Perturbations des cours : l’impact sur les étudiants

Voilà maintenant plus d’un semestre que l’enseignement est perturbé dans les facultés et grandes écoles maliennes. Avec son lot de répercussions importantes sur les apprenants.

Balkissa Maïga a le spleen. Et pour cause : « je n’étudie plus », se lamente-t-elle. Depuis août 2022 elle a son bac mais n’a toujours pas débuté l’université. Pour elle qui nourrit l’espoir de faire Pharmacie, l’heure est à la patience. « Les bacheliers de l’année 2021-2022, nous, inscrits à la FMPOS, n’avons pas encore commencé les cours. C’est une situation qui nous attriste fortement, surtout que dans moins de deux semaines aura lieu le bac 2023 ».

À la faculté de Médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie (FMPOS), cela fait quelques mois que les cours sont à l’arrêt. « En Pharmacie et en Médecine, fin janvier début février 2023 on a passé notre examen, session unique, le Numerus Clausus. Jusqu’à maintenant (lundi 5 juin 2023), nous n’avons pas nos résultats. Dans les normes, ils sont publiés dans les deux mois. Cette année, on en est à plus de quatre mois », regrette Bernadette Keïta, étudiante en 1ère année Pharmacie.

En novembre dernier, lors d’une conférence sur la dépression organisée par l’association estudiantine Winners, plusieurs étudiants ont témoigné « souffrir de cette pathologie ». « Les contraintes liées aux études de Médecine, les efforts importants fournis par les étudiants… Lorsque l’organisation chargée de les accueillir n’est pas efficace, ils sont souvent débordés », explique le Dr Souleymane Papa Coulibaly, responsable du service de Psychiatrie du CHU du Point G.

Insuffisances

Autre faculté, même problème. À la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG) ce n’est qu’en mai dernier que les admis au bac 2022 ont commencé les cours. Ils forment une classe parallèle à celle des bacheliers 2020 et 2021, qui sont toujours en 1ère année. Les responsables universitaires imputent la situation, entre autres, à l’insuffisance des salles de classe. Par manque d’amphithéâtres, certains apprenants n’étudient parfois que deux heures par jour pour céder ensuite la place à d’autres. « Cela nous met en retard. J’ai un bac 2020. Mes camarades qui sont allés dans les universités privées ont déjà leur licence. J’ai assisté récemment à la soutenance de l’un d’eux. Il a terminé alors que nous n’avons même pas atteint la 2ème année. C’est triste », déplore l’étudiant Hamidou Touré.

Outre les facultés, les grandes écoles subissent aussi des perturbations. Notamment L’École normale supérieure (ENSUP). Les professeurs étant en grève depuis mars, elle est à l’arrêt. Ce qui provoque une double peine pour Mariam Camara. L’élève-enseignante en Lettres a abandonné les cours qu’elle donnait dans des lycées pour se consacrer pleinement à ses études. « Maintenant, cela fait trois mois que je ne gagne plus cet argent. Et toujours pas de cours », s’attriste-telle.

Enseignement supérieur : les syndicats haussent le ton

En grève depuis le 20 mars dernier, les syndicats d’enseignants de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ont reconduit leur mot d’ordre cette semaine, du 27 au 31 mars 2023. Avec de nouvelles revendications, qui viennent s’ajouter aux précédentes, ils brandissent également la menace d’un prochain arrêt de travail.

De cinq points revendiqués initialement par le Comité exécutif national du SNESUP, la Coordination des syndicats d’enseignants de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique unifie désormais ses actions autour de neuf points.

Au-delà des revendications liées à l’application et à la revalorisation des primes et indices salariaux, à la sécurisation de l’espace universitaire et au paiement des arriérés, les grévistes ajoutent le recrutement massif d’enseignants-chercheurs, mais aussi et surtout l’octroi d’un passeport de service à ceux-ci.

Selon Dr. Alou Diarra, Secrétaire général du Bureau national du SNESUP, cette grève est la suite logique des actions qui sont en cours depuis fin janvier. « Ce sont des revendications légitimes des travailleurs de l’Enseignement supérieur, nous voulons que l’État s’exécute, car c’est l’État qui a signé les conventions en notre faveur. Il doit les respecter », s’offusque-t-il

Mot d’ordre suivi ?   

