Enlèvements : comment se déroulent les négociations ?

Qu’ils soient Occidentaux ou Africains, les otages des groupes terroristes au Sahel sont rarement libérés sans contreparties. Avant d’aboutir aux libérations, des négociations sont menées. Parfois longues et à rebondissements, elles sont conduites dans une grande discrétion.

Dès la prise d’otages, une première revendication est généralement faite par le groupe qui détient les captifs. « Une  vidéo dans laquelle l’otage s’exprime et qui fait en même temps office de preuve de vie », explique une source proche des négociations avec le JNIM.

À l’en croire, à partir de ce moment, le pays d’où est originaire l’otage cherche un médiateur. Ce dernier se dirige ensuite vers les ravisseurs. « Cela peut être aussi des coups de téléphone, mais c’est plutôt rare, parce que tout le monde écoute tout le monde dans la zone », nous glisse-t-elle.

Les ravisseurs posent ensuite leurs conditions au médiateur, qui  rend compte à son tour à un représentant des pays concernés ou à un diplomate. Les services de renseignement de certains pays sont généralement impliqués, selon notre source.

Le médiateur repart à nouveau vers les ravisseurs, avec une réponse qui est souvent la demande d’une preuve de vie particulière des otages, à travers des questions intimes auxquelles seuls ces derniers peuvent répondre. « Par exemple, la date de son mariage, ou celle de la naissance de son premier fils ». Il revient vers ses employeurs avec les réponses et repart avec de nouvelles questions.

« Cela peut prendre des semaines, voire des mois. Généralement ça bloque sur deux choses. Le montant, parce qu’il n’y a pas de prix fixe. On fait monter les enchères. Ensuite, comme preuve de bonne foi, on peut amener des médicaments à l’otage jusqu’à sa libération ».

Une fois que les deux parties tombent d’accord, le processus de libération est enclenché. Un dispositif de sécurité est mis en place pour s’assurer que toutes les conditions sont réunies. Selon notre interlocuteur, tout est calibré. « Les djihadistes ont le temps de compter l’argent et de se mettre en sécurité et l’otage repart avec le médiateur ou l’intermédiaire ».

Dans la plupart des cas, les otages sont très peu tenus au courant de l’évolution des négociations. Olivier Dubois, otage français libéré des mains du JNIM en mars dernier après près de 2 ans de captivité, assurait dans la longue interview qu’il nous a accordée ensuite qu’il était maintenu dans le flou.

« Seul moment où je comprends qu’il y a des négociations, c’est en novembre 2021. Parce qu’ils viennent me voir pour tourner une vidéo preuve de vie. On me dit qu’ils sont en train de discuter avec les Français et que ces derniers demandent cette vidéo. Mais je n’étais pas tenu au courant de ce qui se passait ».

