JNIM : le lucratif business des enlèvements

Même s’il n’en détient pas le monopole, le JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) a érigé au fil des années les enlèvements au Sahel en modus operandi. Depuis que sa rivalité s’est accentuée, à partir de février 2020, avec l’EIGS (État islamique au grand Sahara), le groupe d’Iyad Ag Ghaly a multiplié les rapts. Expatriés européens, nationaux de divers profils, la liste des otages passés, ou qui sont encore dans les mains du JNIM au Mali, est longue. Que tire ce groupe terroriste de ces enlèvements ?

Officiellement, pour la libération le 20 mars 2023 de l’ex-dernier otage français dans le monde, Olivier Dubois, détenu pendant près de deux ans par le JNIM, et de l’humanitaire américain Jeffrey Woodke, enlevé au Niger en 2016, les autorités françaises et américaines sont catégoriques : aucune rançon n’a été versée et aucune libération de prisonniers n’a servi de monnaie d’échange.

Mais difficile de s’en tenir à ces versions quand on sait que dans la plupart des enlèvements d’Occidentaux en Afrique, la libération n’intervient qu’après des paiements de rançons et/ou la remise en liberté de terroristes prisonniers. À en croire certaines sources issues du renseignement malien et relayées par des médias locaux, au moins quelques millions d’euros auraient été versés pour obtenir la libération des deux ex-otages.

L’ancien Président François Hollande reconnaissait en 2016  que des rançons avaient été payées pour certains Français retenus en captivité, en l’occurrence les journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponnier, enlevés en Afghanistan en 2009 et libérés en 2011, et  Florence Aubenas, enlevée en 2005 en Irak puis libérée quelques mois après.

Comme pour Olivier Dubois, près de 3 ans plus tôt, Paris a toujours démenti avoir payé, en plus d’échange de prisonniers,  pour la libération de Sophie Pétronin, autre otage française longtemps détenue au Mali et libérée en octobre 2020 en même temps que l’ancien Chef de file de l’opposition malienne Soumaïla Cissé et 2 Italiens, Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli.

Dans la foulée, sur RFI, Ahmada Ag Bibi, ancien membre d’un groupe djihadiste qui sert quelquefois d’intermédiaire lors des négociations, affirmait que 2 millions d’euros avaient été versés comme rançon au JNIM  pour l’ancien Président de l’URD, décédé depuis.

De l’argent et des concessions

La manne financière que le JNIM et les groupes terroristes tirent des enlèvements est très importante. Une source spécialiste de ces mouvements djihadistes l’estime à « 40 à 50 milliards de francs CFA perçus de 2003 à aujourd’hui ». « La prise d’otages européens  a fait des djihadistes au Sahel des milliardaires en francs CFA, cela ne fait aucun doute », avance cette source, qui a requis l’anonymat. De son point de vue, c’est d’ailleurs pour cette raison que les Occidentaux, et plus particulièrement les Européens, sont les cibles privilégiées du JNIM, parce que les pays d’où ces derniers sont originaires entament vite des négociations pour obtenir leur libération.

« Lorsqu’ils prennent des Européens et des Africains, ils libèrent plus rapidement les Africains pour deux raisons. D’abord, parce que ces derniers n’ont pas de valeur marchande, leurs États n’ont pas d’argent pour payer. Ensuite parce qu’ils font attention à ne pas enlever des locaux dans les zones qu’ils occupent. Cela pourrait amener des relations difficiles entre eux et les autochtones », explique notre source.

En dehors de l’argent qu’il perçoit à travers les rapts, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al Qaeda, tire d’autres avantages. « Les enlèvements rapportent soit de l’argent, soit une occasion de négocier pour aboutir à des concessions ou obtenir des accords. Souvent, ils enlèvent des chefs de villages pour faire un forcing afin d’obtenir un accord local ou un avantage quelconque », affirme un ex-otage malien.

« Dans le centre du Mali, quand le JNIM enlève des personnalités locales, politiques ou influentes dans un village ou dans une ville, il négocie des concessions qui peuvent être endogènes. Si, par exemple, on les empêche de se ravitailler en carburant dans un village qui fait de l’autodéfense, s’ils y enlèvent quelqu’un ils poussent les pions pour qu’on leur ouvre la route, qu’ils puissent quelquefois venir à la foire se ravitailler en denrées, acheter des engins ou vendre leur bétail », confie celui qui a passé deux mois au centre du Mali en 2018 dans les mains d’un groupe affilié au JNIM.

Selon lui, d’autres profils en dehors des Occidentaux intéressent le groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly. Administrateurs civils, militaires, politiques ou encore journalistes, « dès  qu’ils jugent pouvoir tirer contrepartie d’une cible, ils n’hésitent pas ». Dans plusieurs cas, les libérations d’otages interviennent aussi après celle de prisonniers, de certaines voies ou encore l’obtention d’une garantie de non coopération avec l’armée de la part des populations.

Manque de ressources ?

C’est inédit. Quatre vidéos de revendication d’otages enregistrées et diffusées sur les réseaux sociaux en l’espace de quelques jours (entre le 28 et le 30 mai 2023). Jamais le JNIM n’avait autant « exhibé » ses captifs dans un délai aussi court. Comme à l’accoutumée dans ce genre de vidéos, le message de fond reste le même. Les otages, 1 Sud-africain et 3 Maliens, appellent les autorités de leurs pays et leurs familles à négocier leur libération.

