RPM : vers un nouveau feuilleton judiciaire ?

Le président sortant du Rassemblement pour le Mali (RPM), Dr. Bocary Tréta, a été réélu à la tête du parti à l’issue d’un Congrès extraordinaire tenu les 26 et 27 août dernier. Loin de mettre fin aux divisons qui gangrènent le parti, ce congrès pourrait ouvrir un nouveau chapitre de la bataille judiciaire entre les deux tendances opposées pour son contrôle.

Pour les organisateurs de ce Congrès extraordinaire, plus de 75 sections du parti étaient favorable à sa tenue, ce qui dépasse largement les 2/3 recommandés par l’article 30 des statuts du RPM. Mais, selon la tendance opposée, qui a boycotté le rendez-vous, cela relève du « mensonge et de la manipulation ».

« Ils ont gonflé le nombre de nos structures et la qualité de la représentation des sections n’y était pas. Une semaine avant la tenue du congrès, notre tendance a réuni 41 sections de l’intérieur, qui n’ont pas participé au Congrès extraordinaire », affirme Maitre Baber Gano, Secrétaire général sortant du parti et Porte-parole du Collectif pour la défense des statuts et règlement intérieur du RPM (CDSRI-RPM).

Désaccords persistants

Ce collectif, qui avait saisi la justice pour l’annulation des résolutions du Comité central du parti tenu en décembre 2021, regroupe en son sein de grandes figures du RPM, dont, entre autres, Mamadou Diarrassouba, ancien Secrétaire à l’organisation et Président de la Fédération des sections RPM de Koulikoro, Mahamane Baby, ancien Secrétaire chargé de l’emploi et de la formation professionnelle, Issa N. Traoré, ancien Secrétaire politique adjoint, Mamédy Sidibé, ancien Secrétaire général de la section de Yanfolila, Siaka Batouta Bagayoko, ancien Secrétaire chargé de l’environnement, ou encore Mme Belco Samassékou, ancienne 2ème Secrétaire chargée des relations avec les élus.

Selon eux, Dr Bocary Tréta ne pouvait pas convoquer un congrès en raison de son statut d’ancien Président du RPM. Par conséquent, les membres du collectif avaient proposé la mise en place d’un directoire paritaire entre les deux parties pour renouveler les instances du parti à la base avant d’aller au congrès.

« Nous ne sommes pas allés au Congrès extraordinaire du 26 août, qui ne nous concernait pas, puisqu’il s’agissait d’un congrès organisé unilatéralement par un clan et qu’il était contraire aux statuts et règlements intérieur du parti et contraire aux décisions de justice qui sont intervenues dans le cadre du contentieux qui a nous a opposé à cette tendance », se justifie le Porte-parole du Collectif.

Toutefois, à en croire une source proche du camp Tréta, une Commission de conciliation avait été mise en place pour démarcher tout le monde avant l’organisation du congrès, mais elle s’est heurtée au refus catégorique des membres du collectif de toutes les propositions mises sur la table, celui-ci demandant en retour uniquement le départ de Bocary Tréta.

Riposte ?

Alors que pour certains, la réélection de Bocary Tréta à la tête du parti des Tisserands pour les cinq prochaines années ouvre la voie à un départ du RPM des membres de la tendance opposée, celle-ci ne s’avoue pas pour autant vaincue et compte mener des actions pour reprendre le contrôle du parti.

« Nous ne claquerons pas la porte du RPM. C’est nous qui avons construit ce parti et nous n’allons pas détruire ce que nous avons construit. Nous allons obliger les fraudeurs à se mettre dans les rangs. Le parti ne pourra pas être dirigé par une bande de meneurs de hold up. C’est un hold up politique qu’ils ont fait ,mais nous allons y mettre fin », promet Me Gano, qui affirme par ailleurs attendre la publication des résolutions issus des assises des 26 et 27 août pour entamer des actions contre ce « congrès putatif, qui n’a pas d’existence légale ».

« Ce bureau sera attaqué et il tombera. Ce congrès ne peut pas demeurer dans les annales des congrès du parti. Ils ont organisé un Congrès extraordinaire alors que nous étions dans le cadre d’un congrès ordinaire », clame l’ancien ministre de l’Intégration africaine.