Otages au Mali: Paris pris dans le piège d’al-Qaida

Dimanche marquera l’anniversaire des deux années de captivités pour quatre hommes, quatre Français otages aux confins du désert malien d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Deux ans qui sonnent comme le symbole d’une certaine impuissance de la France à  endiguer l’expansion des idées djihadistes dans le Sahel. Car, depuis leur capture dans la nuit du 16 septembre 2010 à  Arlit, au Niger, o๠ils travaillaient pour la société Areva ou pour Sogea-Satom, peu d’avancées ont été enregistrées sur le sort et l’avenir de ces détenus. «On vit un enfer», raconte René Robert, le grand-père de l’un des séquestrés qui reconnaà®t «ne pas savoir grand-chose». Aqmi a pignon sur rue au Mali Pierre Legrand, Marc Ferret, Daniel Larribe et Thierry Dol sont aux mains d’Abou Zeid, un islamiste algérien, chef d’une des principales brigades d’Aqmi au Mali. «C’est un vrai intégriste, très décidé mais très versatile, ce qui ne facilite pas les choses», souligne un négociateur ouest-africain. La libération en février 2011 de Françoise, l’épouse de Daniel Larribe, et deux codétenus de nationalité togolaise et malgache pris eux aussi à  Arlit avait soulevé un peu d’espoir, vite douché. Les ravisseurs n’ont fait qu’espacer les nouvelles jusqu’au 8 septembre dernier et la diffusion par un site Internet mauritanien d’une vidéo. Ce film, datant du 29 août, montre les otages fatigués mais vivants. «C’est le signe que les négociations sont en ce moment bloquées», explique Mohammed Mahmoud Abou el-Maali, un journaliste mauritanien bon connaisseur de la nébuleuse islamiste. Pour lui, le fait qu’aucun ultimatum n’ait été posé est un «bon signe». Mais l’homme se garde de pousser plus loin l’analyse. Car ces derniers mois, la situation du Mali, et donc celle des otages, a radicalement changé. L’effondrement, fin mars 2012, du régime du président malien Amadou Toumani Touré puis l’irruption d’une rébellion au Nord a brouillé les cartes. «Cela gêne beaucoup la France dans les négociations. Les intermédiaires classiques, comme les Touaregs ou certains responsables maliens, ne sont plus efficaces», assure Abou el-Maali. Dans le même temps la puissance d’Aqmi s’est multipliée. à‰normité de la rançon demandée Les islamistes contrôlent maintenant directement ou au travers d’Ansar Dine et du Mouvement unicité et djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) tout le nord du pays et les villes de Gao, Kidal et Tombouctou, dont Aqmi a fait sa capitale. Le groupe qui ne comptait que quelques centaines de combattants peut maintenant disposer de plusieurs milliers d’hommes et d’un armement considérable. «Dans sa fuite l’armée malienne a abandonné un véritable arsenal. Les islamistes possèdent maintenant plus de matériel que le Burkina, le Niger et la Côte d’Ivoire réunis», assure-t-on dans l’entourage d’un dirigeant ouest-africain. Au final, Abou Zeid, l’ancien djihadiste traqué, s’est mué en un homme de poids. «Il a une adresse et un numéro de téléphone. Il faut cesser de le considérer comme un paria et négocier avec lui», affirme même un dirigeant arabe malien. Dans ce contexte, la diffusion de la vidéo a laissé perplexe. «Soit les gens d’Aqmi ont besoin d’argent pour financer leur extension, soit ils cherchent simplement à  replacer les otages dans le jeu médiatique pour faire pression sur le gouvernement français et s’en servir comme bouclier humain», explique un spécialiste. L’énormité de la rançon demandée, près de 100 millions d’euros, plaide pour la première hypothèse. Mais la France peut-elle payer, même une somme plus modeste, au moment o๠elle soutient l’option d’une intervention armée africaine contre Aqmi et ses alliés? Pour Paris, le dossier des otages maliens ressemble de plus en plus à  un piège.

