement et le volet humanitaire. Ces quatre volets sont souvent liés, et dans les négociations, les parties ne veulent pas lâcher du lest sur un aspect avant de connaitre les progrès liés aux autres aspects. Les combattants se disent également que s’ils donnent leurs armes, ils n’auront plus de moyen de pression. Sans compter qu’ils avancent en avoir besoin pour se sécuriser dans des zones hostiles, puisqu’AQMI et les autres groupes djihadistes sont contre le processus. Vous avez aussi une révision de la constitution qui s’impose pour mettre en place un sénat. Des autorités intérimaires qui ne progressent pas beaucoup, tout ceci est un package qui fait que les choses trainaient.

Quelles sont les conditions d’éligibilité pour les combattants ?

Pour un programme DDR, il est très important d’avoir une banque de données. Cette dernière servira de document de référence pour tous les autres volets. Nous avons les critères d’intégration sur lesquelles les parties sont d’accords. Ils le sont aussi sur le mode opératoire des cantonnements. Il reste à déterminer le quota de ce que la fonction publique ou les services de l’Etat peuvent absorber. Tout ce monde ne saurait être intégré. Il y a des débuts de discussion entre les mouvements et le gouvernement sur la question. Elles ne sont pas encore finalisées, mais nous espérons qu’elles le seront très vite. Une fois que nous serons fixés, nous commencerons le screening. C’est-à-dire tous les combattants qui se sont pas enregistrés passeront par le processus DDR qui se chargera d’abord de les identifier. Le processus n’est que pour les nationaux. Les étrangers ne sont pas concernés. Ensuite, nous ferons un test militaire pour savoir si réellement c’est un combattant ou un civil en arme. Par la suite, il y aura un test de santé sur les standards de recrutement dans l’armée nationale. Nous avons aussi le critère de l’âge, le recrutement concerne ceux qui ont de 18 à 35 ans. Au delà, ils ne seront pas éligibles à l’intégration y compris pour ceux qui iront à la fonction publique. Nous l’avons fixé en conformité avec la législation malienne. Passé un certain âge, vous êtes admis à la retraite. Et si tu es recruté à 40 ans, il y a des risques que tu ne puisses pas bénéficier de pension complète à la fin de ta carrière.

Quid de ceux qui ne seront pas intégrés ?

Tous ceux qui ne pourront pas être intégrés seront redirigés vers la réinsertion socio-économique. Elle est composée de trois catégories. La première est pour ceux qui optent pour l’apprentissage des petits métiers. Une fois la formation finie, nous leur donnons des kits d’installation. Pour cela, nous avons des partenaires, un programme de soutien de la Banque mondiale pour lequel nous avons déjà eu un premier financement destiné à 4000 combattants. Le deuxième est celui de la réinsertion communautaire. Le conflit a impacté les communautés. Les armes ne sont pas seulement détenues par les combattants. Des communautés aussi en ont pour l’auto-défense. Nous avons une approche que nous appelons arme contre développement. Puisqu’ils ont mis de l’argent dans ces armes, en contrepartie pour les récupérer, nous leur proposons de réaliser des projets d’intérêt communautaire. Nous ne voulons pas acheter les armes. L’expérience a montré que dans d’autres pays où le cash était utilisé, cela créait un trafic d’armes énorme. Nous avons une troisième catégorie : les projets pilotes de réinsertion. C’est destiné à des personnes qui peuvent créer des emplois.

Les sites de cantonnement sont-ils prêts?

Il y a dix sites de cantonnement, les mouvements en ont demandé 22. Mais, nous ne pouvons pas attendre. Si nous le faisons, nous en aurons pour dix ans. Ce qui est déjà fait, nous allons les utiliser. La MINUSMA en a construit huit, et le gouvernement en a ajouté deux. Nous allons procéder à des aménagements additionnels dans certains endroits. Il n’en faut pas beaucoup pour faire un site de cantonnement. Une tente, un forage deux conteneurs pour stocker des armes et le compte y est, on ne fait pas des cinq étoiles.

Les conditions sécuritaires sont-elles réunies ?

Nous n’avons pas la sécurité à 100%. Nous comptons justement sur le cantonnement pour améliorer la sécurité. Il y a des risques et nous prenons des mesures afin d’y faire face. Nous comptons commencer le processus de DDR avec les éléments du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). Nous débuterons le 5 novembre.

Comment va se faire l’intégration des combattants de la milice Dana Ambassagou annoncée en début de mois ?

C’est un programme spécial, certes une approche similaire mais c’est un peu différent. Le regroupement se fera dans trois endroits : Tenenkou déjà construit, Douentza où il y’a des structures que nous pouvons utiliser et Koro. C’est là où se concentrent les groupes d’auto-défense. Nous ferons un screening là-bas aussi sauf qu’à ce niveau nous aurons du travail à faire en matière des droits de l’Homme. Il y’a eu beaucoup d’évènements là-bas et cela demande des dispositions spéciales. Ce sera comme ce que nous avons fait au nord, où nous avions des guichets de droits de l’Homme qui nous permettait de filtrer afin que les auteurs de graves violations n’intègrent pas les forces de l’ordre.

Comment mesurez-vous l’importance du DDR pour le processus de paix ?

Le DDR est le cœur de l’accord de paix. Tous les Maliens attendent que l’accord apporte la paix, qu’il mette fin à l’insécurité rampante. Si nous ne contrôlons pas les armes, nous tombons dans l’anarchie. Le cantonnement réduira la circulation des groupes armés sur le terrain. Les groupes qui sont hostiles à l’accord seront facilement identifiables par les drones qui surveillent la zone. Une fois le cantonnement effectif, des troupes non autorisées feront face aux forces qui combattent le terrorisme.

Pacte entre le gouvernement et ONU : À quelles fins ?

La signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, en 2015, entre le gouvernement, la CMA et la Plateforme, avait suscité des grands espoirs. Mais, trois ans après, les attentes restent énormes. Pour accélérer sa mise en œuvre, les Nations Unies signeront avec le gouvernement  du Mali,  ce jeudi à New York,  un Pacte pour la paix.

En marge des travaux de la 73ème session de l’Assemblée  générale de l’ONU, le gouvernement du Mali  débattra avec l’instance pour la paix mondiale des contours et du contenu du « Pacte pour la paix », qu’ils doivent signer. Même si les différentes parties signataires de l’Accord sont représentées, parleront-elles le même langage lors de ce séjour ? L’objectif de cet engagement, selon la résolution 2423 des Nations Unies, est « d’accélérer l’Accord, contribuer  à la stabilisation du Mali et renforcer  la cohérence des efforts déployés par la communauté internationale au Mali, avec l’appui de la MINUSMA ». Tout d’abord, les Nations Unies souhaitent que ce pacte « repose sur des critères convenus,  liés à la gouvernance, à l’état de droit, et à la mise en œuvre de l’Accord, en particulier de ses principales dispositions… ». Cet instrument permettra de fixer aux parties signataires des objectifs clairs et précis  qu’elles devront avoir mis en œuvre dans les six mois suivant l’investiture du Président IBK.

Pour le moment, le concept et son contenu sont sujets à discussions. Il a été au cœur de la 27ème session du CSA tenue le 18 septembre. C’est pourquoi les conclusions des échanges de New York sont fortement attendues. Pour Sidi Brahim Ould Sidat, chef de la délégation de la CMA au CSA, qui participe d’ailleurs à cette mission, « beaucoup des gens ne comprennent pas le pacte et en ont  une vision différente ». Il estime que les échanges prévus permettront de dégager une compréhension claire du concept et de ses objectifs. « Il doit se baser sur un calendrier bien défini entre les parties maliennes et c’est sur la base de celui-ci que le gouvernement prendra un engagement avec l’ONU pour la mise en œuvre du document », dit-il, précisant que si tel n’est pas le cas le document n’aura pas d’impact.

Avant lui, Me Harouna Touré de la Plateforme avait estimé que le pacte était un acte de plus et que la « sincérité » dans son respect et son application était essentielle pour la suite du processus.

Rapport de l’Observateur indépendant : les Parties occultent les priorités

L’observateur indépendant désigné par le CSA, le centre Carter,  a présenté le lundi 28 mai à l’hôtel Sheraton son premier rapport sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. En présence des représentants des parties signataires, la présidente de l’Observateur, la conseillère spéciale Bisa William  a relevé sur une période de  4 mois ‘’un délaissement des fondamentaux de l’Accord’’ par tous les acteurs du processus.