RPM : l’inévitable saignée

L’ancien parti présidentiel est depuis quelques années secoué par des divisions profondes qui se sont accentuées après le coup d’État contre Ibrahim Boubacar Keita, en 2020, et la disparition de ce dernier en janvier 2022. Alors que la bataille judiciaire qui oppose certains membres du Bureau politique national au Président du parti n’a pas encore connu son épilogue, le RPM, déjà fragilisé par ses luttes internes, pourrait voir plusieurs de ses figures majeures quitter le navire à l’approche des futures échéances électorales.

C’était attendu, mais cela a surpris tout de même. Moussa Timbiné, désormais ancien secrétaire général de la section de la Commune V de Bamako et ancien président de l’Union de la jeunesse (UJ-RPM), a annoncé le 6 janvier 2023 sa démission et celle de l’ensemble des membres des bureaux des sections, sous-sections et comités et de l’UF et de l’UJRPM de ladite commune.

L’ancien Président de l’Assemblée nationale a justifié cette démission non seulement par la « dégradation générale de la situation du parti », mais aussi par le « refus catégorique du Président Bocary Tréta d’appliquer la décision de la Cour d’Appel de Bamako », qui annulait les conclusions du Comité central du parti en décembre 2021, et enfin à cause de l’établissement de « sentiments de confusion et de doute » qui suscitent entre autres de l’inquiétude auprès des militantes et militants qui aspirent à se présenter aux élections communales et législatives. Ces futures échéances électorales ont d’ailleurs pesé dans la balance de cette démission et du timing de son annonce, explique un proche de Timbiné, démissionnaire comme lui.

« Bocary Tréta n’a pas de base électorale. Donc il ne se soucie pas qu’il y ait des élections municipales dans 6 mois. Avec la situation d’ambigüité au sein du RPM, les militants désireux de se présenter sous ses couleurs courent le risque d’une invalidation de leurs listes. Beaucoup de carrières pourraient alors tomber à l’eau », glisse-t-il.

D’autres départs en vue ?

Moussa Timbiné faisait partie du Collectif pour la défense des statuts et règlement intérieur (CDSRI-RPM) qui a assigné le camp de Bocary Tréta en justice pour invalidation du Comité central du parti. Ce Collectif, présidé par Me Baber Gano, secrétaire général du parti, compte également en son sein d’autres grandes figures du parti, dont Mamadou Diarrassouba, secrétaire à l’organisation et président de la fédération des sections RPM de Koulikoro, Mahamane Baby, secrétaire chargé de l’emploi et de la formation professionnelle, Issa N. Traoré, secrétaire politique adjoint, Mamédy Sidibé, secrétaire général de la section de Yanfolila, Siaka Batouta Bagayoko, secrétaire chargé de l’Environnement, ou encore Mme Belco Samassékou, 2ème secrétaire chargée des relations avec les élus.

« Ni Baber Gano ni Mamadou Diarrassouba ne sont partis avec Moussa Timbiné. Il y a un combat qui est en cours à l’interne. Si tout le monde sort, cela voudra dire que le combat du Collectif n’aura servi à rien », affirme notre source, en soutenant que ces derniers resteront au RPM aussi longtemps que la bataille judiciaire durera.

Pour autant, à en croire ce désormais ex-militant RPM proche de Moussa Timbiné, la Commune V n’a fait que donner le ton de la vague de démissions à venir. « Chaque commune du district de Bamako va faire une conférence de presse pour sa prise de position. S’ensuivront les sections de l’intérieur et de l’extérieur. Il y a un timing qui a été donné pour tout cela. D’autres déclarations vont suivre », prévient-il.

« Nous ne souhaitons pas de départs. Ces camarades ont l’amour du parti mais veulent imposer une vision qui leur est propre, au détriment de l’ensemble des militants. C’est ce que nous, nous voulons éviter », répond Sékou Niamé Bathily, chargé de communication du parti, rappelant que le RPM a connu de nombreux départs de marque par le passé, au point que beaucoup avaient pensé qu’il était « fini » sans possibilité de rebond. Bocary Tréta a d’ailleurs dans un communiqué appelé les militants à ne pas se « laisser distraire ». Il a aussi été procédé rapidement au remplacement des démissionnaires.

Au RPM, la division s’est accentuée sur l’approche à adopter lors de la future élection présidentielle. Les violons ne s’accordent pas sur la participation du parti à cette importante échéance. Plusieurs tendances se dégagent au sein du Bureau politique national, dont le mandat est par ailleurs expiré depuis 2019.

Si certains, dont ceux du CDSRI-RPM, dénonçant un passage en force, ne sont pas d’accord sur la désignation comme candidat du parti de l’actuel président, Dr. Bocary Tréta, d’autres pensent que le RPM, qui a été chassé du pouvoir, ne devrait même pas se présenter à ces élections de fin de transition mais plutôt soutenir le candidat adoubé par les militaires.

