Plateau technique : prise en charge difficile de certaines maladies

Le système de santé malien fait face à de nombreux défis, notamment le faible taux du rehaussement des plateaux techniques, la vétusté et l’inadaptation des infrastructures, l’insuffisance et l’obsolescence des équipements. Des écueils qui compliquent la prise en charge des certains malades.

La ministre de la Santé et du développement social a effectué une visite, le 15 mai dernier, à l’unité de radiothérapie de l’hôpital du Mali pour s’enquérir de l’avancée des travaux d’installation du nouvel accélérateur linéaire. Cet appareil, qui utilise des ondes électromagnétiques, traite plus efficacement les cas de cancers, car, selon des experts, il s’attaque directement aux cellules cancéreuses. Revers de la médaille, cet appareil est le seul de ce type dans tout le Mali, où la prise en charge du cancer se fait essentiellement par chimiothérapie. Double revers, l’appareil n’est pas encore opérationnel car des travaux additionnels sont nécessaires. À terme, il va remplacer un accélérateur disponible depuis 2012 mais vétuste et le plus souvent en panne. « Dès ma toute première visite, j’ai remarqué qu’il était vétuste. D’où l’achat du tout nouvel appareil. Mais je reconnais que le processus a pris du retard à cause de l’embargo », a déploré la ministre de la Santé lors de sa visite.

Les derniers chiffres disponibles sur le cancer remontent à 2020. Cette année-là, plus de 14 000 personnes ont été diagnostiquées comme souffrant de cette pathologie, majoritairement des femmes atteintes de cancer du sein ou du col de l’utérus. Au-delà du cancer, la prise en charge d’une autre maladie qui touche beaucoup de personnes est également problématique. C’est l’accident vasculaire cérébral, qui dans le monde est la première cause d’handicap moteur et la troisième cause de mortalité après le cancer et les cardiopathies chimiques.

Au Mali, des chiffres fiables à ce sujet ne sont pas encore disponibles. Une personne victime d’un AVC doit être transférée dans une unité neurovasculaire, ce qui, selon des professionnels de la santé, n’existe pas dans le pays. De fait, « c’est une neurochirurgie basique qui est pratiquée », confie un médecin sous anonymat. L’une des seules avancées constatées ces dernières années concerne la prise en charge de l’insuffisance rénale, avec des appareils de dialyse qui se multiplient. Il y a deux ans, seul l’hôpital du Point G en disposait, mais aujourd’hui, assurent des professionnels de la santé, plusieurs autres établissements sanitaires publics et privés en ont, même dans les régions, excepté Gao, Tombouctou ou Kidal.

Hôpitaux publics : grands corps malades

Manque d’équipements, de personnel, de formation… Les structures étatiques de santé maliennes vivent une crise sans fin, occasionnant une multiplication des grèves des agents, à bout de souffle. Leurs maux impactent leurs capacités à soigner leurs patients.

« Le Mali était un grand corps malade auquel le traitement prescrit n’était pas adapté ou inefficace ». La formule est du Premier ministre Choguel Kokkala Maïga, qui la répétait tel un mantra durant les premières semaines de la « Rectification ». À l’interne, le grand corps malade médical peine encore dans sa rééducation. Des parties du corps sont gangrenées et ces gangrènes ont pour noms : grèves incessantes dans les structures sanitaires, plateau technique inadapté, personnel insuffisant. Le système de santé n’est ni adapté ni à la hauteur, selon des responsables syndicaux.

La Loi hospitalière malienne donne par exemple la possibilité à chaque citoyen de choisir le médecin de son choix alors que « l’idéal », selon les médecins, serait de respecter la pyramide de la santé. Cette pyramide souhaiterait que le malade passe d’abord par le CSCOM (Centre de santé communautaire), « qui est proche de lui et de son environnement », avant de passer au Centre de référence (CSRéf) au niveau de la commune, puis aux centres de troisième référence, les CHU (Centres hospitaliers universitaires).