Le 28 mai, l’équipe de l’observateur Indépendant du Centre Carter, dirigée par la conseillère spéciale Bisa William  a exposé à la presse son premier rapport depuis  sa désignation par le  Comité de Suivi de l’Accord (CSA). De 13 pages, ce rapport couvre la période du 15 janvier au 30 avril 2018. Son objectif comme consigné dans l’Accord est d’identifier les blocages dans le processus de mise en œuvre de l’Accord et formuler des recommandations pour le  faire avancer.

Le travail de l’Observateur s’est focalisé sur la dernière feuille de route pour la mise en œuvre du Chronogramme d’actions prioritaires signée le 22 mars par la CMA, la Plateforme et le Gouvernement, endossé par la 24eme session du CSA. Dès les premières pages,  l’observateur note des parties « la tendance à se focaliser sur les éléments de l’Accord revêtant un caractère périphérique  et de préalable , tels que l’installation du MOC, les autorités intérimaires, ou l’opérationnalisation des nouvelles régions au lieu des axes fondamentaux de l’Accord, tels que  : «  une nouvelle architecture institutionnelle pour le Mali, une armée nationale représentative, reconstituée, et redéployée, y compris le désarmement des combattants ; et une Zone de développement au Nord », souligne-t-il.  Aussi, ce rapport note  que le Titre IV relatif au Développement socio-économique et culturel et le Titre V abordant Réconciliation, justice et questions humanitaires « tiennent peu de place parmi les considérations principales des parties maliennes lors de la période écoulée ».

La CMA, la Plateforme, le Gouvernement, la Communauté internationale, la classe politique et  la société civile malienne, tous, sont reprochés d’une manière ou d’une autre dans la stagnation du processus de mise en œuvre de l’accord. L’observateur reconnait ‘’ le besoin d’une communication mutuelle améliorée’’ entre les acteurs.

Il recommande entre autre à l’issue de ses constats que les Parties maliennes visent les objectifs centraux de l’Accord, y consacre énergie en changeant  leurs approches et méthodes de travail  pour accélérer la mise en œuvre. Une mise en place de façon urgente d’une stratégie de  communication, à fin de faire de l’Accord une cause nationale partagée  a été formulée. Les Mouvements sont aussi invités à fournir les listes de leurs combattants et le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles pour doter les autorités intérimaires des moyens financiers, matériels et humains pour l’exercice effectif de leur mission.

Il reste à savoir si ces différentes recommandations seront suivies d’effet, tant les parties impliquées dans la mise en œuvre de l’Accord sont habituées à tourner en rond.

MOC de Tombouctou et de Kidal : Gao a servi de leçon

Le 23 mai, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou a été lancé en présence du commandant de la force de la Minusma. Celui de Kidal a démarré deux semaines plutôt. A la différence de l’installation du Moc de Gao en 2016, endeuillé par l’attentat,  le mode de déploiement et de sécurisation de cet outil dans les deux régions s’opère avec mesure.

Jeudi 24 mai, la conférence de presse bimensuelle de la MINUSMA s’est tenue au siège de la mission à Badalabougou. Animée par  Madame Myriam Dessables, chef de bureau de la communication stratégique et de l’information publique et le commandant de la force, le Général Jean Paul Deconinck en direct de Tombouctou.

Après la revue sur les différentes activités menées par la MINUSMA et sa force de police dans le pays, l’interaction sur  l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination de façon générale a été engagée entre le commandant de la force de la mission des Nations Unies et les journalistes dont certains étaient en direct de Gao.

« J’étais il y a quelques instants dans le camp de MOC de Tombouctou où j’ai pu assister à l’inauguration officielle de ce  bataillon MOC  comme on l’avait fait le 11 mai à Kidal. Je retiens une certaine fierté d’avoir pu souligner les efforts consentis  par les parties tant au niveau politique, opérationnel que  tactique », s’est réjoui le General Jean Paul Deconinck.

Plusieurs fois annoncé, le lancement de ces deux MOC constitue un pont indispensable pour la poursuite de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Comme dit un adage, « vaut mieux tard  que jamais ». Au-delà de la symbolique,  le Général Deconinck pense qu’il s’agit de bien plus. « Nous avons constitué aujourd’hui le socle du panthéon de Tombouctou, c’est-à-dire un commandant  intégré et cohérent», se félicite-t-il.  51 éléments, soit 17 pour le gouvernement, la CMA et la plateforme sont ainsi déployés à Tombouctou et à Kidal. Une compagnie de 150 hommes sera dans une semaine à Kidal et une autre dans deux semaines à Tombouctou selon le général.

Un acheminement progressif qui n’a rien avoir avec les 500 et  quelques éléments fournis d’un coup au MOC de Gao. Un  mécanisme  qui a subi un attentat terroriste incroyable et qui, depuis laisse à désirer. « Certaines  lacunes au niveau de Gao, ont été relevées dans le sens où nous étions allés trop vite. Il fallait atteindre certains objectifs alors que certaines conditions n’étaient pas remplies », regrette le commandant. C’est pourquoi, cette fois ci,  « ce n’est pas pour rien que nous commençons par le socle. On va les former, leur inculquer des éléments indispensables au niveau de la conduite militaire, de la discipline », réajuste-t-il. En même temps,  les équipes d’entrainement à Gao seront renforcés pour  rendre opérationnel ce MOC comme les deux autres. « Nous avons tiré des enseignements sur le plan sécuritaire, des aménagements du site, sur le progressivité  dans les  installations, aussi au niveau humain et inclusivité des différents mouvements signataires », conclut le commandant, appelant à la collaboration de la population pour parvenir à des résultats tangibles.

La force de la  MINUSMA assure pour le moment la sécurité de ses éléments à Tombouctou et à Kidal.  Mais « petit à petit ces unités » prendront la relève.

Ainsi, à terme, 600 éléments, dont 200 pour chacune des parties seront acheminés dans  chacune de deux régions. La mise en place des  MOC de Gao, Tombouctou et Kidal  ouvre la voie au processus démobilisation désarment et réintégration sans lequel la sécurité serait impossible.

Tombouctou et Kidal : enfin le MOC

Le mécanisme opérationnel de coordination (Moc), régulièrement évoqué  tarde à se mettre en place dans les régions du Nord.  Prévue par l’Accord pour la paix, réaffirmée  comme indispensable par la feuille de route signée  le 22 mars, l’installation de cet outil annoncé le 30 avril  à Tombouctou et  à Kidal n’a pas lieu,  mais reste programmée.

Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Tieman Hubert Coulibaly avait lors de sa conférence de presse  du 19 avril affirmé que ce dispositif essentiel  allait démarrer dans « dix jours ». Engagement non tenu, témoignage  des difficiles dépassements que les parties auront  à opérer pour avancer. Prévue officiellement pour 30 avril, la mise en place du mécanisme opérationnel de coordination à Tombouctou et à Kidal a donc été de nouveau ajournée.

Le MOC et le processus de Démobilisation, Désarmement et réinsertion(DDR) constituent le volet sensible inclus dans les mesures sécuritaires intérimaires. L’un reste  un préalable pour l’autre. La 28e réunion de la  Commission Technique de Sécurité (CTS) tenue le 19 avril à Bamako avait recommandé l’installation de ces mécanismes de coordination dans les deux régions concernées. Selon la MINUSMA, les partis signataires ont annoncé lors de la dernière session du CSA, leur engagement à « démarrer graduellement  l’opérationnalisation des unités mixtes de MOCs de Tombouctou et de Kidal avec l’enregistrement d’une cinquantaine de combattants » pour chaque région. Des informations confirmées par  Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. « Il  y a juste un problème de  regroupement des différentes parties qui n’est pas encore fait. Du côté de la CMA, tout l’effectif est regroupé à Ber et attend qu’il rejoigne Tombouctou. Celui de Kidal est sur place.  Les FAMAs  ont déjà  désigné leur effectif mais n’ont  pas rejoint le groupe », informe-t-il. Une  première vague de 51 officiers issus des différentes parties dont 17 pour chacune pour chaque région sera bientôt acheminée. « Nous nous sommes dits qu’ au lieu d’attendre  les  200, il faut démarrer pour que chaque deux semaines  le même effectif suivra », précise Ilad Ag Mohamed. Avec la signature de la feuille de route pour la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires endossées par la 23è session du comité de suivi de l’Accord, cet énième report n’entame donc pas l’optimisme des acteurs.  La poursuite de la mise en œuvre de ce nouveau  chronogramme devrait contribuer à faire avancer un processus dont chacune des étapes  est indispensable pour le succès de l’Accord.