Dans deux vidéos enregistrées le 26 mai et diffusées deux jours plus tard, le Sud-africain Gert Jacobus van Deventer, 48 ans, demande d’urgence de l’aide ou toute forme d’assistance pour faciliter ou activer toute action qui puisse conduire à sa libération.

Pour sa part Abdou Maïga, ancien député, et proche du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga selon certaines sources, appelle également le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, et le Chef du gouvernement à tout faire pour négocier sa libération, affirmant souffrir de glaucome, de diabète et de tension.

« J’ai été arrêté par les djihadistes le 18 mars 2023 entre Koala et Nara et actuellement je suis en vie. J’étais blessé le jour où l’on m’a arrêté. Actuellement, je suis en bonne santé. Je veux que le gouvernement m’aide pour que je rentre à la maison », implore de son côté, dans une autre vidéo enregistrée le 28 mai, le Caporal Oumar Diakité, élément du 34ème Bataillon du Génie militaire.

Tout comme lui, le même jour, Abdoulaye Kanté, garde forestier enlevé fin mars dans un poste à Kita, demande dans une autre vidéo de l’aide des autorités, à ses collègues et à sa famille pour recouvrer la liberté.

La nouvelle méthode employée par le JNIM, d’autant plus avec des otages relativement peu connus, suscite des interrogations. Le groupe est-il en manque de ressources financières et est-il en train d’activer des leviers de négociations pour le combler ? Est-il en train d’expérimenter une nouvelle stratégie ? Pour l’analyste sécuritaire, spécialiste des groupes djihadistes du centre et du nord du Mali, Yida Diall, la réponse à ces deux interrogations est négative.

« Pour moi, ces vidéos ne sont  pas pour chercher de l’argent, parce que en général les otages africains ne sont pas susceptibles de faire gagner beaucoup aux terroristes. Je pense qu’ils sont en train de le faire pour un autre motif, un échange de prisonniers. Ces derniers mois, ils ont eu certains lieutenants importants arrêtés, certains, pendant que Barkhane était encore là et d’autres avec la montée en puissance de l’armée ».

Quelques otages occidentaux, dont la « valeur marchande » est réputée plus grande, sont toujours aux mains du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans. Parmi eux, entre autres, le quadragénaire roumain Iulian Ghergut, enlevé en avril 2015 au Burkina Faso puis transféré vers le Mali, et trois Italiens, Rocco Antonio Langone et Maria Donata Caivano, 64 et 62 ans, et leur fils Giovanni, 43 ans, capturés au Mali  le 19 mai 2022.

Amadou Djoum, agent de l’INPS pris en otage : Plus de cent trente jours de silence

Dans le Centre du Mali, un nouvel ordre s’est installé. Pas de loi, ni de foi, juste la terreur. Des hommes affiliés à l’illustre Amadou Kouffa y règnent en maitres incontestables. Intimidations, peur, braquages, prise d’otages, assassinats sont devenus monnaie courante dans ce cercle vicieux. Le 26 avril 2017, Amadou Ndjoum, la trentaine avancée, agent de l’INPS à Sévaré, marié et père de quatre enfants, a été enlevé par un groupe armé à Walado. Plus de quatre mois de détention ont passé dans un silence assourdissant de la part du gouvernement, malgré la mobilisation de sa famille et, depuis trois mois, d’un collectif qui œuvre à sa libération. Retour sur un fait qui dépasse l’entendement.

Cela ressemble à un fait divers, mais ça n’en est pas un. C’est plutôt un drame. Le 26 avril 2017, Amadou Ndjoum, agent de l’Institut National de Prévoyance Sociale de Sévaré, tombe dans les filets d’un groupe armé à Walado, dans la localité de Youwarou. Marié et père de quatre enfants, Amadou Ndjoum, en mission, empruntait un véhicule de transport en commun avec d’autres passagers. Ce jour-là, comme chaque mois depuis cinq ans, il s’était mis en route pour aller verser les pensions des retraités de l’Institut. Conscient de l’insécurité permanente, il avait pris l’habitude de dissimiler l’argent dans un carton, en mettant par dessus des mangues. 10 000 000 de francs CFA étaient contenus ce 26 avril dans ce coffre-fort de circonstance. Tout se passait heureusement en ce début de matinée, mais cela ne dura pas longtemps. Tout à coup, le bus fut immobilisé par des hommes armés de kalachnikovs, au nombre de trois, sur trois motos. L’un d’eux le montra du doigt en disant: « c’est lui Amadou Ndjoum ». Identifié, il fut  aussitôt appréhendé, ligoté, les yeux bandés et mis derrière l’un de ses trois ravisseurs sur une moto. Ils traversèrent avec lui la ville de Dogo en pleine journée. Contre toute attente, aucun bien, ni de Ndjoum, ni des autres passagers, n’a été emporté. Dès lors on pouvait s’interroger sur les motivations profondes de ce rapt si particulier. Pourquoi enlever cet homme au lieu de l’argent ? Quelle valeur avait-il au point d’être le seul extrait parmi tout ce monde ? D’après des informations émanant de la famille de l’infortuné, parmi les ravisseurs se trouvait l’un des fils d’un des retraités auxquels il versait leurs pensions. D’autres témoignages, recueillis auprès du frère de Ndjoum et du collectif, accréditent la thèse selon laquelle les djihadistes souhaitaient échanger l’agent de l’INPS contre l’un des leurs, détenu par les autorités maliennes. Pour l’association Kisal, il s’agirait d’un certain Dicko, qui serait, d’après des rumeurs persistantes, le beau-père d’Amadou Kouffa.

