Location de voitures : quelle place pour les grands groupes ?

C’est un business qui marche au Mali : la location de voitures ne s’est jamais aussi bien portée, bénéficiant d’une demande exponentielle. Mais si les grands noms internationaux du secteur se taillent la part du lion dans certains pays, au Mali, ils doivent batailler pour avoir une part du gâteau.

Au Mali, le marché de la location de voitures se répartit globalement entre une clientèle internationale de courte durée, touristes et hommes d’affaires en déplacement, et une clientèle de résidents, nationaux ou non, qui pratiquent la location de courte ou longue durée. « Nous sommes visibles auprès des sociétés internationales qui nous contactent souvent via le site d’Avis lorsqu’ils ont besoin de solutions de location », explique Étienne Audeoud, directeur des opérations du groupe CFAO Motors, exploitant la marque au Mali. Avis propose en effet des véhicules pour des contrats allant de 12 à 48 mois depuis maintenant 3 ans.

Stratégie commerciale Même si la majeure partie de la clientèle malienne préfère les loueurs locaux, « aux tarifs plus abordables », chacun y trouve son compte car même si l’on doit noter le départ du groupe Europcar, les marques Avis et Hertz, structure franchisée par la Malienne de l’Automobile, sont bien présentes. La clientèle internationale continue en effet de s’adresser aux grands groupes par commodité mais aussi par sécurité, ces structures étant référencées par les autorités et plus à même de répondre en cas de manquements.

Avec un parc de 84 véhicules neufs pour la location, les tarifs longue durée d’Avis sont adaptés à la demande, tandis que le contrat courte durée pour une berline neuve est disponible à partir de 44 000 francs CFA TTC par jour avec chauffeur. Pour faire face à une concurrence locale qui pratique des prix jusqu’à 50% moins chers, les groupes internationaux ont décidé depuis peu de changer de méthode. Ils investissent désormais essentiellement le créneau de la location longue durée, où il sera difficile pour les structures locales de les suivre, dans la mesure où les standards ne sont pas les mêmes.

 

 

Oryx Énergies s’impose

Présent au Mali depuis 2009, Oryx Énergies est devenu un acteur incontournable du marché de la distribution de carburant. Grâce à son réseau de 23 stations, le groupe suisse étend son empreinte sur le marché malien et génère plus de 150 emplois directs et 200 indirects créés en huit années d’existence, comme s’en félicitait il y a quelques mois Mohamed Koné, directeur général, lors de la cérémonie d’ouverture de la 23è station au Mali. Présent dans 24 pays africains, Oryx Énergies achète et vend des carburants aux particuliers, mais aussi aux professionnels, et s’est développé au Mali essentiellement à travers le rachat du réseau de stations du groupe SNF, qui possédait de très bons emplacements à Bamako et sur les grands axes du pays.

Gagner du terrain Autrefois absent sur le marché institutionnel, Oryx Energies est désormais en train de grignoter des parts de marché à ses concurrents. Plusieurs ministères, notamment celui de la Défense et des Anciens combattants, avec 1 million de litres par an, ont signé avec le groupe des contrats de fourniture, en faisant désormais un acteur majeur du marché malien. Il participe également à l’approvisionnement en fioul et en lubrifiants de centrales de production électrique (60 MW).

Face à la concurrence de géants pétroliers Total et Shell, Oryx Énergies a su se faire une place sur un marché où la qualité devient la mesure. Selon un responsable du groupe, il doit sa notoriété et sa crédibilité sur le marché malien à sa chaîne de fabrique et de vente, mais aussi à une politique de commercialisation et de communication efficace, qui a permis, entre autres, de circonscrire les conséquences négatives du rapport du fuel frelaté où il était cité en 2016.

 

 

 

Automobiles : voici le made in Africa

Elles ont des noms qui fleurent bon le continent : Kantanka, Innoson… Elles sont conçues par des ingénieurs africains, réalisées par des ouvriers africains dans des usines d’Afrique. Le made in Africa dans le secteur de l’automobile est en plein essor et les Africains entendent bien imposer leurs produits locaux sur ce marché très concurrentiel, occupé jusqu’ici en majorité par les voitures d’occasion venues d’Europe et d’Asie.