Intersessions : Dans les coulisses du CSA

Pour accompagner la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il a été créé un Comité de Suivi de l’Accord (CSA). Le Gouvernement, la CMA, la Plateforme et la Médiation internationale y siègent.  Dans les coulisses de cette importante instance, des sous-comités thématiques travaillent avant chaque session pour faciliter leur bonne tenue. Coup d’œil.

Pour assurer une meilleure fluidité de son travail, le CSA a mis en place quatre sous-comités thématiques : « Politique et institutionnel »; « Défense et sécurité »; « Développement économique, social et culturel » et « Réconciliation, justice et questions humanitaires ». Au sein de chaque sous-comité, toutes les parties prenantes sont représentées. « Ce sont ces sous-comités qui produisent de la matière pour le Comité de suivi. C’est la branche technique », explique Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. « Le plus souvent, ce sont les conclusions des sous-comités qui sont à l’ordre du jour de la session du CSA. On demande au gouvernement de faire une communication sur les actions entreprises et aux mouvements signataires aussi, sur les points dont ils étaient chargés, en pointant les avancées et les insuffisances », confie un membre de la structure de suivi. La présidence et la co-présidence de chaque sous- comité est généralement assurée par la médiation internationale. « Par exemple, le sous-comité Défense et sécurité est dirigé par l’Algérie », dit le chargé de communication de la CMA.

Malgré la mise en place de ces sous-comités, de nouveaux défis apparaissent chaque jour dans le processus de mise en œuvre de l’Accord. La 24ème session du CSA, annoncée pour les 12 et 13 février, ne s’est finalement pas tenue, ce qui est révélateur des divergences profondes concernant plusieurs dispositions inscrites au chronogramme à l’issue de la 23ème session. Deux sous-comités, chargés de discuter des modalités pratiques de mise en œuvre, ne tiennent plus de réunions depuis deux semaines. « Les sous-comités Développement et Réconciliation n’avancent pas parce qu’ils ont des difficultés à s’accorder sur certaines dispositions de l’Accord. Le sous-comité Développement a également perdu du temps sur la Zone de développement des régions du Nord », regrette Ilad Ag Mohamed. Seuls les deux autres sous-comités fonctionnent, même s’ils doivent gérer eux aussi en leur sein des divergences notoires sur les questions qu’ils traitent.

Pourtant, alors que l’essentiel des points inscrits dans l’Accord pour la paix et la réconciliation est en stand-by, l’urgence de répondre aux préoccupations perdure.

 

CMA et Plateforme s’engagent pour la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 avaient prolongé de 30 jours à partir du 06 septembre 2017, le précédent accord de trêve de 15 jours. Après 5 jours de négociations sérrées, les différentes parties ont enfin abouti à la signature, mercredi 20 septembre, d’un document intitulé : Engagements, qui marque le fin des hostilités entre les deux mouvements et pose les jalons d’une mise en oeuvre effective de l’Accord.

Les négociations entre la CMA et la Plateforme ont débuté vendredi 15 septembre dernier à l’ex-Cres de Badalabougou. C’était en présence du ministre de la Réconciliation nationale Mohamed Elmoctar, du haut représentant du président de la République Mamadou Diagouraga et du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Mahamat Saleh Annadif. La CMA était représentée par Bilal Ag Achérif et plusieurs personnalités tandis que la délégation de la plateforme était représentée par Me Harouna Touré et plusieurs leaders du mouvement. Durant cinq jours des tractations ont été menées par le ministre de la Réconciliation nationale et la médiation internationale pour concilier les points de vue divergents et aboutir à un document acceptable par tous. Lors de cette première journée, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies a exprimé son agacement face au double jeu des protagonistes qui, depuis deux ans bloquent la mise en œuvre de l’Accord. «  Nous avions patienté. Nous avions beaucoup attendu » avait lancé le patron de la mission onusienne avant de prévenir : « notre patience a des limites ». Une impatience que le ministre de la réconciliation nationale a aussi exprimé en appelant les concernés à prendre leurs responsabilités.

C’est donc chose faite, désormais, ose-t-on croire. Le dialogue et les concertations semblent avoir fini par avoir raison sur la violence. Mercredi 20 septembre, les deux mouvements ont signé un document dit ‘’Engagements’’ lors d’une cérémonie présidée par le chef de file de la médiation internationale l’ambassadeur algérien Boualem Chebihi. A ses côtés, le ministre de la Défense Tiena Coulibaly, le représentant de la plateforme Fahad Ag Almahmoud, le représentant spécial adjoint de la MINUSMA Koen Davidse et le représentant de la CMA Bilal Ag Achérif.

Le chef de file de la médiation a salué l’exercice qui a permis « aux frères d’échanger », même de façon passionnée, mais avec un ferme engagement pour la paix et la réconciliation. Il a exprimé sa reconnaissance aux participants de ces cinq jours de travaux inlassables. Prenant la parole au nom du gouvernent, le ministre de la Défense et des anciens combattants s’est dit «  heureux » de la tenue de cette cérémonie. Pour le ministre, le gouvernement du Mali est très engagé pour la mise en œuvre de l’Accord car « les populations du Nord du Mali ont attendu très longtemps ». « La plateforme se réclame des populations, la CMA se réclame des populations et le gouvernement se réclame des populations » c’est pour cela que c’est un devoir pour chacun que la situation change a-t-il déclaré. La Minusma à travers son représentant spécial adjoint aux affaires politiques, très impliqué dans la résolution des divergences a félicité les responsables des mouvements, la communauté internationale et le gouvernement, qualifiant de « bonne nouvelle » la signature annoncée. A son tour, le représentant de la plateforme, espère qu’à la sortie de cette signature «  la coexistence pacifique et la fraternité entre des frères partageant le même espace géographique » sera une réalité. Il a assuré que la plateforme respectera tous les engagements qu’elle aura à prendre et espère qu’à l’avenir celle-ci n’aura plus à répondre à la question selon lui « extrêmement gênante », pourquoi ne faites vous pas la paix avec vos frères ?

Une commission de haut niveau verra prochainement le jour pour combler les attentes. Le représentant de la CMA quand a déclaré que cet événement est « le fruit des efforts des parties, de leurs engagements profonds à la recherche d’une stabilisation effective ». Bilal Ag Achérif a invité tous les acteurs engagés dans le processus à joindre leur effort à cet engagement pour l’atteinte des objectifs. Il a en outre appelé à condamner les criminels qu’ils soient de la CMA ou des autres rangs. « A la sortie de cette cérémonie les conditions doivent être réunies pour que les autorités intérimaires soient opérationnelles où qu’elles se trouvent, pour que les populations locales sentent la présence d’une administration qui parle en leur nom » a souhaité le représentant de la CMA.

C’est après toutes ces interventions des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’Accord de paix que le document dit ‘’Engagement’’ a été signé par les parties. Le document comprend deux titres. Le premier concerne les mesures de confiance qui passent par l’organisation du retour ordonné des éléments de la Plateforme à Takalot dans un délai maximum de deux semaines à compter de la signature du présent engagement, sous l’égide de la CTS avec l’appui de la MINUSMA ; la cessation immédiate, totale et définitive de toute forme d’hostilité ; la libération des détenus ; l’engagement d’œuvrer à la clarification du sort des personnes disparues et à ne protéger aucun auteur de crime ; l’établissement d’une commission de haut niveau pour renforcer la cohésion entre les deux parties, chargée de traiter toutes problématiques qu’elles soient d’ordre politique, institutionnel, humanitaire et sécuritaire. Le second titre du document est relatif à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il s’agit entre autres : de relancer la finalisation avec le gouvernement d’un chronogramme consensuel pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix, d’ici la fin du mois de septembre, avec comme priorités : l’opérationnalisation des MOC de Kidal, de Tombouctou et de Ménaka ; l’installation des combattants des mouvements signataires sur les sites de cantonnement retenus par la CTS et leur prise en charge immédiate par le gouvernement ; l’opérationnalisation immédiate de l’autorité intérimaire de Kidal à travers la passation diligente de services et parachèvement de l’installation de l’administration dans les cinq régions ; de toutes autres priorités dont les trois parties signataires conviennent. Dans le document la CMA et la Plateforme s’engagent à jouer leur partition dans la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation et appellent le Gouvernement à en faire de même. Les deux parties prennent des mesures qu’elles jugent appropriées aux fins de sensibiliser les populations et leurs bases respectives à l’importance du respect des arguments ci-dessus.