« C’est l’un des premiers problèmes. Le malade quitte directement son quartier de résidence pour aller au CHU, avant même de passer au CSCOM. Cela pose énormément de problèmes. Il en a le droit parce que la loi lui donne cette possibilité. La pyramide n’est pas respectée, ce qui fait qu’il y a des détails qui peuvent échapper au médecin que le malade vient voir en troisième référence », explique le syndicaliste Djimé Kanté, Président de Globale Santé Solidarité.

Une autre difficulté, qui revient incessamment dans les justifications des mots d’ordre de grèves des syndicats de la santé, est le manque de personnel, « à tous les niveaux », dans les hôpitaux. Depuis près de trois ans, elle figure en bonne place dans les 12 revendications des médecins grévistes de l’hôpital du Point G. « Au service d’urgence, par exemple, nous n’avons que deux médecins qui se relaient. S’il faut qu’une seule personne gère une dizaine de lits en plus des urgences qui peuvent arriver, c’est compliqué. Ce qui fait que la prise en charge de certains malades ne se fait bien. Et cela pourrait être la cause de certains décès », regrette le Pr Guida Landouré, Secrétaire général adjoint du Syndicat national de la Santé, de l’action sociale et de la promotion de la famille au Point G.

Hygiène

Pour pallier l’obstacle, alors que « le marché est rempli de diplômés en médecine sans emploi », les syndicalistes appellent à leur insertion, « directement », dans la Fonction publique, « comme cela se fait dans plusieurs pays ». Au manque de personnel qualifié s’ajoute un problème d’hygiène. « Si nous prenons l’ensemble de nos structures de santé, elles sont toutes sales », fustige Djimé Kanté. « Quand je parle d’hygiène, je ne parle pas de ce que tout le monde voit, mais de bien plus. Par exemple, pour le nettoyage des matériels de blocs, des blouses… toutes les conditions ne sont pas respectées ». Ceci engendre, à l’en croire, comme conséquence la multiplication des maladies nosocomiales (contractées au cours d’un séjour dans un établissement de soins). « Vous venez souvent en tant qu’accompagnant d’un malade, mais vous-mêmes attrapez des maladies. Et il arrive souvent que les accompagnants de certains malades meurent et laissent leur patient. Il y a tous ces aspects. C’est pourquoi, j’aime le dire, nous n’avons pas un système de santé digne de soigner des êtres humains. Sous d’autres cieux, vous verrez des animaux mieux traités, mieux soignés que nous les Maliens », déplore le syndicaliste.

Les grands hôpitaux font aussi face au manque de financements. De l’avis des acteurs, le budget alloué aux structures de santé est « insignifiant » par rapport à ce qui doit y être injecté. « Gabriel Touré, par exemple ne trouve même pas 15% du budget dont il a besoin pour la bonne marche de l’hôpital auprès des décideurs, alors que les matériels médicaux coûtent énormément cher », atteste un ancien comptable de la structure sanitaire. Outre la cherté du matériel, des « malversations » dans les procédures d’achats et la gestion des appareils sont pointées du doigt par certains militants. « Des marchés sont passés n’importe comment. C’est à dire que si vous devez acheter un scanner, vous avez forcément besoin de l’avis du manipulateur, de celui qui va être responsable de sa maintenance. Mais ceux qui doivent doter les hôpitaux des matériels adéquats prennent ce qui leur tombe sous la main, là où ils ont un certain pourcentage, sans l’avis des experts. C’est pourquoi beaucoup ne font pas confiance aux analyses des hôpitaux publics », s’attriste un médecin syndicaliste.

