Nouvelle constitution : des imams s’opposent à la laïcité

La Ligue Malienne des Imams et Érudits pour la Solidarité islamique au Mali (Limama) a appelé, mardi, tous les musulmans patriotes à voter contre le projet de la nouvelle constitution dans sa forme actuelle.

Cette demande a été formellement exprimée lors d’un point de presse à Bamako exigeant, en outre, le retrait pur et simple de la laïcité dans le projet de la nouvelle Constitution du Mali. Le secrétaire général de Limama, Gaoussou Sidiki Minta, appelle les autorités à remplacer la laïcité par un État multiconfessionnel. Selon lui, « la laïcité est une astuce que les gouvernants utilisent à leur guise pour cadenasser la ou les religions », soulignant que « cette pratique a été usitée tant par le pouvoir colonial que par tous les régimes de l’ère d’indépendance qui ont gouverné notre pays ». Mohamed Kimbiri, 1er secrétaire à l’organisation du haut conseil Islamique et président du collectif des associations musulmanes du Mali a de son côté indiqué que « la laïcité selon la mentalité française n’est rien d’autres que le rejet de la religion. La réalité française et la réalité malienne ne sont pas pareilles, donc, comment ça fait-il que nous allons faire de notre Constitution, une copie conforme certifiée du modèle français. C’est ça qui nous a beaucoup choqué ».

Mali: des militaires et des imams formés au Maroc

Le Mali et le Maroc renforcent les relations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux. Au moins trois mois de formations pour les 200 militaires maliens séjournant actuellement au Maroc. 400 autres soldats maliens les ont déjà  devancés. De source officielle malienne, il s’agit de les former essentiellement aux techniques de lutte contre le terrorisme. Comment repérer l’ennemi, comment lui faire face en plein désert, ce sont des hommes aguerris qui doivent revenir ici au Mali. Lutte contre le terrorisme sur le terrain, lutte contre également contre le terrorisme, contre l’extrémisme religieux, cette fois-ci dans les mosquées. Une centaine d’imams formés au Maroc sont de retour. Ce programme prévoit au total, la formation de 500 imams maliens. Ils s’imprègnent d’un islam tolérant, qui rejette la violence comme mode d’expression. Ainsi, à  leur retour au pays, sur les lieux de culte, C’’est une parole divine éclairée qu’ils enseigneront. Outre le domaine des affaires, les relations entre Bamako et Rabat sont plutôt excellentes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En plus de la formation de militaires, de religieux, des échanges d’informations existent. Dans le passé, ils ont déjà  permis d’éviter des attentats dans le nord du pays.

Mahmoud Dicko, l’imam qui casse le code de la famille

Quand il le veut bien, l’imam Dicko sait parler aux femmes, y compris aux Occidentales. « Gros bisous, comme on dit chez vous ! » lance-t-il dès la fin du deuxième rendez-vous. Quelques jours plus tôt, elles n’avaient pas eu droit à  autant de bienveillance. Assis sur le même canapé noir, le président du Haut Conseil islamique malien (le HCI, qui fait l’interface entre les pouvoirs publics et la communauté musulmane, soit 95 % de la population) fustigeait les funestes desseins de cet Occident qui « veut métamorphoser la société malienne avec des valeurs soi-disant universelles ». « Mais on ne sait pas qui leur a conféré cette universalité ! » ajoutait-il. « Que les femmes héritent comme les hommes est contraire à  nos valeurs », tempêtait Mamadou Diamouténé, son secrétaire général. à€ sa droite, Dicko, boubou bleu nuit et foulard blanc, acquiesçait. à€ la tête du HCI depuis 2007, Mahmoud Dicko, 56 ans, époux de deux femmes et père de dix enfants, est maà®tre dans l’art de brouiller les pistes. à€ ses débuts, il était professeur d’arabe à  l’école publique et simple imam local. Originaire de la région de Tombouctou, o๠il a été élevé par un grand-père kadi, formé dans les madrasas mauritaniennes (à  Boutilimit et Néma) et passé par Médine, en Arabie saoudite, il officie depuis le début des années 1980 dans une mosquée du quartier de Badalabougou, à  Bamako. « J’ai toujours aimé prêcher », reconnaà®t-il. Ces derniers temps, son audience s’est élargie. Dicko s’en défend, mais il est devenu un homme politique. « La contestation du code de la famille a fait de lui un leader », confirme Gilles Holder, anthropologue au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et installé à  Bamako. Mariage civil ou charia ? Adopté en août 2009 par l’Assemblée nationale, après trois jours de débats publics, ce code est censé notamment moderniser les usages matrimoniaux, familiaux et successoraux. Dicko le juge « inadapté aux valeurs maliennes » et fabriqué par « la prétendue société civile financée par les Occidentaux ». Quitte à  en déformer la portée – en laissant courir le bruit qu’il autorise le mariage homosexuel –, il organise des marches de protestation dans le pays. Le 22 août 2009, il parvient à  rassembler 50 000 personnes au stade du 26-Mars, à  Bamako. Et contraint Amadou Toumani Touré à  reculer. Le président malien renvoie le texte en deuxième lecture. Dicko a gagné une manche. Il en a remporté une autre, le 4 octobre dernier, lors de l’ouverture de la session parlementaire : plusieurs articles de la nouvelle mouture présentée à  l’Assemblée portent sa marque. Ainsi, dans la version initiale, seul le mariage civil avait un statut légal. Dans le nouveau texte, les unions religieuses sont reconnues par la loi. « Un recul », confie une source à  l’Assemblée. Au code de la famille, Dicko préférerait-il la charia ? Après tout, l’imam se revendique du courant wahhabite – qui prône une interprétation littérale du Coran. Sa réponse est mesurée : « Je me bats pour ma religion, mais il serait prématuré d’appliquer la charia au Mali. » Et plus tard ? « Je suis musulman, je ne peux pas m’opposer à  l’instauration d’une république islamique, mais je suis très bien dans ce pays laà¯que. » Et pour cause : l’imam Dicko peut s’y attribuer le beau rôle, celui de l’avocat des petits contre les puissants. Accusant les élus de ne pas interpeller le gouvernement sur les sujets cruciaux – trafic de drogue, terrorisme –, il fait le travail d’un opposant. « La corruption est partout, le système éducatif est malade, l’élite se coalise contre le reste de la population, cela me donne la chair de poule. » Ne pouvant créer un parti islamiste – la laà¯cité est garantie par la Constitution –, Dicko dispose néanmoins d’une redoutable influence politique. l’affaire du code de la famille l’a montré.