Kidal : le pari Gamou

Nommé le 22 novembre dernier Gouverneur de la région de Kidal après la reprise de la ville par l’armée malienne, El Hadj Ag Gamou est très attendu pour assurer la continuité du contrôle et de l’autorité de l’État dans la zone. Mais, pour y arriver, le Général touareg doit relever certains défis.

Deux semaines après sa nomination, le Général El Hadj Ag Gamou a quitté Bamako le 5 décembre 2023 pour l’Adrar des Ifoghas. Sa délégation a fait escale à Gao, où il a prêté serment dans la foulée.

Avant de s’envoler pour Kidal, le nouveau Gouverneur de la région a rencontré à Bamako les plus hautes autorités de la Transition, dont le Colonel Assimi Goïta. « Il a mis cette période à profit pour des rencontres avec différents ministres pour acquérir les conseils et orientations autour de ce qui l’attend. Toute cette organisation faite à Bamako, avec l’ensemble de son cabinet, entre en droite ligne avec le programme qui lui a été confié », affirme une source proche du général Ag Gamou.

Le nouvel homme fort de la région de Kidal a annoncé les couleurs de sa mission à sa sortie d’audience avec le Président de la Transition, le 24 novembre 2023. « Je vais tout faire dans l’intérêt général de la population de Kidal, faire venir tous les services sociaux de base et faire en sorte que la population de Kidal, qui a été trop fatiguée par l’insécurité, revienne chez elle et que cette région soit une région normale, comme toutes autres de la République du Mali », a-t-il promis.

Choix stratégique

L’une des principales missions assignées au Général Ag Gamou à Kidal est la consolidation de la cohésion sociale, qui passe par la réconciliation et le retour des déplacées dans la région. Issu de la fraction Imghad, dans une zone où la chefferie traditionnelle est détenue par les Ifoghas, dont sont issus la plupart des rebelles de la CMA, le nouveau Gouverneur pourrait toutefois se heurter à un rejet d’une partie des Kidalois. Contactés, les cadres de la CMA ont d’ailleurs préféré ne pas réagir à sa nomination.

Mais Alhassane Ag Hamed Ahmed, membre du Conseil communal des jeunes de Kidal, qui soutient que les Imghads et les Ifoghas de Kidal « cohabitent très bien » et qu’il n’y a « jamais eu une rivalité grave entre ces deux fractions », pense que le choix des autorités de la Transition porté sur El Hadj Ag Gamou est le bon. « Il a l’esprit d’un bon leader et, à la différence des Gouverneurs précédents, il connait bien le terrain », glisse-t-il, mettant tout de même l’accent sur l’appui indispensable du gouvernement dans la réussite de sa mission. « Les gens de Kidal n’ont pas peur de Gamou et ils le connaissent mieux que beaucoup d’autres, à Bamako ou ailleurs. Il faut qu’il ait l’appui des autorités mais aussi la pleine latitude de décider et de proposer des initiatives en tant que militaire », préconise-t-il.

Pour le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koïna, le Général Ag Gamou possède des atouts et dispose de plusieurs leviers pour réussir la réconciliation et le retour des déplacés à Kidal.

« Gamou est un symbole. Il est aussi un des cadres Touaregs qui appelle à la paix et qui a la confiance des plus hautes autorités. La majorité des Touaregs sont des Imghads. Si c’est Gamou qui les appelle à retourner à Kidal, je pense que ce sera plus écouté que si c’était fait par d’autres personnes », analyse-t-il.

Ménaka impactée ?

La nomination du Général Ag Gamou à Kidal pourrait impacter la situation sécuritaire dans la région de Ménaka, d’où il est originaire et où lui et ses hommes du Groupe d’auto-défense Imghads et alliés (GATIA) jouent un rôle-clé dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Pour l’heure, les forces du Général Gamou y sont toujours, mais il n’est pas exclu qu’elles se déplacent vers Kidal avec l’installation du nouveau Gouverneur.

« À Ménaka, cette nomination est plutôt bien vue. Même si certains membres du GATIA de Ménaka se déplacent vers Kidal, il n’y a pas que le GATIA dans la zone. Il y a aussi le MSA de Moussa Ag Acharatoumane, qui va rester », relève Dr. Koïna.

Mais une telle situation favorisera-t-elle la multiplication d’attaques terroristes dans la région de Ménaka, qui vient par ailleurs d’être visée, avec les localités de Labbezagan, Gossi et Tessalit, le 3 décembre dernier ?

« Je pense que les groupes extrémistes et les rebelles vont plutôt chercher à déstabiliser l’armée dans d’autres zones que Ménaka et Kidal », estime l’expert.

Sirakoro, la petite Kidal de Bamako

Situé à la périphérie sud du District de Bamako, ce nouveau quartier en construction est depuis 2013 le centre d’attraction de la communauté touarègue.

La guerre au nord du Mali a occasionné un déplacement massif des populations touarègues, notamment de Kidal, vers la capitale malienne. Tous ceux qui y atterrissent préfèrent construire ou habiter à Sirakoro, un site de brousse autrefois, qui offre désormais le visage d’un quartier où la vie serait belle.

Dès l’entrée, en dépassant la cité BMS, au sud-est de la Tour d’Afrique, des villas, des maisons à étages, d’autres en construction s’offrent déjà aux regards. Par endroit, la verdure rappelle la période hivernale tant appréciée au nord, où l’eau c’est la vie. Dans les rues, on aperçoit des enfants, souvent en petits groupes, l’air joyeux.

Havre de paix Des femmes touarègues, arborant leurs voiles et d’autres accessoires culturels, sont aussi remarquables. Souvent, en fin d’après-midi, on les trouve assises devant leurs maisons, sur des chaises, des nattes ou à même le sable, faisant leur traditionnel thé des braises. Il en est de même pour les hommes, toujours enturbannés et habillés richement, satisfaits de l’air et de l’espace dont ils profitent.

« Ici, nous nous sentons bien. Les gens ont quitté leur région parce qu’il n’y avait plus de paix. Ici, il y a la paix », témoigne une jeune fille assise sous un arbre. Une autre confirme la présence significative des Touaregs dans le quartier : « les habitants d’ici appellent Sirakoro, « Sourakabougou », en faisant référence à nous » (terme générique faisant référence aux Maures, les Touaregs étant appelés en bambara « Bourdamé, ndlr). Les ressortissants du Nord, surtout de Kidal, et des habitants issus du Sud ou du Centre du pays cohabitent en symbiose à Sirakoro.

« Petit Kidal » est l’autre surnom de «Sourakabougou » où les Touaregs sont clairement plus nombreux qu’ailleurs à Bamako. « On ne peut pas faire trois rues sans rencontrer un Tamasheq ici. Nous-mêmes quittons souvent Faladié ou d’autres quartiers de Bamako pour venir ici », affirme un jeune touareg. Pendant les fêtes et autres cérémonies, comme les mariages et baptêmes, on se croirait presqu’à Kidal. Les festivités artistiques avec guitares et tendé sont célébrées comme dans le terroir natal. Une atmosphère qui témoigne d’une réelle nostalgie d’un retour chez soi. Un jeune Kidalois explique ce sentiment: « Ici ne peut pas être Kidal. Tu le sais, chez toi, ce n’est pas comme ailleurs. C’est là que tu es né. Tu as la nostalgie de certains oueds, de certains marigots. On a tous la nostalgie de chez nous ».

Les répercussions sociales de la crise qui a commencé en 2012 ont contraint certains Touaregs à quitter la capitale. Mais, après l’orage, c’est maintenant la petite Kidal leur lieu de prédilection. « Depuis que nous sommes revenues, nous nous sentons à l’aise ici, Dieu merci! Nous aurions préféré être chez nous. Mais, en vérité, chez nous tout est détruit » regrette cette Touarègue.

 

Nord du Mali : Le nomadisme en danger

Les populations nomades, qui représentent environs 7 % de la population, se retrouvent sous le feu croisé des conflits qui agitent le Nord. Leur mode de vie itinérant est durement impacté par les crises et le manque de développement régional.

Le rapport du secrétaire général de l’ONU de décembre 2016, sur la situation au Mali, notait que le nombre de déplacés s’établissait à environ 36 700 personnes au 31 octobre et que le nombre de réfugiés maliens ayant quitté le Mali pour des pays de la sous-région était passé de 134 000 à 136 000, en raison du climat sécuritaire.

