Economie : 2023, une année « stress test » pour le Mali

Comptes de l’Etat dans le rouge, recettes fiscales en berne, montée en puissance de la dette intérieure, inflation galopante, etc. Sur le plan économique, le bilan des autorités de la transition laisse peu de place à la satisfaction. Mais malgré ce tableau, une bonne tenue des secteurs aurifère et cotonnier, principaux pourvoyeurs de devises et de revenus pour les agriculteurs, pourrait présager une année 2023 sous le signe de la résilience.

Après la levée des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA au début du mois de juillet 2022, l’économie malienne a bénéficié d’une bouffée d’oxygène à travers la réouverture des frontières et le déblocage des comptes de l’Etat du Mali à la BCEAO, ce qui a permis d’apurer les impayés de dette accumulés pendant 6 mois.

 Une économie nationale affaiblie par les crises

Ces sanctions ont contribué à affaiblir une économie déjà mise à mal par des années de crise sécuritaire, amplifiée par la pandémie et l’instabilité politique en 2020, ainsi que par l’inflation provoquée par la guerre en Ukraine depuis février 2022. Toutefois, elles n’ont pas conduit à un effondrement de l’économie nationale qui aurait pu entraîner des troubles socio-politiques, voire une déstabilisation des autorités de la transition.

 Au final, la croissance du PIB malien devrait atteindre 2% en 2022, selon la Banque africaine de développement et la Banque mondiale, contre 3,1% en 2021, ce qui place le pays largement en dessous de la moyenne de l’UEMOA, prévue à 5,9% (BCEAO).

 Sur le plan budgétaire, la contraction de l’activité économique pendant les 6 premiers mois de l’année 2022 a eu pour conséquence une diminution des ressources de l’Etat avec des recettes douanières et fiscales en deçà des objectifs et une hausse de la charge de la dette consécutive aux impayés. Par conséquent, en dehors du secteur de la sécurité, tous les budgets de fonctionnement et d’investissement prévus dans la loi de finances 2022 ont été diminués, voire annulés, représentant une baisse globale de 148 milliards de francs CFA pour un budget dépenses rectifié à 1 982 milliards, selon la loi rectificative votée le 17 août 2022.

 L’Etat à la recherche de ressources

Pour boucler les fins de mois, l’Etat a entrepris une vaste campagne de mobilisation des recettes fiscales une forte pression sur des entreprises déjà fragilisées par leurs difficultés à se faire payer les créances dues par des structures publiques. En effet, la dette intérieure a atteint des niveaux inégalés et pourrait, en 2023, dépasser la dette extérieure, soit environ 30% du PIB selon la BAD.

En l’absence d’aide extérieure majeure depuis le coup d’Etat de 2020, l’Etat malien a depuis la levée de l’embargo, multiplié les sorties sur le marché financier de l’UMOA pour lever des fonds : 277 milliards le 9 août, 207 milliards au début septembre (appel public à l’épargne) et 33 milliards le 5 octobre, et 123 milliards le 2 décembre. Le succès relatif de ces différentes opérations témoigne que la signature du Mali reste crédible aux yeux des investisseurs régionaux, même si la majorité des souscriptions proviennent des établissements financiers maliens (BMS, BDM, BNDA).

 L’or et le coton à la rescousse ?

 La capacité de l’économie du Mali à redresser la barre en 2023 pourrait dépendre de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la bonne tenue des cours de l’or et une production nationale élevée, qui a atteint 63 tonnes en 2022. Cette tendance va probablement se confirmer en 2023, même si la récente décision de l’Etat de suspendre jusqu’à nouvel ordre l’attribution de titres miniers pourrait entraîner des difficultés à moyen terme si elle devait perdurer. Deuxième facteur, la production agricole. L’ensemble des chiffres ne sont pas encore publics, mais la CMDT a déjà annoncé que la production cotonnière record de la campagne 2021/2022 (760 000 tonnes) ne serait sans doute pas renouvelée en 2023. En cause, la difficulté d’approvisionnement en engrais du fait de l’embargo et de la hausse des prix, les fortes pluies ayant entrainé des inondations, et l’invasion d’insectes. En conséquence, malgré un prix d’achat relevé à 285 francs CFA le kilo, au lieu de 280, près de 160 000 hectares n’auront pas été cultivés. Quant à la production céréalière, elle pâtira, dans une certaine mesure, des mêmes causes.

 Même si son impact est difficile à évaluer, il est probable que la décision du gouvernement de suspendre l’activité des ONG travaillant sur financement français aura des conséquences en matière de recettes fiscales pour l’Etat, mais aussi d’attractivité de la destination Mali dans un contexte déjà incertain.