Mobilisation familiale Le jour même de l’enlèvement, vers 16 heures environ, l’un des ravisseurs appela un ami d’Amadou Ndjoum pour l’informer du rapt de ce dernier. D’ailleurs, des images de l’otage lui ont été envoyées par Viber pour prouver qu’il allait bien. Aussitôt, cet ami de Ndjoum en informa l’un de ses neveux, qui répandra instantanément la nouvelle. Aucune demande formelle de rançon n’a été formulée, ni aucune revendication ou explication de l’enlèvement. Dès le lendemain, le neveu de Ndjoum, Hamadoun Bah, s’est rendu à la gendarmerie et chez le Gouverneur pour les informer de sa disparation. Il espérait que ce fils du pays, capturé en mission, ferait l’objet d’attention de la part des autorités. Que nenni.  Plusieurs fois il s’entendra répondre « on est là-dessus ». 10 jours après la capture, le 7 avril, le neveu de Ndjoum reçoit une vidéo réalisée par les geôliers. L’agent payeur y apparait à genoux. Derrière lui se tiennent des hommes armés et enturbannés. Il s’exprime en peul, puis en bambara et en français, se disant bien portant et bien traité. Souriant, il lance un appel pressant pour sa libération. Cette vidéo a permis de savoir qu’il était séquestré par des hommes de la Katiba du Macina, qui a fusionné avec des groupes opérant dans le Sahel pour donner « Jamaat Nosrat Al-Islam Wal-Mouslimin », sous le  commandement d’Iyad Ag Agaly. Dans cette partie du Mali, « après Dieu, c’est Amadou Kouffa », le détenteur d’autorité. Des hommes qui lui sont affiliés enlèvent presque au quotidien de paisibles citoyens. C’est un vase huis clos où les règlements de comptes empoisonnent la stabilité sociale. Le maire de Dogo, sollicité par la famille, avait assuré faire tout son possible. Entre temps, l’une des grandes sœurs de Ndjoum s’est rendue sur les lieux, où elle a rencontré, le jour de la foire de la localité, des éléments de la Katiba. Ceux-ci lui ont assuré que le jeudi d’après ils reviendraient avec son frère et que c’est le maire qui le recevrait.  Une lueur d’espoir naquit, le laps d’une semaine. Tout le monde crut à son imminente libération, quand survint un retournement de situation. Le maire, qui devait recevoir le prisonnier, aurait été inquiété par les allers-retours des FAMAs, qui le soupçonnaient d’être proche des djihadistes. Il quitta Dogo pour Bamako, où, depuis, il est injoignable. Le jeudi du rendez-vous arriva. L’otage était bel et bien là, mais, le maire étant absent, les éléments de la Katiba s’en retournèrent avec lui, après s’être approvisionnés au marché. Depuis lors, aucune nouvelle n’a filtré. Selon sa femme, « des gens sont souvent enlevés, mais deux ou trois jours après ils sont libérés », ce qui renforce l’hypothèse qu’il pourrait être détenu à des fins importantes, comme un échange. Quant au carton, il a été livré au logeur de Ndjoum, qui, quelques jours après, l’ouvrit et y trouva les 10 millions, qu’il remit peu après à l’INPS de Sévaré.

Mobilisation collective Face au constat d’immobilisme de l’Institut et du gouvernement, un collectif pour la libération de Ndjoum et de tous les otages maliens a vu le jour. Un mois après le rapt, un jeune fonctionnaire malien de Bandiagara, du nom d’Oumar Cissé, a sonné l’alarme via Twitter. Cinq personnes actives, toutes maliennes, deux de la diaspora et trois de l’intérieur, formèrent un collectif qui compte aujourd’hui une trentaine de sympathisants à travers le monde. Il mène une campagne quotidienne sur les réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook. Des actions ont été entreprises, comme la publication de plusieurs articles qui ont permis de rallier à la cause plusieurs hommes politiques, hommes des médias, activistes et citoyens engagés. Une lettre ouverte a été adressée au Président de la République, appelant à son implication et à celle du gouvernement. Le collectif, dans son plaidoyer, lui disait combien il serait glorieux de s’investir pour qu’un fils du Mali sorte d’un danger de mort. Car, selon ses membres, cela est possible. « Combien de fois les autorités maliennes ont-elles fait libérer des otages étrangers, souvent dans l’ombre ? ». Au centième jour de sa mobilisation, correspondant aux 128 jours de détention de Ndjoum, le collectif a organisé un point de presse au mémorial Modibo Keita. Pour Dia Sacko, membre active, « l’objectif principal est d’appeler à un sursaut national autour des otages maliens. Pour ce qui concerne Amadou Ndjoum, il s’agit d’en appeler à la responsabilité de l’INPS et à l’action du gouvernement malien ». Une plainte a été déposée par son frère le 15 juin 2017 à Sévaré, puis transmise au tribunal de la Commune  VI de Bamako.