Saignée Parmi eux figurent nombre de nomades, contraints d’abandonner leur mode de vie traditionnel en raison du contexte économique et des crises sécuritaires. Les exactions commises par les groupes armés et parfois les bavures des forces de sécurité, comme en novembre 2016 où une opération de Barkhane a occasionné la mort d’un enfant de dix ans, ont contribué à mettre sur les routes des familles parties chercher refuge ailleurs. « Il y a une grande saignée des pasteurs nomades dans la région de Kidal, et un repli vers la frontière algérienne, qui est moins riche en pâturages, mais plus sécurisée », explique Mohamed, un habitant de Kidal.

Conditions difficiles Le mode de vie des nomades et leur mobilité dans le désert est confronté au manque d’accès aux services publics, même en milieu semi-sédentaire, aux aléas climatiques qui assèchent les terres, appauvrissent les nappes phréatiques, et déciment le bétail. « Les nomades ont besoin d’investissements, que les routes de pâturage soient protégées, de davantage de puits, d’un meilleur accès à l’équipement, à la médecine et à l’éducation vétérinaire », explique Sidi, employé d’une ONG dans la région de Kidal.

Le fonds pour le développement régional, promis lors de la conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali, tenue à Paris le 22 octobre 2015, traîne le pas. L’absence d’organisme de développement régional opérationnel et d’une présence forte des autorités publiques a ralenti le versement des contributions annoncées.

Pour ces populations qui foulent, depuis des siècles, ces territoires sans droit sur le sol ni sur les ressources, et dont l’itinérance reste un idéal de vie, l’avenir semble flou, figé, car ils ne savent plus si le futur leur permettra d’être « nomade » au sens plein du terme.

 

 

 

 

 

Il y a une grande saignée des pasteurs nomades dans la région de Kidal, et un repli vers la frontière algérienne

 

 

 

 

 

 

Velléités indépendantistes d’hier à aujourd’hui

Au Mali, le demi siècle d’indépendance a été marqué par des remous politiques divers, dont les plus récurrents ont été les revendications indépendantistes dans le nord du pays, d’abord calmées par la force, puis par des solutions politiques.

Comme dans bien d’autres pays, l’histoire politique du Mali est jalonnée de révoltes vis-à-vis de l’État central, que sous-tendent des velléités indépendantistes. Selon l’écrivain et chercheur Ismaïla Samba Traoré, parler de velléités indépendantistes dans le contexte malien fait penser aux récurrentes rebellions dans le nord. Même si, poursuit-il, il y a eu à Ouelessebougou en 1968, la révolte d’une communauté contre les représentants du parti unique, l’Union soudanaise – Rassemblement démocratique africain (US-RDA), qui a été réprimée. Et le village de Sakoïba (près de Ségou), a été rayé de la carte quand les « gens y ont pris les armes contre l’État ».

Contre-vérités Pour Naffet Keïta, professeur de sciences sociales, la recrudescence des rebellions dans le septentrion « apparaît indiscutablement comme l’une des constances majeures de la vie politique malienne depuis le milieu des années 50, dans ce qui était alors le Soudan français ». De fait, la question touarègue s’enracine, en 1957, dans la création de l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS). Les velléités indépendantistes entretenues par la France, et incarnées par Mohamed Mahmoud Ould Cheick, dit le « Cadi », comme l’a rappelé l’universitaire allemand Baz Lecocq à la conférence « Frontières et indépendance en Afrique », ont été mises en échec par le chef de la tribu Touareg des KelAnsar, Mohamed El Mehdi ag Attaher, alors Amenokal de Tombouctou. Ce qui fait dire à beaucoup de cadres Touareg que les travaux de Baz Lecocq sont une contre-analyse à l’idée reçue selon laquelle cette communauté aurait toujours manifesté des velléités indépendantistes.

Recrudescence En 1963, éclatait la première rébellion qui a placé le nord sous tutelle militaire jusqu’en 1990, date à laquelle le conflit reprend. Ce fut également le cas en 2006, puis début 2012, avec la rébellion menée par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers le centre du pays avec la création, fin juin, de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ), et celle, à Bamako, d’une coordination des mouvements peuls dirigée par l’ancien président de l’Assemblée nationale, Ali Nouhoum Diallo, qui met en garde contre le fait que les « groupes armés peuls peuvent très rapidement développer des thèses indépendantistes dans le centre du Mali ».

Le pouvoir et les rebelles touaregs ont officiellement signé un accord

Après onze jours de négociations, les autorités de transition et les groupes touaregs du nord ont paraphé ce mardi 18 juin un texte intitulé « Accord préliminaire à  l’élection présidentielle aux pourparlers inclusifs de paix au Mali ». Objectif : permettre un retour de l’Etat dans le nord, tout en considérant les revendications des groupes qui tiennent la zone. L’accord a été signé, pour Bamako, par le ministre de l’administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, et par Bilal Ag Acherif et Algabass Ag Intalla au nom des deux mouvements touareg, en présence du président burkinabè, Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne. Encore quelques « détails techniques » L’ONU a rapidement salué cette annonce. « Il s’agit d’un premier pas, il est maintenant important que les signataires se tournent vers l’avenir et continuent leurs efforts, main dans la main, en vue d’une mise en oeuvre concrète de cet accord qui doit commencer immédiatement de manière coordonnée et paisible », a réagi Bert Koenders, le représentant du secrétaire général de l’ONU au Mali. Selon lui, « en pratique, les parties doivent encore discuter des derniers détails techniques en ce qui concerne les problèmes de sécurité, le retour de l’administration, des services essentiels aux populations dans la région de Kidal, et la préparation (de la) prochaine élection présidentielle » dont le premier tour est prévu pour le 28 juillet. « Une fois ces conditions réunies, c’est à  ce moment-là  qu’un dialogue inclusif pourra s’instaurer, impliquant non seulement le gouvernement, les groupes armés, mais aussi tous les Maliens », a-t-il précisé, en se disant « encouragé par l’engagement des parties à  la réconciliation nationale et la résolution des différends par le dialogue ». Le retour de l’armée prévu à  Kidal Le processus prévoit un cessez-le-feu immédiat, un cantonnement des combattants du nord du pays et un redéploiement des forces de sécurité du Mali dans la zone. Le tout sous l’encadrement de la Minusma et de la force française Serval, afin d’éviter le moindre débordement. Dans un premier temps, la commission mixte pourrait décider du retour de gendarmes, de médecins mais surtout de membres de l’administration capables d’organiser l’élection présidentielle. Car le temps presse : le premier tour est toujours prévu le 28 juillet. En contrepartie, les autorités de transition de Bamako s’engagent sur la seconde phase de l’accord. Soixante jours après son élection, le nouveau président du Mali aura la lourde tâche d’organiser des pourparlers de paix plus consistants, notamment pour définir le statut administratif de l’Azawad et les stratégies de développement de la zone. Pour obliger les deux camps à  tenir leurs engagements, l’ensemble de ce long processus qui s’engage sera encadré et suivi de près par les Nations unies. Les rebelles touareg se sont installés fin janvier à  Kidal à  la faveur de l’intervention militaire française contre les groupes islamistes armés liés à  Al-Qaida. Les djihadistes avaient pris en 2012 le contrôle du nord du Mali, s’alliant d’abord au MNLA, qui avait lancé l’offensive, avant d’évincer ce mouvement dans la région.

