Vague de chaleur : le Mali suffoque

Si les mois de mars et avril marquent habituellement la période de pic pour la chaleur au Mali, cette année s’annonce particulière avec dès ce début avril des jours et des nuits très chauds. Une vague de chaleur qui devrait se poursuivre jusqu’en fin de semaine avec des températures au-dessus de 40°C partout au Mali. Ces températures extrêmes, qui concernent l’Afrique et au-delà, s’expliquent selon les experts par le changement climatique.

Déjà signalée par la World Weather Attribution (WWA), la « chaleur anormale » enregistrée dans la zone sud de l’Afrique de l’Ouest début février est selon les observations l’une des conséquences du changement climatique induit par l’homme. « L’indice de chaleur moyen par zone est aujourd’hui environ 4°C plus élevé dans le climat actuel, plus chaud de 1,2°C. En outre, une telle chaleur humide est devenue beaucoup plus probable. Elle est au moins 10 fois plus probable dans le monde d’aujourd’hui », note le rapport de WWA.

Absence d’anticipation

Alors que le coût de l’adaptation pour les pays en développement se situe entre 215 et 387 milliards de dollars par an au cours de cette décennie, les données et les recherches, limitées, des services de météorologie dans la zone concernée semblent caractériser la situation. Ainsi, beaucoup de pays « ne semblent pas avoir procédé à une planification en cas de chaleur extrême ». Or « des investissements majeurs sont nécessaires en Afrique pour renforcer la résilience face aux chaleurs dangereuses ».

Au Mali, la période coïncide cette année avec le mois de Ramadan et une crise énergétique qui complique davantage la situation. Avec des températures minimales d’environ 30°C, les premières heures de la matinée sont déjà éprouvantes pour les individus. Avec des maximales prévues à 44°C, notamment à Bamako, les nuits, habituellement plus douces, enregistrent aussi des pics.

L’épisode de cette année sera plus intense et plus fort que durant les 30 dernières années, avaient expliqué les services de la météorologie début mars. Un mois d’avril  où les nuits seront aussi chaudes que la journée, surtout dans les régions de l’ouest (Kayes), où la température a atteint 46°C le 2 avril, et dans les régions du nord. Cette augmentation de la chaleur, due à un dérèglement climatique mondial entraînant une hausse globale des températures, est aussi liée à une forte urbanisation, notamment dans la capitale malienne. L’augmentation des émissions de gaz à effets de serre contribuant au réchauffement de l’atmosphère et la « saharisation » de Bamako, avec la diminution significative des arbres, sont aussi des causes évoquées par les spécialistes.

