Diawara Aoua Paul Diallo : « des dispositions sont en cours pour que nous ayons un climat social apaisé ».

Le gouvernement a organisé en octobre 2022 la conférence sociale qui a réuni les partenaires sociaux. Si les autorités sont satisfaites des objectifs atteints, elles doivent encore parvenir à un apaisement du climat social pour 2023. Car les préavis et les menaces de grève sont toujours sur la table. Madame Diawara, Aoua Paul Diallo, ministre du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social répond à nos questions.

La conférence sociale s’est tenue en octobre, a-t-elle comblé les attentes ?

La conférence sociale s’est tenue du 17 au 22 octobre 2022 au CICB. Au regard de la participation massive des partenaires sociaux, employeurs et organisations syndicales de travailleurs (centrales syndicales, syndicats libres et autonomes), nous pouvons affirmer qu’elle a comblé les attentes dans la mesure où les préoccupations majeures du monde du travail ont été discutées sans complaisance à travers trois thématiques centrales : la liberté syndicale ; le dialogue social ; la politique de rémunération et la gestion des carrières. Les objectifs de départ ont été atteints. L’objectif général de la conférence sociale dans le domaine du travail était d’identifier les moyens et mécanismes permettant d’aboutir à une stabilité sociale durable. De manière spécifique, la Conférence visait notamment à faire un diagnostic clair des causes réelles de la détérioration constante du climat social ; identifier les inégalités salariales et leurs causes pour plus d’équité et de justice sociale ; identifier les besoins de renforcement des capacités des acteurs tripartites ; favoriser l’élaboration et la signature d’un pacte de stabilité sociale… Au regard des 139 recommandations qui sont sorties des débats, l’objectif de départ a été largement atteint dans la mesure où leurs mises en œuvre permettent d’apaiser le climat social de façon durable. On peut citer entre autres la conclusion d’un pacte de stabilité sociale avec une trêve sociale, la création d’un conseil national de dialogue social, l’organisation des élections professionnelles, l’adoption des textes sur le droit de grève, les services essentiels, les services minimums en cas de grève dans les deux secteurs : public et privé, l’adoption d’une politique salariale dans la fonction, d’un plan de recrutement, etc.

Où en est-on de la mise en œuvre des recommandations ?

Après la conférence sociale, une commission d’experts a été mise en place composée des représentants des employeurs (CNPM), des syndicats de travailleurs (UNTM, CSTM, CMT, CDTM), des représentants des départements ministériels et de la personne ressource qui a présidé les travaux en plénière de la conférence sociale.

La commission a pour but la rédaction d’un projet de pacte de stabilité sociale et de croissance mais aussi, d’élaborer le plan d’actions de mise en œuvre des recommandations de la conférence sociale avec des activités, des résultats attendus, des indicateurs d’évaluation, et une périodicité de cinq avec des coûts financiers.

A ce stade des travaux de la commission, un avant-projet de pacte de stabilité sociale est disponible et sera soumis incessamment à un atelier national tripartite de validation avant sa signature par les acteurs auquel sera joint le plan d’actions quinquennal intégré des recommandations de la conférence sociale avec le pacte.

Il y a eu un accord sur l’application de l’article 39, peut-on dire que la crise est derrière nous sur ce plan ?

Comme vous le soulignez, la crise est derrière nous, dans la mesure où le gouvernement et la synergie des enseignants ont signé un PV de conciliation sur leurs revendications. Pour matérialiser l’accord intervenu, le gouvernement a pris en conseil des ministres la semaine dernière un décret octroyant la prime contenue. Les autres aspects des revendications feront l’objet d’un suivi commun en cas d’embellis dans les finances de l’Etat.

Le ministère doit tout de même gérer d’autres mots d’ordre ou menaces de grève, qu’en est-il ?

Effectivement, nous avons encore quelques mots d’ordre de grève, notamment dans le privé ou le parapublic. Des dispositions sont en cours pour une gestion définitive de ces cas et même au-delà de façon générale afin que nous ayons un climat social apaisé. Parmi ces dispositions, on peut citer la signature très prochaine du pacte social de stabilité et de croissance qui prendra en compte non seulement les recommandations de la conférence mais aussi et surtout les attentes des organisations syndicales.

Quelles seront les priorités pour votre département en 2023 ?

Les priorités, seront entre autres :la signature, la mise en œuvre et le suivi du pacte de stabilité ; l’application des recommandations de la conférence sociale ; la refonte du cadre juridique régissant le dialogue social ; la création d’un conseil national de Dialogue social ; l’adoption de la politique nationale de sécurité et santé au travail ; l’organisation des élections professionnelles de représentativité ; la relecture de la loi 87-47 sur la grève dans les services publics ; l’adoption des textes sur les services essentiels et les services minimums en cas de grève dans les deux secteurs : public et privé ;  l’adoption d’une politique nationale de rémunération dans la fonction publique ; l’adoption d’un plan de recrutement ; l’adoption d’un plan de formation des agents de l’Etat ; la relecture du statut général et du code du travail.

Education : début d’une grève de 120 heures

Les syndicats signataires du 15 octobre 2016 constatant que « le gouvernement n’a pas fait de proposition concrète allant dans le sens de l’élaboration d’une nouvelle grille pour les enseignants », ont donc déclenché une grève de 5 jours (soit 120 heures) à partir de ce 4 janvier 2022. Un nouveau round de négociations est prévu ce 5 janvier pour tenter de rapprocher les deux parties.

Les enseignants continuent de demander l’application de la loi N°2018-007 Du 16 JAN 2018, dont l’article 39 prévoit que toute augmentation sur le statut général sera appliquée de plein droit sur le statut des enseignants.

Mais l’ordonnance du 16 juillet 2021 qui a unifié les grilles, rend obsolète sinon abroge de fait la loi de 2018. A la place donc de l’article 39, le gouvernement a proposé l’octroi des primes et indemnités. Après plusieurs négociations, syndicats et gouvernement sont restés sur leur position, à savoir l’application de l’article 39 pour les enseignants et des primes et indemnités pour le gouvernement.

Dans le cadre des négociations, le gouvernement avait proposé des augmentations sur l’indemnité de responsabilité de 10% (De 3 000 à 8 000 FCFA), puis 15%, soit de (4 000 à plus de 7 000 FCFA). Face à l’impasse, les médiateurs ont proposé au gouvernement d’accorder la somme de 50 000 FCFA par enseignant comme prime de responsabilité.

Les autorités qui ont dit accepter le principe, selon M. Amadou  Coulibaly, secrétaire général du Syndicat national de l’éducation de base (SYNEB), attendent de s’y prononcer si les enseignants l’acceptent afin d’en discuter des modalités.

Concernant les enseignants, ils ont déclaré avoir pris acte de cette proposition. Ils doivent tenir une réunion cet après midi avec leur base avant une nouvelle rencontre prévue ce 5 janvier avec les autorités. S’ils n’ont pas encore  signé un procès verbal de non conciliation, les enseignants ont tout même déclenché leur mot d’ordre de grève. La poursuite du mouvement dépendant de l’issue des négociations prévues ce 5 janvier.

Même si  les enseignants  qui avaient élaboré une grille sur la base de l’article 39 et après l’ordonnance ayant adopté la grille unifiée, ont accepté de revoir leur plafond pour ne pas dépasser celui de la grille unifiée, le gouvernement opterait plutôt pour des primes et indemnités au lieu d’une nouvelle grille qui pourrait susciter des « envies » chez d’autres syndicats, confie un enseignant.