Presse : la HAC suspend Joliba TV pour deux mois

Après une mise en demeure de la chaîne de télévision privée Joliba suite à un édito de son journaliste Attaher Alidou Maiga diffusé le 30 septembre dernier, la Haute autorité de la communication a décidé ce jeudi de suspendre Joliba TV pour une période de deux mois. La HAC reproche à l’émission Editorial animée par le journaliste de comporter des propos diffamatoires et des accusations infondées concernant l’instance de régulation, l’état de la liberté d’expression au Mali et les autorités de la transition. Le média à déjà introduit un recours gracieux auprès de la HAC. La direction de la chaine a communiqué informant ses téléspectateurs et partenaires de la suspension de ses programmes. Dans un communiqué publié le 3 novembre, la maison de la presse a « déploré » la suspension de la chaine, inviter la HAC à examiner le recours et solliciter sa clémence pour lever la décision de suspension.

Fodié Touré, Président de la Haute Autorité de la Communication : « Nous avons pris des mesures intelligentes »

Pour la Haute Autorité de la Communication (HAC), la présidentielle de 2018 est le premier scrutin national sur lequel elle intervient. N’étant pas encore légalement en charge de la régulation de l’accès des candidats à tous les médias, elle travaille avec le Comité national d’égal accès aux médias d’État (CNEAME) pour assurer une couverture équitable de la campagne. Entretien avec Fodié Touré, son Président.

Quel regard portez-vous sur la campagne telle qu’elle se déroule jusqu’ici ?

La période électorale est particulière : un peu tendue au début de la campagne, de plus en plus passionnée à 10 jours de l’élection et, comme on est dans une période où les tensions ont commencé à s’exacerber, dans l’expertise électorale, c’est la période critique. C’est le moment où l’on doit être sûr de l’appréciation de ce qui est fait et c’est à partir de cette appréciation objective que l’on prend les mesures adéquates. Nous avons, depuis novembre 2017, pris les devants, avec des mesures, élaborées avec le concours des autres instances de régulation de la sous-région et de l’Organisation de la Francophonie (au cours d’un Forum sur la régulation des médias en période électorale, Ndlr). C’est sur la base des résolutions issues de ce forum que nous avons pris les dispositions pratiques qui s’appliquent au moment et aux circonstances. Parmi elles, la gestion de l’existence encore ambigüe du CNEAME.

Comment se passe la collaboration voire la cohabitation entre ces deux entités ?

Nous avons pris des mesures intelligentes pour qu’il y ait une coexistence pacifique et harmonieuse entre les deux institutions. Parce qu’il n’était pas envisagé qu’en cette période, le CNAME existe encore. Mais compte tenu des circonstances, avec la tenue du referendum constitutionnel, le CNAME est toujours actif, selon la loi. Il joue donc son rôle qui est de veiller à l’accès égal  des candidats aux médias d’Etat, comme c’est précisé dans la Constitution. Restent les médias privés, nationaux et internationaux, dont nous avons la charge.

Parlez-nous des mesures prises pour réguler cette période…

Nous avons instauré une dynamique participative et pédagogique. Nous avons associé toutes les associations de médias à l’élaboration de ce que nous avons appelé le « Code de bonne conduite des médias en période électorale », qui est en train d’être ventilé, pour qu’en l’absence d’un cadre légal nous convenions ensemble de la conduite à tenir. À la HAC, nous sommes sereins. Si tout le monde joue sa partition, si les dispositions qui sont prises sont respectées, tout ira bien.

A dix jours du scrutin, comment se comportent les médias ?

Nous sommes destinataires de récriminations, qui viennent de candidats ou de citoyens, sur le déroulement de la campagne électorale ou la diffusion des messages de campagne. Cela concerne les médias privés comme publics. Le CNAME fait un travail pour être à l’abri de ces récriminations, mais s’il y en a elles nous seront adressées. Par ailleurs, nous suivons tous les jours les messages qui passent sur l’Ortm, sur Africable et sur les autres chaînes de télévision. Nous suivons tout.

Et l’équité est respectée ?

Pour le moment, nous pensons qu’elle est respectée. Nous n’avons pas le chronomètres en main, mais, dans un cadre général, tout se passe bien. Et si cela n’était pas, nous sommes habilités à nous saisir d’office. La loi nous le permet.

Quid des plaintes sur la sur-médiatisation du président-candidat ?

Ça, c’est un débat d’experts. Il faut se dire que dans l’appréciation des interventions d’un président-candidat, il faut distinguer trois temps. Le premier est la période classique, où on ne parle pas d’élection : elle couvre les 4 premières années de son exercice. Il fait ses activités, elles sont relayées et il occupe le devant de la scène. Le deuxième temps, c’est la période de 6 à 3 mois avant l’élection. Tous les actes posés par le candidat-président peuvent être interprétés comme étant des actes de campagne. Mais comment faire la différence entre une activité relevant de la fonction présidentielle et une activité de campagne ? Aucune loi en Afrique ne le définit. On peut chercher des définitions dans ce qui est dit dans les rencontres d’experts. Par exemple, la Déclaration de Bamako, qui est fondamentale et que beaucoup ne connaissent pas, le document de travail de base de l’Organisation de la Francophonie et de beaucoup de structures en charge des élections, dit qu’ « une activité de campagne est une activité qui appelle les citoyens, qui les invite ou les détermine à fédérer leurs suffrage autour d’un candidat ou d’un projet ». Alors, bien malin qui pourra dire : voici, ce que le Président fait, c’est une activité de campagne. Mais les instances en charge de la régulation le savent, ceux qui se plaignent doivent démontrer que les activités décriées sont des activités de campagne. Enfin, la troisième période, c’est la campagne, où les actes et les actions sont codifiés.