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Kidal : Le retour de l’administration pose question

Les forces de la CMA et de la Plateforme ont observé sur la ligne de front, ces 15 derniers jours, dans un climat de méfiance mutuelle, le cessez-le-feu, sans quitter leurs positions, même pour fêter la Tabaski. Alors qu’à Bamako on s’évertue à trouver un consensus entre ces deux signataires de l’Accord pour parvenir à la signature d’une paix définitive et envisager le retour de l’administration. La CMA a fait montre d’une certaine volonté d’accélérer les choses en accueillant le Gouverneur de Kidal, fin août. Mais son installation prochaine et le possible retour de l’administration sont aussi souhaités que redoutés dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas.

Je retournerai à Kidal en début de semaine prochaine », confirme Sidi Mohamed Ag Ichrach, Gouverneur de la région. « Une fois là-bas, je vais travailler à l’installation de l’administration, à la réouverture des écoles, qui est une priorité, et à la réconciliation entre les différentes communautés. Ce ne sont vraiment pas les occupations qui vont me manquer », ajoute-t-il, enthousiaste.

Si le court séjour du gouverneur fin août s’est bien passé, certains à Kidal ne sont pas encore convaincus du changement que son installation pourrait apporter. « Il va prendre ses fonctions à Kidal en tant que gouverneur, mais pour gouverner qui et quoi ? Pourra-t-il seulement prendre des décisions ici ? », s’interroge un sympathisant de la Plateforme. « Vous savez, les notabilités qu’il a rencontrées ici ne sont pas reconnues par toutes les communautés. Ce sont les mêmes visages, des leaders de la CMA qui deviennent chefs de fractions quand ils le veulent, chefs de tribus, etc. Durant son séjour, il n’a pas parlé de la Plateforme, or on ne peut parler du retour de l’administration sans la Plateforme. Ag Ichrach, c’est plus un bonus concret et officiel pour la CMA ! », poursuit-il

Adhésion populaire ? Sur l’installation du gouverneur et le retour de l’administration, les Kidalois sont eux aussi divisés, entre les pro-Mali, qui espèrent que son installation marquera le début du changement tant espéré, et ceux qui conservent encore le souvenir vivace de la lutte pour un État de l’Azawad libéré du Mali. « Au sein de la CMA, il y a aussi des divisions. Il y a beaucoup de clash à ce sujet sur les réseaux sociaux. Ils insultent leurs chefs. Beaucoup leur reprochent, maintenant que le GATIA a été chassé, de ramener le Mali. Pour eux, c’est le royaume des Ifoghas qu’ils veulent construire avec l’État malien. Le Mali redevient fréquentable, son gouverneur revient, son armée va revenir, certains jurent que cela ne se fera pas », confie cette source. Pour Almou Ag Mohamed, porte-parole du HCUA, « comme partout il n’y a jamais d’unanimité. Mais je peux vous affirmer que ceux qui ne sont pas dans la logique de la CMA aujourd’hui ne sont pas très nombreux. Elle a pris un engagement au nom des populations qu’elle représente dans l’accord qu’elle a signé. Cet engagement, même s’il n’a pas l’adhésion de tous, la CMA fera en sorte de l’honorer ».

À Kidal, il est notoire que les populations suivent toujours la décision des chefs. Pour autant, est-ce que cela marchera ? « Ça dépend. Le gouverneur sera là-bas sécurisé par les forces de la CMA. Donc la CMA joue le rôle de la force publique et celle de l’État. Si l’État ne veut exister que par procuration, ça marchera un temps, mais ça ne va pas tenir », objecte une humanitaire basé à Kidal. « Cette installation peut être le début d’une nouvelle dynamique positive, qui risque d’être aussi influencée par des troubles ou des affrontements sur le terrain. Mais il y a quand même le début d’une nouvelle dynamique » admet un officiel malien sous couvert d’anonymat.

Autre élément de réponse qui penche en faveur d’un retour facilité de l’administration, la ferveur des entreprises de BTP à Kidal, qui voient dans la mise en œuvre de l’Accord des contrats juteux, avec tous les marchés qui ne manqueront pas de tomber. « Ça se joue aussi au niveau économique, avec toutes les reconstructions qu’il y aura. Ces marchés seront généralement attribués aux entreprises de BTP des différents chefs de la CMA et de quelques combattants. Ils bénéficieront de ces retombées sans les partager avec les autres entrepreneurs de la Plateforme. Ça motive leur volonté d’un retour de l’État et de l’administration. Ce qui est recherché, c’est le contrôle du terrain, mais aussi de capter les dividendes de la paix », souligne avec malice cette source proche des mouvements armés.

 

 

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Après la Tabaski, je m’installerai définitivement à Kidal »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, a enfin foulé mercredi 23 août, le sol de la capitale du Nord pour un séjour de 3 jours. Sa venue, peut-être considéré comme la volonté des différentes parties d’avancer sur la mise en oeuvre de l’Accord. Le gouverneur de Kidal, peu avant son départ pour Gao, a répondu aux questions du Journal du Mali, sur ce séjour qui pourrait être le point de départ vers un retour de l’administration à Kidal, qui n’a jamais été effectif depuis les événements de mai 2014.

Ce déplacement à Kidal était-il de votre initiative ?

Depuis que j’ai été nommé gouverneur, je ne suis pas arrivé à Kidal de façon satisfaisante, la dernière fois que je suis venu ça ne s’est pas bien passé. Depuis lors, j’ai essayé d’entretenir de bons rapports avec la CMA et la Plateforme pour rejoindre Kidal et rapprocher les points de vue, afin que l’on puisse avancer dans le domaine de le réconciliation et de l’Accord de paix. Il y a eu une succession d’événement qui sont intervenus et qui ont permis ma venue à Kidal. Le premier, c‘est le cessez-le-feu déclaré par la Plateforme il y a une semaine, le deuxième c’est la déclaration de Bilal Ag Chérif qui a affirmé que l’administration pouvait revenir à Kidal et parallèlement à ça, depuis deux mois, je suis en train d’échanger avec la CMA, la Plateforme et les notabilités, pour rapprocher les points de vue. Je leur ai dit que la région ne pouvait pas vivre sans administration. C’est la conjugaison de tout ces efforts qui ont rendu possible ma venue à Kidal. 

Quel bilan faites-vous de ces 3 jours à Kidal ?

Le bilan est très positif de mon point de vue. Il y avait une armoire à glace qu’il fallait bouger vis-à-vis des populations, je crois que cela a été fait. Nous nous sommes parlés, nous avons compris comment chacun est en train de se positionner pour l’avenir. Ces échanges avec la populations ont été très importants. Je ne pense pas qu’habituellement les gouverneurs entretiennent des concertations satisfaisantes avec les populations de le région de Kidal et c’est ce cadre-là que j’aimerais instaurer : toujours échanger avec les populations, le société civile, les chefferies, pour essayer d’avancer ensemble et permettre le retour progressif de l’administration. Cette première étape était très importante à franchir. Ce que j’ai aussi constaté lors de ce voyage, c’est que la population de Kidal a de grandes attentes, aussi bien vis-à-vis de l’administration que vis-à-vis des partenaires au développement, parce que la région est dans un état de délabrement avancé, les activités économiques sont arrêtées, les administrations sont délabrées. Il faudrait remettre tout ça en place pour permettre le redémarrage économique de la région. Enfin, ce qui me paraît aussi important, après mes discussions avec les populations, c’est leur désir de paix dans la région, cette préoccupation est ressortie au niveau de tous les groupes que j’ai rencontré, que ce soit la CMA, la société civile, les femmes, les jeunes, les opérateurs économiques. C’est vraiment la préoccupation essentielle des populations de Kidal. Ce sont les trois éléments que je tire de mon voyage là-bas.

Les chefs de fraction et les notabilités ont exprimé des doléances à L’imam Dicko, parmi lesquelles, le changement du gouverneur pour un autre plus «neutre», qu’en est-il aujourd’hui ?

J’ai eu des échanges avec la coordination des chefs de tribus de la région de Kidal et je peux vous dire que cette doléance semble être dépassée. Ils ont une exigence forte, c’est de disposer d’une administration impartiale et neutre entre les deux groupes. Cela cadre parfaitement avec ma vision du problème parce que je considère que dans la situation de la région de Kidal, pour bien faire les choses, vous devez observer une certaine équidistance entre les parties . Je pense donc que c’est une question dépassée.

Vous êtiez à Kidal pour préparer le retour de l’administration, y’a-t-il un chronogramme élaboré ?

