Justice : quand les magistrats se déchirent

Depuis quelques semaines le torchon brûle entre différents acteurs de la Justice. Des magistrats et avocats se font la « guerre » par médias interposés et sur les réseaux sociaux, portant un coup à l’image de l’appareil judiciaire du pays, déjà écorné par certains maux qui le minent depuis toujours.

Le communiqué du ministre de la Justice et des droits de l’Homme lu à la télévision nationale le 20 avril 2023 sonne comme un poing tapé sur la table. Après des semaines de « sorties médiatiques intempestives » de certains magistrats et avocats, « contraires à leur statut et jurant d’avec les règles élémentaires de déontologie », Mamadou Kassogué est visiblement passé à la « vitesse supérieure ».

Il a saisi le Conseil supérieur de la Magistrature pour l’ouverture d’une enquête disciplinaire et a également ordonné au Procureur général près la Cour d’appel de Bamako d’ouvrir une enquête judiciaire contre les magistrats Cheick Chérif Mohamed Koné et Dramane Diarra pour « opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir ».

Le « clash » continue

Malgré cette annonce d’ouverture d’enquêtes, les « ardeurs » ne faiblissent pas. Les magistrats susmentionnés, Cheick Mohamed Chérif Koné, Président de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP) et Dramane Diarra, magistrat en service à la Direction des Affaires judiciaires et du Sceau et également membre des deux organisations sus-indiquées, n’y sont pas allés de main morte, en réponse au ministre de la Justice et des droits de l’Homme.

« Face à la vaste campagne d’intimidation et de manipulation de l’opinion en cours autour de ce communiqué, faisant état des instructions en vue de l’ouverture conjointe de procédures disciplinaires et d’enquêtes judiciaires, l’AMPP et la REFSYMA, convaincues qu’aucun de leurs dirigeants n’a transgressé ni une disposition pénale ni une règle d’éthique ou de déontologie judiciaire, encore moins le devoir de réserve du magistrat dans la situation d’espèce, n’entendent pas se plier aux excès d’un ministre très partial ayant montré ses limites, refusent de se laisser intimider dans l’exercice légal de leur liberté d’expression, d’association et de réunion garantie par la Constitution (…) », a réagi Cheick Mohamed Chérif  Koné dans un communiqué publié le 21 avril.

À en croire Dramana Diarra, qui a également personnellement réagi dans la foulée, en dehors de la réponse de l’AMPP et du REFSYMA, qu’il assure l’engager, la mission d’enquête administrative que le ministre Mamadou Kassogué a commanditée auprès de l’Inspection des services judiciaires sur des faits disciplinaires relève de la compétence du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) et non de l’inspection, donc « illégale ». « Nous déplorons la confusion de genres dans laquelle vous excellez depuis votre nomination comme ministre chargé de la Justice », a-t-il martelé au chef du département.

Par ailleurs, pour l’ancien Premier Avocat général à la Cour suprême du Mali, la sortie du ministre remet en cause « de façon discriminatoire » leur exercice légal de la liberté d’expression, d’opinion, d’association et de réunion du seul fait de la non conformité de leur vision avec le « choix des autorités de la Transition dite de rectification » de se mettre aux « antipodes des principes démocratiques et des valeurs républicaines, par la terreur et la psychose ».

Le ministre Kassogué signalait dans sa note que la participation active des magistrats à un groupement politique (Appel du 20 février, NDLR), même avec la couverture syndicale, n’était pas conforme à l’éthique et à la déontologie de cette profession, « comme spécifiés notamment par les articles 19 et 20 du Code de déontologie, 71 de la loi No 02-054 du 16 septembre 2002 portant statut de la Magistrature ». Un « deux poids, deux mesures » est aussi reproché au ministre de la Justice, qui n’a pas cité le Procureur Idrissa Touré dans son communiqué pour les sorties dans les médias.

