Face au fake news : la vérité sur l’action française au Sahel

Le 25 novembre, 13 soldats français sont morts dans un accident d’hélicoptère au Sahel. Depuis 2013 et le lancement de l’opération « Serval » au Mali, qui a donné lieu en 2014 à l’opération « Barkhane », ce sont déjà 41 soldats français qui ont été tués dans cette région.

La France a-t-elle sacrifié ses troupes au nom de ses intérêts économiques ? A-t-elle déployé 4500 hommes sur ces opérations extérieures afin de déstabiliser davantage le Sahel et de soutenir secrètement les combattants djihadistes de la région ? Ces questions absurdes ne le sont pas pour nombre d’internautes qui relaient depuis le mois de novembre rumeurs et fake news sur les prétendues raisons de la présence militaire française au Sahel. Alors que l’opération « Barkhane » est essentielle dans la lutte internationale contre le djihadisme, la France doit compter ses morts dans un climat où on la somme de se justifier.

 

La France dénonce les rumeurs et les « mouvements antifrançais » au Sahel

Depuis le mois de novembre 2019, en Afrique, les rumeurs courent sur les réseaux sociaux. Elles visent à semer le doute sur les intentions de la France au Sahel et à attiser la défiance des populations à l’égard des troupes françaises. Ainsi, l’armée française est régulièrement accusée de vouloir déstabiliser la région : en livrant des motos aux forces djihadistes, selon une rumeur ; en attaquant une base militaire dans le sud-est du Niger, selon une autre rumeur. À chaque fois, les autorités sont obligées de publier des démentis officiels : les motos étaient destinées aux forces maliennes ; aucune base n’a été attaquée à Diffa. De même, les images de l’accident d’hélicoptère du 25 novembre sont devenues virales, alors que l’accident a eu lieu en pleine nuit et qu’il n’en existe pas d’image. Sur les réseaux sociaux, on ne s’embarrasse pas de vérité et l’on commente donc allègrement les images d’un autre accident. En France, ce sont d’autres rumeurs qui se propagent et alimentent les théories du complot : l’opération « Barkhane » serait cette fois destinée à protéger les intérêts économiques de la France, notamment les mines d’uranium exploitées de longue date dans la région par Areva. L’Etat français, selon cette nouvelle rumeur, utiliserait ses forces armées pour défendre des intérêts privés. Pourtant, les troupes de l’opération « Barkhane » sont essentiellement déployées au nord du Mali et les mines d’uranium se trouvent au nord du Niger – on se trompe donc de pays.

De fait, ces rumeurs sans fondement et souvent contradictoires relèvent de deux phénomènes différents. En France, elles traduisent une volonté de repli et un renoncement aux idéaux universalistes: elles visent à discréditer des opérations extérieures jugées coûteuses en vies et en argent. En Afrique, elles sont le fruit d’une défiance plus générale à l’égard de l’interventionnisme et du néocolonialisme supposé de la France. Le 4 décembre, en marge du sommet de l’OTAN, Emmanuel Macron a souligné que l’opération “Barkhane” ne pouvait perdurer dans ce contexte de “mouvements antifrançais”  et a demandé aux pays du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Tchad) d’exprimer clairement leurs attentes par rapport à la France.

La présence de l’armée française est plus que jamais nécessaire au Sahel

Il faut revenir aux sources de l’opération « Barkhane » pour comprendre l’absurdité des rumeurs actuelles. En 2013, lorsque François Hollande décide d’envoyer des troupes au Mali, c’est à la demande de son président : il s’agit de venir en aide à un “Etat ami”, selon les mots du président Hollande, confronté aux offensives djihadistes. Il s’agit en outre de protéger les intérêts vitaux de la France en secourant les ressortissants français qui vivent dans ce pays dont les liens avec la France sont historiques. Depuis, l’intervention de l’armée française s’est étendue à une zone plus vaste et Emmanuel Macron a réaffirmé l’engagement de la France au Sahel car la menace djihadiste s’y est intensifiée.

