Union africaine : 60 ans après, quel bilan ?

La date est symbolique. Ce 25 mai 2023, le continent célèbre les 60 ans de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), devenue l’Union africaine (UA) en 2002. Avec quelques avancées, même si elle peine encore dans la mise en œuvre de ses priorités stratégiques, dont le cap est fixé à l’horizon 2063, l’Union africaine doit aujourd’hui également faire face à d’autres défis.

« Notre Afrique, notre futur ». Ce slogan, consacré pour la célébration de la Journée de l’Afrique cette année, où le continent fête les six décennies de la création de l’Organisation de l’unité africaine, montre à quel point l’espoir d’un avenir meilleur pour l’Afrique reste encore une priorité, même s’il l’était déjà lorsque les Pères des indépendances africaines portaient l’Organisation sur les fonts baptismaux le 25 mai 1963.

Des avancées

Certains analystes soulignent des avancées dans la marche du continent vers le progrès et l’unité depuis 1963. Pour Seidik Abba, journaliste et écrivain, elles sont beaucoup plus visibles sur les plans de l’intégration des communautés économiques régionales et de la volonté politique des États-membres.

À l’en croire, les choses sont lentes, mais elles avancent. « Il y a beaucoup de résultats qui ont été obtenus depuis que l’Union africaine a remplacé l’Organisation de l’unité africaine en 2002 », soutenait-il en juillet dernier sur un média étranger lors des 20 ans de l’UA.

Dr. Abdoul Sogodogo, spécialiste des relations inter-États, est du même avis. « On constate un changement de paradigme. Si l’OUA avait mis la focale sur l’indépendance du continent, l’UA a travaillé à la mise en place d’un système de sécurité collective sur le continent africain et initié un Nouveau partenariat pour le développement (Nepad). Le Nepad et les mécanismes de sécurité collective (Aspa) marquent la volonté du continent de prendre en main son destin ».

Dans son rapport de mandat 2017 – 2021, la Commission de l’Union africaine faisait ressortir en matière d’intégration régionale, son attachement à stimuler le commerce intra-africain, à faciliter la libre circulation des personnes et à renforcer les mécanismes de responsabilisation dans le domaine de l’agriculture.

Comme étapes importantes vers cette intégration, le rapport mettait en exergue l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine ( Zlecaf), le lancement du Marché unique du transport aérien africain (Saatm), la création du Mécanisme africain de coopération policière (Afripol), dont le siège est en Algérie, l’adoption du Protocole sur la libre circulation et du passeport africain et la mise en place du Mécanisme d’examen biennal pour l’Agriculture.

Encore du chemin

Si l’OUA avait montré ses limites dans l’atteinte de ses objectifs et donné naissance à l’UA, qui a depuis pris le relais, cette dernière a été vite confrontée aussi à un handicap majeur, celui de la multiplication des conflits sécuritaires sur le continent. Au début des années 2000, il n’y avait pas de crise aussi grave que celle que connaît le Sahel aujourd’hui. Cette situation a, selon certains observateurs, ralenti les efforts de l’Union dans d’autres domaines vers l’atteinte de ses objectifs, puisque désormais la résolution des crises sécuritaires sur le continent s’est imposée en priorité au fil des années.

Par ailleurs, selon Dr. Abdoul Sogodogo, l’unité du continent, l’un des objectifs majeurs de l’Union africaine, n’a pas encore été atteinte et l’organisation reste dépendante d’autres puissances mondiales. « L’Afrique est encore un objet du jeu international. D’autres acteurs, plus influents sur la scène internationale, sont encore déterminants dans les choix politiques et économiques de l’UA. En fait, l’UA reste dépendante du financement des puissances occidentales (UE, OCDE, USA, etc.) et même asiatiques (Sommet Chine – Afrique) », regrette le Vice-Doyen de la Faculté des Sciences administratives et politiques de Bamako (FSAP).

Pour autant, cet enseignant-chercheur n’est pas pour une réforme de l’Union africaine. « Je ne pense pas que des réformes soient nécessaires. Il faut juste plus de courage politique aux dirigeants africains, surtout aux chefs d’États », préconise-t-il

Mise en œuvre de la Zlecaf : bientôt un forum pour les entreprises

Du 16 au 19 avril 2023 aura lieu à Cape Town, en Afrique du Sud, la première édition du Forum des entreprises de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Un événement commercial qui vise à accélérer la mise en œuvre de la Zlecaf et à booster le commerce et les investissements en Afrique.

Initiative après initiative, l’Afrique entend mettre en œuvre la Zlecaf. Alors qu’elle était au menu des discussions du dernier sommet de l’Union Africaine, en févier, la mise en œuvre de Zone de libre change continentale sera de nouveau débattue lors d’un forum, en avril prochain en Afrique du Sud. Organisée par le gouvernement sud-africain en partenariat avec l’Union Africaine, la rencontre vise à faire de l’opérationnalisation de la Zlecaf « une opportunité pour l’émergence de grands entrepreneurs et jeunes industriels africains qui vont accélérer la transformation des économies africaines pour diversifier les sources de croissance ». À l’instar de nombreux pays africains, le Mali compte y prendre part. « C’est vrai qu’il y a la difficulté de la barrière de la langue. Et aussi dans les transferts bancaires. N’empêche, les entrepreneurs maliens doivent participer à ce forum pour plus s’ouvrir à d’autres domaines et pour promouvoir leur business », estime Aliou Traoré, Directeur général de la Société Mali Sanuw.