Mali : les secrets d’une guerre éclair

Ce lundi 14 janvier 2013, dans le salon vert qui jouxte le bureau du chef de l’Etat, le débat est intense. François Hollande a réuni le deuxième conseil de défense depuis le déclenchement de l’intervention au Mali, trois jours plus tôt. Les principaux protagonistes de la plus importante action militaire menée par la France depuis un demi-siècle sont présents : Jean-Yves Le Drian, Laurent Fabius, le général Puga, conseiller militaire du président, l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, et les patrons des services secrets. Tous sont d’accord sur un point : malgré la mort d’un officier français, le début de l’opération Serval est un succès. Les frappes des Mirage 2000 et des hélicoptères ont stoppé la descente des djihadistes vers le sud. Mais, sur la suite de l’intervention, les opinions divergent. A la table du conseil, deux logiques s’affrontent. « L’amiral Guillaud souhaitait concentrer tous les efforts vers un seul but : frapper Aqmi le plus fort et le plus loin possible, dit un important responsable français. Le président, lui, voulait aussi des victoires symboliques, la prise de villes, pour rassurer l’opinion publique. » Il y a un autre différend. « L’état-major imaginait une guerre façon Otan, dit un officiel de haut rang. C’est-à -dire lancer l’offensive vers le nord une fois seulement toute la logistique parvenue sur le terrain. » Obsédé par le risque d’enlisement, François Hollande veut, lui, rogner sur les délais au maximum, mener une « guerre à  la française ». Le 14 janvier, l’amiral Guillaud prévient que l’acheminement du matériel et des 4 000 hommes au Mali va prendre deux semaines. Il ajoute qu’il prévoit de libérer une seule ville, Gao, la plus facile à  prendre. « Non, il en faut deux, dit François Hollande, Gao et Tombouctou. » L’amiral répond que cela ne pourra se faire que fin février. « Fin janvier », ordonne le président de la République, qui refuse toute pause. Un pari risqué – qui sera gagné grâce à  plusieurs facteurs. Les amis à  la rescousse L’aide des alliés est indispensable. « Avec ses moyens propres,assure un officier, l’armée française ne serait pas parvenue à  tenir les délais fixés par le président. » Elle manque cruellement d’avions de transport et de moyens de renseignement. Le drone Harfang n’est pas encore opérationnel. Pour suivre les déplacements en temps réel des 2 000 djihadistes, les militaires n’ont que des ULM et de vieux appareils Atlantic. Les Britanniques viennent immédiatement à  leur rescousse. Dès le lendemain des premières frappes, ils mettent un avion de renseignement dans le ciel malien. Les Etats-Unis sont moins rapides. Un mois avant, Jean-Yves Le Drian a bien obtenu, en secret, un accord de principe pour le déploiement de drones américains, en cas d’intervention. « Mais certains drones dépendaient de la CIA, d’autres du Pentagone et le superavion de surveillance, Global Hawk, d’un commandement en Italie », raconte un haut responsable. Il faut coordonner le tout. Si bien que, pendant une semaine, les militaires français n’ont pas d’images de l’ennemi vingt-quatre heures sur vingt-quatre. « Pour les avions-cargos, on a loué des Antonov 124 à  des sociétés privées russes et ukrainiennes, dit une source à  la Défense, mais il n’y en avait pas assez. » Les Belges et les Allemands en fournissent quelques-uns, mais pas suffisamment. Après trois semaines de tergiversation, la Maison-Blanche accepte de mettre des C-17 à  la disposition de Paris. « Les alliés nous ont fait gagner trois semaines dans le déploiement des forces et deux semaines dans les frappes », estime-t-on au ministère de la Défense. Les erreurs des djihadistes L’intervention est d’autant plus rapide que les djihadistes font de mauvais choix tactiques. « Nous avions prévu que la prise de Tombouctou durerait cinq jours, confie-t-on à  la Défense. Mais ils ont fui et, en un jour, tout était fini. » « S’ils avaient décidé d’organiser la résistance à  Gao et Tombouctou, il nous aurait manqué deux compagnies », précise un officier. Les djihadistes n’ont pas non plus l’idée de poser des bidons vides sur la route. »Nous aurions dû envoyer une équipe de déminage pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’engins explosifs. A chaque fois, cela nous aurait retardés de plusieurs heures. » « Pendant quelques jours, ajoute un autre responsable, nous tenions le pays avec seulement trois compagnies d’infanterie. S’ils nous avaient harcelés, nous aurions beaucoup souffert. » Mais, à  part une brève embardée vers l’ouest, les djihadistes choisissent de filer vers leur citadelle de l’Amettetaà¯, au nord. « Ils ont cru que nous ne les attaquerions pas là -bas », conclut-il. Tuer Sanogo ? Alors qu’ils commencent à  tenir le pays, une question taraude les Français. N’ont-ils pas là  l’occasion de régler l’épineux problème Sanogo ? Le capitaine de l’armée malienne, auteur du coup d’Etat de mars 2012, gène bigrement Paris. Il risque de vouloir reprendre le pouvoir et de mettre à  mal toute la stratégie de l’Elysée. Que faire de lui ? « Le tuer ? Certaines capitales africaines nous l’ont demandé, et nous nous sommes interrogés, reconnaà®t un responsable français. Mais on ne l’a pas fait de peur d’aggraver la situation politique. » On préfère le neutraliser. On lui donne un titre ronflant, président du Comité de Suivi de la Réforme de l’armée. Des Africains lui proposent un exil doré. En vain. Sanogo reste. Les encombrants journalistes Très vite, la France doit gérer un autre problème : l’information. Les journalistes reprochent à  l’armée de les empêcher d’aller dans les zones de combat. Paris rejette la faute sur l’armée malienne, « qui a peur des enlèvements ». Non sans raison : « On a intercepté des communications qui indiquaient que, lors de leur raid du 9 février à  Gao, les djihadistes voulaient prendre des journalistes en otage », révèle un officiel français. Ce n’est pas toute la vérité. Furieux d’avoir à  agir aussi vite, les militaires refusent de s’encombrer de la presse. Avec le pouvoir politique, c’est donnant-donnant : on fonce, mais sans journalistes. De toute façon, quoi montrer ? Menée surtout par les forces spéciales, la guerre se résume à  des accrochages violents entre des petits groupes, alors le ministre gonfle l’importance des opérations. « Quand Le Drian annonçait une offensive, ça se résumait à  trois véhicules blindés », dit un militaire. Sus au Quai-d’Orsay ! Début février, une autre guéguerre fait rage à  Paris. Depuis la chute de Gao et de Tombouctou, le ministère de la Défense n’en démord pas : les diplomates sont trop mous, ils ne feraient rien pour régler le dossier de la réconciliation entre le pouvoir central malien et le mouvement indépendantiste du Nord. Du coup, les militaires redoutent de se retrouver coincés longtemps au Mali, à  cause d’un abcès de fixation, à  Kidal, troisième ville du Nord, tenue par les séparatistes touaregs du MNLA. « Fin janvier, la France pouvait exiger du pouvoir à  Bamako qu’il négocie avec ces rebelles, assure-t-on à  la Défense. A ce moment-là , le président Traoré aurait signé n’importe quoi. » Pourquoi avoir laissé passer cette opportunité ? « Vous vouliez que l’on fasse comme Foccart ? », demande, agacé, un haut diplomate, en référence au « Monsieur Afrique » de De Gaulle. La querelle entre la Défense et les Affaires étrangères se solde le 21 mars par la désignation d’un bouc émissaire : l’ambassadeur de France à  Bamako, Christian Rouyer, qui est débarqué. « Il ne convenait pas pour un tel poste en Afrique,juge un officiel, il aurait été parfait comme ambassadeur en Finlande. » La victoire des militaires est complète puisque ce sont eux qui soufflent le nom de son successeur, Gilles Huberson, un ancien de Saint-Cyr qui a déjà  pris langue avec le MNLA. Le MNLA, un allié gênant Les diplomates ont du mal à  digérer les reproches des militaires : si Kidal pose problème, disent-ils, c’est parce que le MNLA est protégé par la DGSE . « Les services secrets ont besoin de ces Touaregs parce qu’ils ont des liens avec les preneurs d’otages », lâche un responsable français. Pour la chasse aux djihadistes aussi, ils sont utiles, du moins le croit-on. A ce sujet, Jean-Yves Le Drian reconnaà®t que les Français « se coordonnent » avec le groupe touareg dans la guerre contre Aqmi. En vérité, « entre le MNLA et la France, il y a un deal historique : parce que c’était une force laà¯que qui a pour ennemis les terroristes islamistes, la DGSE les aide depuis dix ans », admet un haut responsable français, confirmant ce que « le Nouvel Observateur » avait révélé il y a un an. A Bamako, la mise sous protection française du MNLA agace. On reproche aux « libérateurs » de s’être alliés à  ces rebelles considérés comme responsables de la crise. Une attitude jugée d’autant plus incohérente que, selon un officielmalien, « le MNLA a vendu à  la France plus de beurre qu’il n’avait de lait ». De fait, au Quai-d’Orsay, on reconnaà®t qu' »ils ont été moins utiles qu’on ne l’avait espéré », notamment pour préparer l’assaut dans l’Amettetaà¯. 700 djihadistes tués C’est là , tout au nord du Mali, dans une vallée de 10 kilomètres sur 20, que débutent, en mars, les affrontements les plus violents. L’Ametteta௠est la citadelle des djihadistes. « Depuis trois ans, nous avions repéré qu’ils s’y étaient sédentarisés », dit un responsable. Il y a là  400 personnes, des jardins potagers et un important stock d’armes prises à  l’armée malienne en 2012 et « un peu en Libye ». « Ils avaient mis en place des canons, des lance-roquettes, mais ils ne savaient pas s’en servir, explique un officier. L’Ametteta௠a été leur péché d’orgueil. Ils ont affirmé que ce serait la mère de toutes les batailles et ils ont perdu. » Selon le ministère de la Défense, 130 djihadistes ont été tués durant ces combats-là . Aqmi y a subi une très lourde défaite militaire et psychologique. « Il a perdu la face vis-à -vis des leaders d’Al-Qaida. Et pour les jeunes tentés par le djihad, le Sahel est désormais beaucoup moins attractif que la Syrie », affirme la même source. Mais la menace n’est pas totalement écartée pour autant. Depuis le début de l’opération Serval, 600 à  700 djihadistes sont morts. Il en reste donc plus de 1 000 dans la nature. O๠? « Une moitié s’est fondue dans la population et a renoncé (provisoirement ?) au combat ; l’autre s’est dispersée plus au nord ou dans les pays limitrophes », assure une source au ministère de la Défense. Nos amis tchadiens Dans ce combat inachevé, les alliés tchadiens ont été « très utiles », reconnaà®t-on à  la Défense. C’est de N’Djamena que décollent les Mirage 2000 qui frappent les djihadistes dès le 11 janvier. Et 2 000 soldats tchadiens, seules troupes de la région aguerries au désert, sont employés au nettoyage de l’adrar des Ifoghas, le bastion d’Aqmi. Ils vont payer le prix fort : au total, 38 morts contre 6 côté français. Ont-ils servi de chair à  canon ? Nul ne l’admettra, bien sûr. A Paris, on voit dans ce nombre élevé de tués le résultat d’une « erreur tactique ». « Les Tchadiens ont voulu prendre imprudemment un piton et des tireurs les ont alignés. » A N’Djamena, on invoque « une culture de combat basée sur le risque et sur l’homme ». Quoi qu’il en soit, le président tchadien saura tirer les dividendes de son alliance avec Paris. Alors qu’il accueillera en héros les 700 premiers soldats de retour au pays, il arrêtera des opposants sans que l’Elysée ne proteste bien fort. Guéguerre à  l’Onu La France ne s’embarrasse pas de détails. Elle est pressée de partir et veut passer au plus vite le témoin à  une force de l’ONU. Les Américains acceptent à  une condition : que la France conserve sur place des troupes antiterroristes. « Pas plus de 300 hommes », dit Paris, qui veut que cette force dite « parallèle » soit commandée par un Français et que celui-ci ne prenne pas ses ordres à  l’ONU. A New York, les fonctionnaires tiquent. Ils veulent plus de soldats français et un commandement onusien. Un compromis est trouvé le 25 avril. Une résolution du Conseil de Sécurité crée une force de maintien de la paix de 12 600 hommes, la Minusma, et une force d’appui d’environ 1 000 soldats français. Sous commandement national, ces derniers interviendront « à  la demande du secrétaire général des Nations unies », mais « notre feu vert ne sera pas automatique », précise-t-on à  Paris. Comprenne qui pourra. Autre imbroglio toujours en suspens : le choix du commandant de la Minusma. Le président tchadien réclame le poste pour son fils adoptif, qui vient de rentrer duMali . A Paris, « on souhaite que ce soit un Africain… compétent ». Des élections au forceps La France devrait bientôt tourner la page de la guerre – du moins le croit-elle. La force onusienne doit se déployer le 1erjuillet. Le but : sécuriser l’élection présidentielle prévue pour le 28 juillet. Bien qu’elle s’en défende, la France a imposé ce calendrier très serré. Hollande se dit « intraitable » sur le sujet. Quitte à  ne pas entendre tous ceux qui jugent ce scrutin prématuré (qui va se dérouler en plein ramadan !). Le secrétaire général de l’ONU a émis de sérieux doutes quant à  sa faisabilité et sa légitimité. « Il n’a pas une meilleure connaissance du Mali que nous », répond un diplomate français. »Seul un gouvernement légitime pourra mener la réconciliation », argumente un autre. Et puis les Etats-Unis subordonnent la reprise de leur aide au Mali au retour d’un pouvoir démocratique à  Bamako. Mais le sera-t-il ? Des négociations entre rebelles et pouvoir central ont enfin commencé. Le président par intérim, Dioncounda Traoré, a promis à  Paris qu’il »ne reconquerrait pas Kidal [le sanctuaire des rebelles touaregs] par les armes ». Mais il a récemment changé de ton : »L’armée doit être à  Kidal avant le premier tour », a-t-il dit, laissant ainsi planer le spectre d’une nouvelle guerre civile. Le pire des scénarios pour la France.

