Les Rencontres de Bamako 12′: Une expression artistique et philosophique de la photographie

Du 30 novembre 2019 au 30 janvier 2020 Bamako va être la capitale du clic de la photographie africaine. Des flash, des expositions, des débats, des formations vont rythmer cette 12ème édition de la photographie africaine qui va souffler la douzième bougie de la naissance du projet. Plus de 85 artistes africains sont attendus dans la capitale malienne. Les préparatifs sont aux derniers réglages pour accueillir cet événement pour reprendre l’homme de culture Igo Diarra lors d’un entretien accordé à notre rédaction courant novembre 2019.  Autour du thème « Courants de conscience », la biennale ouvre ses portes ce samedi. 

La Biennale de la photographie africaine, encore appelée les Rencontres de Bamako est une idée de photographes du continent qui a vu le jour il y a 25 ans, en 1994. Dès lors, des prises de vues se sont multipliées dans différents pays, des flashes ont donné vie à l’obscurité qui ôtait la beauté des masques enfouis dans les bas-fonds de nos civilisations secrètes d’Afrique, les objectifs des appareils photographiques ont su d’une caresse sensuelle du pouce et de l’index, définir la meilleure image avant de l’immortaliser d’un clic du déclencheur.

 

Le Président Ibrahim Boubacar Keita, parrain de la 12ème édition des Rencontres de Bamako

D’oralité en oralité, la culture africaine et sa société dans son ensemble ont gardé leurs habitudes. Mais avec l’écriture photographique engagée, nos histoires sont sorties de la « chambre noire », une composante de l’appareil photographique pour se faire découvrir au grand jour, par le reste du monde.  Désormais et déjà depuis longtemps l’Afrique ou plutôt les enfants d’Afrique avec leurs « objectifs », racontent, proposent, dénoncent, construisent, promeuvent leur quotidien photographié dans des médias, des expositions et biens d’autres événements culturels.                                                      

Dans ces différents rôles et plus encore, s’inscrit la Biennale de la photographie africaine. Cette nouvelle édition que le Mali a le plaisir d’accueillir sur sa terre du 30 novembre 2019 au 31 janvier 2020, s’annonce à la fois étonnante, enthousiaste, philosophique, extravertie, interrogative et exclamative. Au regard du thème « Courants de conscience » retenu pour la 12ème édition, les organisateurs font un clin d’œil au premier morceau de l’album éponyme d’Abdullah Ibrahim et Max Roache, Streams of Consciousness (1977). Ils expliquent d’ailleurs le thème en disant que c’est une façon de « penser l’œuvre comme l’expression d’un monologue intérieur, comme un dialogue entre artistes, d’artiste à spectateur ou encore comme les réactions sensorielles de l’artiste face aux événements extérieurs. Il s’agit donc de porter une réflexion sur la notion de représentation du point de vue de l’artiste qui s’exprime par un courant de pensée artistique. » Ainsi, le thème de l’exposition panafricaine cherche à amener les photographes à imaginer la pratique artistique du courant de conscience photographique dans le but de « penser en images ».

 

Les Rencontres de Bamako «participent ainsi à la fois à la reconnaissance et à la consécration de la photographie africaine » précisait la ministre de la Culture N’DIAYE Ramatoulaye DIALLO lors du lancement de la Biennale le 26 juillet 2019 au palais de Koulouba à Bamako au Mali.

La Biennale de la photographie africaine avait même été définie lors du lancement par l’Ambassadeur de France au Mali, SEM Joël Meyer,  comme « ce succès qui ne se dément pas » car  « les compétences sont là, nous devons les valoriser pour l’économie artistique au Mali.» La France à travers l’Institut français soutient ce projet depuis sa genèse.

Photos Lancement de la Biennale de la photographie africaine le 26 juillet 2019 à Bamako

Par Idelette BISSUU

 

 

King Massassy : « Je définis mon travail comme l’Afrique de tous les jours »

Il est le seul Malien à l’honneur dans l’exposition In de la Biennale africaine de la photographie qui se tient actuellement à Bamako. Très éclectique, et après des succès dans le monde de la musique et de la comédie, King Fototala Massassy s’attaque à un nouveau défi. Entretien avec un artiste qui ne se fixe aucune limite.

Journal du Mali : Vous êtes très connu dans le monde du Hip-Hop et aujourd’hui on vous découvre photographe. Comment cela s’est-il fait ?

King Massassy : Je fais des photos depuis longtemps. Après mes tournées en Europe, j’achetais une voiture, je la conduisais jusqu’à Bamako et je prenais des photos que postais sur Internet. Un jour j’ai été contacté par Igo Diarra, de la galerie Médina, qui m’a dit qu’elles étaient belles. Il m’a ensuite envoyé vers une personne très expérimentée en la matière, Amadou Chab Touré. En 2015, j’ai été sélectionné pour l’expo « Focus on Mali », qui mettait en avant de jeunes photographes maliens. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans la photo, et j’y ai pris plaisir. Un des premiers appareils photo que j’ai acheté était un jetable, c’était à Montgomery, aux États-Unis. Je venais de discuter avec Rosa Parks et j’ai eu envie d’immortaliser ce que je vivais. Mais je ne me considère comme un véritable photographe que depuis huit mois.