Sortir du silence Le silence de l’INPS face à un tel acte, plus d’un ne l’a pas compris. D’ailleurs, d’après Cheick Oumar Ndjoum, la famille n’a reçu la visite des agents de Mopti que 4 jours après l’enlèvement. Aucune démarche n’a été entreprise pour sa libération. Son épouse a été invitée à prendre le salaire de son mari, mais elle a répondu que c’était son mari qu’elle voulait, non cet argent. Du côté du gouvernement, c’est le silence radio. Pas même un communiqué de presse. Le ministre de l’administration territoriale, Tiéman Hubert Coulibaly, a à titre personnel appelé une fois Mme Ndjoum et suit la mobilisation sur Twitter. La plainte reçue par le procureur antiterroriste près le Tribunal de la Commune VI traine toujours. Un silence que certains assimilent à une inaction. « Nous ne pouvons rien vous dire, l’enquête est en cours », confie un agent de la Sécurité d’État. Selon le chargé de communication du ministre de la Justice, « le sujet est très difficile à aborder » et « à ce stade, il ne pourra rien dire ». Quant à celui du ministère de la Solidarité et l’action humanitaire, dont relève l’INPS, il n’a pas voulu s’exprimer. Y a-t-il une implication sérieuse des autorités dans le dossier ou est-ce le statu quo ? Sa famille et le collectif, eux, ne perdent pas espoir. « Chaque jour nous espérons sa libération » répète Dia Sacko, l’une des personnes se battant pour sa cause. Aujourd’hui, pouvons-nous dire avec sincérité : « les champs fleurissent d’espérance » et « les cœurs vibrent de confiance» ? Amadou Ndjoum mérite t-il de croupir en détention en silence ?

 

Wassim Nasr :  « Le temps joue en faveur des djihadistes »

Début mars, Iyad Ag Ghaly annonçait la formation d’un nouveau mouvement djihadiste, Jamaat Nusrat al-Islam wa-l-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), fusion d’Ansar Dine, d’AQMI au Sahel, d’Al-Mourabitoune et de la Katiba Macina. Wassim Nasr, journaliste et auteur de « État islamique, le fait accompli » (Plon), revient sur les motivations de cette inquiétante union djihadiste au Sahel.

Pourquoi ces 4 mouvements djihadistes ont-ils décidé de fusionner en un seul mouvement ? 

Ils ont fusionné parce que la situation géopolitique s’y prête. En même temps, cette formation s’est faite en opposition au processus de paix et à la mise en place des autorités intérimaires au Nord Mali. Cette nouvelle union qui regroupe différentes sensibilités, si je puis dire, ethniques, tribales et claniques de la région du Sahel, est dans la dynamique même de la politique d’Al-Qaïda : un ancrage solide qui s’accroche à un conflit local et des préoccupations locales. C’est comme ça qu’ils réussissent à chaque fois à faire perdurer leur mouvement dans le temps. Tant que le problème local n’est pas résolu, ils vont perdurer avec lui.

Cette union de mouvements djihadistes va-t-elle faire barrage à l’État islamique comme le disent certains observateurs ? 

Ce n’est pas juste en opposition à l’État islamique, c’est avant tout en application de la politique d’Al-Qaïda qui est d’unifier les groupes et de les ancrer sur des problématiques locales. Beaucoup d’experts sont sur l’État islamique parce que c’est l’actualité du moment, mais c’est beaucoup plus compliqué que ça. Ces djihadistes disent que le temps joue en leur faveur, c’est un souffle long. Cela en est l’application exacte. Ils ont attendu que le processus de paix et la mise en place des autorités se « cassent la gueule » pour lancer leur nouvelle formation qui va forcément attirer du monde. La patience et l’attente, c’est propre à Al-Qaïda.

Pourquoi le choix d’Iyad Ag Ghaly comme chef de cette union ?

Iyad Ag Ghaly n’est pas un choix anodin. Il a un ancrage local, des réseaux locaux et une influence locale qui pourra lui permettre d’attirer plus de monde dans son giron. C’est le meilleur candidat. C’est pour cela par exemple que l’on n’a pas choisi Mokhtar Belmokhtar, qui n’a aucun ancrage local ou tribal au Nord du Mali. Avoir un ancrage local solide est un aspect indispensable à toutes mouvances djihadistes, dont Al-Qaïda. C’est comme ça qu’ils fonctionnent depuis toujours. On a vu ça avec les Shebab en Somalie, au Yémen avec AQPA et avec le front Al-Nosra (Syrie) dans une moindre mesure aujourd’hui. Ce choix est un calcul.

Ont-ils de nouvelles revendications et qui visent-ils ?

Ils vont continuer sur la même veine, ils vont faire monter les enchères. Le but c’est toujours de frapper les forces étrangères au Nord du Mali et l’étendue de leurs opérations va bien au-delà. Cette nouvelle formation va avoir besoin d’un coup d’éclat quelque part. Est-ce que ça va être en France ? Est-ce que ça va être dans un pays africain au-delà du Sahel ? Parce que le Mali est maintenant habitué aux attentats et aux attaques de kamikazes, s’ils veulent faire un coup d’éclat, ils doivent aller au-delà. Il y a aussi une montée en puissance de la communication, par exemple contre la France. Alors frapperont-ils des intérêts français dans un pays africain ? Tout est possible.