Face aux rumeurs, il suffit de rappeler les faits : l’opération “Barkhane” sert les intérêts conjoints du Sahel et de la France. Ces intérêts ne sont pas économiques, mais vitaux et géostratégiques. Au Sahel, le 10 décembre dernier, ce sont 71 soldats nigériens qui ont été massacrés au poste de reconnaissance d’Inates, à quelques kilomètres de la frontière malienne. Le 15 décembre, les présidents des Etats membres du G5 Sahel réunis à Niamey ont donc demandé l’aide de la communauté internationale et réaffirmé leur besoin d’être aidés par des puissances étrangères. Loin de subir la présence militaire française, les pays du Sahel la demandent. Mais l’opération “Barkhane” sert également les intérêts de la France, car face à la menace djihadiste sur son territoire, la France mène au Sahel une guerre préventive. Les opérations extérieures de l’armée française servent en effet à limiter l’impact qu’une crise au Sahel ne manquerait pas d’avoir sur la France. Les soldats français morts en opération extérieure le 25 novembre dernier sont donc bien morts pour le Sahel, et pour la France.

Fake news : Attention danger

En janvier, Donald Trump a publié son palmarès des fake news Awards. Sur sa liste, des lauréats bien connus, Washington Post, CNN, ou encore le New York Times. Le 45ème Président des Etats-Unis reproche à ces médias de s’être rendus coupables de traitements biaisés lors de la campagne électorale américaine.

Si ces « Oscars » sont des « Trumperies », ils relèvent un fait, l’ampleur prise par les fake news.  En France, un projet de loi censé lutter contre elles a même été débattu à l’Assemblée. Une volonté du Président français Emmanuel Macron, en croisade contre ces fausses informations après en avoir été victime lors de l’élection présidentielle. Nous n’en sommes pas encore là au Mali, mais à quelques jours de la présidentielle, vigilance doit être le maitre-mot. « Il faut retenir que c’est une pratique qui a toujours existé en période électorale. Nous sommes dans un contexte où les journalistes ont perdu le monopole de la diffusion de l’information. N’importe quel citoyen, journaliste ou non, peut collecter et diffuser ce qu’il veut, y compris des fake news », explique Assane Diagne, rédacteur en chef francophone du site Africa Check, spécialisé dans la lutte contre les fausses informations.« Avec le contexte sécuritaire qui prévaut, il faudra plus de responsabilité et de professionnalisme de la part des journalistes pour éviter de tomber dans le piège de la manipulation », préconise-t-il. Le cocktail essor des réseaux sociaux – course effrénée à l’information fait que les fake news fleurissent sur la toile.

Comment les détecter ?

Selon Diagne, c’est assez simple. « Dès que nous doutons, nous vérifions. Et, pour douter, il fait un minimum de culture générale. C’est le point de départ », dit-il.  Douter de tout donc, et vérifier.  « Il faut faire du fact checking. C’est la recherche des preuves des faits sur lesquels il y a des doutes relatifs à leur exactitude ».

Il n’y a pas de tactique universelle pour contrer les fake news, chaque parti adopte donc sa propre stratégie de combat. Accusé de montages financiers dans un article de Médiapart repris par certains médias maliens, le candidat du parti ADP – Maliba, Aliou Boubacar Diallo, a très vite réagi pour s’inscrire en faux contre ces « révélations ».  « On nous avait également imputé la grève des médecins de 2017, certains affirmaient que c’était nous qui la pilotions », révèle un cadre de l’ADP. « Notre stratégie, dans ce genre de cas, est de répondre automatiquement et assez vigoureusement pour dissiper tous les doutes. C’est ce que nous avons fait », ajoute-t-il. Du côté de la CODEM, on préfère laisser couler. « Il est absolument impossible de contrôler les réseaux sociaux. Répondre, c’est leur donner du crédit. Nous ne tomberons pas dans la provocation », affirme Mama Sow, le chargé de communication du parti.