Le forum ciblera quatre secteurs d’activités en priorité : l’agriculture et l’agrobusiness, l’automobile et les pièces automobiles, l’industrie pharmaceutique, le transport et la logistique. « Il y a aussi d’autres domaines qui peuvent être développés lors des rencontres B2B. Pendant ce temps, les entrepreneurs maliens peuvent évoquer des domaines qui les intéressent pour qu’on leur facilite le business avec des entrepreneurs africains », explique la Vice-présidente chargée des Relations extérieures du CNPM, Mme Berthé Minian Bengaly. Selon elle, le Mali, pays à forte taux d’importation, a besoin de concrétiser la zone de libre échange afin de faciliter le commerce entre lui et les autres pays africains.

Dans l’optique de faciliter le déplacement des entrepreneurs du pays a eu lieu le 15 mars dernier à l’ambassade de l’Afrique du Sud au Mali une séance d ‘information sur le forum et sur l’obtention du visa sud-africain. « L’ambassade entend tout mettre en œuvre pour permettre au Mali de participer au forum, qui est une opportunité pour ses entreprises locales », assure Avumile Dlakavu, Conseiller politique de l’ambassade.

Commerce mondial : à la croisée des chemins

Mis à mal par les effets de la pandémie de covid 19, la guerre en Ukraine et le renchérissement du coût de plusieurs produits de base, le commerce mondial doit se relancer dans un contexte difficile où la solidarité internationale et la résilience des acteurs seront déterminants.

« Nous espérons qu’il y aura quelques améliorations à apporter », s’est notamment exprimée la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Dr Ngozi Okonjo- Iweala, dans un échange par vidéoconférence avec des journalistes francophones le 15 décembre 2022. Evoquant le changement climatique, les sécheresses dans beaucoup de parties du monde sans occulter les tensions géopolitiques qui ont un effet sur le commerce, elle est revenue sur les discussions avec certains membres de l’OMC quand à la relocalisation des chaînes de production et la fragmentation.  Même si les discussions ne sont pas encore abouties, elle espère que le recours à ces pratiques qui ne favorisent pas la résilience, ne sera pas effectif.

Renforcer les accords régionaux

Abordant la zone de libre échange du continent africain (Zlecaf), elle estime que c’est « un accord extrêmement prometteur qui pourrait faire la différence quand à la participation et à la place de l’Afrique dans le commerce mondial ».

Pour cela, le Continent doit élever au-delà du niveau actuel de 15%, les échanges interafricains. Mais surtout avoir de la valeur ajoutée sur les produits à exporter. Entre pays africains d’abord, puis entre ceux-ci et le reste du monde. Parce que le constat que les exportations concernent essentiellement des matières brutes et des produits de base. Car développer le commerce, suppose ajouter de la valeur.

Et c’est possible, parce que l’Afrique dispose d’atouts pour transformer et fabriquer d’autres produits. Comme les produits pharmaceutiques que nous importons en grande masse. A l’image des vaccins à 99% et tous les produits pharmaceutiques à 95%. Il faut à présent convaincre davantage d’industriels africains à investir sur le Continent.

Surtout qu’à l’issue d’intenses négociations une dérogation à l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, a permis « la fabrication et l’exportation rapide de vaccins contre la covid 19 sans le consentement du titulaire du brevet », s’était réjoui un acteur à l’issue de la CM12.

Quelques pays du continent ont une capacité plus ou moins faible et d’autres espèrent la mettre en place très bientôt. L’Afrique du sud est bien positionnée, le Sénégal avec une moindre capacité. Et d’autres comme la Tunisie, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Ghana veulent emboîter le pas. L’objectif étant que d’ici à 2 ans, le ccntinent puisse acquérir une capacité à produire et à utiliser les vaccins.

Revenant sur les conclusions de la CM12, la directrice générale de l’OMC a salué le premier accord de pêche sur la durabilité qui doit être ratifié par 2/3 des membres, et qui sera crucial pour sauvegarder les poissons des côtes africaines.

Alors que le système des règlements des différends où il n’y a pas eu d’accord, doit être reformé d’ici 2024.

ZLECAF : Afreximbank et ITC s’associent

Si sa date de mise en œuvre, fixée au 1er juillet 2020, n’est plus réaliste, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) continue de mobiliser les acteurs, qui s’y préparent. C’est dans cette perspective que la Banque africaine d’import export (Afreximbank) vient de conclure un partenariat avec le Centre du commerce international (ITC), agence conjointe de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des Nations Unies.

« Notre initiative conjointe avec l’ITC est un moyen proactif de soutenir la mise en œuvre de la ZLECAF et de fournir aux PME les outils nécessaires pour répondre plus efficacement aux défis économiques et sociaux posés par la pandémie mondiale », a expliqué le Directeur général de l’initiative pour le commerce intra-africain d’Afreximbank.

L’objectif est de former les dirigeants et propriétaires de micro, petites et moyennes entreprises (MPME) afin de les doter des connaissances et compétences nécessaires à un commerce transfrontalier efficace. L’occasion pour les « entreprises africaines,  d’apprendre, de planifier, de réussir et  de se développer en tirant parti de la ZLECAF ».

La formation, encadrée par Afreximbank Academy et gérée par la plateforme multilingue de l’Academy des PME de l’ITC, bénéficiera d’abord à trois pays : le Nigeria, le Rwanda et la Côte d’Ivoire.

Avec seulement 17% du taux global en Afrique, le commerce intra africain est sur une bonne dynamique et a connu une hausse de 5% en 2018.  Dans la perspective de la fin de la pandémie, il doit amorcer un nouvel élan.

Fatoumata Maguiraga avec La tribuneafrique