Au tableau des difficultés hospitalières également, « des conditions d’accueil qui laissent à désirer ». Comme au CHU Gabriel Touré, dont même l’accès relève souvent du parcours du combattant à cause de l’encombrement du Grand marché. « L’accueil fait défaut et le nombre de caisses est insuffisant. Si vous venez à 8h dans cet hôpital,  souvent à 10h vous n’avez pas encore votre simple ticket de consultation. Vous perdez toute une journée pour une consultation qui ne prend pas plus de 10 à 15 minutes », déplore Bakary Konaté, Venu pour une consultation au CHU ce lundi 15 mai 2023, l’enseignant attend depuis longtemps dans la file d’attente. À Gabriel Touré, l’un des plus réputés hôpitaux au Mali, les difficultés sont légion. « Ici, souvent, même pour délivrer une ordonnance à quelqu’un vous ne trouverez pas de papier. Le personnel est totalement démotivé », charge un syndicaliste, d’après lequel la situation fait énormément de « mécontents » au niveau de la structure. « Bientôt nous allons déposer un nouveau préavis de grève, parce que des engagements ont été pris et n’ont jamais été respectés ».

Bras de fer

Grever face à leurs mille et une difficultés, c’est « l’arme » préférée des syndicats de la Santé. « C’est la seule arme dont nous disposons et nous l’utiliserons tant que les autorités continueront à refuser de satisfaire nos revendications », indique le Pr Guida Landouré. Ces revendications sont entre autres le retour du Secrétaire général du syndicat à l’hôpital du Point G, l’amélioration du plateau technique de l’hôpital, le recrutement de personnel et le paiement intégral des primes de garde. Depuis trois ans, le bras de fer persiste entre ce syndicat et les autorités. Il n’est pas sans conséquences. Dans une note datée du 3 avril 2023, Dr Brahima Dicko, médecin légiste au CHU du Point G, faisait état de plus de 600 décès entre janvier et mars 2023, dans « le contexte particulier de grève ou arrêt de travail » dans plusieurs services hospitaliers.

« Ce chiffre majeur de décès enregistrés (200 cas par mois en moyenne, dont certains évitables) exige une résolution diligente et holistique des problèmes au bénéfice des usagers désespérés, en attente anxieuse de soins », indiquait-il. Un rapport a été demandé aux différents services de l’hôpital pour faire la lumière sur cette affaire.

Les syndicats nient toute responsabilité et refusent de lier cela à leur grève, du moins « jusqu’à preuve du contraire ». Selon le Secrétaire général adjoint du Syndicat du Point G, « il y avait un problème de groupe électrogène au Point G. Quand le groupe électrogène part en panne et qu’il y a une coupure d’électricité dans des endroits comme le service de réanimation, cela engendre directement la mort des patients qui s’y trouvent, parce que ce sont des machines qui les maintiennent en vie ».

CHU Gabriel Touré : l’éternel malade

L’affluence était très modérée à l’hôpital Gabriel Touré ce 29 décembre 2020. Moins d’une dizaine de personnes sont présentes dans le hall d’entrée qui en accueille habituellement des dizaines. Raison : Le personnel de l’hôpital observe un arrêt de travail ces 29, 30 et 31 décembre 2020 et tous les lundis et mardi du mois de janvier 2021.  Après 3 jours de grève en octobre 2020, et 4 jours du 1er au 4 décembre 2020, l’hôpital Gabriel Touré renoue avec les grèves. L’amélioration des conditions de vie et de travail des agents ainsi que des conditions d’accueil des patients restent les motifs évoqués par le syndicat.

« Le service minimum est strictement observé », note le surveillant général de l’hôpital. « Les urgences fonctionnent comme d’habitude, la maternité et certains services » sont opérationnels comme en temps normal, assure t-il.

En effet, il faut se rendre au service des consultations médicales pour constater l’effectivité de la grève. Habituellement huit médecins « officient » dans ce couloir où les chaises vides témoignent de l’absence d’activité. Un seul médecin est présent. « C’est celui qui assure la garde », nous explique un agent. Pour s’occuper notamment des urgences et des malades hospitalisés dont le suivi « est correctement effectué », assure le médecin.

Aucune nouvelle revendication n’est à l’ordre du jour pour ce mot d’ordre. Des revendications récurrentes dont l’insatisfaction justifie amplement le mouvement, explique le syndicat.