La question de Kidal toujours en suspens

C’est presque un ouf de soulagement général qui a traversé les acteurs de la crise au Mali, à  l’annonce officielle par les autorités maliennes de la tenue du premier tour de l’élection présidentielle le 28 juillet. La confirmation de ce scrutin, sur lequel repose de nombreux espoirs de normalisation de la situation, répond notamment à  la demande pressante de Paris, qui s’était dit « intraitable » sur le calendrier électoral. Pour François Hollande, le Mali doit se doter d’un président légitime, qui ait autorité pour entreprendre la transition. Cependant de nombreux observateurs regrettent la précipitation de ce scrutin : les problèmes logistiques restent importants, la situation sécuritaire n’est pas stabilisée, les tensions communautaires ne sont pas éteintes et surtout, la situation de Kidal n’est pas réglée. Le nom de cette ville du Nord du Mali est sur toutes les lèvres depuis des mois. Les rebelles touaregs du MNLA (Mouvement de libération nationale de l’Azawad) et du MIA (Mouvement islamique de l’Azawad, une dissidence des islamistes d’Ansar Dine), qui tiennent la ville, refusent que l’armée et l’administration malienne y pénètre. Difficile du coup d’y organiser un vote… Or l’élection doit se tenir sur l’ensemble du territoire, pour éviter tout risque d’aggravation de la situation. Laurent Fabius, qui s’est rendu à  Bamako dans la soirée du mardi 29 mai, a réaffirmé que « pour la France, il est évident qu’il ne peut y avoir deux pays dans un même pays. Les dispositions seront prises pour qu’à  Kidal, on puisse voter comme partout ailleurs ». Pour résoudre ce problème principalement, des discussions ont été entamées depuis lundi à  Ouagadougou avec le médiateur et président burkinabé Blaise Compaoré. Pression de Bamako Comment donc parvenir à  un accord ? Compaoré est à  pied d’œuvre, avec les autorités maliennes et les Touaregs. L’opération devrait se dérouler par étapes. Selon une source à  l’AFP, il y aura des consultations séparées, puis des discussions avec les partenaires (France, ONU et Union africaine) et enfin un dialogue direct. Le MNLA a envoyé le chef Bilal Ag Cherif, Bamako sera représenté par Tiébilé Dramé et le MIA par son secrétaire général, Algabass Ag Intalla, au nom du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), organisation qui veut fédérer tous les groupes armés encore installés dans le Nord. Cette dernière a indiqué qu’elle ne s’opposerait pas à  la tenue d’élections, afin qu’un « pouvoir légitime » puisse être installé, ainsi qu’un « président élu », avec qui « il y aura des négociations sur l’avenir de l’Azawad ». Le MNLA de son côté avait indiqué se tenir prêt à  permettre la tenue du scrutin mais a réclamé qu’il soit sécurisé par l’ONU et non par l’armée malienne. L’entrée des militaires semblaient donc, voici quelques jours, une option encore écartée. Sauf que lundi, le chef de l’Etat malien par intérim, Dioucounda Traoré, de passage à  Paris, s’est voulu plus ferme et a assuré que « l’armée malienne doit être à  Kidal avant le premier tour […] Nous sommes déjà  engagés dans un processus de dialogue. Kidal sera libérée ». Réelle intransigeance ou simple coup de pression avant le début des négociations ? Cette déclaration a en tout cas froissé quelque peu les Touaregs à  qui a été proposé que seule l’administration malienne pénètre dans la zone, provisoirement. Un compromis possible L’enjeu à  Ouagadougou doit, a priori, se concentrer sur un accord intérimaire. « Cela peut-être une solution transitoire, le temps du scrutin », admet une source diplomatique française. « Il y a une urgence, ce sont les élections. Cela implique une administration civile qui puisse fonctionner sans avoir la peur au ventre. Ensuite on pourra avoir quelque chose de plus complet… », explique la même source. Et de reconnaà®tre : « Il n’y aura certainement pas un transfert général de compétences du jour au lendemain entre le MNLA qui exerce réellement sur la zone et le retour plein à  la souveraineté malienne dans toutes ses formes ». Paris, impatient de voir reprendre les négociations, se dit enfin « relativement optimiste » depuis que le médiateur est entré dans les discussions. Selon une autre source proche de l’Elysée, « les autorités maliennes ont donné des signes forts de vouloir pousser le dialogue et la réconciliation avec des groupes comme le MNLA ». Avant d’ajouter : « il y a aussi une compréhension du côté du MNLA qu’il faut que leurs revendications soient raisonnables ». Le rôle de la France Reste à  savoir quel sera le rôle de la France dans l’organisation de ces élections. Toujours en première ligne, même sur le plan politique, elle devrait jouer un rôle de supervision, bien qu’elle se défende de toute implication dans les affaires maliennes. « Dans certaines régions compliquées, l’administration malienne doit être transportée et aidée. Le mandat des Nations unis n’est pas un mandat de supervision des élections, mais la sécurisation sera le fait de la Minusma installée », explique une source diplomatique avant de préciser : « On aidera si nécessaire ». Si les Maliens restent reconnaissants envers François Hollande pour son intervention, la France supporte quelques critiques sur son indulgence envers le MNLA, désigné par les populations comme les principaux responsables de la crise. La France a en effet toujours ménagé un acteur encombrant mais précieux. Fins connaisseurs de la région, les Touaregs ont proposé leur aide pour aider la France à  débusquer les djihadistes, voire pour retrouver les otages français. De nombreux membres du MNLA séjournent souvent en France, alors même que des mandats d’arrêt ont été lancés contre eux par Bamako. Paris a toujours démenti tout traitement particulier. « Les discussions à  Ouagadougou vont permettre à  d’autres groupes que le MNLA de s’exprimer. Tous ont vocation à  participer au dialogue ». Reste un problème non résolu pour la France : le désarmement des groupes touaregs. Au quai d’Orsay, on indiquait qu’il était nécessaire que le MNLA dépose les armes et pourquoi pas, que le mouvement devienne un parti politique. Cette hypothèse n’a pour l’instant pas été reprise et des mesures de cantonnement ne sont pas l’ordre du jour. « La ligne des Touaregs fluctue, mais il est certain que nous ne pouvons pas souhaiter un parti armé », indique un responsable diplomatique. « Nous souhaitons que toutes les forces qui se disent politiques soient désarmées pour qu’elles puissent entrer dans un cadre démocratique. Si le MNLA devenait un parti politique, ce serait positif ». Si un accord n’est pas trouvé à  Ouagadougou, le calendrier électoral pourrait être chamboulé.