Dans la mesure où le bicéphalisme à la tête du SNESUP subsiste depuis longtemps, la question  du suivi du mot d’ordre de grève par l’ensemble des enseignants dans les structures concernées se pose. M. Diarra reconnait que les difficultés au sein du SNESUP ont impacté « quelques petites structures, qui ne sont pas avec nous », à l’instar de l’INFSS, qui ne suit pas le mot d’ordre de grève.

Mais, selon lui, il est suivi à 86% par les structures de l’enseignement supérieur. « Si l’ENI, l’ENSUP, la FLSL, l’École de médecine, la FSEG, la FAG sont en grève, il ne reste plus rien de l’Enseignement supérieur », argue le Secrétaire général du Bureau national du SNESUP.

Nos tentatives pour joindre l’autre camp n’ont pas abouti, alors que le Dr. Alou Diarra affirme que la grève dépasse le cadre du SNESUP et que « les trois syndicats de l’Enseignement supérieur sont tous ensemble pour défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs ».

Il annonce que si le gouvernement ne réagit pas, cette grève sera suivie d’une autre, de 120 heures, qui sera sanctionnée par un arrêt de travail pur et simple.

FSEG : des difficultés en cascade

Le seul établissement d’enseignement supérieur public d’économie et de gestion du Mali fait face à mille et un problèmes. De la massification des étudiants au manque d’amphithéâtres, en passant par celui de professeurs et de conditions de travail adéquates, la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG) vit des moments difficiles.

Il y a là, sur la colline de Badalabougou, les étudiants les plus « désespérés du Mali ». Enfin, si l’on en croit à la fois les étudiants eux-mêmes, qui marmonnent à tout-va leur désespoir, et l’administration de la faculté, écœurée de les voir s’entasser année après année.

Retards

En cette mi-mars, après six ans d’études au lieu des trois années normales, les étudiants qui ont leur Bac en 2016 reçoivent leurs attestations de fin d’études. Et les chronogrammes des examens de l’année universitaire 2018 – 2019 ont été publiés.Une situation décriée sur les réseaux sociaux qui embarrasse le Doyen de la faculté, Dr Soboua Thera, selon lequel « les gens parlent de ce qu’ils ne savent pas ».

Alors pourquoi tant de retard dans les années académiques à la FSEG ? Toutes les personnes rencontrées pointent le manque de volonté, d’investissement et de considération des autorités politiques et administratives du pays.

« Nous sommes très écœurés en voyant la lenteur de l’année académique à la FSEG, contrairement aux autres facultés. Mais la faute ne nous incombe pas en tant qu’enseignants », tient à préciser le Pr Abdoul Karim Diamouténé.

Pour cet enseignant à la faculté depuis neuf ans, Il faut que les autorités s’assument. « Tout ce problème, ce sont les autorités politiques, qui se complaisent à tenir des discours disant que l’enseignement est une priorité, nous avons investi tant de milliards. Mais réellement, dans le vécu au niveau de la FSEG, nous ne sentons absolument rien. Au contraire, c’est une détérioration que nous vivons », fustige-t-il.

Pléthorique

Selon des données du Bureau du Doyen, 42 953 étudiants sont inscrits à la faculté pour 122 professeurs permanents. Un chiffre qui risque de gonfler dans les prochains jours avec l’inscription des nouveaux bacheliers (Déjà 14 298 nouveaux inscrits).

Cette massification pléthorique constitue pour l’administration la principale cause des retards académiques. En effet, selon elle, tous les bacheliers de la filière TSEco et d’autres de Sciences Exactes viennent à la FSEG. Par exemple, pointe-t-elle du doigt, en 2020, malgré la Covid-19, l’État a organisé le Bac. « Les bacheliers de cette année-là sont venus s’ajouter à ceux de 2019, qui n’ont pas pu finir leurs modules à cause de l’arrêt des cours, dans les mêmes infrastructures, avec les mêmes professeurs et les mêmes conditions de travail », déplore M. Diamouténé.