Une autre tendance, incarnée par des militants qui ambitionnent d’être candidats, est quant à elle favorable à l’organisation des primaires pour désigner le porte-étendard du parti.

 

RPM : Moussa Timbiné claque la porte

Depuis le coup d’État contre IBK en 2020 suivi de son décès début 2022, son parti le Rassemblement pour le Mali (RPM) peine à s’en remettre. Les différences de vue au sein de la formation politique conduisent à des défections en son sein. Dernière en date et non des moindres, Moussa Timbiné a annoncé son départ du parti. Paul Yapi N’Guessan.

Une surprise qui n’en est pas une. Moussa Timbiné, cacique du RPM, un des fidèles et proche de feu l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita a annoncé hier jeudi son départ du parti. Cette démission est un autre coup dur pour le parti qui traverse une grave zone de turbulences notamment à cause d’une crise entre le président du parti Bocary Tréta et certains membres du bureau exécutif national dont Me Baber Gano, secrétaire général du parti et par le désormais ancien membre Moussa Timbiné.   Moussa Timbiné, ancien président éphémère de l’assemblée nationale du Mali, justifie sa démission par une volonté des militantes, militants et sympathisants du parti, qui ont aujourd’hui exprimé leur mécontentement contre la gestion actuelle du parti par certaines personnes qui sont entrain de trahir les idéaux du parti de feu Ibrahim Boubacar Keita.  Selon lui, le constat est amer il y a une dégradation générale du parti RPM caractérisée par le dépassement du délai statutaire du congrès initialement prévu pour le 23 octobre 2019. Il a ajouté que le parti RPM est devenu un parti sans perspective claire, miné par les démons du clanisme. Pour continuer la lutte, Timbiné et ses camarades démissionnaires veulent crée un mouvement politique dénommé Convergence 2023, qui répond aux aspirations des Maliens. Le président du parti Bocary Tréta a réagi à travers un communiqué dans lequel il assure « prendre acte » de la démission et « invite les militants et militantes à ne pas se laisser distraire ».  Au contraire du secrétaire politique du RPM Boubacar Touré dit « Bou Touré », pour qui cette démission est douloureuse car cela va surement avoir des impacts sur la vie du parti. Toutefois, il souligne que c’est le plein droit de Timbiné de démissionner car on adhère de façon volontaire à un parti politique. Il est donc libre de le quitter un jour ajoute t-il. Comme le RPM, le parti de feu Soumaila Cissé est aussi confronté à une grave crise interne qui le fragilise déjà. En effet après le décès de Soumaïla Cissé, la cohésion est fortement perturbée par des querelles intestines entre Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanogo au sein de l’URD. Une rivalité relancée le 16 janvier dernier, par un congrès extraordinaire organisé pour la désignation d’un nouveau président. Si c’est Gouagnon Coulibaly qui a finalement été porté à la tête du parti, Salikou Sanogo et une partie des membres de l’URD ne reconnaissent pas les résultats de ce qu’ils considèrent comme un non-évènement. La justice ayant donné la plénitude du pouvoir à Gouagnon Coulibaly. Le camp Salikou compté donner sa part des faits demain samedi lors d’une conférence de presse.

Me Baber Gano : « le Mali et la France doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent»

Me Baber Gano, Secrétaire général du RPM et ancien ministre de l’Intégration africaine répond à nos questions sur la transition, l’opération Barkhane, revient sur l’actualité politique. 

Que pensez-vous de l’inclusivité du nouveau gouvernement de transition ?

Le gouvernement comporte 25 ministres titulaires et trois portefeuilles délégués. Quand on regarde l’ordre protocolaire dans l’architecture gouvernementale, on comprend que le Dr. Choguel Kokalla Maïga a mis les priorités sur le ministre de la défense qui est le numéro un après le premier ministre, ensuite il y a le ministère de la justice puis on a le ministère de la refondation. Cela annonce déjà les priorités du gouvernement : la sécurité, la justice et la refondation. Cela est un bon signal. En ce qui concerne l’attelage, des consultations ont été menées, au souhait du premier ministre, compte tenu des recommandations de la CEDEAO et de la classe politique pour un gouvernement inclusif. Notre surprise fut grande lors de la publication de la liste du gouvernement. Cette attente de la CEDEAO n’a pas été comblée. Le gouvernement, à mon avis, n’a ni été inclusif entre les membres du M5 ni avec les partis politiques d’autres bords. Le gouvernement n’a pas pris en compte les attentes de la CEDEAO et de la classe politique, qui voulaient accompagner une transition avec beaucoup plus de détermination et d’engagement pour la réalisation des réformes et l’organisation d’élections crédibles et transparentes dans les délais prévus. Qu’à cela ne tienne, notre souhait aujourd’hui est de toujours rester dans cet accompagnement de la transition. Nous ne sommes pas intéressés que par des postes ministériels, mais bien aider le Mali à sortir de ce labyrinthe.