Comment ont-ils pu se réunir sans que quiconque ne soit au courant ?

Ces gens-là sont rompus à la clandestinité, sinon ils seraient déjà tous morts depuis un bon moment. C’est très facile pour eux de voyager. On ne peut pas imaginer que dans une zone aussi grande que le Sahel, l’on puisse les suivre à la trace. On peut difficilement les appréhender avec des moyens techniques, même très importants. Il faut du renseignement humain et c’est compliqué. Ce que nous avons vu n’est qu’une mise en en scène. Ils se sont certainement réunis plusieurs fois avant pour mettre les choses au clair et ensuite l’annoncer au public.

Iyad Ag Ghaly – Mahmoud Dicko : « Un arrêt des attaques, oui, mais concernant les forces armées du Mali ».

On apprenait dimanche que Iyad Ag Ghaly, l’éminence grise du groupe djihadiste Ansar Dine, qui sévit dans le nord du Mali, avait signé un accord de cessez-le-feu sur tout le territoire avec Mahmoud Dicko, président du Haut-Conseil islamique (HCI) du Mali. Pourtant ce même dimanche en début de soirée, le camp de la Minusma à Kidal était la cible de plusieurs tirs de roquettes, mode opératoire caractéristique d’Ansar Dine, pour qui les forces étrangères sont l’ennemi à abattre. Selon nos informations, cette attaque ne trahirait pas l’accord de cessez-le-feu signé avec le président du HCI.

Ce sont plusieurs tirs de mortier qui ont visé le camp de la Minusma à Kidal, dimanche soir dernier, n’occasionnant aucune victimes mais causant des dégâts matériels dont l’ampleur réel reste encore difficile à établir. « ll y eu plusieurs déflagrations et un grande fumée noire qui sortait du camp. Les hélicos de la Minusma qui transportent les troupes, les officiels ou les gens des mouvements armés, entre Gao et Kidal, ont été touchés par les éclats d’obus, deux notamment, mais les dégâts ne seraient pas importants », explique ce résident du quartier Aliou à Kidal joint au téléphone.

Bien que cette attaque n’est pas été revendiquée, la plupart des attaques visant le camp de la Minusma le sont par Ansar Dine, dirigé par l’ex-chef rebelle Iyad ag-Ghaly, qui voue aux ‘‘mécréants’’ (les forces étrangères) une guerre sans merci.

Le camp de la Minusma a été frappé au moment ou le président du Haut Conseil islamique (HCI), Mahmoud Dicko, confirmait aux médias qu’il avait, après des mois de négociation, signé une lettre avec Iyad Ag Ghaly, dans laquelle ce dernier s’engage à accepter un cessez-le-feu « sur toute l’étendue du territoire». Cette nouvelle à surpris à Kidal où la plupart des gens s’attendaient à une intensification des attaques djihadiste après la mort de Cheikh Ag Aoussa. Le document dont «l’authenticité ne fait pas de doute », selon le porte-parole du HCI, a été annoncé comme un tournant dans la crise du Nord-Mali par certains médias, mais l’attaque du camp de la Minusma vient remettre cela en question.

Selon une source bien informée de la région, Iyad Ag Ghaly n’aurait en rien rompu cet accord de cessez-le-feu. « Le document écrit en arabe, a été mal traduit ou interprété, ce sont les forces maliennes qui sont épargnées et ne seront pas visées par Ansar Dine sur tout le territoire et non les forces étrangères comme la Minusma ou Barkhane, donc un arrêt des attaques, oui, mais concernant les forces armées du Mali. Elles ne sont quasiment pas présentent dans le Nord d’ailleurs, à part à Tessalit ou elles restent cantonnées . L’attaque d’hier soir était aussi là pour mettre l’accent sur ça. », révèle cette source.

Malgré la pression que Barkhane exerce sur les groupes djihadistes notamment à Abeibara , depuis l’installation dans la zone d’une base française provisoire, Ansar Dine ne semble pas avoir relâché son emprise sur le Nord. L’attaque du camp de la Minusma aurait été possible, d’après certains, par le relâchement notable du blocus exercé par la GATIA qui encerclait Kidal où la CMA restait cantonée.

Selon nos informations des cadres du mouvement et Iyad Ag Ghaly lui-même aurait éte aperçu plus au nord, dans la zone de Tinzawatène. une ville située à la frontière algérienne, stratégique pour le chef djihadiste car il peut ainsi franchir la frontière algérienne sans être inquiété. Dans cette zone, les populations rapportent croiser de nombreux combattants armés et à moto.

L’emprise du mouvement Ansar Dine s’étendrait même jusqu’à Ménaka et serait renforcée par une collaboration d’opportunité avec le MUJAO, soupçonné d’être derrière les attaques du camp de réfugiés de Tazalit et de la prison de haute-sécurité de Koukoutalé au Niger.