Il n’y a pas de date précise pour le moment, il y a des propositions. La société civile a identifié les services qu’elle juge prioritaire comme le secteur de l’eau, de l’électricité, de l’éducation, de la santé. Ses services-là, la population en a immédiatement besoin. Nous allons essayé d’établir un chronogramme que nous allons soumettre aux autorités nationales, qui vont l’apprécier et essayer de démarrer le retour de l’administration à Kidal. Il n’y a pas pour le moment de papier écrit. Vous savez, les acteurs sur place ne voulaient même pas que je reparte, ils pensaient que j’étais venu pour rester. Ils disent qu’à chaque fois les gens viennent, ils disent qu’ils vont revenir mais ils ne reviennent pas.

Justement, quand retournerez-vous à Kidal ?

Après la Tabaski, je m’installerai définitivement à Kidal ! Pour moi c’est une installation définitive, je n’attendrais pas les protocoles et autres, le reste de l’administration me trouvera là-bas.

Le gouvernorat est vétuste et délabré, comment ferez-vous pour siéger avec votre administration ?

Vous savez, je suis de Kidal, je suis un nomade, si on me donne une paillote, j’irai habiter là-bas, il n’y a pas de souci, que le gouvernorat soit en bon état ou pas ce n’est pas un problème. L’essentiel pour moi, c’est qu’il y ait la paix à Kidal.

Une trêve de 15 jours a été signée entre le CMA et la Plateforme, mercredi 23 août, jour de votre arrivée à Kidal. Pourquoi une paix définitive n’a-t-elle pas été signée entre ces deux mouvements ?

Lorsque les groupes armés ont convenu de la trêve de 15 jours, les notables m’ont aussi demandé « mais pourquoi 15 jours et pas une paix définitive ?». Je comprends aussi les groupes armés qui ont leurs éléments à gerer, il faut pouvoir les rassembler, les sensibiliser, les ramener dans certaines positions. Mais je peux vous dire que les gens avec qui j’ai échangé sont vraiment engagés en faveur du processus de paix, c’est vraiment l’élément essentiel, tout le monde est d’accord pour dire que la situation ne peut pas perdurer et qu’il faut aller vers la paix. Donc je ne m’arrête pas vraiment à ces 15 jours. Après la fête de Tabaski, on va les pousser encore pour essayer d’aller à plus de 15 jours. La société civile à Kidal est d’ailleurs en train de discuter de ça.

Qui a assuré votre sécurité à Kidal, vous aviez refusé de vous rendre dans la capitale du Nord si la CMA s’occupait de votre sécurité sur place ?

C’est la CMA qui a assuré ma sécurité. Elle a monté le mécanisme de sécurisation avec la Minusma. Je logeais dans le ville de Kidal même. Je peux vous dire que ça s’est bien passé, il n’y aura pas de problème. Nous sommes entre nous vous savez, nous avons nos solutions.

 

Nouvelle trêve entre CMA et Plateforme

Le gouverneur nommé par l’Etat malien pour la région de Kidal (nord-est) a annoncé aujourd’hui avoir rejoint son poste, une première depuis 2014 dans ce fief des ex-rebelles touareg, qui ont accepté d’observer une nouvelle trêve avec les groupes armés pro-gouvernementaux.

« Je suis bien arrivé à Kidal. Tout se passe bien pour le moment », a déclaré par téléphone à l’AFP le gouverneur, Sidi Mohamed Ag Icharach. « On peut effectivement dire que c’est un début de retour de l’Etat sur place », a ajouté M. Ag Icharach, venu de Bamako, à plus de 1.500 km de Kidal.

« Le gouverneur de région est arrivé en tenue d’apparat. Il a été reçu royalement par les populations et par la CMA », la Coordination des mouvements de l’Azawad, formée d’ex-rebelles touareg, a déclaré à l’AFP un responsable de la coordination.

L’Etat malien n’avait pas repris pied à Kidal depuis mai 2014, lorsque des combats qui ont éclaté au cours d’une visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, s’étaient soldés par une lourde défaite de l’armée face aux ex-rebelles de la CMA. Nommé en juin puis dépêché à Kidal pour une campagne de sensibilisation, le gouverneur Ag Icharach s’était vu interdit l’accès de la ville depuis deux mois par la CMA.

Il a pu enfin gagner son poste après l’annonce de la signature mardi d’une trêve entre groupes armés. « La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a joué un grand rôle » pour aboutir à cette trêve, a affirmé Almou Ag Mohamed, chargé de communication de la CMA.

L’information a été confirmée de source proche du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), un mouvement pro-gouvernemental rival de la CMA.

Le gouverneur Ag Ichrach ce mercredi à Kidal

Mercredi 23 août, Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, devrait se rendre dans la capitale des Ifoghas pour, pendant quelques jours, préparer le retour de son administration, alors que les tensions subsistent toujours entre la Plateforme et la CMA, qui entreprend d’avancer dans le processus de paix sans son frère ennemi pourtant signataire de l’Accord.

Sidi Mohamed Ag Ichrach, le gouverneur de Kidal, qui n’a toujours pas pu prendre fonction dans la capitale du Nord depuis sa nomination, devrait arriver demain à Kidal, pour préparer sa prise de fonction définitive dans la ville. « je serai demain à Kidal, si la réservation d’un vol de la Minusma est possible dans ce cours délai », a confirmé Sidi Mohamed Ag Ichrach au JDM.

À Kidal, cela fait quelques semaines qu’on entend dire que le gouverneur viendra s’installer. « Ça va se faire d’une manière ou d’une autre, la CMA pousse pour cela, elle essaie de poser des actes et des actions qui vont aller dans le sens de l’apaisement avec l’État et pour montrer à la communauté internationale qu’elle est de bonne foi dans la mise en œuvre de l’Accord », explique ce sympathisant de la coordination joint au téléphone. « La CMA veut montrer qu’elle fait avancer l’Accord pour continuer sa stratégie d’évincement de la Plateforme de la mise en œuvre de l’Accord. C’est un geste politique, ça arrange la CMA ainsi que le gouvernement, qui pourra dire à l’opinion nationale que l’administration recommence à se déployer à Kidal, c’est une façade tout ça », maugrée cet habitant de Kidal.

Toujours est-il que cette future installation du gouverneur à Kidal, pose des questions pour le moment sans réponses : Où sera-t-il logé, sachant que les bâtiments du gouvernorat de Kidal sont vétustes ou délabrés ? Qui assurera sa sécurité, alors qu’il refusait encore récemment de siéger à kidal si la CMA devait le sécuriser ? Comment parviendra-t-il à travailler avec les autorités locales, sachant que les chefs de fraction et les notabilités, acquises à Mohamed Ag Intalla, l’aménokal de Kidal, souhaitent changer ce gouverneur qui est un membre de la Plateforme ? « Si le gouverneur s’installe à Kidal ce sera certainement au camp de la Minusma », indique cet employé humanitaire de la région, « mais à quoi cela va servir puisqu’il n’y a aucun local en ville ou il pourra travailler ou s’abriter avec toute son administration qui est à Gao », poursuit-il.

La venue du gouverneur à Kidal intervient plus d’une semaine après la déclaration de « cessez-le-feu unilatérale » de la Plateforme et alors que la CMA a décidé d’avancer dans la mise en œuvre de l’accord sans pour autant inclure son adversaire. Une rencontre dimanche dernier a eu lieu à Anéfis entre des émissaires de la Plateforme et Alghabass Ag Intalla, Bilal Ag Chérif et Mohamed Ag Najim de la CMA. Selon nos informations, malgré un premier échec dans ces tractations, un accord pour une trêve serait en passe d’être trouver, même si certains ne semble pas vouloir s’inscrire dans cette dynamique : « On est pas dans le cadre de la recherche d’une paix durable. La CMA essaie de nous diviser et de nous exclure de la mise en œuvre de l’Accord . Tant qu’il y aura cette idée d’exclusion, ça ne pourra pas fonctionner. », souligne ce cadre de la Plateforme.

Kidal : Cessez-le-feu dilatoire

Un accord de cessez-le-feu entre le GATIA et la CMA sera-t-il  juste un intervalle entre deux guerres ? La question mérite d’être posée tant ces deux mouvements convergent dans leur volonté réciproque de cesser les hostilités et de faire avancer la paix, tout en excellant en manœuvres dilatoires pour ne pas y parvenir, comme si l’arrêt des hostilités et le retour de Kidal dans le giron de la République n’étaient pas leurs seules priorités.