Emmanuel Macron met fin à l’opération Barkhane dans un contexte sécuritaire toujours préoccupant. Quelle devrait être la réaction du gouvernement?

Je regrette le durcissement du ton de la France. La France est et restera le partenaire le plus privilégié pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. En 2013, n’eût été l’intervention de la France, le Mali allait tomber dans les mains des djihadistes. Cette intervention française était une manière de payer une dette morale vis-à-vis du Mali. La France et le Mali doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent. Il y a divergence sur deux questions : la présence militaire française et le dialogue avec certains groupes djihadistes. Et pour Emmanuel Macron il est inconcevable de discuter avec ceux-là qui tuent les siens. Mais discuter ne signifie pas forcément que nous allons vers l’impunité. Personnellement, je propose un référendum sur  les deux questions, à savoir la présence française au Mali et le dialogue avec les djihadistes Nous avons la légitimité de dialoguer avec les djihadistes, parce que c’est une recommandation du DNI, mais nous pouvons aussi avoir la légalité constitutionnelle. Nous devons donc réchauffer les relations diplomatiques et ne pas laisser la situation se cristalliser davantage. Cela n’est de l’intérêt pour personne.  Il faut qu’on discute dans un cadre bilatéral, ramener les questions de divergences telles que la présence militaire française, le dialogue avec certains groupes djihadistes et même l’Accord pour la paix afin de se rassurer mutuellement dans le respect de la souveraineté nationale, car la France a besoin de garantie. C’est ce que le  gouvernement de Choguel devrait faire.

Le Premier ministre a promis des audits pour bientôt. Est-ce qu’une chasse aux sorcières envers les anciens membres de la majorité présidentielle est à craindre ?

Je ne pense pas que cela soit sa vision. Il prend des mesures pour une bonne gouvernance et pour ce faire il faut lutter contre la corruption et la délinquance financière. Cependant auditer ne commence pas seulement par les membres de l’ancienne majorité. Il peut remonter à plus de 15 ans ou 20 ans. Si on veut assainir la vie publique, cela ne se limite pas seulement à une gestion de l’ancienne majorité d’Ibrahim Boubacar Kéïta.  Certes nous avons été les anciens dirigeants à gérer, mais nous ne craignons rien.

Le RPM semble désormais être le seul parti à tirer le train « EPM ». Plusieurs partis n’y sont plus membres…..

Je ne suis pas le président de l’EPM mais mon parti a joué un rôle de colonne vertébrale avant les événements du 18 août. Je regrette aujourd’hui que le regroupement vole en éclats. Je pense que raisonnablement cette coalition doit s’interroger sur de nouveaux objectifs. Après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, l’’EPM aurait du réfléchir pour repartir sur de nouvelles bases parce que c’est un regroupement de partis mis en place pour soutenir la majorité présidentielle de l’époque. Et IBK n’étant plus aux affaires, on ne peut pas faire du IBK sans IBK. Dans le préambule de ce regroupement politique, il est clairement dit que la soixantaine de partis se mettaient ensemble pour « apporter au président IBK une majorité présidentielle et parlementaire ». Donc à mon avis après le coup d’Etat du 18 août, les relations politiques devaient être rénovées pour qu’on sache les nouvelles priorités pour un horizon donné, quitte à changer le nom « EPM ». Certains partis ont décidé de rester, mais jusqu’à quand ? On n’a pas encore fini avec les saignées, il faut certainement s’attendre à d’autres départs tant qu’on ne change pas les objectifs. Mais le RPM en est toujours membre.

Comment va le RPM?

Le RPM se réorganise pour se restructurer. Le coup d’Etat nous a refroidi et aujourd’hui les militants ont compris que nous devons travailler à ressouder les rangs. Et nous allons nous présenter aux élections futures.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

La version courte de cet article a été publiée dans Journal du Mali l’Hebdo n°323 du 17  au 23  juin 2021