Abou Yehia, trajectoire d’un Emir d’Ansar Dine

Mahmoud Barry, alias Abou Yehia, alias Cheick Yahya, a été arrêté par les forces spéciales maliennes dans la fôrêt de Wagadou, mardi 26 juillet. Celui qui se nomme lui-même « Emir » de la Katiba du Macina, bien que dans le collimateur de la sureté de l’Etat depuis un certain temps, reste méconnu du public.

Abou Yehia est un peulh, d’environ 37 ans, marié, père de famille, passé par l’Arabie saoudite où il travaillait, il a été, un temps, imam dans une mosquée à Bamako. Comme nombre de peuls, il est entré dans la clandestinité pour défendre son ethnie, puis il s’est radicalisé, certainement au contact d’Amadou Kouffa qui opère dans le Macina, cette région qui s’étend de la frontière mauritanienne à la frontière burkinabè et dont l’épicentre est Mopti. Ils deviennent proche. Ce dernier, le charge de créer la branche peule d’Ansar Dine au Macina, pour coordonner les actions et les opérations au centre et au Sud du Mali. Selon certaines estimations, cette Katiba compterait pas moins de 500 combattants.

Elle opère aux alentours de Tombouctou, Diabaly, Nampala, Léré, Niafunké. Son fait d’arme notable, l’attaque de la gendarmerie de Nara, le 27 juin 2015, qu’Abou Yahia a commandité et dirigé.

Dans une vidéo, mise en ligne le 17 mai 2016 et qui semble avoir été tournée après l’attaque de la ville de Nara, perpétrée le 27 juin 2015, il harangue ses hommes en armes, victorieux, une Kalachnikov en appui sur l’épaule et un drapeau d’Ansar Dine en toile de fond. S’exprimant en langue Peule, il galvanise ses combattants et justifie leurs combats. Il dit vouloir combattre la France, les Etats-Unis et tous ceux qui ont envahi le Mali. Il appelle au jihad pour chasser les étrangers du Mali et combattre les forces maliennes.

Depuis début 2015, cette entité d’Ansar Dine a multiplié les raids meurtriers contre les forces de sécurité malienne et les assassinats ciblés dans la région de Mopti. L’attaque du camp de Nampala qui a fait 17 morts et 35 blessés dans les rangs des Famas, pourrait être imputable à sa katiba. « Ils sont liés de façon directe ou indirecte à l’attaque du camp militaire de Nampala, car ils opèrent dans cette zone », confie le commandant Modibo Namane Traoré.

Mardi 26 juillet, la trajectoire sanglante du chef de la Katiba Macina s’arrête net, une semaine après que le président Ibrahim Boubacar Keïta, a affirmé que les responsables de l’attaque de Nampala seront « traqués ». « Nous avons pu l’arrêter grâce à des éléments infiltrés et il a été appréhendé », révèle le commandant Traoré. « C’est une grosse prise, ça va nous permettre d’obtenir de nombreuses informations ; de qui se compose cette katiba ? comprendre quelles sont ses ramifications et ses connexions, avec Amadou Kouffa,  et surtout avec Iyad Ag Ghali, le chef D’ansar Dine », conclut-il.

Le terroriste Abou Yehiya, entre les mains de la Sécurité d’Etat

Les services spéciaux ont arrêté dans la nuit du mardi à mercredi, Mahmoud Barry, alias Abou Yehiya, le chef d’une unité du groupe Ansar Eddine opérant dans le centre du pays.

L’individu aurait été arrêté dans un hameau situé entre Nampala et Dogofri.  Cette arrestation est une victoire pour l’armée malienne dont le camp des FAMA a été attaqué il y a une semaine à Nampala par les djihadistes faisant 17 morts. Selon les dernières informations au niveau du département en charge du dossier, Abou Yehiya serait actuellement à Bamako. Il restera entre les mains  de la sécurité d’Etat jusqu’à la fin d’une enquête qui sera ouverte incessamment par le procureur chargé du pool terrorisme. Le Colonel-major Salif Traore, ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile donnera une interview sur les antennes de la télévision nationale (ORTM) ce soir lors du journal Télévisé de 20 heures, a expliqué, Amadou Sangho, son chargé à la communication.

Dans cette interview, le ministre reviendra sur les conditions d’arrestation du terroriste. Salif Traoré insistera sur la volonté du gouvernement à lutter contre le terrorisme sur toutes ces formes. « Je viens de quitter Abou Yehiya, il est sous bonne garde », assure Amadou Sangho. Pour rappel, Abou Yehiya est un pilier du Front de libération de Macina du prêcheur radical, Amadou Kouffa dont le mouvement est lui-même une franchise d’Ançar Eddine d’Iyad Ag Ghaly, l’homme le plus recherché du Mali. Son arrestation pourrait être une véritable aubaine pour débusquer Iyad Ag Ghaly, a commenté un responsable au niveau de la présidence. Selon ce dernier, les forces spéciales qui ont arrêtés Abou Yehiya ont également des informations sur l’endroit où se cache Iyad Ag Ghaly. « Ce n’est plus une question de temps pour qu’on mette la main sur lui », a-t-il dit. En attendant, espérons que Abou Yehiya collabore.