Régulation : Bras de fer entre l’URTEL et la HAC

Réguler le paysage médiatique malien, c’est la mission de la Haute Autorité de l’Audiovisuel (HAC), installée en décembre 2015. Mettre de l’ordre dans ce secteur, resté pendant longtemps dans l’anarchie, s’avère pour le moins délicat. L’Union des Radios et Télévisions Libres du Mali (URTEL), qui dit ne pas être contre le principe, en conteste les modalités de mise en œuvre.

« Lorsque le désordre a été constaté, au bout de quelques années d’exercice, personne n’a eu le courage de les arrêter (« ceux qui ont profité du désordre » NDRL). Chacun, selon sa position et son option du jour, a laissé faire et a même encouragé », note Fodié Touré, le Président de la HAC.

Réguler le secteur apparaît comme une évidence pour tous. Cependant, les acteurs ne s’accordent pas sur la mise en œuvre des mesures nécessaires à l’assainissement. Après la signature de conventions pour permettre aux radios de se mettre en conformité avec les textes, la HAC a procédé à des appels d’offres pour l’octroi des fréquences disponibles. Un point qui suscite la controverse entre l’autorité et l’URTEL (Union des Radios et Télévisions Libres du Mali). Pour son Président, Bandiougou Danté, qui dénonce le caractère « non inclusif » du processus, ce sont les documents qui posent problème. « Ces documents, que l’on peut appeler outils, sont inappropriés et inadaptés au contexte. Ils sont en fait impossibles à renseigner, à cause des nombreuses confusions et contradictions ».

La HAC, qui pour son 2ème appel à candidatures met en jeu 57 fréquences pour 113 dossiers reçus, promet la transparence dans le traitement des soumissions. Mais, même déterminée à mener à bien l’« assainissement » du secteur des médias, elle est confrontée à des difficultés. Ses « préoccupations »  sont relatives notamment à l’absence de matériel technique et d’un personnel qualifié pour accomplir les tâches qui lui sont assignées.

Selon un acteur du secteur, pour que la HAC, réclamée par tous depuis les années 1990, soit un bon instrument de régulation, elle ne doit pas seulement être une instance de répression : elle doit aussi accompagner les médias dans leur professionnalisation.

 

HAC : il est temps d’agir !

Depuis bientôt huit mois, les membres de la Haute Autorité de la communication, créée en décembre 2015 pour assurer la police du secteur de la communication, sont entrés en fonction. Le 5 août dernier, a débuté la première session de la HAC pour la finalisation de son plan d’action et du chronogramme de ses missions. Selon son président, Fodié Touré, durant les six premiers mois, la HAC a procédé à l’élaboration de cinq projets de décret, adoptés en Conseil des ministres, « fixant les cahiers des charges des services privés de communication audiovisuelle et d’un projet de décret déterminant les conditions de mise en œuvre des sanctions non pénales prononcées par la HAC ». Des projets pourtant élaborés depuis 2014.

Nécessaire nettoyage La HAC a entre-temps élaboré cinq modèles de convention soumis à l’appréciation des organisations professionnelles des médias et des promoteurs de services de communication audiovisuelle. Par ailleurs, l’organe de régulation a reçu du ministère de l’Économie numérique et de la Communication des documents et dossiers portant sur les services privés de communication audiovisuelle. Il en ressort que la situation de l’espace médiatique malien est complexe et préoccupante. Il en est de même pour les domaines de la publicité et de la presse en ligne, cette dernière n’étant d’ailleurs régie par aucun texte. Pour M. Touré, l’urgence s’impose pour la HAC de mettre de l’ordre.

Prêches extrémistes : un phénomène inquiétant

Les récents propos de personnalités religieuses sur les ondes de certaines radios privées ont suscité de vives réactions au sein de l’opinion publique, sans pour autant que les autorités ne réagissent.

Le rôle des radios privées fut fort apprécié dans le cadre du renforcement de la démocratie, mais la libéralisation totale du secteur, sans contrôle, apporte aujourd’hui son lot d’inconvénients, qui peuvent être préjudiciables à la paix sociale. Il ne se passe en effet plus un jour sans que des propos extrémistes soient tenus dans le cadre de prêches virulents, sur les ondes de certaines radios privées. Sans susciter de réactions de la part des autorités, qui disposent pourtant d’un instrument de régulation.

Régulation urgente Pourtant, tout responsable de radio se doit de respecter certaines règles, ce qui suppose une certaine autorégulation, voire une autocensure. Après constat fait des nombreux dérapages, c’est surtout la Haute autorité de la communication (HAC) qui est pointée du doigt pour son immobilisme face à ces manquements à l’éthique. Mais du côté du régulateur, on argue que « nous n’avons à ce jour aucun moyen mis à notre disposition pour agir, même si nos documents contiennent les solutions, car la structure n’est pas encore fonctionnelle », assure Alou Djim, l’un des membres de la HAC, avant d’ajouter qu’au niveau de sa structure, seules l’ordonnance et la loi de création existent pour le moment. Quant à l’URTEL (Unions des radios libres et télévision du Mali), elle se veut plus rassurante à travers la voix de son Président, Bandjougou Danté : « au nom des 350 radios de notre association, nous garantissons que les dérapages ne se feront plus, sauf peut être au niveau de radios n’ayant pas d’autorisation d’émettre ».

Du côté de la Maison de la presse, la message est plus clair : « il y a nécessité de mieux former nos journalistes et animateurs, et d’amener les radios à leur mission première, car c’est le fait que les radios manquent de ressources qui les poussent à prospecter partout et à ouvrir les micros », selon Alexis Kalambry, son vice président. Cette organisation faitière a d’ailleurs élaboré un programme de formation en lien avec la crise récente, pour mieux former les acteurs.