Artiste, auteur, comédien, photographe : comment arrivez-vous à concilier tout cela ?

Pour moi, lorsque l’on sait lire et écrire, nous devons nous donner des possibilités, parce que nul autre ne nous les donnera. Un de mes oncles me disait « Lassine, tu n’es pas talentueux. Tu as 2% de talents, tu dois passer tout le reste du pourcentage à ne pas te reposer sur tes lauriers. Il faut travailler, avoir envie. L’animateur de l’émission G21, Amadou Diop, me disait que l’on naît tous artistes, mais que chacun choisit sa voie. J’aime bien cela. La meilleure manière pour moi de concilier tout cela, c’est de travailler. J’ai plaisir à travailler. Après, selon moi, on arrive à se développer comme on le peut. Je crois que si j’ai une longue vie, d’autres choses viendront.

Quelles sont les particularités de vos œuvres ?

Je prends souvent les gens sur le vif, dans la rue. Je fais beaucoup de contre-plongée, car cela veut dire pour moi, agrandir le sujet. Les personnes que je prends en photo sont pour la plupart des marchands ambulants, ceux qui ne demandent et n’attendent rien de l’État, qui n’ont pas fait 20 ans d’études pour un jour se poser et se présenter comme jeune diplômé sans emploi. Ma façon de photographier ces travailleurs, c’est comme si je me prosternais face à certaines personnes qui se lèvent sans rien demander, qui se battent, qui ne sont pas là à attendre que cela tombe du Ciel. Je fais aussi de la mise en scène, pour montrer l’Afrique qui est là, qui est grande et qui n’est pas dans les médias. Je définis mon travail comme l’Afrique de tous les jours en studio.

Que représente cette Biennale pour vous ?

Une porte, une chance, je dirai même un don. Je ne m’attendais pas à être choisi parmi les photographes maliens, parce que je suis encore un nouveau photographe. Cette Biennale, c’est la boite de Pandore. Soit tu travailles et tu avances, soit tu as eu ta chance et tu te reposes sur le fait d’avoir tout juste été sélectionné et que le reste viendra du Ciel. Non, il ne faut rien attendre, il faut aller le chercher.

Le Mali a eu d’éminents photographes, leur travail vous inspire-il ?

Complètement. On parle de Malick Sidibé, de Seydou Kéita, mais aussi d’Akin Bode Akinbiyi du Nigeria. On ne part jamais de zéro, on s’inspire tout temps de quelque chose et ces personnes-là m’inspirent. Je résume un peu ma vision de la photo au fait que je prends dans le passé pour travailler le présent, dans lequel je suis, puis pour entrebâiller une porte vers un futur proche ou lointain. La photo est un art incroyable et l’un de mes plaisirs est de m’inspirer de tout le monde et de m’incruster au milieu de la porte laissée ouverte.

11èmes Rencontres de Bamako : les utopies africaines en images

Les 11èmes Rencontres de Bamako, Biennale africaine de la photographie, ont été officiellement ouvertes le 2 décembre 2017 par la ministre malienne de la Culture, Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo. Les expositions se poursuivront jusqu’au 31 décembre 2018, mais le palmarès de cette édition sera connu dès le lundi 4 décembre dans l’après-midi.

Le thème des Rencontres de Bamako 2017 est « Afrotopia », du nom de l’essai du Sénégalais Felwine Sarr, paru en 2015 et qui était un manifeste de l’Afrique « fière d’elle-même, qui ne veut plus baisser la tête » et qui pense son avenir et ses utopies elle-même.

Près de 400 professionnels venus du monde entier prennent part à l’évènement, qui se décline en deux grands espaces : le In, versant officiel de la Biennale, qui propose expositions, forum et master classes au Musée National du Mali, au Musée du District, à l’Institut français, à la Galerie Médina et à Donko Seko, et le Off, en ville, qui permettra aux Bamakois et aux visiteurs de se repaitre d’images et de diaporama dans près de 40 lieux différents.

Si Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo a insisté sur « l’importance de la photo dans la vulgarisation de la culture » et la place désormais centrale du Mali et de Bamako dans la promotion mondiale des Africains praticiens de cet art, la Commissaire de l’exposition internationale, Mme Marie-Ann Yemsi, qui s’est très déclaré émue d’avoir pu mener ce travail « sur le continent de son père », a quant à elle tenu à magnifier l’inventivité et la créativité de l’Afrique, berceau de l’humanité.

Le seul Malien dont les œuvres ont été retenues en compétition est Lassine Coulibaly dit King Lassi Massassi, pionnier du hip-hop national et également connu comme acteur. C’est avec cette nouvelle facette de ses talents d’artiste qu’il entend décrocher au moins l’un des cinq Prix en compétition ce lundi.