Vieille querelle

Pour comprendre l’animosité entre les protagonistes, il faut remonter six ans en arrière. Le 9 janvier 2017, les deux syndicats des magistrats, le Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) déclenchent une grève. Ils réclament entre autres une augmentation des salaires et la relecture du statut de la Magistrature. La grève paralysera plus d’un mois la justice malienne. Mais, le 6 février 2017, Cheick Mohamed Chérif Koné, alors Président du SAM, se rend à l’ORTM pour lire une déclaration signifiant la fin de la grève. Rapidement, ses camarades contestent et traitent Koné et Diarra, également membre du SAM, de traitres. L’actuel ministre de la Justice était aussi à ce moment-là un membre influent du SAM. La pilule de cette « trahison » passe toujours mal auprès « du ministre, qui a du mal à se débarrasser de son costume de syndicaliste » confie un analyste qui a requis l’anonymat. Désavoués, Koné et Diarra plient bagages et fondent une année plus tard la Référence syndicale des Magistrats, avec Chérif Koné comme Président. À l’époque, le Procureur Touré, encore peu connu, appelle les différents acteurs à faire la paix pour le bien de la « Justice ». Mais un nouvel épisode va les opposer. En juin 2021, Mamadou Kassogué est nommé ministre de la Justice. Deux mois plus tard, le Procureur de la Cour suprême relance la procédure contre d’anciens dignitaires du régime IBK, notamment l’ex Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, dans les affaires d’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires. Chérif Koné, alors Avocat général à la Cour suprême, s’y oppose rapidement et dénonce une forfaiture. Selon lui, le dossier doit être instruit par la Haute cour de Justice. Le SAM et le SYLIMA désavouent la démarche de Koné et se rangent du côté du Procureur Timbo. Le 8 septembre, le Président de la Transition abroge le décret de nomination de Koné. Loin de s’en laisser conter, celui-ci multiplie les communiqués et attaque frontalement les autorités. Il se fait une image d’insoumis dans les médias alors que les voix discordantes sont rares. Les deux magistrats, mais pas que, dénoncent également l’ordonnance prorogeant l’âge de départ à la retraite de 65 à 68 ans pour les magistrats occupant les fonctions de Président et de Procureur général de la Cour suprême. Selon Diarra et Koné, cela ne sert qu’à maintenir des « amis » à ces postes et la mainmise de l’Exécutif sur le Judiciaire. Au plus sommet de l’État, le malaise s’installe et, selon une source bien introduite, le ministre Kassogué est sous pression pour trouver une solution aux récalcitrants.

Bras de fer à rebondissements

Le 30 mars 2023, l’Inspecteur en chef des services judiciaires, Moussa Aly Yattara, invite, à la demande du ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Dramane Diarra à se présenter à son service dans le cadre d’une enquête administrative. Ce dernier refuse, expliquant dans une longue note en réponse, le jour suivant, les missions assignées à l’Inspection, précisant que ce service judiciaire n’était pas l’inspection des magistrats ou des agents des services de la Justice.

Le 4 avril, il déclare dans une vidéo que le Procureur Idrissa Hamidou Touré était lui aussi visé par plusieurs plaintes mais n’avait jamais été invité à se présenter devant l’Inspection des services judiciaires. Le jour suivant, le Procureur de la Commune IV rassemble quelques médias pour apporter un démenti aux propos du magistrat Dramane Diarra, accusant celui qui l’avait précédé comme Procureur de la Commune IV de jalousie à son égard. Le Procureur plus le plus connu du Mali, et aussi le plus craint, a mis en garde contre la perte de crédibilité de l’Inspection des affaires judiciaires si jamais ce dernier ne répondait pas à l’invitation de l’Inspecteur en Chef.

« Si Dramane Diarra ne se rend pas à l’invitation de l’Inspection, c’est fini pour ce service, parce que plus personne ne s’y rendra, en tout cas pas mes agents », prévient-il au cours d’une longue intervention durant laquelle il se range derrière le ministre de la Justice. « Au jour d’aujourd’hui, Mamadou Kassogué est le patron de l’administration judiciaire. Que cela plaise ou pas, c’est comme cela ».

Comme Dramane Diarra, Cheick Mohamed Chérif Koné a également décliné l’invitation du même service le 6 avril, mentionnant dans un communiqué que son interpellation était en lien avec son rôle de Coordinateur général de la Plateforme des organisations de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali.

Devoir de réserve?

Dans un communiqué, le 20 avril, le ministre de la Justice indexait le non respect de l’obligation de réserve et du devoir de retenue des magistrats mis en cause. Mais ces derniers ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, les reproches du ministre relèvent  non seulement d’une « méconnaissance des dispositions pertinentes de la Constitution en vigueur, mais aussi et surtout d’une extrapolation inadmissible du devoir de réserve du magistrat, lequel n’est pas le devoir de silence sur tout, mais de ce qui peut être déféré devant lui et dont des parades légales sont, du reste, prévues ».