Mali : l’atout touareg pour libérer les otages français

Mohammed Moussa Ag Mohammed et Oumeà¯ni Ould Baba Akhmed. Les deux hommes ont été arrêtés dimanche près de la frontière algérienne. Non par l’armée malienne, ni par l’armée française, mais par le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad). Du moins le groupe indépendantiste touareg le revendique-t-il. Tout comme il affirme vouloir les mener dans la ville de Kidal, o๠sont actuellement positionnés à  la fois combattants touaregs et militaires français. Une étrange cohabitation, peut-être même une collaboration, dont les termes sont pour le moment très flous. Des renseignements précieux pour Paris «C’est le hasard des événements, déclarait lundi sur RFI le député malien Ibrahim Ag Mohammed Assaleh, en charge des relations extérieures du MNLA. Les militaires français savaient que nous étions à  Kidal lorsqu’ils sont arrivés. C’est comme ça que les choses ont avancé.» Aucun accord officiel, donc, mais «je pense bien qu’il devrait y avoir des opérations communes, du partage de renseignements, d’informations.» Un échange qui pourrait commencer très vite, puisque le MNLA semble disposé à  remettre ses prisonniers de marque aux Français. Les captifs pourraient détenir des renseignements précieux pour Paris, notamment sur les otages retenus au Sahel. «Le moment est venu de les libérer»,a lancé François Hollande aux ravisseurs samedi, lors de sa visite au Mali. Sans négocier, a-t-il pré­cisé sur un ton qui sonnait comme une menace. C’est que, justement, les sept otages français, enlevés par Acmi et le Mujao, pourraient se trouver au nord de la ville de Kidal, plus précisément dans le massif des Ifoghas, fief des combattants touaregs du MNLA. Une hypothèse «probable», selon le ministre français de la Défense, Jean-Yves le Drian. Et qui pourrait expliquer à  la fois la présence et la discrétion des forces françaises dans cette ville, aux confins du Nord-Est désertique malien. Chasser les groupes islamistes armés Dans le sud du pays, o๠l’intervention française menée à  Kidal sans associer l’armée malienne passe mal, tout le monde croit à  un accord entre Paris et le MNLA: la France servirait de médiateur entre le groupe rebelle et Bamako, en échange de son aide pour obtenir la libération des otages. Rien ne permet d’affirmer qu’un tel accord existe. François Hollande s’en est défendu samedi, à  Bamako: «La France n’a pas vocation à  s’ingérer dans le processus politique malien, a-t-il déclaré. Il ne nous appartient pas de faire des choix politiques pour le Mali.» Mais, même sans accord, il est clair que la promptitude du MNLA à  soutenir les efforts français dénote à  tout le moins une volonté de se faire bien voir de Paris. Depuis dès mois, les indépendantistes touaregs – qui demandent aujourd’hui un nouveau «statut» pour le nord du Mali, et non une indépendance immédiate – clament leur disponibilité à  combattre au côté des forces libératrices pour chasser les groupes islamistes armés. Une proposition qui n’avait jamais reçu de réponse officielle mais qui semble aujourd’hui prendre forme. «Tout prêt» des sept captifs C’est autour de Kidal, dans le massif des Iforas, que seraient détenus les sept otages français au Sahel, selon Paris. à‰voquant leur sort samedi, François Hollande a jugé que «les ravisseurs doivent comprendre que le moment est venu de libérer les otages», ajoutant que les forces françaises au Mali en étaient désormais «tout près». Le président nigérien Mahamadou Issoufou a aussi jugé dimanche que les quatre Français enlevés au Niger en septembre 2010 étaient «vivants» et «probablement» dans le nord du Mali, «vers la frontière avec l’Algérie, dans les montagnes des Iforas». Enfin, lundi, le général nigérian Shehu Abdulkadir, commandant en chef de la Mission africaine (Misma), a évoqué sur BFMTV une opération franco-africaine de libération des otages: «La Misma est en train de préparer quelque chose. (…) Nous y travaillons. Je ne veux pas vous révéler la teneur de nos plans. On garde ça pour nous, pour l’instant.»