Il s’agit d’abord des primes des bi-appartenant, qui « sont injustement prélevées depuis le début de cette année sur les salaires des seuls travailleurs de l’hôpital Gabriel Touré », dénonce M. Djimé Kanté, le secrétaire général adjoint et porte parole du comité syndical du CHU Gabriel Touré.

L’une des revendications du Syndicat national de la santé et de l’action sociale et de la promotion féminine  (SNAS/PF) concerne aussi la situation des contractuels de l’hôpital dont il demande « le reversement à la fonction publique ». Alors même qu’il existe un accord dans ce sens depuis environ 10 ans, selon M. Kanté, ce changement n’est pas encore effectif pour tous ces travailleurs.

L’amélioration des conditions d’accueil et d’hospitalisation des malades est également une des préoccupations du syndicat qui tire la sonnette d’alarme, surtout en cette période de pandémie à coronavirus ou la très grande affluence au niveau des guichets d’entrée constituent autant de risques pour les malades et les soignants. Il serait judicieux selon le syndicat de décentraliser ces guichets au nouveau des différents services pour une prise en charge efficace et sans risque des patients. Des patients dont les conditions d’hospitalisation laissent à désirer tant certaines salles ne sont plus dignes d’un hôpital à cause du manque d’hygiène qui a atteint des proportions inquiétantes. L’aménagement des espaces externes de l’hôpital constitue également pour le syndicat une urgence pour faciliter l’accès et l’accueil des patients et leurs accompagnants.

Enfin, le syndicat demande l’exécution de tous les accords précédents issus des procès verbaux signés entre lui et les autorités.

Salaire des médecins : « En deçà de l’effort demandé »

Avec un salaire net d’environ 227 000 francs CFA, le médecin généraliste malien peut espérer en gagner 20 000 ou 25 000 francs de plus lorsqu’il se spécialise (en fonction du nombre d’années passées pour la spécialisation). Jugé « dérisoire », compte tenu du coût de la vie, les médecins espèrent voir revaloriser leur traitement, tout comme leurs conditions de travail, pour une meilleure qualité de soins.

« Si nous voulons avoir un système de santé performant », correspondant aux aspirations des citoyens, « il faut ce statut », déclare le Docteur Chaka Kéïta, médecin-pédiatre et Secrétaire général du Syndicat des médecins du Mali (SYMEMA).

Ce « statut de l’agent de santé » fait partie des revendications faisant l’objet de discussions entre le gouvernement et les syndicats de médecins. Des discussions pour le moment au point mort, selon le Docteur Kéita. « Nous avons signé un protocole d’accord avec l’État le 25 juillet 2018 et on était censé mettre en place 4 commissions. Mais aucune ne s’est réunie. Rien n’a été fait pour que les choses avancent », déplore le Docteur Kéïta.

Pour le moment, les médecins qui relèvent du Statut général des fonctionnaires peuvent avancer tous les 2 ans, lorsqu’ils « sont bien notés », et avoir une augmentation de 10 000 francs CFA. C’est pourquoi, après 10 ans de carrière, « certains n’ont pas plus de 350 000 francs », relève pour sa part le Docteur Chaka Traoré, médecin généraliste au Centre de santé de référence (CSRéf) de Dioïla, en deuxième région. Après 5 années au sein d’un centre de santé et avec un salaire net (indemnités et primes comprises) de 215 000 francs, « sans avancement », il intègre la fonction publique en 2016. Depuis, il touche environ 230 000 francs. Un salaire « insuffisant », compte tenu des « contraintes de la vie ici », selon le Docteur Traoré.

Le paradoxe étant, selon nos interlocuteurs, que si au plan macro économique les chiffres font rêver, au niveau salaire, le Mali est « dernier ou avant-dernier » de la CEDEAO.

L’Alliance du Secteur Privé pour la Promotion de la Santé au Mali (ASP-PSM), veut un cadre de dialogue avec les autorités

Une étude du ministère de la Santé malienne datée de 2009 a démontré que le secteur privé contribue à hauteur de 50 % à l’offre des services de santé. Malgré cette importance, le secteur reste peu structuré occultant du coup sa place dans le système de santé. L’Alliance qui regroupe les acteurs s’est donc réuni en assemblée les 23 et 24 novembre 2017 pour se donner une nouvelle feuille de route.