Plusieurs magistrats ou avocats, dont des anciens ministres, contactés, n’ont pas souhaité se prononcer sur la question. Par ailleurs, nos tentatives du côté du Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et du Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) n’ont également pas abouti.

Selon une source au SYLIMA, le syndicat a décidé de s’abstenir d’intervenir dans les médias « en attendant d’y voir clair » et pour ne pas contribuer à aggraver les tensions.

Mali – Justice et politique : pas qu’au Mali

Souvent « victimes », quelques fois « protégés » par des décisions de justice pas toujours impartiales, les hommes politiques ont toujours plus ou moins exercé, ou exercent, une influence sur le déroulement de la justice. Même si des mécanismes ont permis de garantir son indépendance, c’est principalement de la responsabilité des acteurs que relève une justice équitable.

« Il fut un moment, c’était perceptible. Mais, depuis quelque temps, nous nous efforçons de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’influence du politique sur le judiciaire », déclare Hady Macki Sall, Président du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA).  Même s’il est vrai que la « vraie indépendance n’est pas celle qui est consacrée par les textes, mais celle que l’on se donne à soi-même », ajoute t-il.  Si l’influence est réelle, car « certains sont toujours tentés de regarder le visage des politiques », «  nous pensons que c’est minime ».  Invitant à faire « confiance à la justice lorsqu’elle est saisie ». « Difficile de faire des commentaires sur des dossiers pendants », cependant, sur l’affaire dite de déstabilisation des institutions, il affirme « la justice a posé des actes, elle est en train de travailler. Le dossier peut comporter des rebondissements, mais c’est la justice ».

Règlements de comptes

« La politique et la justice sont antinomiques », estime Maître Mamadou Ismaïla Konaté, avocat. C’est-à-dire que pour « les professions réglementées, les fonctions politiques, la justice de droit commun ne leur est accessible qu’après le respect  préalable de la justice de leurs pairs ». Pour l’affaire de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, la première justice a été celle des députés. « Parce que la matière politique est spécifique », explique Maître Konaté.

« Lorsqu’ils sont impliqués et que le dossier ne passe pas par la petite instance, en raison de leur statut, cette influence existe dans tous les pays », estime une ancienne magistrate. « C’est aux magistrats de prendre leurs responsabilités ».

« Sans connaître le fond du dossier » au Sénégal ou soupçonner une manipulation, elle relève que  ce « Monsieur a été libéré à la suite d’événements malheureux ». Si le Sénégal n’est pas un cas isolé, plusieurs comptes contre des hommes politiques y « ont été réglés ces dernières années à coups de justice », déplore Maître Konaté.

Certains pays ont fait l’effort de minimiser l’influence en nommant les juges de la Cour suprême à vie, explique le Président du SYLIMA. D’autres mécanismes existent afin que les politiques n’interviennent pas dans les nominations, pour « réduire la volonté de reconnaissance de certains vis-à-vis des autorités politiques ».

Salaire des magistrats : S’aligner sur les voisins ?

Plus de 100 jours de grève, de bras de fer, de menaces, avant la suspension du mot d’ordre et la reprise du travail par les magistrats le 5 novembre. Une grève qui a mis en émoi la population malienne, mais qui « était nécessaire », selon les grévistes. Comme ils bénéficient d’un statut autonome, le salaire des magistrats n’est pas défini par le statut général des fonctionnaires. Un débutant perçoit une rémunération nette de 140 000 francs CFA, sans les primes, et ce durant les quatre premières années. Le magistrat débutant n’a pas droit à la prime de judicature (pour les personnes qui rendent la justice), qui s’élève à 300 000 francs CFA par mois, selon Hady Macky Sall, Président du syndicat libre de la magistrature (SYLIMA) et juge au tribunal de commerce. Bien loin des voisins de la sous-région. Selon des données compilées par le site Africa Check, le salaire d’un magistrat débutant au Niger a été relevé le 2 décembre 2013 de 500 000 à 800 000 francs. L’ex président de l’Union des magistrats du Sénégal avait lui révélé toucher un salaire net de 834 000 francs CFA. Après quatre ans, le salaire des magistrats maliens, toutes primes comprises, oscille entre 500 et 600 000 francs CFA. Un magistrat classé au 3ème échelon du 1er groupe, le plus haut parmi ceux de 2ème grade, perçoit sans primes 276 000 francs CFA, avec elles, ses émoluments peuvent atteindre 600 000 francs CFA. Être procureur ou président d’un tribunal n’octroie pas de pécule supplémentaire selon notre interlocuteur. Après 15 ans, il assure toucher 621 000 francs, primes comprises (logement, enfants). Et il a été recruté avec un DEA, insiste-t-il. « Il n’y a pas de grandes différences entre les magistrats, nous avons des docteurs, mais ils ont le même niveau de salaire que les autres ». La loi N°2-054/P-RM du 16 décembre 2002 portant statut de la magistrature fixe l’indice des magistrats de grade exceptionnel à 1100 ce qui leur fait un salaire mensuel net de 440 000 francs CFA. Le président de la Cour suprême lui-même ne dépasserait pas 800 000 francs. Son homologue sénégalais émarge à 15 millions de francs CFA et s’en plaint ! affirme Sall.