5 Casques bleus tués, ce que l’on sait

Mercredi 18 mai dernier, en fin d’après-midi, un convoi logistique de la MINUSMA était attaqué au nord d’Aguel’hok, dans la région de Kidal (Nord-Mali), faisant 5 morts et 3 blessés parmi les Casques bleus tchadiens

Le convoi logistique de la Minusma comportait une dizaine de véhicules dont des camions, chargés de containers remplis de vivre et d’eau minérale. La Minusma fait habituellement venir ses vivres par camion de Bamako jusqu’à Gao. De Gao, le chargement est dispatché vers Kidal, Anéfis, Aguel’hok et Tessalit.

Ce long convoi était escorté par des soldats tchadiens. C’est mercredi en fin d’après-midi qu’ils sont tombés dans une embuscade. Le véhicule de tête à d’abord explosé en passsant sur une mine, créant beaucoup de poussière. «Ça a été le signal pour les djihadistes pour ouvrir le feu. Les soldats tchadiens nombreux ont été surpris par l’explosion. Le convoi étant long, les Tchadiens étaient dispersés tout au long de ce dernier pour en assurer la protection », révèle une source bien informée. L’attaque s’est déroulé sur un terrain plat, le convoi a essuyé le feu nourri de plusieurs assaillants positionnés de part et d’autre de la route. 5 Casques bleus Tchadiens sont morts, portant désormais le nombre de soldats tchadiens, engagés dans la mission de protection et de pacification de la Minusma, à 30 victimes, et 3 ont été blessés gravement.

Selon nos informations, l’attaque avait pour but d’empêcher que le convoi de ravitaillement arrive à bon port. Les attaques visant le dispositif de ravitaillement de la Minusma ne sont pas une première dans la région. Auparavant ces convois n’étaient pas protégés, les djihadistes les attaquaient, brûlaient la nourriture et parfois même les camions. Cette méthode qui consiste à couper la ligne de ravitaillement de l’ennemi est une stratégie de guerre ancienne est éprouvée visant à harceler et démoraliser l’adversaire. Des mesures de sécurité ont par la suite été prise et les convois ont été escortés par des contingents tchadiens. L’attaque a été revendiquée par Ansar Dine dès le lendemain, qui a juré que les attaques continueront, « jusqu’au départ des ennemis de l’islam et de leurs complices ». Le but des djihadistes et de leur chef Iyag Ag Ghali semble clair : le départ de la région des forces onusiennes et françaises de l’opération Barkhane.

À Kidal, la population n’a pas été surprise, « les gens s’attendaient à ça, c’est Ansar Dine qui contrôle la zone là-bas. Ils ont des complicités dans les villes, on leur dit qu’il y a tel convoi qui est sorti et ils ont le temps de planifier leurs attaques », résume fataliste un habitant.

Depuis l’attaque à Kidal, il y a une intensification des patrouilles de la Minusma, en ville et dans les marchés. Dans la zone où s’est déroulé l’attaque, la force Barkhane a procédé à l’arrestation de 3 personnes pour interrogatoire. L’un des suspects arrêtés est décédé peu de temps après son interpellation, les circonstances de sa mort restent à élucider. La Minusma a indiqué, samedi dernier que, « pour des considérations procédurales » et en attendant la conclusion de son enquête sur l’attaque du convoi, les deux autres suspects « seront remis en liberté et seront reconduits dans leur localité dès que possible ». Les corps des 5 soldats tchadiens, quant à eux, devraient être rapatriés sous peu à N’Djamena la capitale tchadienne où il leur sera rendu un dernier hommage en présence du chef de la Mission des Nations unies au Mali, Mahamat Saleh Annadif.

Terrorisme : la difficile mise en place de la coopération interafricaine

Une succession d’attaques terroristes sans précédent secoue le Mali et la région ouest-africaine. Les groupes qui en sont les auteurs se coordonnent et s’aventurent désormais hors des frontières maliennes où ils ont prospéré, comme récemment pour frapper le littoral ivoirien ou la capitale burkinabè. Tandis que Barkhane continue sa mission de « police du désert », une riposte interafricaine tente de se mettre en place.

Depuis le début de l’année 2016, la Mali a connu une trentaine d’attaques terroristes sur son sol, et fait nouveau, le phénomène se répand dans d’autres pays de la sous-région peu inquiétés jusque-là . Le Mali est ciblé, alors qu’il tente de se relever d’une crise sans précédent, en s’appuyant sur un accord de paix obtenu à  l’arrachée. « Cette recrudescence des attaques démontre une volonté délibérée de faire dérayer le processus de paix, c’est très clair ! Ils veulent déstabiliser le pays. Ils ne cantonnent pas leurs attaques au nord, ils s’attaquent au sud, ils s’attaquent même aux mouvements armés signataires et aux forces étrangères », commente une source diplomatique. Pour Ibrahim Maïga, chercheur à  l’Institut des études de sécurité ISS Africa, cette succession d’actes terroristes cache d’autres buts. « Je pense qu’elle répond à  des raisons tactiques pour montrer qu’ils peuvent frapper partout. C’est aussi une guerre de leadership entre Aqmi et l’État islamique (EI). Aqmi a constaté qu’on voit de plus en plus de subsahariens, Maliens, Sénégalais, mais aussi Ivoiriens, parmi les rangs de l’EI en Libye. Cette recrudescence d’acteurs subsahariens est une menace non seulement pour les pays, mais également pour Aqmi, qui se sent concurrencée sur son propre territoire ».