Depuis la libéralisation du secteur de la santé en 1985, les acteurs du secteur ont évolué de façon éparse, remettant en cause leur collaboration avec les autorités. Cette situation a conduit les acteurs à se regrouper autour de l’Alliance du Secteur Privé pour la Promotion de la Santé au Mali (ASP-PSM) crée en février 2014.

Environ 15 composantes ont mis en place cette alliance qui compte les médecins libéraux, les médecins de campagne ainsi que les Centre de Santé Communautaires (CSCOM), les structures de de santé confessionnelles, les praticiens de la médecine traditionnelle et les autres acteurs privés de la santé. Après 03 ans d’exercice, les responsables de l’alliance souhaitent donner un nouvel élan à leur organisation, surtout que des difficultés demeurent. Parmi celles-ci figurent la non signature du mémorandum entre le gouvernement et l’alliance, pour la reconnaissance de cette dernière comme interlocutrice. Cette reconnaissance permettrait de faire intervenir les acteurs du secteur privé dans les programmes de santé du gouvernement et de ses partenaires. L’Alliance souhaite également l’instauration d’un cadre de concertation formel et régulier entre le public et le privé sur le système de santé et son évaluation. L’absence de siège et la formation de ses ressources sont aussi des contraintes auxquelles l’alliance reste confrontée.

Dialogue public-Privé

Pour le Docteur Adama Diakité, conseiller technique au ministère de la Santé, la réforme du secteur de la santé envisagée par les autorités prendra en compte ces préoccupations. Cette réforme qui s’articule autour de plusieurs axes concerne la restructuration du secteur, les offres de soins de qualité et la bonne gouvernance notamment. Pour Monsieur Diakité, « le secteur public ne peut à lui seul résoudre tous les problèmes ». D’où la nécessité d’un dialogue permanent pour que la contribution positive du secteur privé ne soit pas occultée dans l’évaluation du système de santé.

Des soins de qualité peuvent-ils être accessibles au grand public, compte tenu des coûts souvent inaccessibles ? « Le secteur privé peut donner des soins de qualité à des coûts accessibles par ce qu’une grande partie des acteurs sont à but non lucratif. Ce sont les associations de santé communautaires et aussi les centres confessionnels qui offrent des services à moindre coût. L’association des médecins de campagne négocient avec les communautés et offrent des soins à moindre coût », affirme le Docteur Karamoko Nimaga , nouveau président de l’ASP-PSM. Il ajoute aussi que certains services ne sont pour le moment offert que par le secteur privé, comme la procréation médicalement assistée. « Si l’on compare le coût que les patients consentent en voyageant pour accéder à ce service, on se rend compte , c’est moins cher en le faisant ici », ajoute le Docteur Nimaga. 

Il exhorte toutes les composantes de l’Alliance à travailler avec l’ambition que le « secteur public privé se mettent ensemble » pour atteindre des résultats.