Magistrats-Gouvernement : Le bras de fer se poursuit

Après la retenue sur les salaires des magistrats, le gouvernement a fait recours à la réquisition d’office, dans un communiqué rendu public mardi 9 octobre 2018. Réagissant à cette décision qu’ils qualifient d’illégale, les Syndicat Autonome de la magistrature (SAM) et  le Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA), en grève illimitée depuis plus de 2 mois ont organisé une assemblée générale extraordinaire ce 10 octobre à la Cour d’appel de Bamako. Ils ont adopté une résolution condamnant la décision du gouvernement et appelant à la poursuite de la grève.

Entre les syndicats de la magistrature et le gouvernement, le bras de fer continue. Visiblement en panne, le dialogue n’est pas près d’être renoué entre les 2 parties. Dans un communiqué signé par le Premier ministre et la ministre du Travail et  de la Fonction publique, le gouvernement a fait recours à la loi n°87-48/AN-RM du 14 juillet 1987 relative aux réquisitions de personnes, de services et de biens. Ainsi certains personnels des juridictions ont été désignés pour assurer la continuité du service public de la justice.

Au cours de l’assemblée générale extraordinaire qu’ils ont organisé pour protester contre cette décision, les magistrats ont dénoncé une atteinte à la démocratie et une entrave au droit de grève.

Prenant acte de l’avis favorable du président de la cour suprême, suite à la demande du Premier ministre relative à l’illégalité de la grève des magistrats, les syndicats dénoncent « une inféodation » de cette autorité judiciaire au pouvoir exécutif et jugent la demande du Premier ministre illégale.

« Décision illégale »

Exprimant leur indignation, les 2 syndicats ont réaffirmé leur volonté « à faire bloc » contre tentative de « caporalisation » du pouvoir judiciaire. Ils dénoncent une violation de la constitution, car selon eux les conditions exigées pour cette réquisition et invitent les magistrats requis « à refuser de  à se soumettre à cette illégalité «  et les rassure que des procédures seront engagées.

Regrettant le silence du président de la République, président du conseil supérieur de la magistrature, M. Amadou Tiéoulé Diarra, s’exprimant au nom du  conseil supérieur de la magistrature a invité les magistrats à « un réarmement moral » avant de qualifier d’ « extrêmement grave » la réquisition du pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif.

A l’issue de leur assemblée générale extraordinaire, les magistrats ont adopté une résolution en 7 points relatifs notamment à l’invite faite aux «  magistrats requis à refuser de se soumettre à cette décision ». La résolution engage également les syndicats de magistrats à saisir l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour les atteintes graves à l’exercice de la liberté syndicale, ainsi que les juridictions nationales pour récuser le président de la Cour suprême. La résolution exige également la démission du Premier ministre ainsi que du ministre de la Justice  et de la ministre de la Fonction publique et incite à porter plainte contre eux pour complot et atteinte à la sûreté de l’Etat. Les magistrats ont aussi dans leur résolution, exigé la démission du Président de la Cour suprême M. Tapily et engagent les syndicats à porter plainte. La résolution  a aussi  constaté le silence du président et déclare la poursuite de la grève.

Grève des magistrats : Les syndicats durcissent le ton

Après 25 jours de grève, le Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA) et le Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM) ont entamé une grève illimitée ce 28 août 2018.  Une décision qui fait suite à la non satisfaction par le gouvernement des deux points de revendication soumis à ce dernier. Ils sont relatifs à la sécurisation des juridictions et du personnel judiciaire et à l’application de la  grille salariale annexée au statut des magistrats.