Les terroristes parlent aux terroristes Malgré les rivalités, des groupes comme Aqmi, Al-Mourabitoune, Ançar Dine ou le Front de libération du Macina, ont en commun la volonté « d’atteindre des cibles symboliques où il y a des regroupements d’étrangers » et « d’instaurer un califat ou un État islamique là  où ils sont implantés ». Leur modus operandi : des petits groupes de moins de 5 personnes, mobiles, armés de fusils d’assaut, de grenades, ou de lance-roquettes, qui connaissent très bien le territoire pour y avoir évolué pendant l’occupation du Nord du Mali en 2012. « Il ne fait aucun doute qu’il existe aujourd’hui des passerelles, et le dénominateur commun semble être Iyad Ag Ghali », déclare Ibrahim Maïga. Hamadoun Kouffa et Iyad Ag Ghali se connaissent, ils se sont côtoyés au temps de la Dawa. Des témoins affirment avoir aperçu Iyad et Kouffa au moment de l’offensive sur Konna et selon des sources sécuritaires, « des individus qui travaillaient pour ces deux leaders, ont été arrêtés dans la région de Mopti ». Pour ce cadre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), le problème de la Katiba Macina, comme ils se nomment eux-même, est sous-estimé par les autorités maliennes. « C’est une semence qui a été jetée il y a trois ans. Elle est en train de sortir de terre et si on y trouve pas de solution maintenant, dans 5 ans on ne parlera plus de Mali ni même d’Azawad. Parce qu’il y aura le Macina entre le Mali et l’Azawad ! ».

Un autre groupe, connecté aux « gens de Kouffa » sévit dans le Sud, la katiba Khalid Ibn Walid ou Ançar Dine Sud. La plupart de ses membres officiaient pour le compte de la police islamique à  Tombouctou, qui comptait une majorité d’élément d’Ançar Dine dans ses rangs. « Cette connexion est un avantage tactique évident pour Iyad Ag Ghali puisqu’elle lui permet d’étendre son combat et d’accroître son influence », résume le chercheur d’ISS Africa. À tel point qu’aujourd’hui, de nombreux observateurs pensent que négocier avec lui pourrait résoudre la crise du Nord et peut-être amener une paix durable dans le pays. Mais le gouvernement oppose un refus catégorique. « On ne peut pas négocier avec les terroristes. Ils n’ont pas d’autre projet politique que de tuer. Il faut travailler pour une réconciliation nationale et garder notre détermination à  combattre ceux qui n’ont que la lâcheté comme méthode de guerre », assène cet officiel proche du dossier.

Une solution en forme de coopération Néanmoins, les régions du Nord du Mali, restent des zones de non-droit, souvent montrées du doigt par les pays voisins, et constituent un sanctuaire pour ces groupes terroristes. « Le fait que l’État et l’armée ne soient pas présents dans cette partie du territoire amplifie le désordre et l’insécurité en l’Afrique de l’Ouest. Ces groupes, qui se déplacent relativement facilement, disposent ainsi d’une base arrière formidable pour pouvoir mener des attaques dans les pays voisins et plus au sud du Mali », souligne Ibrahim Maïga. Pour les contrer, les forces françaises de Barkhane, conjointement aux armées locales, tentent de dresser un filet aux mailles élargies, dans la bande sahélo-saharienne, un territoire vaste de 5 000 km² où les terroristes évoluent cachés. Dans cette « drôle de guerre », les Maliens amènent leur connaissance du terrain et les Français la logistique et la puissance de feu.

Depuis le début de l’opération Barkhane, plus d’une centaine de terroristes ont été mis hors de combat. La Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad ont pris conscience, dès 2014, qu’ils avaient à  lutter ensemble contre un ennemi commun et se sont rassemblés au sein du G5 Sahel, un cadre de coopération sécuritaire. « Le G5 couvre pratiquement toutes nos frontières, hormis la frontière algérienne. Cela nous permettra de nous coordonner et de projeter nos unités sur des théâtres d’opérations régionaux. En dehors du G5, le Mali est aussi intégré au processus de Nouakchott, qui englobe 11 pays africains et sahéliens. Nous discutons actuellement de l’opérationnalisation d’une force africaine d’intervention pour lutter contre le terrorisme », explique un officiel du ministère des Affaires étrangères. La semaine dernière, les ministres de la Sécurité du Mali, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal se sont rencontrés à  Abidjan, afin d’échanger sur les questions de la prévention et de la lutte contre le terrorisme. À l’issue des discussions, ils se sont accordés sur une mutualisation, un renforcement des relations et une meilleure collaboration entre services de sécurité. Pour Ibrahim Maïga, « ce genre d’initiative est positive car ces groupes transnationaux ne peuvent être combattus s’il n’y a pas coopération entre les États. D’autant plus qu’une coopération bilatérale marchera mieux qu’une collaboration multilatérale souvent moins efficace, moins fonctionnelle ».

Reste maintenant à  juger de l’application de ces mesures, alors que des divergences existent entre les États. La Mauritanie et le Mali, par exemple, n’ont pas les même vues sur la qualification des groupes terroristes. Un pays comme le Sénégal pourrait avoir moins tendance à  s’engager, car en s’engageant, on s’expose. La riposte régionale à  venir sera donc, d’abord, une question de volonté politique.