Dimanche 13 août en soirée, dans un communiqué, la Plateforme, « soucieuse du rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali », déclarait « la cessation unilatérale des hostilités à compter du lundi 14 août à midi ». Une déclaration attendue, un ticket pour prendre « le train en marche », dont la locomotive est tractée depuis juillet par la CMA, sortie vainqueur des combats qui ont embrasé la région de Kidal. Forte de ses victoires écrasantes sur le terrain, la Coordination s’est enhardie, rajoutant une condition « non coercitive » à un possible accord. « Nous souhaitons que chacun retourne dans les positions du cessez-le-feu de 2014. Nous capitalisons sur notre position de force, c’est un peu logique », explique ce cadre du HCUA, renvoyant la balle dans le camp adverse.

Pour Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA, on ne peut pas poser de nouvelles conditions car les conditions sont déjà posées par l’accord. « L’Accord lui-même est un cessez-le-feu. La communauté internationale a fait pression sur nous pour que nous fassions une déclaration de cessez-le-feu, on a renoncé à toutes les hostilités qui pourraient compromettre la mise en œuvre de l’Accord. Ceux qui veulent encore signer un cessez-le-feu prouvent leur mauvaise volonté ! ». Un avis que partage cet ex-membre de la CMA, observateur désabusé de ces revirements successifs, « Vous savez, personne ne fait la paix dans l’humiliation, donc je ne vois pas le GATIA signer un document qui n’apporte rien de nouveau ». À la CMA, on soutient que ce serait « un engagement formel au lieu d’un simple communiqué » entre les deux belligérants.

Si les deux camps s’accordent, chacun de leur côté, sur la nécessité de mettre en place le MOC à Kidal et de favoriser le retour de l’administration, la question du chronogramme reste posée. « Nous acceptons que le gouverneur aille rapidement à Kidal, dès demain s’il le faut », répond Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Une acceptation difficile à concrétiser, puisque ce grand commis de l’État, membre de la Plateforme, a déjà signifié qu’il ne se rendrait pas à Kidal si sa sécurité est assurée par la CMA. Autre difficulté, installer un MOC avec 3 parties et faire cohabiter ces ennemis de toujours au sein des mêmes patrouilles. « On ne peut pas mettre ensemble des hommes qui se tiraient dessus il y a peu. Aucune mesure de confiance n’est entamée pour cela » affirme le porte-parole de la CMA. Sur le cantonnement des mouvements armés, la Plateforme demande, conformément à l’accord, qu’une fois le MOC et les patrouilles mixtes installés, tous les groupes soient désarmés et rejoignent leur site de cantonnement. Une mesure qui semble déranger la CMA, qui s’inquiète des conditions logistiques et d’hébergement de ses troupes et tourne son regard vers Gao. « On accepte ce pré-cantonnement même si c’est problématique, mais est-ce que les autres vont nous accompagner ? Il ne faut pas qu’il y ait un précédent spécifique à Kidal, il faut donc que soit aussi pré-cantonnées les forces de Gao. On accepte mais à condition qu’il en soit de même pour elles », déclare ce cadre de la CMA

Pourtant, la Coordination a plusieurs fois donné son accord pour qu’une fois le MOC installé à Kidal, tous les groupes armés rejoignent leurs sites de cantonnement. « Ils parlent du MOC, du cantonnement mais ils le veulent dans un autre format. La durée du MOC est prévue pour 45 jours. Celui de Gao a déjà un an et a coûté, selon le gouvernement, au contribuable malien, près de dix milliards, on a perdu beaucoup de temps. Chacun peut faire son chronogramme, mais on sera de toute façon amenés à élaborer un document consensuel », souligne le Secrétaire général du Gatia. « Si l’Accord est appliqué, nous sommes sûrs de recouvrer Kidal, parce que dès qu’il y aura des élections libres, nous allons les gagner. Le maire est de chez nous, le député aussi. Nous n’avons rien à craindre, nous sommes de Kidal, nos familles sont à Kidal, c’est notre fief ! Ce sont eux qui ont peur que nous revenions », affirme Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads. « On va constater sur le terrain si cette déclaration de fin des hostilités est suivie d’effet, on va rester vigilants et attendre de voir s’ils vont poser des actes », avertit Ilad Ag Mohamed.

On peut en effet se demander si cette nouvelle tentative de remettre sur les rails le processus de paix fonctionnera après autant de déraillements. « À Bamako, les dirigeants de la CMA font tout pour avoir un cessez-le feu et essayer de négocier les doléances que Mahmoud Dicko a rapporté. Ce qui les arrange, c’est que les gens du Gatia ne fassent pas parti du MOC, qu’ils ne viennent pas troubler leurs affaires. À Kidal, la plupart des gens pensent que ce n’est pas la fin mais peut-être le début de grandes hostilités. Ici, tout est communautarisé, les armes, les véhicules, sont payés par les communautés, par les chefs de fraction, les notabilités. Tant que les Imghads seront en guerre contre les Ifoghas, tant que la CMA n’aura pas réglé ses différents avec le GATIA, je ne vois pas comment ils pourraient cohabiter, peut-être seulement sur le papier », ironise cet habitant de Kidal.

Sidi Brahim Ould Sidati : « C’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester derrière »

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a remporté, ces dernières semaines, des victoires décisives sur son adversaire, la Plateforme, dans le conflit de position qui les oppose depuis le 6 juillet dernier. Avec la reprise de Ménaka, vendredi 28 juillet, la CMA confirme sa domination. Reste maintenant à mettre en œuvre un processus de paix que ces différents conflits violents ont considérablement mis à mal. C’est dans ce contexte que l’actuel président de la CMA, Sidi Brahim Ould Sidati, nous a reçu dimanche 30 juillet à Bamako, pour une discussion à bâtons rompus sur les tenants et aboutissants d’une crise dont personne ne peut dire pour le moment quand et comment elle sera réglée.

Depuis le 6 juillet, la mise en œuvre de l’Accord est bloquée et les affrontements entre la Plateforme et la CMA ont repris. Pourquoi ce recours aux armes ?

Vous savez, les populations ont vu la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. Elles ont aussi vu les exactions que faisait le GATIA sur les populations civiles, malgré plusieurs interpellations adressées à la MINUSMA, aux droits de l’Homme, à tout le monde. Tous ont été indifférents à ce qui se passait en dehors de Kidal, les spoliations, les enlèvements de biens, les exécutions. Ils sont allé jusqu’à brûler des civils dans des puits. La CMA a été acculée par ses propres populations. Nous avons fait face à une crise interne. La population de Kidal a failli marcher contre nous pour dire on est plus d’accord avec cette inaction. Nous avons  été obligés de réagir. C’est pour cela qu’il y a eu des actions le 6 et le 12 juillet, pour attaquer les patrouilles du GATIA et défendre les territoires que la CMA devait occuper à la signature du cessez-le-feu.

Plusieurs tentatives de parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Pour quelles raisons ?

Quand nous avons repris Anefif et que le GATIA en est sorti, nous avons demandé un cessez-le-feu, pour obliger chacun à rester sur ses positions, et pour qu’on relance la mise en œuvre du chronogramme, l’arrivée des Famas et du MOC à Kidal. Le 18 juillet, les 3 parties maliennes, avec l’aide de la Commission de bons offices dirigée par l’imam Dicko, sont tombées d’accord sur un texte consensuel et se sont engagées à l’arrêt des hostilités. A notre grande surprise, le 19 juillet, la Plateforme n’est pas venue signer. Ils ont refusé de signer pour récupérer de nouvelles positions sur le terrain, parce que la conservation des positions de chaque partie en cas de cessez-le-feu les dérangeait. Tant qu’on attend un cessez-le-feu que les autres refusent, on ne peut pas avancer et rentrer dans la dynamique d’un chronogramme réalisable. Nous avons donc décidé d’avancer. Quand on sera parvenu à mettre sur pied l’embryon du MOC, quand ils seront prêts à faire le cessez-le-feu et à travailler sur des mesures de confiance, ils prendront le train en marche. Nous avons déjà connu cela, notamment à la CEN. Dans le processus de paix on a suffisamment pris le train en marche, aujourd’hui c’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester en arrière.

 Votre entrée à Ménaka a surpris tout le monde. Les autorités maliennes ont dit que c’était « contraire à l’Accord de paix ». Pourquoi avoir pris la ville ?