Et elles ont tout ou presque pour réussir : design inspiré des modèles les plus achetés, robustesse adaptée aux conditions des routes africaines (chaleur, mauvais état des routes), sauf leur prix ! Bien souvent assez élevé, il est encore l’élément qui freine le développement d’une vraie industrie automobile sur le continent. Le premier pays africain à s’être lancé dans cette aventure est le Kenya. Depuis 1979, la Kenya Vehicle Manufacturers produit 60 000 voitures par an, autant des véhicules personnels que des gros modèles tels que les bus, utilisés en majorité en Afrique de l’Est. En Afrique de l’Ouest, c’est l’Innoson de l’homme d’affaires nigérian Innocent Chukwuma qui est produit depuis 2015 avec des pièces 100% nigérianes. Quant à la ghanéenne Kantanka, elle vient juste de souffler sa première bougie et commence à séduire un marché national en constante progression avec plus de 120 000 véhicules vendus chaque année. On ne devrait pas oublier à ce palmarès non exhaustif, la regrettée OumSang, produite par la star de la musique malienne Oumou Sangaré, en partenariat avec des hommes d’affaires chinois, qui n’a pas survécu à la crise de 2012-2013.

Comme les modèles en matières recyclées, en bambou ou en plastique, les voitures répondant aux normes internationales ont encore de la peine à percer. Malgré des aides gouvernementales, sous forme de taxes sur les véhicules importés comme au Nigéria, d’aide à la conception comme en Ouganda, ou encore des commandes pour les structures publiques comme au Ghana, les voitures made in Africa vont encore devoir batailler dur pour s’imposer.

 

 

Marché automobile : à chacun sa voiture ?

La circulation aux heures de pointe dans Bamako laisse en effet croire au postulat que chacun a sa voiture. Le nombre de véhicules évolue de manière exponentielle, que ce soit des voitures particulières, des gros véhicules ou encore des motocyclettes. La poussée de parcs de revente de voitures d’occasion indique également que devenir propriétaire est plus facile qu’avant. Baisse des coûts, simplification des procédures, multiplication et diversification de l’offre, le marché de l’automobile malien a de beaux jours devant lui. À condition que les infrastructures suivent, ce qui est loin d’être le cas.

5 kilomètres de bouchon, 2 heures de patience un lundi matin. Il n’en faut pas plus pour se rendre à l’évidence. Le parc automobile malien a explosé ces quinze dernières années. Selon les statistiques de la Direction nationale des transports terrestres, maritimes et fluviaux, il y a environ 350 000 véhicules en circulation sur le territoire malien, dont près de 75% pour la seule ville de Bamako. Pour l’année 2015, 46 283 nouvelles immatriculations ont été émises par les services concernés, contre 24 677 en 2013. L’augmentation de la demande, quel que soit le type de véhicule, est une donnée clairement recensée mais aussi celle de l’offre qui s’est démultipliée. « Auparavant, on n’avait pas de parcs à proprement parler à Bamako. Les commerçants allaient au port de Lomé, d’Accra ou de Conakry, pour chercher de bonnes occasions à revendre. Ils revenaient avec 4 à 5 véhicules qui trouvaient rapidement preneurs. Aujourd’hui, vous avez des importateurs qui ramènent des dizaines de voitures en une seule fois, et qui font eux-mêmes la commande dans les pays étrangers », explique Broulaye, revendeur.