La revanche des milices plane sur le Mali

Longtemps, Mopti, au centre du Mali, fut une frontière qui ne disait pas son nom. Une ville clé entre le pays du Sud et celui du désert au Nord. Dans ses rues sablonneuses, au bord du Niger, on croisait des paysans du Sud comme des commerçants touaregs ou arabes du Nord. Aujourd’hui, plus un Touareg ne se risque dans la cité. «Ils sont tous partis. Il n’y a plus un Arabe ou un Touareg blanc ici. Rester aurait été trop dangereux pour eux», dit-on à  Mopti. La guerre est passée par là . Désormais on se méfie de tout le monde. Des rumeurs courent d’une infiltration par des forces ennemies. «Il est évident qu’ils ont des complices en ville», lance un gendarme. Pour éviter toute confusion mal venue, les barbus ont été vivement encouragés à  se raser sans délai. «C’est mieux. Même pour les Noirs», souligne Oumar Bathily, le maire de Mopti. La conquête, en mars 2012, du Nord malien par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), une rébellion essentiellement touareg, a cristallisé les vielles ranC’œurs communautaires. Que le MNLA ait ensuite été chassé par Ansar Dine, le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) et Aqmi, qui ont recruté dans les populations noires, ne change pas grand-chose. Aux yeux des Maliens, les islamistes restent essentiellement arabes et touaregs. «C’est vrai qu’il y a des Noirs dans leurs rangs. Mais cette rébellion est avant tout une affaire de Touaregs», tranche ­Ibrahim Diallo. L’homme, serré dans un uniforme, semble un rien mal à  l’aise. Il lui a fallu à  la hâte reprendre le flambeau de son frère, Hamadou Seydou, le chef historique des Ganda Izo, les «Fils de la terre», tué l’an dernier dans un combat contre le MNLA. Sa milice peule fut fondée en 1994 lors de la seconde rébellion touareg. «Nous sommes là  pour défendre les intérêts de notre communauté qui a été oubliée. Les armes à  la main s’il le faut.» Une dimension identitaire Chassé de sa ville natale proche de Gao, Ibrahim a monté un camp d’entraà®nement à  Sévaré, o๠il s’est réfugié. Pour l’instant, il le reconnaà®t, ses troupes n’ont ni armes ni équipement. «Mais il faudra bien que le gouvernement nous contacte. C’est nous qui connaissons les hommes et le terrain», rêve-t-il, tout en assurant du bout des lèvres «qu’il ne s’agit pas de se venger». Djibril Diallo n’a pas ces précautions de langage. Le chef des Ganda Koy, un autre groupe d’autodéfense, majoritairement songha௠celui-là , exige que les siens soient intégrés dans les barrages. «Ceux qui peuvent s’infiltrer sont des Noirs. Nous, on sait les reconnaà®tre». Pour les Touaregs blancs, la difficulté est moindre car, dit-il «les Touaregs sont tous complices des islamistes». Selon lui, Gao et Tombouctou ne sont pas des villes touaregs ou arabes. «Là -bas, ils ne forment qu’une petite minorité. Ils vivent autour et nous dans le centre», insiste-t-il, écartant toute possibilité de cohabitation future. En quelques phrases, à  mots lents, il remet en cause toute la politique de réconciliation nationale mise en place au Mali depuis 1992. «Le gouvernement n’a fait qu’aider les Touaregs. Ils ont eu les postes dans l’administration, dans l’armée et de l’argent. Et nous rien. Pourtant, ils ont continué à  faire la guerre. Il faut que ça cesse.» Une critique qui semble trouver un assez large écho. «Il y a un risque d’exactions évident contre les civils dans les villes libérées. Il y a dans ce conflit une dimension identitaire qu’il ne faut pas négliger», souligne Amadou Ould Abdallah, un ancien responsable de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest. La France avertie à€ Sévaré, la colère est restée contenue. «Il n’y a pas eu d’attaques contre des civils. On a juste noté quelques arrestations pour des vérifications d’identité qui, dans le contexte, n’étaient pas déplacées», assure Modibo Toungara, le responsable d’un camp de réfugiés nordistes. Le président de la communauté arabe du Mali, Mohammed Mahmoud el-Oumrani, se veut, lui aussi, rassurant. «Nous savons qu’il y a eu des problèmes avec des soldats dans la ville de Niono. Mais nous faisons confiance à  l’armée pour que cela s’arrête.» Dans sa voix, une pointe d’inquiétude subsiste. La France n’ignore rien du danger des violences qui pourraient éclater dans les semaines à  venir. «Les vengeances et l’épuration sauvage sont l’un des plus grands problèmes que nous rencontrerons», analysait un diplomate avant le début du conflit. Le plan de déploiement de la force africaine élaboré par l’ONU prévoyait des formations et des inspecteurs pour limiter les débordements. Dans l’urgence de la guerre, ces précautions ont été oubliées.

Mali: des dizaines de morts depuis vendredi dans les combats islamistes-touareg près de Gao

C’est un véritable carnage, il y a eu des dizaines de morts, a affirmé une source sécuritaire malienne, information confirmée par des témoins sur place et par les groupes armés qui se sont combattus, Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Les combats se sont concentrés dans la zone de Ménaka, ville située à  l’est de Gao, près de la frontière avec le Niger. Il faut une véritable enquête internationale pour savoir ce qui s’est passé à  Ménaka, a déclaré la source sécuritaire malienne, en affirmant que des corps étaient toujours visibles dans la ville. Bajan Ag Hamatou, député de la localité de Ménaka, a indiqué que des membres de sa tribu (touareg) qui défendaient la ville contre le Mujao, ont été tués, dont Alwabégat Ag Salakatou, président d’un conseil d’élus et de notables de la ville et six de ses compagnons. Selon le député, ces notables tués avaient l’étiquette MNLA, mais en réalité, ils étaient des patriotes locaux qui voulaient défendre leur ville contre les islamistes. Dans plusieurs communiqués diffusés depuis vendredi, le MNLA a donné un bilan global de 65 morts dans les rangs du Mujao et d’Al-QaIda au Maghreb islamique (Aqmi), venu en renfort, et de un mort et treize blessés dans les siens. De son côté, le porte-parole du Mujao Abu Walid Sahraoui a affirmé que son mouvement avait tué plus de cent éléments du MNLA et fait vingt prisonniers.

« Le peuple de l’Azawad a droit à une vie digne, responsable et paisible »

Excellence, Monsieur Le Président En Exercice de l’Union Africaine Dans le cadre de vos hautes fonctions, vous êtes appelé au chevet du Mali, en difficulté, de par la faute de ses dirigeants politiques. Leurs parodies de démocratie et de bonne gouvernance sont aujourd’hui mises à  nu. Ils ont été incapables, en cinquante ans, de construire une nation plurielle. Dans l’état actuel de déliquescence de l’Etat malien, ses dirigeants sont enclins à  utiliser l’Azawad comme exutoire. Vous prenant à  témoin, je voudrais leur faire observer que le défi n’est pas de « reconquérir une partie du territoire national occupé par des bandits armés » ou de veiller jalousement sur le résultat du dépeçage colonial, mais de renouveler le vouloir vivre ensemble, sur des bases saines. Cette volonté de vivre ensemble est l’essence de la nation ; elle est reconnaissance des différences, en vue de les transcender. Nous avons toujours réclamé un tel dialogue : incapables de sagesse parce que dans le registre de la ruse, les personnes en charge du dossier n’ont répondu que par des manœuvres de division, l’envoi de forces militaires, les pogroms et les exactions de toutes sortes. Nous sommes encore habités par une double conviction : le peuple de l’Azawad a droit à  une vie digne, responsable et paisible ; il ne fera l’économie d’aucun sacrifice pour y parvenir. seul un dialogue sincère et respectueux, fondé sur une conscience collective de la nécessité de la paix et de la justice, permettra d’épargner à  nos peuples les affres d’une guerre de faibles. Un tel dialogue requiert humilité et lucidité. Le peuple malien a connu d’autres difficultés très graves (coups d’Etats, révoltes autres que celles des Touaregs, etc.). A ces occasions, nous n’avons pas assisté à  un rejet des revendications, mais plutôt, la prudence, le dialogue et l’écoute ont été mis en avant pour les résoudre, car le sentiment qu’il s’agit d’une partie de la nation meurtrie et déchirée a prévalu. Je suis fortement convaincue que si le problème du Nord était considéré de la même manière, sa résolution n’en sera que plus rapide. Je voudrais rappeler ici que des groupes armés d’intégristes et de narcotrafiquants écument la bande saharo-sahélienne depuis plus d’une décennie, sous le regard impuissant, indifférent, indulgent ou complice des Etats de cette région. Ils constituent une menace gravissime pour l’Azawad. Les Touaregs ne sont ni intégristes ni trafiquants : nous lutterons de toutes nos forces contre ce double péril. Je vous adresse cette lettre alors que votre pays reçoit la conférence des Ministres des Affaires à‰trangères Afrique-Pays Scandinaves. Connaissant l’attachement de ces Européens à  la paix, vous nous permettrez, Excellence, de les associer pleinement, eux et toute la communauté internationale, à  notre appel aux dirigeants maliens : les voiles sont tombés et plus rien n’empêche, dans le cadre d’un dialogue construit, de reconnaà®tre le calvaire que le peuple de l’Azawad endure depuis plus de trois générations, de reconnaà®tre son aspiration à  la liberté et la dignité, de croire en sa capacité d’être responsable de son destin, de vivre en paix avec tous ses voisins. Excellence, Monsieur Le Président, l’Afrique, C’’est aussi les peuples, la finalité, d’o๠les à‰tats tirent leur légitimité. Ils doivent être écoutés, au-delà  de leurs à‰tats. Plus de 300,000 Touaregs sont réfugiés dans les pays voisins, fuyant les exactions de l’armée et des milices maliennes qui n’ont jamais cessé et qui ont déjà  emporté des milliers de femmes, d’hommes, de vieillards, d’enfants, qui n’ont eu le tort que vouloir vivre en paix sur leurs terres. Appeler à  une intervention militaire sur leur sol d’un peuple, sans l’avoir consulté n’est pas porteur de paix durable. Veuillez agréer, Excellence Monsieur Le Président En Exercice de l’Union Africaine, l’expression de ma plus haute considération. Nouakchott, le 4 juin 2012 Zakiyatou Oualett Halatine, Refugiée en Mauritanie