Quand Ménaka a été repris à la CMA, en violation de tous les arrangements sécuritaires, nous n’avons pas vu un communiqué ou une déclaration du ministère de la Défense, disant que l’action menée par les troupes de la Plateforme contre la CMA était une violation de l’accord. Nous considérons que nous avons juste repris notre dû. Le gouvernement ne peut pas accepter le MSA et Ganda Koy à Ménaka et dire non à la CMA. Nos gens sur place ce sont des Maliens, des gens de Ménaka qui ont leurs familles là-bas. Cette politique de deux poids deux mesures doit cesser si le gouvernement veut se comporter comme tel. Toutes les manipulations, toutes les manigances pour reprendre Kidal ont échoué. Vu que cette milice, qui entravait l’Accord, a été mise en déroute, le gouvernement devrait en profiter pour relancer sa mise en œuvre. Aujourd’hui, à Ménaka les Famas et la CMA, les belligérants d’hier, se parlent, participent à la sécurisation des populations ensemble. C’est donc déjà quelque chose de positif. On est entré sans tirer une balle, on s’est compris avec les différentes forces sur le terrain, on n’est pas venu prendre des positions à qui que ce soit. Nous occupons notre place en tant que ressortissants de Ménaka. La place du GATIA n’a pas été prise. Le jour où il sera disposé à faire la paix, il pourra venir la prendre. La CMA est là et est toujours disponible pour aller de l’avant. Nous sommes prêts à mettre ça derrière nous.

 Cette crise de confiance entre le gouvernement et la CMA est aussi une entrave à la mise en œuvre de l’Accord ?

Le GATIA est à la base de cette crise de confiance depuis l’accord de juin 2015 avec le gouvernement. On signe un accord, la cessation des hostilités, et au même moment vous avez un bras armé qui vous harcèle. Tout ce qu’il fait est autorisé par le gouvernement malien, il est applaudi et même encouragé. Le GATIA n’a jamais été dénoncé par le gouvernement, pourtant il a violé l’accord plusieurs fois en s’attaquant à la CMA. Cette crise de confiance nous empêche d’avancer. Dans le raisonnement du gouvernement, tant qu’il n’y a pas le GATIA à Kidal, cela veut dire qu’il n’y a rien à Kidal. Le GATIA est une partie de l’armée malienne, on l’a dit au ministre de la Défense. On lui a demandé de rappeler à l’ordre son Géneral (Gamou – ndlr), d’arrêter tout ça. Tant qu’une situation de confiance ne se créée pas, on ne pourra pas avancer.

 Donc, vous pensez que le gouvernement est aussi responsable de l’instabilité qui sévit dans la région de Kidal ?

Nous savons qu’il y a des officiers de l’armée malienne qui sont pris dans les combats, leur matériel est sur le terrain. L’Accord est un cadre où tout est à discuter. Pour eux, la seule partie belligérante c’est la CMA. Il faut l’affaiblir pour que le gouvernement ne mette pas en œuvre l’Accord tel qu’il est écrit dans les textes. Pour cela, ils ont créé le MSA, ils ont divisé la CJA, créé le MPCA, la Plateforme. Ils pensent que la CMA est devenue faible et qu’elle se limite à Kidal. Ils se rendent compte aujourd’hui qu’ils se sont trompés. L’objectif n’est pas seulement d’arriver à Kidal, mais de savoir combien de temps ils vont pouvoir y rester, surtout s’ils n’ont pas l’adhésion de la population. C’est pour cela qu’ils ont appelé l’imam Dicko. Il faut vraiment créer un dialogue malien, il faut que les Maliens s’acceptent entre eux. Dicko voit plus loin que les composantes CMA – Plateforme, il touche le fond même du problème : le fait que les Maliens s’acceptent entre eux, que l’essence de la population malienne de Kidal accepte le gouvernement, accepte les Famas, dans une acceptation au sens africain, malien du mot, pas seulement dans les écrits.

Sidi Brahim Ould Sidati, Me Harouna Toureh et le Général Elhadji Gamou à Ménaka, pour l’installation des autorités intérimaires.

 Le GATIA affirme que des renforts djihadistes ont aidé la CMA durant les affrontements. Pouvez-vous clarifier cette affirmation ?

La CMA n’a pas disparu, c’est la même CMA qui occupait les 5 régions du Nord, c’est la même CMA qui est à Kidal, qui a aussi des positions dans la région de Tombouctou, jusqu’à la frontière de la Mauritanie, dans la région de Gao. Ces hommes ne se sont pas volatilisés, les armes qu’ils avaient ne se sont pas volatilisées. Avec la propagande véhiculée par la Plateforme et la presse malienne, les gens ont cru que la CMA n’existait plus. La CMA est à Kidal, elle est avec Barkhane, avec la MINUSMA. Les islamistes ne peuvent pas s’organiser avec la présence de Barkhane sur le terrain,  ses appareils, ses satellites et ses drônes. Ils sont à la recherche des djihadistes tous les jours, c’est impossible qu’il se rassemblent aujourd’hui. Ce qu’ils font, c’est poser des mines ou commettre des attaques à motos, c’est tout.

 Toutes les tentatives pour faire revenir l’administration à Kidal ont toujours été des échecs. Au fond, est-ce possible ?

Aujourd’hui, j’encourage la mission de bons offices, parce qu’ils vont essayer de concilier les positions de la société civile de Kidal et de la CMA pour que les gens soient moins hostiles à l’armée et aux symboles de l’Etat. Nous avons un chronogramme avec le gouvernement. Dès qu’on signera la fin des hostilités, la mise en œuvre du chronogramme sera immédiate. Aujourd’hui, il est très difficile de le faire alors que les gens sont en train de s’affronter. On s’entend avec le gouvernement, avec le MSA, avec le MPCA, avec Ganda Koy, avec le MAA. Il manque seulement une composante à convaincre. Nous sommes aujourd’hui en position d’appliquer l’accord, il s’agit simplement de le vouloir.

 

Gao : La Plateforme veut appliquer l’Accord pour ramener la paix

Dans le cadre de trouver une solution idoine aux affrontements récurrents entre la CMA et la Plateforme, le gouvernement du Mali a désigné l’imam Mahmoud Dicko à la tête d’une mission de bons offices devant se rendre à Kidal. Malgré des protagonistes aux regards divergents, avec la présence de l’imam sur le terrain, les espoirs sont permis.

Le président du Haut Conseil Islamique du Mali, l’Imam Mahmoud Dicko s’est rendu le lundi 29 juillet dernier à Kidal avec une délégation, dans l’objectif d’apaiser les tensions entre la CMA et la Plateforme et obtenir un cessez-le-feu durable entre ces deux protagonistes, signataires de l’Accord pour la paix et de la réconciliation. Après avoir entendu les propositions des chefs de tribus et de fractions, le président s’est rendu mardi 1 août à Gao, pour rencontrer les leaders de la Plateforme, les chefs coutumiers, religieux des fractions et villages de Kidal résident à Gao.

La Plateforme des mouvements signataires du 14 Juin a formulé sept propositions qu’elle juge favorables pour le retour de la cohésion sociale, le vivre ensemble et la sortie de crise. Pour la Plateforme, la résolution de la crise passe par un retour immédiat de tous les combattants à leurs positions du 18 juin 2017 et l’arrêt des hostilités. La mise en place immédiate du Mécanisme Opérationnelle de Coordination (MOC) dans le format et les conditions prévues par l’Accord d’Alger ; l’opérationnalisation des patrouilles mixtes ; le cantonnement immédiat de tous les groupes armés de la région ; le désarmement et démobilisation des combattants non impliqués dans le MOC et dans les sites prévus à cet effet ; le retour et l’installation du gouverneur de Kidal avec toutes les directions régionales des services techniques et sociaux de base. En plus de ces différentes propositions soulignées par la Plateforme, est aussi prévu le redéploiement de l’Armée nationale, refondée et reconstituée ; la mise en place et l’exécution d’un programme de rencontre inter et intra communautaire pour régler tous les conflits et enfin, la Plateforme affirme sa volonté de prendre part à la gestion politique et administrative de la région de Kidal. Ces sont là entre autres, les conditions de sortie de crise qui ont été proposés à l’Iman Dicko.

Dans le procès verbal de la rencontre tenue à Gao le même jour, sous la présidence de l’honorable Ahmoudéne Ag Ikmass et du Maire de Kidal, la coordination régionale de la société civile de la 8eme région, affirme solennellement sa ferme volonté de vivre en paix à Kidal et l’intérêt qu’elle accorde à l’application immédiate de l’Accord d’Alger. De même, la coordination a affirmé de façon solennelle son appartenance à la région de Kidal, qui selon elle, est son « seul et unique terroir ».