Pourtant, le salut de l’économie malienne en 2023 passera par la fin de l’isolement politique à travers un retour de la confiance entre les dirigeants de la transition et les bailleurs de fonds multilatéraux, comme bilatéraux, pourvoyeurs d’appui budgétaire et capables de mobiliser dans leur sillage la communauté d’investisseurs.

BOAD : plus de 165 milliards pour l’énergie solaire

Plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest parmi les moins avancés en matière d’énergie vont bénéficier d’un financement de la Banque Ouest africaine de développement (BOAD) afin de booster les investissements privés dans le domaine de l’énergie solaire.

Le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger et le Togo vont bénéficier d’un cadre innovant pour financer l’accès à l’énergie. Le Programme de promotion des  investissements privés dans le secteur de l’énergie (PPIS) se veut un appui au secteur privé afin de lever les obstacles d’ordres technique et financier.

D’un montant de 165,958 milliards de francs CFA, financés par le Fonds vert pour le climat (40 milliards de FCFA), la BOAD (40 milliards FCFA), ainsi que les institutions financières locales et le secteur privé, le fonds aidera le secteur privé à travers la formation, la sensibilisation et le marketing, sous forme de prêts concessionnels directs.

Le projet ambitionne de permettre aux pays concernés de multiplier par 4 leur capacité de production d’énergie solaire afin d’atteindre une production de 1 192 MW d’ici à 2030. Ce programme permettra au Mali d’accroître son offre énergétique à travers une source d’énergie propre et accessible en termes de coût.

Pour accroître son offre tout en baissant le coût de l’énergie, le Mali compte, comme les autres pays, s’appuyer sur des producteurs indépendants d’énergie.

Banques de développement, des impacts concrets ?

Elles ont pour noms, Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Banque islamique de développement (BID), Banque africaine de développement (BAD) ou encore Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC). Elles sont parmi les bailleurs de l’État malien dont elles financent les projets de développement dans les secteurs du développement rural, de l’eau et de l’assainissement, le transport routier, l’énergie, ou encore l’assistance aux petites et moyennes entreprises. Le Conseil d’administration de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a ainsi approuvé en 2015, des prêts à court, moyen et long terme au bénéfice du Mali pour le financement de 736 projets, le tout pour une enveloppe de près de 150 milliards de francs CFA. Entres autres projets, la Compagnie malienne pour le développement textile (CMDT) pour le financement de la campagne cotonnière 2014-2015 à hauteur de 4,42 milliards de francs CFA pour le développement d’unités industrielles, l’implantation d’une centrale thermique de 90 MW à Kayes par la société Albatros Energie du Mali SA à 15 milliards de francs CFA ainsi que l’aménagement d’infrastructures routières structurantes pour 20 milliards de francs CFA. Quant à la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), selon son directeur, à la date du 31 mai 2015, le total de ses engagements était de 59,4 milliards de francs CFA : 37,3 milliards de francs CFA pour le secteur public et 22,1 milliards de francs CFA pour le secteur privé. Autre partenaire de poids pour le développement du Mali, la Banque islamique de développement (BID) qui appuie financièrement, à hauteur de 27 milliards de francs CFA, la mise en œuvre de la 2ème phase du projet d’alimentation en eau potable de la ville de Bamako, à partir de la localité de Kabala.

40 ans de la BOAD : un colloque consacré aux enjeux des banques sous-régionales

La grande manifestation marquant cet anniversaire démarre ce mercredi à  Lomé par un colloque de haut niveau placé sous le thème: « Les banques sous-régionales de développement : nouveaux enjeux, nouveaux des défis ». Au cours de ses quatre (4) décennies d’existence, la BOAD a financé les économies des pays de l’UEMOA à  hauteur de 2.723,6 milliards de F.CFA dont 36 % de ce financement destiné au secteur public non marchand, 42 % au secteur public marchand et 22 % au secteur privé. En prélude à  cette commémoration, l’institution sous-régionale avait organisé une conférence à  Bamako sur le thème « 1973-2013, 40 ans d’interventions de la BOAD, bilan et perspectives », en présence de plusieurs membres du gouvernement du Mali, des responsables d’entreprises publiques et privées, des diplomates. En marge de cette conférence, la BOAD avait a accordé un prêt d’un montant de 13 milliards de FCFA pour la construction d’une route à  Ségou, la 4è région administrative du Mali. Créée par Accord le 14 novembre 1973, la BOAD est l’institution commune de financement du développement des Etats de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Elle a la charge de promouvoir le développement équilibré des Etats membres et de réaliser l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest en finançant des projets prioritaires de développement. A l’origine, elle finançait exclusivement des projets émanant du secteur public, mais depuis 30 ans, un appui est également accordé aux entreprises privées. Depuis hier mardi 12 novembre, le président Ibrahim Boubacar Kéita est à  Lomé pour participer à  cette commémoration.