En croire ce dernier, l’ancien Doyen de la FSEG, Ousmane dit Papa Kanté, avait déjà alerté sur la capacité d’accueil de l’établissement lors de l’arrivée de la première promotion de TSEco. « Le Ministère et le Rectorat l’ont ignoré. Et voilà le résultat aujourd’hui. On n’écoute pas les suggestions des spécialistes qui vivent la réalité », ajoute le professeur, pour lequel l’État à créé des séries au lycée sans prendre de mesures au niveau supérieur en termes d’accompagnement en infrastructures et en personnel.

Soucieux

La FSEG compte 6 amphithéâtres, dont 1 de 1 000 places « vétuste », 1 autre de 500 places, 2 de 200 places et 2 préfabriqués de 240 places. « Trop insuffisant »,regrette l’étudiant de la promotion 2017 Talfi Ag Cissé, qui, depuis « 3 ans », faute d’amphis, stagne en Licence 2.

À ces mille et une difficultés, le Doyen de la faculté, Dr Soboua Thera, ajoute « plusieurs paquets de copies d’examens dans mon bureau, qui n’ont pas de correcteurs pour le moment. L’État prévoit 500 francs CFA pour les correcteurs par copie, mais depuis 2019 il ne les a pas payés. D’où la réticence des professeurs à corriger les feuilles d’examen ».

Des professeurs qui, « sans accès à la Wifi et à une imprimante », selon M. Diamouténé, depuis 2014 n’ont pas pris le congé statutaire de deux mois par an que leur octroie leur statut d’enseignants du Supérieur, « parce que soucieux de l’avenir de leurs étudiants. Et même les samedis et dimanches on vient à la faculté pour les évaluations ».

Un « sacrifice » qui ne solutionne pas tous les problèmes de la FSEG, mais qui a l’air de porter fruits avec le départ prochain de la promotion 2016.

Aly Asmane Ascofaré

Election du doyen de la FSEG sous haute tension

Fixées pour le 21 juin 2011, l’élection d’un nouveau doyen à  la tête de la Faculté des économiques et de gestions s’annonce très préoccupant. Et pour cause, l’actuel vice recteur, en la personne de Moumouni Sanogo, officiellement investi pour assurer la supervision du scrutin, semble acquis pour la cause de l’un des 3 candidats en lice. Toute chose que la section syndicale Snesup de la Fsjp-Fseg a vigoureusement dénoncé ce matin à  la faveur d’une conférence de presse. Pour la circonstance, le secrétaire général Djibonding Dembélé était accompagné des membres de son bureau. Selon lui, le vice recteur a déjà  organisé plusieurs réunions pour mettre sur pieds sa stratégie consistant à  réduire les chances de réélection de l’actuel doyen. Dans la foulée, il est reproché au Vice recteur de se livrer à  l’interprétation erronée des textes relatives à  l’élection. De surcroit, M Traoré aurait promis d’invalider la liste du doyen sortant qui souhaite se présenter à  nouveau. Abdrahamane Sanogo apparait comme l’homme à  abattre, et ce, malgré le fait que ce dernier jouisse d’une intégrité morale avérée auprès de l’ensemble du corps professoral. Au total, 3 candidats sont en lice pour l’élection du doyen prévue pour le 21 juin prochain. Ce sont celles du Pr Abdrahamane Sanogo, le Pr Ousmane Papa Kanté, le Pr Moriba Traoré. En effet, Ousmane Papa Kanté est l’homme que le vice recteur de l’université entend porter à  la tête du décanat de la Fseg en remplacement du Pr. Abdrahamane Sanogo. Cette élection suscite de vives inquiétudes d’autant plus que les enseignant disent ne jamais accepter le candidat que le décanat tente de les imposer. Selon le Pr Djibonding Dembélé, le Rectorat se doit d’être neutre car il n’a aucune compétence pour s’immiscer dans l’élection… « Il veut un doyen docile, acquis à  sa cause, et prêt à  satisfaire son désidérata ». Et M Djibonding d’ajouter que le vice doyen projette de diriger la Fseg à  partir du Rectorat. Joint au téléphone, le vice Recteur Moumouni Sanogo a indiqué que les élections se dérouleront dans de très bonne conditions, et que rien saurait compromettre leur transparence contrairement à  ce que pense le syndicat. En tout cas le syndicat dit défendre jusqu’au bout l’intérêt général de ses militants.