Avec ces échanges , il est permis d’espérer qu’une paix durable et sincère pourra se construire entre la plateforme et la CMA en général et les deux communautés en particulier.

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Ménaka, nouvelle prise stratégique de la CMA

Les affrontements entre la CMA et le GATIA, qui avaient repris le mercredi 26 juillet 2017 à une quarantaine de kilomètres de Kidal se sont transportés jusque dans la région de Ménaka. Le vendredi dernier, aux environs de 18 heures, une vingtaine de véhicules de la CMA sont rentrés dans la ville sans violence, le GATIA ayant plutôt déserté la ville la veille.

L’échec de la signature d’un cessez le feu, mercredi 19 juillet dernier, à Bamako, entre la CMA et la Plateforme, a fait place aux combats dans plusieurs localités de la région de Kidal. Le GATIA à l’issu de ces affrontements a enregistré des lourdes pertes, avec notamment des prisonniers aux mains de la CMA. Les combattants du GATIA auraient abandonné la région pour se replier sur la région de Gao. C’est dans ces conditions de défaite que la CMA, galvanisée par ses succès remportés, a pris le contrôle de la ville de Ménaka, vendredi 28 juillet aux environs de 18 heures sans combat.

Le gouverneur de la région Daouda Maiga a été évacué de la ville par un avion de la MINUSMA avant l’arrivée des combattants de la CMA. D’après des témoignages collectés sur place à Ménaka, la CMA est rentrée dans la ville sans opposition, « aucune balle n’a été tirée » nous confie un habitant. Dans la nuit de vendredi, un silence de mort régnait sur la ville. Personne ne circulait dans les rues. Une atmosphère de crainte et de peur avait gagné la plupart des populations.

Le président de l’autorité régionale Abdoulwahab Ag Ahmed Mohamed a rencontré samedi matin les responsables de la CMA. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils sont venus pour protéger la population et récupérer leurs anciennes positions. Ils ont également affirmé qu’ils n’ont pas de problèmes avec les FAMA mais avec le GATIA auquel ils prendraient désormais la place. Aucune remise en cause de l’Accord d’Alger n’a été formulée par les responsables de la CMA. Entre temps, les combattants du GATIA, d’après une source sur le terrain, auraient pris le contrôle d’Anefif dans la region de Kidal, aux environs de 14 heures ce même samedi. Une nouvelle qui aurait motivé le départ de la CMA de Ménaka. «  Ils se sont retirés de la ville, c’est les FAMA et la MINUSMA qui sécurisent la ville » témoigne un habitant joint ce soir. « Aujourd’hui, les gens vaquent à leurs affaires,tout est calme » rassure un jeune à Ménaka contacté. Dans tout les cas, la situation est loin de se normaliser même si la CMA a quitté Ménaka, car la hache de guerre entre celle-ci et le GATIA n’est pas encore enterrée.

 

 

Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.

Azaz Ag Loudag Dag : « Quand les gens sont attaqués, ils se défendent »

Ce jeudi 20 juillet, le MOC devait être installé à Kidal. Les récents affrontements entre la Plateforme et la CMA ont renvoyé à une période, pour le moment indéterminée, la mise en œuvre de ces dispositions de l’Accord. Pendant qu’au Nord les deux mouvements belligérants occupents leurs lignes de front, à Bamako des médiations et négociations tentent de trouver une solution. Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads, qui participe activement à ces tractations a donné son point de vue au Journal du Mali, sur cette situation qui, une fois de plus, menace le processus de paix.

 Pensez-vous qu’une solution puisse être trouvée pour faire cesser les affrontements entre la Plateforme et la CMA dans le Nord ?

Je suis à Bamako donc je ne peux pas être précis sur ce qui se passe sur le terrain. Ce que je sais c’est que les gens de la Plateforme estiment qu’ils ont été attaqués dans leur fief aux alentours d’Anéfis, alors qu’ils ne s’attendaient à rien. Ils ont été contraints de se retirer sur Tabankort. Nous sommes en train de lancer des appels pour qu’il n’y ai pas de nouvel affrontement mais nous ne sommes pas sûrs que nous allons être écoutés parce que les éléments sur le terrain ont été frustrés d’avoir été attaqués et je ne peux pas donc garantir qu’il n’y aura pas d’affrontement. On est en train d’appeler les gens pour voir comment on peut résoudre le problème par le retour des patrouilles mixtes, du MOC à Kidal et le retour de l’administration. Mais ce n’est pas facile car sur le terrain les gens ne sont pas très disciplinés. Le gouvernement et la communauté internationale sont en train de déployer des efforts, il y a des commissions de médiation sous l’égide du religieux Dicko. Je ne sais pas ce que ça va donner mais je ne suis pas assuré que cela puisse marcher.

 Un nouveau chronogramme, pour la fin septembre, a emmergé des rencontres qui ont lieu à Bamako entre les différentes parties. Êtes vous en accord avec ces nouvelles dates ?

Non je ne peux pas vous confirmer que nous sommes en accord avec ce nouveau chronogramme. Nous sommes toujours en négociation à ce sujet. Il y a ceux qui pensent que ça peut être mis en place pour le 20 septembre, il y a ceux qui ne veulent pas s’y plier parce qu’il y a trop de tensions. Nous, à la Plateforme nous sommes parfaitement prêts à appliquer le chronogramme initial. S’il y a un retard ce n’est pas de notre faute.

La communauté internationale est pointée du doigt par votre mouvement comme étant un facteur qui envenime la situation en ne vous accordant pas l’accès à Kidal. Est-elle responsable selon vous ?

Cette situation est tellement ambiguë et incompréhensible qu’on ne sait plus qu’en dire. Barkhane est censée traquer les terroristes, en même temps beaucoup de gens disent que la base des terroristes se trouve à Kidal. La CMA est un peu liée à Iyad Ag Ghaly, mais moi je n’ai pas de preuves de ça. Barkhane prétexte qu’elle craint qu’il y ait des dégâts collatéraux sur la population, mais on ne voit pas pourquoi elle accepte alors que les troupes de la CMA sortent de Kidal pour aller nous attaquer sous leurs yeux. Il doit y avoir une certaine complicité, certaines accointances. On ne peut pas être formel mais c’est tout de même frappant.

Il y a aussi des informations visant la Plateforme, cette fois-ci, disant que ses unités sont soutenues et armées par le gouvernement ?

C’est de bonne guerre ! Vous savez, nous nous sommes armés pendant la crise au moment où il y avait un vide de l’administration et que nous ne voulions pas abandonner nos terres. Nous avons dû trouver le moyen de nous défendre par nous-mêmes car nous étions des loyalistes du côté du gouvernement et que cela faisait de nous des ennemis. A l’époque, plusieurs fois, la CMA a quitté ses positions pour venir nous attaquer alors que l’armée malienne était tout près d’eux. Depuis la signature de l’Accord, jamais la CMA ne s’est attaquée aux troupes gouvernementales. Nous par contre ils nous attaquent depuis la signature jusqu’à aujourd’hui. Vous savez la Plateforme s’entend bien avec la CMA, on n’a pas de problèmes avec tous les gens qui ne sont pas Ifoghas.

Elle a eu des problèmes avec la communauté Idnanes récemment.

Non c’est un problème entre la tribu Imghad et la tribu Ifoghas. Il y a des gens que les Ifoghas utilisent pour nous affronter et là nous sommes obligés de nous défendre d’eux. On a eu maille à partir avec les Idnanes ces derniers temps parce qu’ils ont été envoyés par les Ifoghas pour nous attaquer. Il semble y avoir une déconnexion entre ce qui est décidé politiquement à Bamako par les leaders des mouvements et le terrain. Qui dirige vraiment, qui peut tout lancer où tout arrêter côté CMA comme côté Plateforme ? C’est vrai, pour les Imghads c’est le Conseil supérieur des Imghads et pour la CMA c’est Alghabass Ag Intalla. Je suis moi-même un doyen du Conseil supérieur. Mais malgré ça, il y a quand même parfois de l’indiscipline. Quand les gens sont attaqués, ils se défendent. Quand ont les appellent pour leur dire qu’on ne leur a pas demander d’attaquer, ils invoquent la self-défense et ils disent que quand ils sont en self-défense ils ne peuvent entendre les ordres de Bamako, c’est ce qu’on nous répond. La situation est complexe mais je suis un homme d’espoir, donc je reste optimiste.