D’où viennent nos produits alimentaires ?

Malgré d’importantes productions alimentaires, le Mali reste tributaire des importations. Pour preuve, le pays est le plus grand importateur de la zone UEMOA.

D’où viennent les produits que nous consommons ? Les plus avisés ou curieux se sont sûrement déjà posé cette question. Et la plupart ont eu des réponses convenues, et ont donc érigées les idées reçues en vérité absolue. L’une d’elle étant que le riz importé vient de la Chine, et qu’ils nous enverraient de la qualité très discutable. « Nos produits ne viennent pas d’un seul pays. Le riz vient le plus souvent d’Inde, du Brésil, ou de la Thaïlande, mais des commerçants qui importent depuis la Chine, je n’en connais pas un seul », affirme Sékou Draméra, l’un des plus gros importateurs de produits alimentaires. La Chine est le premier producteur de riz dans le monde avec près de 205 milliards de tonnes sur lesquels « seulement » 600 millions sont exportés, ce qui fait d’eux le septième exportateur au monde. Selon Monsieur Draméra, les principaux points de ravitaillement varient « en fonction des productions de chaque pays. En 2016 c’était l’Inde. Cette année c’est auprès du Pakistan qui a eu de bonnes récoltes, et ça revient beaucoup moins cher, puisqu’ils ont besoin d’écouler leur production », assure-t-il. Et le riz local dans tout ça ? « Les importations de riz continuent de manière soutenue et sont largement au-dessus des besoins. Cet état de fait constitue une concurrence défavorable à l’écoulement du riz produit localement. Cette situation a accru depuis les années 2000 la dépendance alimentaire du Mali en riz », a dénoncé Faliry Boly, président de la Plateforme nationale des producteurs de riz au Mali, lors d’une conférence de presse le 13 mai 2017. À une semaine du début du mois de Ramadan, la ruée vers le sucre a déjà débuté. Le produit phare de ce mois saint vient du Brésil, premier producteur mondial. « Le sucre coûte cher, parce qu’il est soumis à un cours mondial sur lequel nous n’avons aucun contrôle, et c’est un produit très demandé », explique un commerçant. Du Brésil provient également une grande partie de la volaille, mais ces importations ont été largement freinées par le scandale de la viande avariée en mars 2017.

Toutes nos consommations ne viennent pas d’au-delà des mers. « En dehors de ceux que produisent nos unités locales, 80% de l’huile alimentaire vient de la Côte d’Ivoire voisine » explique Draméra. Le Maroc est quant à lui le principal fournisseur en fruits et légumes. « Des camions venant du Maroc nous ravitaillent notamment en papaye, melons et oranges », affirme Fodé Diakité, fondateur du site Mali Suku.

 

Produits de Côte d’Ivoire : ils ont la côte

30 tonnes par semaine à  la douane de Faladié Plus question de faire un bon repas sans au moins l’un des produits suscités. Toutes les occasions sont bonnes pour s’offrir une bonne platée d’attiéké accompagné de poisson, garba, comme disent les ivoiriens. Pour en trouver, pas besoin de se casser la tête, les marchés en sont remplis ! Mais le meilleur endroit pour faire de bonnes affaires reste la douane de Faladié. l’officier de douane Mady Keita explique que le Mali a commencé l’importation des produits de consommation ivoiriens depuis quelques décennies et qu’au début, leur dédouanement se faisait au niveau de la douane de Faladiè. Le flux de marchandises ayant augmenté considérablement au début des années 2000, les dédouanements ont été transférés au niveau de la douane de Zégoua, frontière entre la Mali et la Côte d’Ivoire. Une trentaine de tonnes de marchandises passent la frontière chaque semaine, toujours selon l’officier Mady Keita. l’arrière-cour de la douane de Faladiè et les alentours du bâtiment sont donc devenus au fil des années un véritable marché, tout le monde l’appelle d’ailleurs, « cote d’ivoire sugu », le marché de Côte d’Ivoire. On y retrouve de nombreux commerçant(es) qui proposent à  tout moment de l’année la banane plantain et l’igname qui sont les produits es plus demandés. Des affaires qui marchent Katy Koné est commerçante ivoirienne vivant au Mali depuis plusieurs années. Katy a commencé le commerce d’igname en 1999, début des vas-et-viens entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Elle explique qu’« au départ, les choses étaient beaucoup plus faciles et nous ne rencontrions pas de problèmes majeurs sur la route lors des transports de nos marchandises. En plus de la route, les marchandises également coûtaient nettement moins chers que maintenant. Le transport coûtait moins cher et la crise économique n’avait pas encore frappée les clients.» Katy impute cette cherté à  la crise qu’a subi la Côte d’Ivoire durant presqu’une décennie. Les tracasseries routières ne facilitent pas l’écoulement des produits sur le marché, à  en croire cette commerçante. Cependant, elle gagne bien sa vie puisque par jour, elle confie qu’elle peut vendre entre 50.000 et 100.000 francs CFA d’ignames. Les mauvais jours, son chiffre d’affaire s’élève à  15 000 FCFA par jour. Elle importe une à  deux tonnes d’ignames par mois. Le trajet peut durer une semaine entière à  cause des blocages de camions au niveau de la douane. Katy Koné précise que lorsque les transporteurs quittent le territoire ivoirien, les tracasseries diminuent parce que le plus gros problème se situe au niveau des douanes ivoiriennes qui ne sont pas du tout tendres. La période propice pour les ignames se situe entre juillet et septembre, puis octobre et novembre. Précisons qu’il existe deux sortes d’ignames : Florido et Wakrou. Le premier est assez fréquent en saison pluvieuse et le second en période fraà®che. Les clients de Katy sont viennent de divers horizons. Certains l’achètent pour la revendre et d’autres pour leur propre consommation. Seydou Diarra, lui, est grand vendeur de bananes (Aloco) et plusieurs autres denrées dont les ignames, l’ananas. Ses clients sont majoritairement des commerçants quittant l’autre côté du fleuve, même si quelques rares habitants proches des lieux, achètent régulièrement la banane pour leur propre consommation. Cette denrée ne manque pratiquement jamais tout au long de l’année. Il n’y a que deux mois durant lesquels elle se fait un peu rare. Seydou contrairement à  Katy Koné, n’importe pas ses produits. Il les achète sur place à  la douane, lorsque les camions viennent avec les marchandises de Côte d’Ivoire. Et il les revend avec un petit bénéfice qui permet de continuer à  faire tourner le business. On le peut le dire sans rires, vive l’intégration africaine pour la richesse de nos assiettes!