Nina Wallet Intalou, la pasionaria indépendantiste des Touareg maliens

Le salon de Nina Wallet Intalou, dans le quartier Las Palmas Extension de Nouakchott, accueille toutes sortes de visiteurs: un jeune colonel du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) en convalescence, des partisans, des journalistes, une chercheuse française et des diplomates, avides d’informations. A votre tour, ce lundi 16 avril, passé la cour de la maison o๠flotte, à  l’abri des regards, le drapeau de l’Azawad (un triangle jaune et trois bandes vert, rouge et noir), elle vous entraà®ne à  part en tapotant sur un sofa: « Nous voulons notre indépendance, ou une fédération avec un référendum dans cinq ou dix ans, pas l’autonomie. Ce serait revenir en arrière, et nous sommes fatigués. » Trois mois après le début de la rébellion touareg qui a abouti à  la partition du Mali et à  la proclamation de l’indépendance du nord du pays, l’Azawad – reconnue par aucun Etat -, les négociations ont officiellement débuté, le 15 avril, entre le mouvement indépendantiste et les autorités de Bamako. Des pourparlers d’autant plus délicats que les djihadistes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et leurs alliés ont profité de l’insurrection touareg pour s’imposer sur le terrain, en prenant le contrôle des principales villes du Nord, Tombouctou, Gao et Kidal. Mais après une première rencontre avec les responsables du MNLA, tard dans la soirée, Tiébilé Dramé, l’émissaire du nouveau président malien par intérim Dioncounda Traoré, en a tiré une conclusion: « Nina, C’’est l’homme fort du groupe. » « AQMI COMBAT NOTRE CULTURE » Membre du bureau exécutif du MNLA, dont la plupart des membres se sont exilés dans la capitale mauritanienne, Nina Wallet Intalou, 49 ans, est l’une des principales figures du mouvement. La seule femme, aussi. Incontournable. Drapée dans une malafa noire brillante, la robe voile traditionnelle au Sahara, une cigarette à  la main, son sourire masque l’inquiétude d’un échec: « AQMI est en train d’occuper notre territoire, même les hommes ne peuvent plus fumer. » « Ils combattent notre culture et donc notre identité, poursuit-elle, et le Mali n’a jamais rien fait contre eux. Ils veulent nous effacer, avec la complicité de l’Algérie. » Fille d’un infirmier-major de la gendarmerie réputé, issue de la puissante tribu des Idnane, cette militante élevée entre Kidal, sa ville d’origine, Gao et Mopti, part dès 1984 en Côte d’Ivoire avec pour mission de sensibiliser à  la cause touareg les frères africains. Elle y épouse un riche homme d’affaires, dont elle aura trois enfants, reprend ses études et, une licence en droit public en poche, fonde, à  26 ans, sa société de construction, avec 250 salariés, qui lui assure le monopole de nettoyage des cabines téléphoniques d’Abidjan. Divorcée, elle revient au nord du Mali. Mais, bien qu’élue maire de Kidal en 1997, Nina Wallet Intalou n’a jamais pu exercer ses fonctions. « Les islamistes, qui commençaient à  s’installer dans la région, ne voulaient pas d’une femme. A l’époque, ils venaient surtout du Pakistan et créaient les prémices des katiba[unités combattantes]; les Algériens ne sont arrivés qu’en 2003, explique-t-elle.J’ai attendu huit mois. Tous les cadis et marabouts traditionnels avaient tranché en ma faveur. Mais finalement, C’’est un homme qui a été nommé à  ma place. » En guise de consolation, Alpha Oumar Kondaré, alors président du Mali, lui offre un poste de conseiller territorial. « UNE GRANDE HAINE CONTRE KADAFHI » On prête à  la gracieuse et ambitieuse Nina, divorcée une deuxième fois et distinguée par un prix d’excellence américain, des amants célèbres, de Félix Houphouà«t-Boigny, son beau-frère, à  Mouammar Kadhafi, alors qu’elle prend plusieurs fois la route de Tripoli à  partir de 1998, pour rencontrer les Touareg maliens au service de l’ancien Guide libyen. « Ah ça, je n’ai jamais été sa maà®tresse !, s’offusque-t-elle. J’avais une grande haine contre cet homme quand je voyais comment il utilisait les Touareg pour combattre au Tchad ou ailleurs. Kadhafi les trompait en leur disant qu’ils faisaient partie de l’armée libyenne, mais en réalité, ils étaient maltraités. » Proche du chef militaire du MNLA, Mohamed ag Najim, elle voue une haine toute aussi tenace au Touareg malien Iyad ag Ghali, devenu chef du groupe islamiste radical Ansar Eddine, allié à  AQMI. « En 1990, [lors de la première révolte touareg], il était notre leader, raconte-t-elle. Ensuite, il a voulu être le secrétaire général du MNLA, mais nous avons refusé car il avait déjà  des liens avec AQMI, je ne sais pas si C’’est par conviction ou par opportunisme, sans doute les deux. » « QUE LES OCCIDENTAUX s’IMPLIQUENT » Le mouvement indépendantiste, qui voit d’un très mauvais œil les tentatives de négociations amorcées depuis peu par Bamako avec le chef de file d’Ansar Eddine, assure qu’il cessera toute discussion si le gouvernement, désormais dirigé par cheikh Modibo Diarra, « négocie avec des terroristes ». « On ne pourra jamais pardonner à  Ag Ghali, il nous a fait trop de mal », assène Nina Wallet Intalou. Exaspérée, elle tance: « Il faudra que les Occidentaux s’impliquent et nous donnent les moyens, ils donnent bien des millions pour libérer des otages. Depuis des mois, on nous promet une aide, mais rien, rien! Nous avons pourtant du pétrole, de l’uranium mais on nous laisse entre les griffes de ces gens! » « Hier, poursuit l’égérie du MNLA, de Tombouctou, on me disait que les djihadistes ont ouvert un camp militaire. Ils proposent à  des jeunes de leur donner un véhicule, une arme. Quelqu’un qui était à  dos d’âne se retrouve avec un 4à—4, C’’est comme ça qu’ils embobinent les gens. » Dans quelques jours, tous les dirigeants du MNLA devraient se réunir au Mali. Nina Wallet Intalou en sera.

Gao meurtrie

Profitant du putsch de Bamako, rebelles touareg et groupes islamistes, parmi lesquels des éléments d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi) ont pris en fin de semaine le contrôle des trois principales villes du nord du Mali, Kidal, Gao et Tombouctou, sans rencontrer de résistance de la part d’une armée malienne sous-équipée et désorganisée, coupant de fait le pays en deux. La prise de la ville de Gao (classée comme la 2ème région militaire du Mali), dans la nuit du 31 mars au 01er avril dernier, a surpris plus d’un. Pis, elle a été et continue d’être le théâtre de toutes les exactions ; à  savoir vol, pillage, pillage, meurtre… , obligeant la population à  s’exiler. Le triste scénario qu’offre ainsi Gao interpelle à  plus d’un titre. En effet, outre la paralysie de l’activité économique, l’administration publique se trouve inopérante. Les hôpitaux et aires de santé ne fonctionnent plus. Conséquences : des centaines de personnes ont vidé les lieux accourant vers des cieux plus cléments. Après une brève interruption par les bandits armés, le trafic s’est quelque peu rétabli. Du coup C’’est la ruée sur Bamako ou autre localité. Certains sont partis vers Ansongo, Ménaka, à  la frontière nigérienne. Pris au piège Tout de même, ne sachant o๠donner de la tête, certains ont tout de même décidé de rester. «Â Je ne sais o๠aller. J’avais centré tous mes efforts sur ici en y mettant tous mes biens immobiliers », s’indigne Malamine Sylla fonctionnaire à  l’Office de protection des végétaux à  Gao. Et ce médecin ayant trouvé refuge à  Bamako d’ajouter, « J’ai construit une maison à  Gao. Mes deux véhicules ont été emportés. C’’est triste de tout perdre et me retrouver bredouille » Selon une source habitant la ville de Gao, la cité des Askias n’est plus viable. Les habitants ayant choisi de rester sont privés d’eau. La seule centrale thermique qui alimentait la ville ne fonctionne plus à  cause du manque de carburant. «Â Il n’ya plus de carburant, les boutiques sont fermés, l’activité économique est paralysée ». A cela, il faut ajouter des milliers de d’habitants de Gao ont quitté la ville. «Â Nous préférons braver les intempéries que de rester, sous les balles, dans une ville qui ne vit plus ». Les chrétiens chassés des lieux Selon une source chrétienne, des hommes armés ont détruit la mission et l’église des Pères blancs. Du coup, la peur a gagné la communauté chrétienne de Bamako. «Â La chasse aux chrétiens de Gao est ouverte depuis que la ville est tombée entre les mains de la rébellion, samedi. Les Pères blancs de la ville ont échappé de peu à  la mort »,  alerte une source informée à  Bamako. Dès la chute de la ville, ils ont été informés qu’ils étaient «Â sous la menace de “barbus” »  et ont décidé de quitter la ville le lendemain. Quelques heures plus tard,  poursuit-elle, des hommes armés sont arrivés. Ils ont forcé la porte, exigé du gardien qu’on leur livre les prêtres pour les égorger et fouillé la maison. Furieux de les avoir ratés, ils ont brûlé l’église, brisé les statues et les ornements religieux. Tous les témoignages que J’ai recueillis vont dans le même sens : des islamistes s’en prennent aux chrétiens dans le nord du pays ». Comme quoi, Gao va vraiment mal. Le capitaine Amadou Sanogo, chef de la junte malienne, a appelé les Occidentaux à  intervenir militairement dans le nord du Mali, contre les groupes islamistes armés, dans un entretien publié jeudi dans les quotidiens français Libération et le Monde. Sera-t-il entendu ?