Même si les négociations ne sont pas encore rompues entre le gouvernement et les deux syndicats de la magistrature, à savoir le SYLIMA et le SAM, la grève entamée par les magistrats depuis le 25 juillet 2018 a pris une nouvelle tournure. Après 25 jours de paralysie de l’appareil judiciaire, les syndicats décident de poursuivre par une grève illimitée jusqu’à satisfaction de leurs revendications.

A la faveur d’un point de presse tenu ce 29 août 2018, ils ont rappelé les raisons qui les ont poussés à entamer cette grève et à la poursuivre. Concernant la sécurisation des juridictions et du personnel, « le gouvernement avait promis d’y remédier le 30 juin 2018. Malheureusement, au lieu de renforcer la sécurité, le gouvernement a dégarni le dispositif sécuritaire qui existait », selon Hady Macki Sall, président du SYLIMA.

Suite à la relecture  de leur statut, les magistrats ont sollicité une revalorisation de leur grille salariale en 2014. En 2016, des engagements ont été pris mais n’ont pas été mis en œuvre, selon le responsable syndical. Suite à la grève, des négociations ont été entamées et le 24 août dernier le gouvernement a fait des propositions jugées « dérisoires » par M. Sall.

Se défendant de « vouloir prendre en otage la démocratie », le responsable syndical désigne le gouvernement comme seul responsable pour n’avoir pas « respecté ses engagements ».

Une réunion de conciliation est en tout cas  prévue ce 29 août 2018. S’il n’est pas le seul concerné, le ministère de la Justice reste cependant un acteur majeur. « C’est une question économique qui s’adresse au gouvernement. Le point d’achoppement c’est la grille salariale », assure M. Kamaté chargé de communication au ministère de la Justice. S’il note que « par rapport à la sécurisation des efforts ont été faits », il affirme que son département continuera « à faciliter des négociations », pour rapprocher les points de vue afin de trouver une solution à ce blocage.

Mouvement de grève : Magistrats et agents de santé en ordre de bataille

Alors que deux syndicats de magistrats ont entamé un mouvement de grève ce 25 juillet 2018, plusieurs autres syndicats du secteur de la santé menacent d’enclencher un mouvement de grève de 15 jours à partir du 26 juillet 2018. Amélioration de leurs conditions de travail ou de leur statut, les syndicats entendent exiger du gouvernement la satisfaction de leurs points de revendication avant toute reprise du travail.

La plateforme syndicale constituée de la Fédération des Syndicats de la Santé, de l’Action Sociale du Mali (FESYSAM), le Syndicat des Médecins du Mali et le Syndicat Autonome des Personnels des Centres Communautaires de Santé prévoient d’entamer une grève de 15 jours à partir de ce 26 juillet 2018, si leurs revendications ne sont pas satisfaites d’ici là.  Ce mouvement intervient après  l’observation d’un mot d’ordre de 9 jours en juin dernier pour les mêmes motifs. Il s’agit notamment de l’adoption de leur statut qui comporte notamment le changement de la grille salariale. Les syndicats réclament également l’application du protocole d’accord signé avec le gouvernement à la suite de la grève de 36 jours observée par ces syndicats en mars 2017 et qui connaît « un taux d’exécution de 30% », selon le docteur Seybou Cissé, secrétaire général de la FESYSAM.

D’autres points sont aussi relatifs à la passerelle entre la fonction publique des Collectivités et l’enseignement supérieur ainsi que le soutien à l’installation des médecins « qui ne pourront pas être employés par la fonction publique », précise le docteur Cissé. Cette grève prévue pour 15 jours, sera reconduite en grève illimitée, selon les syndicats. A moins que les négociations qui sont en cours aboutissent.

De leur côté le Syndicat Autonome de la Magistrature et le Syndicat Libre des Magistrats a déjà commencé son mouvement de grève. Motif : la non satisfaction des revendications soumises à l’Etat depuis 2014 ; avec une nouvelle revendication soumise à la suite de l’enlèvement du juge de Niono, il y a maintenant 8 mois. En effet, les magistrats estiment qu’au lieu de mettre en œuvre l’accord convenu avec eux sur le renforcement de la sécurité des magistrats et des juridictions, l’Etat contribue plutôt à le dégrader. « Le gouvernement avait pris 2 engagements relatifs à la relecture de notre statut et la revalorisation de la grille ».  A lieu de mettre en œuvre l’engagement concernant la sécurité qui devrait être mis en œuvre en fin juin, « l’Etat a contribué à la dégrader », avec la diminution de l’effectif de sécurité affecté au niveau des tribunaux, selon Hady Macki Sall, président du Syndicat Libre des Magistrats. Même si l’Etat explique cette situation par des impératifs de formation de ces agents.