Forum de Bamako : Modibo Sidibé et Bassary Touré relancent le débat

Bassary Touré, vice président de la Banque Ouest Africaine de développement BOAD a jeté l’huile sur le feu en évoquant la responsabilité des africains face à  leurs problèmes lors de son intervention à  la cérémonie d’ouverture du forum de Bamako. Son compatriote et premier ministre Modibo Sidibé a affirmé : » que le Mali ne dort pas, avance et progresse ». Pour Bassary Touré, le Mali et l’Afrique ont un bilan sombre après 50 d’indépendance Deux fois ministre de l’Economie et des Finances du Mali, plusieurs fois nommé à  de hautes fonctions sur le plan international, au FMI par exemple, Bassary Touré est actuellement le vice-président de la BOAD. Invité de marque du forum, son intervention focalisée sur le diagnostic de la situation de l’Afrique, et du Mali a intéressé : « Les conditions ne sont pas réunies pour un réel développement économique du Mali ». Ajoutant: « Qu’avons-nous fait des espoirs de changement et de renouveau ? ». Pour lui, de 1960 à  2010, « nous devons nous arrêter pour examiner ce que nous avons réalisé ; ce que nous avons pu construire sur ces fondations. Arrêtons-nous pour jeter un regard, un regard objectif, impartial, sans complaisance, ni visées partisanes ». D’après Bassary Touré après cinq décennies d’indépendance, malgré les financements reçus, malgré les ressources humaines formées et déployées, malgré les discours et déclarations de bonnes intentions ; malgré les multiples programmes, stratégies, projets « le continent et le Mali en particulier doivent faire face à  un phénomène de paupérisation grandissant. Les indicateurs de développement humain durable l’attestent, et les objectifs fixés dans le cadre du millénaire ne pourront être atteints. Malgré un taux de croissance relativement satisfaisant (environ 5%), les données quantitatives sur la pauvreté interpellent tous. « Le ‘’Fadenya » et le ‘’Nyèngoya »; la rivalité et l’égoà¯sme constituent des freins au développement » Pour le 2 ème vice président de la BOAD, 50 ans après les indépendances le constat est amer en matière de développement en Afrique, ce qui doit interpeler tous les africains: citant le taux de scolarisation universel qui reste faible avec des inégalités villes/campagnes, des disparités de genre et des distorsions par ordre d’enseignement. « Le taux d’alphabétisation est alarmant, 73% des adultes ne sont pas alphabétisés dont 65% des hommes et 82% des femmes. Le taux de mortalité maternelle reste un des plus élevés au monde avec selon les estimations du PNUD plus de 464 décès maternels pour 100 000 naissances », s’indigne t-il. Puis il a déploré qu’en 2010, une femme meurt encore en donne la vie. Modibo Sidibé répond Modibo Sidibé a centré son intervention sur la lutte contre la faim, la malnutrition. C’’est ainsi qu’il a édifié M. Touré sur le progrès du Mali. « Le Mali, notre pays ne se porte pas mal comme vous le pensez ». Avant d’ajouter « Monsieur le ministre, Bassary Touré, vous avez campé un décor ; vous avez pris un aspect, J’aimerais en prendre un autre. Ce qui va faire contraste et animer tout à  l’heure le débat, combien de milliers peut-être des centaines de millions d’enfants de l’Afrique ont été sauvés de la mort avec l’extension de la couverture vaccinale. Combien d’hommes ont pu aller à  l’école. Nous avons pu atteindre, même si on n’a pas atteint les 100%, 86% de taux de scolarisation. Nous avons des universités ; nous avons des facultés. Nous avons des instituts de recherche. à‡a, C’’est du capital ! Des tremplins ». l’une des clés pour construire l’avenir réside en la jeunesse, selon le Premier ministre. C’’est en cela que, d’après lui, le cinquantenaire aura encore une résonance plus forte à  ce questionnement. Et d’ajouter « On ne compte plus les foras, conférences et sommets au cours des dernières années pour mobiliser leaders, responsables d’organismes et de coopération et d’intégration pour débattre des stratégies susceptibles d’apporter aux Africains les réponses adéquates sur cette question fondamentale : comment faire pour que l’Afrique puisse nourrir sa population en pleine expansion ? d’o๠l’objectif principal de ce forum de Bamako.