Alain Juppé explique la « Mondialisation » aux étudiants de la FSEG

L’amphithéâtre de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de la Faculté de Bamako était plein à  craquer ce jeudi. Et pour cause, Alain Juppé en visite à  Bamako, y animait un cours magistral sur la Mondialisation. Rappelons que l’actuel Maire de Bordeaux a enseigné, notamment à  la Faculté du Québec, lors d’une parenthèse dans sa carrière politique. La ville dont il est maire, abrite aussi la très célèbre Académie de Bordeaux, jumelée avec plusieurs lycées africains. Une mondialisation à  double tranchant  » Elle est une réalité incontournable de notre monde et permet la libéralisation des échanges, le développement des économies tout en ouvrant le village interplanétaire », a précisé Alain Juppé face aux étudiants attentifs, le verbe facile. « Si elle est ambivalente, cette mondialisation participe aussi à  creuser les écarts, entre pays riches et pauvres, mais d’un autre côté, elle accélère la croissance de certains. Voyez les Dragons de la Chine, l’Inde, le Brésil en croissance accélérée… Il y a donc des gagnants et des perdants dans cette mondialisation,  » qui d’ailleurs, ne date pas d’aujourd’hui, explique Juppé de tout temps, elle a existé, depuis la conquête de l’Amérique à  nos jours ». Or la mondialisation a de quoi laisser perplexe l’Afrique, la cinquième roue du carosse, la laissée pour compte de la richesse mondiale. A cet égard, un professeur s’interroge :  » A t-on vraiment besoin de cette mondialisation en Afrique ? Non, répond t-il. Elle ne nous profite pas ». Applaudissements dans la salle.  » Mr Juppé, vous avez cité ces pays émergents, mais qu’en est-il de l’Afrique ? » Et les indicateurs économiques ont de quoi rendre pessimistes ! Pourtant, Joseph Stiglietz, l’économiste Américain rassure dans un ouvrage :  » Un autre Monde est possible », une maxime reprise par Juppé et développée par l’altermondialiste Aminata Traoré… Applaudissements à  nouveau. La mondialisation à  visage humain Juppé, on le sait, revient du Québec, o๠il s’était exilé quelques temps pour enseigner. Depuis, il en est revenu avec une autre conception de la chose : » J’aime à  dire que je suis rentré en France, écologiste et altermondialiste ». Un autre monde est donc possible, insiste le Maire, visiblement à  l’aise dans ce sujet et face à  des étudiants, toujours désireux de savoir à  qui profite la Mondialisation. Ses conséquences sont nombreuses, affirme le conférencier, parfois négatives, elles mènent à  des flux migratoires incontrôlés, des drames humains, voyez le démantèlement de la Jungle de Calais, c’est là  l’une des conséquences de la Mondialisation sauvage, ou encore, dans nos campagnes françaises, ces agriculteurs qui déversent du lait dans les champs. Quelle mondialisation pour le Sud ? Nous sommes bien loin de ces agriculteurs Européens au Mali, mais proche de ces migrants africains, qui ne cessent de vouloir prendre part à  la mondialisation, à  leur façon, avoir leur part dans la distribution des richesses du Nord.  » Or si j’ai bien compris, demande une jeune étudiante, cette mondialisation est-elle vraiment pour nous ?  » « Il faut humaniser le phénomène », répond Juppé.  » J’aime à  reprendre une citation de Boutros Boutros Ghali, ex Secrétaire Général des Nations Unies :  » Il faut démocratiser la mondialisation, avant qu’elle ne dénature la démocratie ». La dissertation est ouverte. En attendant, l’Afrique cherche sa voie, face à  la mondialisation des échanges humains, économiques etc… Les étudiants Maliens ont vivement échangé avec Alain Juppé. S’ils ne sont pas toujours d’accord avec sa vision libérale de la chose, ils montrent aussi un intérêt pour l’échange de savoirs, l’écoute, la connaissance de ce village interplanétaire o๠nous vivons, et qui ne saurait être ignoré. Le progrès commence par là  !