Cette grève d’une durée d’une semaine sera reconduite en grève illimitée en cas de non satisfaction de leurs revendications, assurent les syndicats. Cette grève qui débute à quelques jours des élections, est-ce un hasard ? Tout à fait, répond Abdourahamane Mohamed Maïga, secrétaire à la communication du Syndicat Libre de la Magistrature. « Cette grève n’a rien avoir avec les élections. Il s’agit des mêmes revendications que nous avions depuis plusieurs années ».

Rentrée Judiciaire : sous le signe des affaires foncières

Sous le signe du foncier Présidée comme à  l’accoutumée par le président de la République, cette rentrée a vu affluer les composantes de la grande famille judiciaire. A savoir, les magistrats ainsi que les auxiliaires de justice (le Barreau, la chambre des notaires, celle des huissiers, les commissaires priseurs…). « l’exécution diligente des décisions judiciaires en matière du foncier, source de paix sociale », indiquait une banderole conçue pour la circonstance. Cela est d’autant plus vraie que tous les acteurs de la justice en sont conscients. Elle avait pour thème « le juge et la sécurité foncière ». Ce thème est bien en phase avec l’actualité, dans la mesure ou la problématique du foncier est au centre d’un forum qui se tient actuellement. Dans la pratique, les juges sont ne semblent pas accorder une importance particulière aux affaires foncières. Bien que le phénomène constitue de véritables bombes à  retardement susceptibles de causer de graves troubles sociaux. ATT fustige la justice Malienne Conscient de la mauvaise pratique de la justice dans le domaine du foncier, le président ATT a saisi l’occasion pour fustiger la justice malienne qu’il qualifie être à  la base de l’attisement des problèmes fonciers à  travers la lenteur des dossiers. ATT a laissé entendre que « l’élaboration d’une législation par l’adoption d’un Code domanial et foncier après l’accession du Mali à  l’indépendance, n’a malheureusement pas permis de faire la part des choses, entre le droit moderne et le droit coutumier, un droit au demeurant multiforme, méconnu et interprété quelques fois selon les vagues connaissances des assesseurs et les convictions subjectives du juge. C’’est ainsi qu’on assiste à  des procès qui durent souvent plusieurs décennies, dans cette matière foncière avec la complicité des responsables de l’administration de la justice avec comme conséquence la déperdition du temps et des ressources, singulièrement dans le milieu rural ». Sécurité foncière A en croire ATT, la sécurité foncière ne peut être garantie que dans un contexte ou les acteurs acceptent de jouer leur rôle conformément aux règles préétablies. Il est certain, que des lacunes existent dans nos textes et qu’il convient de clarifier certains concepts, notamment en matière de droit coutumier, ainsi que le chevauchement des compétences, entre tribunaux administratifs et tribunaux civils. Ainsi, ATT a vivement recommandé aux ministères en charge de la justice et du foncier à  procéder au nécessaire travail de relecture du code domanial et foncier, afin d’apporter les correctifs qui faciliteront la mission qui consiste pour le juge, à  dire le droit quelles que soient les lacunes ou ambiguà¯té d’un texte. La présidente de la Cour suprême, Mme Kayantao avait déclaré qu’« il est urgent de trouver une solution au problème foncier surtout quant on sait que le Mali veut faire de l’agriculture le moteur du développement». Dans un exposé, on ne peut plus, limpide sur thème : «le juge et la sécurité foncière », le président par intérim du tribunal administratif de Kayes, Dougal Cissé, a déploré le fait que le juge n’intervient que lorsque la situation a empirée. Litiges Au cours de son allocution il s’est appesanti sur la problématique de la gestion foncière sous deux angles majeurs : la gestion coutumière et celle administrative des terres. « Les deux gestions ne font qu’apporter des problèmes et résolution de ceux-ci ne résident que dans l’élaboration d’une politique foncière adéquate qui va sécuriser les textes judiciaires en tenant compte des réalités sociales ». Dans son plaidoyer, le bâtonnier Me Seydou Ibrahim Maiga, a martelé que « l’Etat abuse souvent de son droit d’expropriation sans pour autant réparer convenablement le préjudice ». En outre, ajoute-t-il, il a dénoncé le fait que, le plus souvent, les différents jugements concernant le foncier se contredisent. En tous les cas, les problèmes inhérents au foncier constituent une réalité à  part entière. Et, la lenteur judiciaire dans le traitement des litiges fonciers n’est ni plus ni moins que la goutte d’eau qui fait déborder la vase. D’o๠l’urgence pour tous les acteurs du secteur (y compris la justice), de tendre vers une refondation des consciences.