Canicule : attention à l’augmentation brutale de la tension

Ainsi, il est fréquent de voir survenir chez les humains, soit une augmentation brutale de la température, soit une diminution. En d’autres termes, ces fortes températures affichées par le thermomètre favorisent les crises de tension. Explications : quand la température ambiante augmente l’organisme met en branle un mécanisme de régulation pour refroidissement du C’œur. Cet organe propulse le sang dans le corps sans arrêt, à  travers les vaisseaux sanguins. Ceux-ci doivent se dilater pour laisser par passer les sueurs et refroidir tout l’organisme en cas de forte température. Les cardiologues reconnaissent que ce mécanisme peut être dépassé chez un individu ayant un système cardiovasculaire précaire. Le C’œur se met donc à  battre beaucoup plus fort et le débit sanguin augmente pour provoquer une tension artérielle. Le Dr Lassana Fofana, cardiologue et président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), explique qu’une augmentation brutale de la tension peut déclencher une insuffisance cardiaque et des troubles de rythme cardiaque qui peuvent conduire à  l’arrêt du C’œur. Par ailleurs, il rappelle qu’une augmentation brutale de la tension chez un sujet qui n’arrive pas à  supporter peut aussi aboutir à  des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dont la manifestation physique peut être une hémiplégie (paralysie), l’installation brutale d’un coma pouvant endommager une bonne partie du cerveau. Le toubib clinicien relève que l’organisme humain à  un système de régulation, appelé hypothalamus. Il s’agit d’une structure du système nerveux central, située sur la face ventrale de l’encéphale. C’’est ce système de régulation qui donne un avertissement pour que les vaisseaux sanguins se dilatent pour laisser passer les sueurs. Un effort Pédagogique D’autres organes nobles peuvent souffrir d’une hyperthermie. Mais au delà  des hypertendus connus, explique le cardiologue, ceux non connus se donnent parfois de fausses assurances parce qu’une augmentation brutale de la tension peut avoir des conséquences dramatiques. Notre interlocuteur souligne qu’en raison de fortes températures qui déferlent sur notre pays, de nombreuses personnes consultent soit pour une augmentation de la tension, soit pour des palpitations (accélération désordonnée des battements cardiaques) voire d’autres affections liées à  la canicule. Sans donner de statistiques exactes, le Dr Lassana Fofana, précise que la canicule bouscule un peu le calendrier des consultations cardiaques. Certains par crainte des risques encourus pendant cette canicule étouffante, anticipent les rendez-vous chez le cardiologue ou chez le médecin généraliste. La canicule peut aussi provoquer une déshydratation et entrainer une perte de sodium, potassium, de calcium entre autres. A en croire le spécialiste ces sels minéraux sont essentiels au fonctionnement des muscles, notamment les muscles cardiaques. Pour revenir à  l’augmentation brutale de la tension du fait de la chaleur, le toubib explique qu’elle comporte de réels risques dont la sévérité est fonction des chiffres tensionnels. Le patron du CNOM remarque aussi que les AVC sont au prorota de l’importance des chiffres tensionnels. A titre d’exemple le cardiologue observe que la limite supérieure de la tension à  ne pas dépasser est 14/9. Lorsqu’on est dans la fourchette des 12/8 ; 12/7, 13/9, 13/7 est a une tension normale. Mais à  15/10, ou 17/11 par exemple, la personne est hypertendue. Par ailleurs, le cardiologue qui évolue dans le privé précise qu’une déshydratation extra cellulaire trop prononcée entraine des souffrances au niveau d’autres organes comme le cerveau, le C’œur et les reins. Pour la prise en charge des crises de tension, notre interlocuteur souligne que face à  des recettes de grand-mères, la prudence doit être de mise. A ce propos, il appelle à  un effort pédagogique, un effort de sensibilisation de la population. Parce que pour lui, le traitement de la tension est bien codifié avec des médicaments qui permettent de réguler le débit sanguin. Mais le patron de l’Ordre des médecins s’empresse d’ajouter que les médicaments traditionnels peuvent être utilisés mais sous la férule de scientifiques de la pharmacopée traditionnelle qui connaissent les doses, les normes pour circonscrire tous les risques ou presque. Il est recommandé que les cardiologues à  défaut les médecins généralistes soient consultés pour contrôler la tension et moduler au besoin le traitement. Les personnes disposant d’appareils de contrôle de tension à  la maison peuvent elles mêmes contrôlées à  titre de prévention pour savoir si la tension n’augmente pas brutalement. Lassana Fofana souligne que le diagnostic ne peut être fait que sur la base de chiffres tensionnels. Et à  partir de là  on peut apporter une correction qui peut aller d’un simple régime alimentaire pauvre en chlorure de sodium (sel) à  l’administration de molécules pour faire baisser la tension.

Températures : Kayes sous une forte canicule

Comme d’ailleurs, beaucoup d’autres localités du pays, Kayes situé au sud du pays, vit sous forte canicule. Selon le quotidien national (Essor). « Il fait chaud ! », est la phrase qui revient dans toutes les bouches à  Kayes. Un quotidien difficile A Kayes, en cette période de canicule, les kayésiens dans la majorité, évitent de circuler entre 12 et 16 heures au risque d’être exposés à  un soleil brûlant. C’’est pourquoi dans cette intervalle de temps, les activités tournent au ralenti. Partout dans la ville, on voit des gens torse nu et munis d’éventails sous les hangars et devant les boutiques. Mamoutou Sissoko commerçant de son état se plaint d’avoir peu de clients durant la pause. Et explique que bon nombre de chefs de familles interdissent à  leurs proches de s’exposer au soleil. Amadou Guirou est un « pousse-pousse man » qui se plaint de maux de têtes constants. A 14 heures, un soleil de plomb dans la cité des rails A cette heure, à  cette heure, les rues sont désertées et le vent brûlant et sec balaie la ville. Toutes les activités sont paralysées. Il n’est pas rare de rencontrer des personnes d’un certain âge qui se promènent peu vêtues. En général, les activités ne reprennent qu’aux environs de 16h, lorsque les températures sont moins tenables. Cette canicule étouffante a commencé vers le début du mois d’avril. Climatiseurs, ventilateurs, frigidaires, T-shirts, casquettes, éventails, entre autres, sont devenus des marchandises très prisées. « Le malheur des uns, faisant le bonheur des autres », les vendeurs de glace, de sachets d’eau fraà®che et autres jus de fruit se frottent les mains. Ils sont assaillis à  longueur de journée par une clientèle qui veut étancher sa soif inextinguible. Les vendeurs de glace, d’eau fraà®che voient ainsi leurs revenus tripler. La canicule rend les Kayesiens noctambules Les moyens manquent pour dormir sous le climatiseur et l’écrasante majorité de la population de Kayes transforme les cours de leurs maisons en vastes dortoirs. Actuellement, il est impossible de dormir dans les chambres, C’’est pourquoi les gens s’attardent dans les rues jusqu’à  des heures très avancées de la nuit, avant de regagner leurs domiciles. Là  bas aussi, les gens dorment à  ciel ouvert sur les nattes, les matelas, on dirait un camp de réfugiés. Autre caractéristique locale : la canicule s’empare de Kayes dès les premières heures du matin. Le citoyen « lambda » se douche deux à  trois fois par jour, mouille ses habits, arrose les lieux de causerie, la cour de la maison pour essayer de réduire l’effet de la chaleur ou se donner une trompeuse impression de fraà®cheur. Des agents des services publics se retranchent dans leurs bureaux o๠ils restent souvent longtemps après les heures de travail. Tout simplement à  cause de la climatisation. Le fleuve Sénégal est actuellement l’endroit le plus fréquenté par les Kayésiens. Hommes, femmes et jeunes se baignent tous dans ce petit paradis à  Kayes.