Aqmi dévoile une vidéo des deux otages français au Mali

C’est une première preuve de vie depuis les photos qu’avaient diffusées leurs ravisseurs en décembre dernier. Al-Qaida au Maghreb islamique a fait parvenir aux autorités du Burkina Faso qui l’auraient transmise au gouvernement français une vidéo montrant les deux otages français enlevés au Mali en novembre dernier. Le film tourné le 22 février montre les Français assis sur le sable devant une tente, le visage entouré d’un turban, indique l’AFP, qui a pu visionner la vidéo. Le Quai d’Orsay s’est refusé, samedi après-midi, au moindre commentaire. Kidnappés depuis 150 jours, on ne sait pas si Philippe Verdon et Serge Lazarevic se trouvent encore au Mali. Visiblement affaibli, mais parlant d’une voix claire, Philippe Verdon dit vivre «dans le désert avec Aqmi dans des conditions extrêmement difficiles, notamment pour des raisons de santé». Il lance un appel à  Nicolas Sarkozy pour «faire tout ce qui est en sa possibilité pour essayer de dénouer cette situation». Les hommes d’Aqmi nous disent que les portes ne sont pas fermées dans les discussions et les négociations», ajoute-t-il. «Ils me disent qu’il y a des moudjahidine qui sont emprisonnés en Mauritanie et au Mali. Il y a une volonté d’apaisement de la part d’Aqmi, qui soit dans l’intérêt de toutes les parties», affirme-t-il. Serge Lazarevic fait le même constat. «Je demande à  la France, au président Sarkozy, aux associations françaises, internationales et au peuple français, s’ils peuvent nous aider. Toute aide est la bienvenue, Aqmi est ouvert à  la négociation», souligne l’homme qui paraà®t mieux se porter que Philippe Verdon. Les otages saluent également leurs familles. Un comité de soutien inquiet Les deux hommes ont été enlevés dans leur hôtel, le 24 novembre 2011, à  Hombori. Présentés comme géologues, leur réputation a néanmoins fait l’objet de nombreuses spéculations. Aqmi les a présentés comme des agents des renseignements français. Le passé de Philippe Verdon a entretenu la confusion. Philippe Verdon s’est souvent trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il a été emprisonné au début des années 1990 par le Spla, les séparatistes du Soudan du Sud après un atterrissage forcé dans une zone de guérilla. Aux Comores, il a été accusé de fomenter un coup d’à‰tat, mais les charges à  son encontre sont abandonnées. Une réputation supposée de barbouze qui ulcère leurs familles. Selon leurs proches, les deux hommes étaient en voyage d’affaires et travaillaient sur un projet de cimenterie dans la région. «Mon fils a été présenté comme James Bond ou comme un escroc international, mais il n’est ni l’un ni l’autre. Il est juste un homme d’affaires atypique sans la moindre expérience militaire», avait expliqué son père Jean-Pierre Verdon. Cette vidéo ne rassure pas le comité de soutien des deux hommes qui veut une preuve de vie plus récente. Début avril, l’organisation avait exhorté la France et les candidats à  l’Elysée de ne pas les oublier. «Il faut tout faire pour les sortir de là », insistait Pascal Lupart, qui fustigeait «le peu de discernement des autorités françaises et maliennes» dans cette affaire. Le président du comité de soutien redoutait que la rébellion touaroueg dans le Nord-Mali, la confusion qui règne autour des «intentions des groupes armés islamistes» ne nuisent un peu plus aux otages. Outre Philippe Verdon et Serge Lazarevic, Aqmi détient quatre autres Français, collaborateurs du groupe nucléaire français Areva et de son sous-traitant Satom, ont été capturés au Niger le 16 septembre 2010. Au total, Aqmi et un groupe considéré comme dissident, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), retiennent en otages vingt personnes, treize occidentaux et sept Algériens.

90 millions ! La rançon des otages au Niger

90 millions d’euros ! C’est la somme réclamée par AQMI pour libérer les 4 autres otages français, enlevés dans le nord du Niger, en septembre dernier. Cette information proviendrait d’une source nigérienne proche de la médiation, rencontrée dans le nord du Mali par l’AFP. Plus de 59 milliards de FCFA C’’est la somme exigée « Les ravisseurs réclament au moins 90 millions d’euros pour la libération des quatre otages français toujours détenus. Ils réclament aussi la libération de prisonniers d’Aqmi arrêtés dans plusieurs pays dont la France. Enlevés à  Arlit, les quatre Français: Daniel Larribe, Thierry Dol, Pierre Legrand et Marc Ferret sont prisonniers depuis le 16 septembre 2010. Aqmi avait revendiqué l’enlèvement des sept otages cinq jours après le kidnapping, et avait demandé le 18 novembre à  la France de négocier leur sort directement avec Oussama ben Laden. Oussama Ben Laden avait ainsi réclamé le retrait de la France d’Afghanistan pour les libérer, exigence rejetée par le gouvernement français. En début Mars, la présidente du Groupe AREVA, Anne Lauvergeon, avait déclaré avoir bon espoir de les faire revenir le plus vite possible. Surtout après la libération des 3 premiers à  savoir la Française Larribe, le malgache Jean Claude Rakotorilalao et le Togolais Alex Kodjo Ahonado, AQMI ( Al Qaeda au Mahgreb Islamique ). Refus de négocier Reste que la France, par la voie de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a rejeté ces demances d’AQMI; Qui dépassent de loin les fonds alloués par le Parlement à  la DGSE, pour la sécurité extérieure du pays. De plus, la France se trouve aux avants-postes de l’opération Libyenne, et les exigences d’AQMI passent pour le moment au second plan. Si la France refuse de négocier ou de céder à  pareille rançon, l’option militaire semble exclue également, du fait de la menace d’AQMI, après l’échec de l’opération visant à  libérer l’otage décédé Michel Germaneau. Pour les otages qui sont restés aux mains d’AQMI, l’issue pour le moment demeure incertaine, et il leur faudra sans doute attendre encore un peu avant d’être libérés.