L’Azawad est né

Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), principal organisation des rebelles touaregs, a déclaré ce vendredi l’indépendance du Nord-Mali. NOUS, PEUPLE DE l’AZAWAD, Par la voix du Mouvement National de Libération de l’Azawad après concertation avec : Le Comité Exécutif, Le Conseil Révolutionnaire, Le Conseil Consultatif, l’Etat-Major de l’Armée de Libération, Les bureaux régionaux Rappelant les principes du droit international et les principaux instruments juridiques internationaux régissant le droit des Peuples à  disposer d’eux-mêmes, notamment, la charte des Nations Unies en ses articles 1 et 55, les dispositions pertinentes de la déclaration internationale des droits des peuples autochtones ; Considérant, la volonté explicitement exprimée dans la lettre datée du 30 mai 1958 adressée au président français par les notables, guides spirituels de toutes les composantes de l’AZAWAD ; Considérant qu’en 1960, à  l’occasion de l’octroi de l’Indépendance aux peuples Ouest-Africains, la France a rattaché sans son consentement l’AZAWAD à  l’Etat malien qu’elle vient de créer ; Rappelant les massacres, les exactions et humiliations, spoliations et génocides de 1963, 1990, 2006, 2010 et 2012, qui ont visé exclusivement le peuple de l’AZAWAD jusqu’au 1er avril 2012 ; Rappelant, le comportement inhumain du Mali qui a utilisé les différentes sécheresses (1967, 1973, 1984, 2010….) pour faire disparaitre notre peuple par anéantissement alors même qu’il a sollicité et obtenu une aide humanitaire généreuse ; Considérant l’accumulation de plus de 50 ans de mal gouvernance, de corruption et de collusion militaro politico financière, mettant en danger l’existence du peuple de l’AZAWAD et en péril la stabilité sous-régionale et la paix internationale ; Considérant, la libération complète du territoire de l’AZAWAD ; Proclamons irrévocablement, l’ETAT INDEPENDANT de l’AZAWAD à  compter de ce jour Vendredi 06 Avril 2012. DECLARONS : La reconnaissance des frontières en vigueur avec les états limitrophes et leur inviolabilité ; l’adhésion totale à  la charte des Nations Unies ; l’engagement ferme du MNLA à  créer les conditions de paix durable, à  initier les fondements institutionnels de l’Etat basés sur une Constitution démocratique de l’Azawad indépendant. Le Comité Exécutif du MNLA invite l’ensemble de la Communauté Internationale dans un élan de justice et de paix à  reconnaitre sans délais l’Etat de l’AZAWAD Indépendant. Le Comité Exécutif du MNLA jusqu’à  la mise en place de l’Autorité du Territoire de l’AZAWAD continuera à  assurer la gestion de l’ensemble du territoire. GAO – 06/04/2012 SECRETAIRE GENERAL-MNLA BILLAL AG ACHERIF

MNLA : Fin de la progression ?

Dans quelques jours, ils vont proclamer l’indépendance de l’Azawad. D’après eux, ils ont libéré le nord au profit des populations touaregs. Après avoir pris Kidal, Gao, Tombouctou, les indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ont décidé de rendre les armes. Est-ce pour autant la fin de la menace pour ceux qui croyaient que les rebelles allaient continuer leur progression vers Bamako. D’après une source à  Tombouctou, Douentza qui se trouve entre la région de Tombouctou et celle de Mopti,sur une distance d’environ 200km, serait la limite des rebelles, même si des mouvements avaient été signés à  Mopti. Plusieurs ressortissants de la Venise malienne, se sont réfugiés à  Bamako, de peur d’être la cible d’attaques rebelles. A Bamako, la nouvelle est accueillie avec prudence. «Â  C’’est une bonne chose de savoir qu’ils vont s’arrêter là , mais va-t-on les laisser nous prendre la moitié du pays ? », s’inquiète Ali, un commerçant. Alors que le Collectif des ressortissants du Nord a appelé à  la reconquête des régions du nord, lors d’une assemblée tenue à  Bamako le 4 avril, les rebelles n’entendent pas négocier avec la junte du capitaine Sanogo qu’ils jugent illégitime : «Â  Ce n’est pas un capitaine sans expérience, qui va nous faire reculer…», déclarait Mossa Ag Attaher, l’un des porte- parole du MNLA. Au même moment, la junte se débat à  Bamako entre les partis politiques qui réclament son départ et l’embargo de la CEDEAO, qui réclame le retour à  l’ordre constitutionnel sans délai, avec un appel à  une intervention étrangère au Nord… Le Mali abandonné La France par la voie de son ministre des Affaires Etrangères, Alain Juppé se dit préoccupée par la progression de l’islamisme au nord du pays, mais la France n’interviendra pas au Mali militairement. , a déclaré Juppé Rappelons qu’Aqmi détient encore 6 otages français au nord du pays, ce qui compromet une quelconque ingérence française au Mali. Tout au plus peut-on espérer une aide logistique de la France ? Même son de cloche du côté des Nations-Unies qui se contente d’exiger un retour à  l’ordre constitutionnel. Tout comme l’Union Africaine qui a émis des sanctions contre les membres de la junte. l’Union Européenne appelle aussi à  un cessez-le-feu, sans toutefois une suspension de ses aides. Malgré tout, l’appel du capitaine Sanogo à  une intervention militaire étrangère au Mali, sonne vide face à  une communauté internationale unanime à  condamner le régime pris par les armes. Dans ce cafouillis, les rebelles se préparent à  s’autoproclamer «Â état indépendant » au nord du pays. Dans la Venise malienne, des scènes de pillage et même de viol sur des femmes de Gao ont été dénoncés par des ressortissants de la ville. Certains habitants joints par téléphone refusent même de parler, alors que les ONG dénoncent une situation humanitaire critique, qui touche près de 90 000 déplacés. Voici le témoignage poignant d’un salarié d’une Ong qui a requis l’anonymat : «Â A Gao la situation est catastrophique, les rebelles ont pillé tous les services techniques, l’hôpital régional, les banques et même la Croix Rouge et le Programme Alimentaire Mondial (PAM). Il n’y a plus d’eau, d’électricité de médecins dans la ville. Les gens sont terrés chez eux et malgré cela, les rebelles entrent dans la ville pour braquer les familles, et violer les femmes la nuit…Les rebelles volent même les véhicules qu’ils chargent de provision et sont toujours à  l’intérieur de la ville qu’ils ratissent carré par carré ! » Notre interlocuteur ajoute aussi qu’il cherche à  quitter la ville, sa femme et lui. Des cars de la compagnie Binke transport sont chaque jour acheminés à  Gao et se remplissent de voyageurs décidés à  fuir le climat de peur qui règne à  Gao. «Â A Gao, il n’y a plus rien d’intéressant à  Gao, à  par la peur », conclut notre témoin joint par téléphone. MNLA, Ançar Dine, la nouvelle donne Fi de Bamako, le MNLA a un autre concurrent. Le mouvement Ançar Dine du chef islamiste Iyad Ag Ghaly. Ce dernier consolide son emprise sur la ville sainte de Tombouctou et aurait d’ores et déjà  fait appliquer la charia sur place. Du coup, les rebelles se sont repliés dans certaines zones de Tombouctou. Leur nouvel ennemi n’est plus Bamako mais l’ingérence d’Ançar Dine dans leurs affaires. Mais pour cet éditorialiste, les liens sont évidents : « Des complicités locales, des alliances temporaires, chacune cherche à  avoir le contrôle dans les zones du nord. Sans parler de la proximité d’AQMI ». Alors les gesticulations du capitaine Sanogo à  Bamako laissent le mouvement rebelle complètement indifférent. Pour le moment.