Magistrats, la grève continue !

l’assemblée générale tenue le 26 mai dernier a permis à  l’ensemble des greffiers magistrats affiliés au SYLIMA, de maintenir leur mot d’ordre de grève illimitée car aucun protocole d’accord n’a été trouvé avec le gouvernement. «A l’unanimité, les membres des deux syndicats ont voté pour la continuation de la grève », souligne, Hamèye Founé Mahamdane, le président du SYLIMA. Il faut rappeler que les revendications entre le SYLIMA/SYNAG concernent la revalorisation des indemnités, l’affectation et l’équipement d’un siège. Pour Hamèye Founé Mahamdane, le SYLIMA a toujours fonctionné sur fonds propres (déboursés par les militants) à  la différence du syndicat Autonome de la magistrature (SAM). Pour les greffiers, il s’agit de la revalorisation de leurs conditions de vie et de travail et la relecture de leur statut. Le président du SYLIMA dira que, sur les 15 points de revendications, 13 n’ont rien de financiers. Le gouvernement ne traiterait pas les deux syndicats (SYLIMA et SAM) au même pied d’égalité : « Si vous allez à  Bollé, vous y trouverez un bâtiment flambant neuf pour le SAM, alors que nous sommes obligés de fonctionner sur nos propres frais et dans des conditions précaires », ajoute Mr Mahamdane. Quant à  savoir pourquoi les deux syndicats (le SYLIMA et le SAM) ne font pas front commun pour la défense de la cause des magistrats, le président du SYLIMA répondra : « nous avons été les premiers à  saisir le gouvernement et à  déposé nos préavis de grève. Nous avons aussi compris que le SAM a été utilisé par le gouvernement pour nous désarçonner dans notre action. A la fin, il n’y a même pas eu de protocole d’accord ». Des revendications jugées légitimes A la question de savoir si les revendications sont au-dessus des moyens de l’Etat, Hamèye Founé Mahamadane répond qu’elles ont été négociées depuis 2008 par les deux partis. Nous ne demandons que l’amélioration de nos conditions de vie et de travail… » Quant aux désagréments causés aux justiciables, le président du SYLIMA a, d’un ton empreinte de tristesse, scandé : «Au delà  de notre personne, le combat que nous menons, est aussi en faveur de tous, et pour appliquer la justice correctement, il faut être dans de bonnes conditions». En balayant d’un revers de main, les informations, selon lesquelles les magistrats grévistes ont été relevés de leurs fonctions, le Président du SYLIMA dément formellement. Ceci est impossible selon la loi. l’ordonnance prise par le premier Président de la Cour d’appel a autorisé les magistrats du SAM à  assurer l’intérim de ceux du SYLIMA dans certaines juridictions. Cette ordonnance du premier Président de la cour d’appel est inapropriée, dans la mesure o๠elle a été prise dans des conditions que la loi n’a pas prévu. Nulle part dans les textes, il n’a un pouvoir de sanction. Les magistrats ne peuvent être sanctionnés que part le Conseil Supérieur de la Magistrature. Les statuts de la magistrature prévoient aussi que le juge ne peut être remplacé qu’en cas d’empêchement. « Notre cas, n’est donc pas un empêchement, car la grève est un droit constitutionnel. Nous pensons que l’information est un non événement ! Les magistrats du SYLIMA sont plus que jamais déterminés dans leur action. Tout en réaffirmant l’ouverture du SYLIMA à  la négociation, M. Hamèye Founé estime, que la raison devra prévaloir sur les considérations partisanes. « s’ils acceptent de venir à  la table de négociation, ils verront de quelle bonne volonté nous sommes animés » a-t-il conclu.