Offre croissante Cette nouvelle donne a permis de démocratiser la profession et aujourd’hui, selon l’Association de revendeurs de voitures d’occasion (ARVO), il y a plus d’une centaine de parcs et autant, sinon plus, de revendeurs attitrés de voitures « venues », comme on les appelle encore. « Contrairement à avant, les véhicules sont en meilleur état, voire quasi neufs. La clientèle, en particulier les femmes, est devenue très regardante sur la qualité du produit, la finalité étant d’éviter au maximum les pannes après achat », affirme Nouhoum Sangaré, vice-président de l’ARVO. En une vingtaine d’années d’existence, la profession de revendeur a donc bien évolué. « Aujourd’hui, nous prenons nos billets pour aller en Europe, nous allons de pays en pays, sur les parcs des concessionnaires et dans les garages spécialisés pour acheter les voitures. Nous faisons les formalités et les expédions vers les ports voisins du Mali », confirme Berthé, revendeur au Badialan, l’un des parcs les plus importants de la ville de Bamako et qui regroupe plusieurs revendeurs. « Sans oublier Internet, poursuit-il. On peut voir des voitures partout dans le monde, commander et se faire livrer à Dakar. Pour ce faire, nous avons des partenaires de confiance dans la plupart des pays exportateurs. Ce sont eux qui gèrent l’aspect administratif ». Un business huilé qui nourrit bien son homme, si on en croit Nouhoum Sangaré. Même s’il lui est difficile de donner des statistiques précises, il peut dire qu’« au niveau du Badialan, nous vendons en moyenne 5 à 6 véhicules par semaine, cela dépend des périodes. Des fois nous en vendons plusieurs par jour. Il est vrai aussi que les vendeurs sont réunis sur un même site mais ils sont indépendants. Ils ne sont pas tenus de rendre compte, donc nous n’avons pas de statistiques fiables sur les ventes réalisées ». Sur le marché, certaines marques ont plus la cote que d’autres. « Ce sont les Toyota qui battent le record. En ce moment évidemment ce sont les Verso qui sont à la mode, après la vague des Avensis et des Corolla « Drogba ». « Ce sont les femmes qui lancent les tendances des achats. Ce sont elles le gros de la clientèle et nous suivons leur demande », explique Nouhoum Sangaré qui tient à noter une bizarrerie du marché malien : « les 4×4 Mercedes ne marchent pas. On ne sait pas pourquoi mais les gens ne les aiment pas. C’est très rare d’en vendre ici ». Quant aux prix, ils dépendent des marques et des types de véhicules. « Par exemple, la Toyota Yaris est autour de 3 500 000 ancienne et nouvelle version. Les Range Rover V8 neuves sont entre 40 et 60 millions, dépendamment de l’état du véhicule », conclut-il.

Chez les concessionnaires, on ne se plaint pas non plus, même si on reconnait que le secteur a connu de meilleurs jours. La concurrence des revendeurs n’a pas un impact particulier sur les affaires, « les revendeurs et nous, ne sommes pas dans la même niche ! Partout dans le monde il y a des revendeurs et des concessionnaires, parce qu’il y a des services que nous pouvons donner que les revendeurs ne peuvent pas offrir à leur clientèle. Nous représentons les fabricants et il y a ces choses que l’on peut faire et d’autres que l’on ne peut pas faire », explique Lamine Niang, premier responsable de la Malienne de l’Automobile. Avec ses pairs, il travaille à la mise en place d’une organisation regroupant les acteurs du secteur. « Notre profession est importante dans l’économie automobile et il est bon aujourd’hui de défendre nos intérêts », explique-t-il. Le marché de véhicules neufs contribue à moins de 10% de toutes les ventes de véhicules au Mali, mais comprend en effet de gros clients comme l’État et les organismes internationaux et est occupé par de grands groupes internationaux (CFAO Motors), mais aussi des acteurs locaux (La Malienne, Linco Automobiles, Japan Motors Mali, Carrefour Auto, Hyundai Mali), qui représentent des marques étrangères.

Un citoyen, une voiture ? « Aujourd’hui, presque tout le monde achète une moto à son enfant, tout le monde veut avoir son véhicule », déplore le directeur national des transports terrestres, maritimes et fluviaux. Pour Mamadou Koné, cette situation s’explique par le fait « qu’il n’existe pas de solutions de transport en commun efficiente ». « Les bus universitaires par exemple, existent mais sont largement insuffisants. Une compagnie de transport qui pourrait transporter les étudiants à des tarifs subventionnés serait une bonne chose », poursuit notre interlocuteur. Selon lui, ce sont aux collectivités de repenser leur politique de transports avec l’appui de l’État. « C’est la mairie qui vient en tête des acteurs concernés, parce que quand on vous paie en termes de vignettes, en termes de ressources d’impôt, en terme de billet d’accès dans le District, de carte d’autorisation de transport pour les Sotrama (6 000 francs CFA par mois et par véhicule, ndlr), vous vous devez d’assurer un minimum de service aux usagers ». Quelles solutions pour faire face à l’engorgement des routes, véritable frein à l’activité économique ? Un éventail d’actions est en cours de mise en œuvre. « Mais c’est le développement des transports qui ne suit pas. Imaginez combien de véhicules importés pour combien de routes construites. L’expansion de nos villes est aussi un problème. C’est donc une réflexion d’ensemble qu’il faut mener pour d’une part apporter des solutions efficaces aux usagers en terme de transport en commun urbain, mais aussi pour que les infrastructures existantes soient plus pérennes ». Les nouvelles normes de contrôle de surcharge mises en vigueur le 1er avril dernier participent à cet effort, selon Monsieur Koné.