Canicule à Bamako : A qui profite la chaleur ?

Bamako, ville des trois caà¯mans, à  l’instar des autres villes de l’intérieur et même de la sous région, connaà®t actuellement une grosse vague de chaleur. Et ce, depuis déjà  quelques semaines. Les températures montent souvent jusqu’à  45°C. Face à  cette situation, l’on peut facilement imaginer que les populations adoptent de nouveaux comportements pour atténuer, du moins mieux supporter les effets de cette chaleur. Boire à  tout prix Ces changements de comportement concernent les modes vestimentaires, une plus grande consommation d’eau et de boisson fraà®che. A cela s’ajoutent l’utilisation de climatiseurs et autres ventilateurs et la fréquentation de piscines et plages … Comme on peut le constater, si la chaleur peut être pénible pour nombre de personnes, elle peut être une opportunité pour d’autres pour faire des affaires et donc d’en tirer profit. Nous nous sommes intéressés aux vendeurs de climatiseur, ventilateur, d’eau et de boisson fraà®che. De même qu’à  la société Energie Du Mali (EDM SA). A fond la clim ! Interrogé, le commerçant et vendeur de climatiseur Ismaà¯la Sylla des Etablissements Sylla Distribution, nous a révélé que la demande des clims a triplé en cette période comparativement aux autres saisons (saison froide, hivernage). Pour lui, le climatiseur ne doit pas être considéré comme un luxe, mais une nécessité. Pour qu’un plus grand nombre de maliens puissent s’en procurer, Ismaà¯la Sylla demande à  l’EDM de baisser le coût de l’électricité. Le plus difficile, a-t-il estimé, n’est pas d’acheter un clim mais de pouvoir payer ses factures d’électricités. D’après notre interlocuteur, il y a même actuellement une rupture de stock des congélateurs sur le marché, tant la demande est forte. A noter que le prix d’un climatiseur varie selon la puissance, la marque et la qualité. Le prix des clims simple oscille entre 175 000 FCFA et 450 000 FCFA. Tandis que celui des clims armoires va de 900 000 FCFA à  5 000 000 FCFA. Cette même tendance de demande forte concerne les ventilateurs, les boissons, qui ont vu leur vente booster, face aux besoins accrus des consommateurs. Les factures d’eau et électricité s’envolent Si les populations trouvent du confort et du réconfort en utilisant ces commodités, elles doivent s’attendre à  être impactées au niveau de leur facture d’eau et d’électricité. A priori, on pourrait penser que la société EDM SA tire profit de cette situation. « Non, la chaleur ne profite pas à  l’EDM, au contraire chaque abonné nous coûte plus cher depuis bientôt cinq ans » nous a répondu le Directeur à  la Communisation de l’entreprise, Tiona Mathieu Koné. Et d’expliquer que la capacité des barrages de Manantali et Sélingué est saturée. Ce qui oblige la société à  marcher sur le thermique en faisant fonctionner des groupes électrogènes avec du gazoil. Toute chose qui coûte encore plus cher. Consommer intelligent Toujours selon Koné, le 5 mars 2010 sur le réseau interconnecté qui aliment 19 villes, la consommation de pointe était de 172 mégawatts, la société a constaté une augmentation de 14% par rapport à  2009. Cela s’explique par le fait que la chaleur est venue un peu plus tôt que prévu et le nombre de consommateur a aussi augmenté. Concernant l’eau, a-t-il poursuivi, notre ville a un besoin de 200 000 m3 c’est-à -dire 200 millions de litres d’eau par jour. Mais on ne peut dépasser 170 000 m3 soit 170 millions de litres d’eau par jour, a reconnu Tiona. La solution réside dans la sensibilisation pour l’économie d’eau et d’électricité. Seul le comportement de chacun pourra faire en sorte que le maximum de maliens ait accès à  l’eau et à  l’électricité, a-t-il laissé entendre.