Les médecines traditionnelle et moderne font bon ménage au Mali

Nous sommes au C’œur de la ville de Bamako, capitale malienne. Dans cet endroit appelé herboristerie traditionnelle du marché de Médine, ils sont des dizaines d’herboristes et de médecins traditionnels à  Âœuvrer. Une cour avec deux entrées fait office d’ « officine » pour la pharmacopée traditionnelle. Des hommes et des femmes partagent les hangars battus en briques rouges. Des feuilles, des bois et des poudres ensachés sont disposés dans des compartiments ouverts, collés au mur. De nombreuses personnes regardent, demandent et passent dans les allées. Sétou Traoré, tradi thérapeute au marché Médine de Bamako reçoit ce matin une cliente venue avec son fils d’environ un an. « Donnez-lui l’infusion d’une cuillerée à  café dans de l’eau tiède matin et soir » lui prescrit-elle. « J’ai amené mon fils qui a de la diarrhée, les médicaments traditionnels sont aussi efficaces que les modernes. Mais aujourd’hui, je n’ai pas les moyens d’aller dans une pharmacie. Cependant J’utilise les deux médecines souvent simultanément et J’avoue que C’’est efficace » explique Oumou Touré, le sourire aux lèvres. Le département médecine traditionnelle effectue des recherches En 2011, la neuvième édition de la journée africaine de la médecine traditionnelle s’est basée sur le thème « conservation des plantes médicinales, héritage africain ». La médecine traditionnelle et la médecine moderne cohabitent bien au Mali. Les médecins des deux entités se donnent la main pour une meilleure prise en charge des patients. Le département médecine traditionnelle de l’INRSP (Institut National de Recherche en Santé Publique) travaille à  la valorisation et à  l’amélioration des médicaments traditionnels. Dans les années 2000, sept médicaments traditionnels améliorés (MTA) ont été mis en vente dans les pharmacies. Ceci dans un souci d’accessibilité, notamment en matière de coût. Ces médicaments coûtent entre 220 et 1120 francs CFA. Ces sept produits sont : le sirop « Balembo » contre la toux ; le « gastrosédal » contre la gastrite et l’ulcère gastroduodénal ; le « malarial » contre le paludisme et le symptôme grippal ; l’ « hépatisane » contre les troubles dyspeptiques comme la constipation ; le « dysenterial » contre la dysenterie amibienne et la diarrhée ; le « laxacassia » contre la constipation et enfin le « psorospermine » contre les infections cutanées. Ceci démontre l’un des aspects importants de la cohabitation entre les deux médecines. « Il faut encourager la collaboration entre les deux systèmes de médecine. Parce qu’il y a une complémentarité entre eux. Cependant, chaque système doit reconnaà®tre ses limites. Le tradi praticien qui doit travailler avec un agent de santé conventionnel doit savoir jusqu’o๠il peut intervenir et référer le malade à  temps vers l’autre structure pour effectuer des analyses ou autres soins complémentaires » insiste Idrissa Diallo, chef du département médecine traditionnel à  l’INRSP (Institut National de Recherche en Santé Publique). Les tradi thérapeutes demandent de l’aide Dramane Camara est l’un des vendeurs de médicaments traditionnels les plus connus sur la place. Son expérience en matière de jonction entre les médicaments traditionnels et modernes remonte à  une dizaine d’années déjà . « Il y a une bonne collaboration entre nous. Nous organisons des conférences dans le but de renforcer cette collaboration. Nous recevons des formations également de la part des médecins pour apprendre aux vendeurs de médicaments que nous sommes, les symptômes des maladies car nous ne sommes pas tous médecins » souligne-t-il. Quelques difficultés surviennent pour ce qui concerne les ventes en elles-mêmes. l’Etat n’aide pas directement les La conservation des plantes préoccupe les vendeurs. « La médecine moderne est déjà  aidée. Certaines de nos plantes disparaissent. Nous voulons que les autorités dédient pour nous des champs o๠nous pouvons cultiver ces plantes médicinales qui sont maintenant difficiles à  trouver dans la brousse à  cause de leur disparition. A part cela tout va très bien » explique Korotoumou Kané, tradi thérapeute. La création de la fédération malienne des associations des thérapeutes traditionnels en collaboration avec des laboratoires a facilité la jonction entre médecine traditionnelle et médecine moderne. Il reste aux utilisateurs de faire bon usage de l’association des deux systèmes combinés.

Malnutrition infantile au Nord-Mali : Médecins du Monde tire la sonnette d’alarme

Le taux de malnutrition infantile au Nord-Mali dépasse le seuil d’alerte. Une situation qui inquiète Médecins du Monde. Cette ONG a organisé dans les régions de Gao et de Kidal qui sont sous occupation armée, une campagne de vaccination et dépistage de la malnutrition. Une campagne au cours de laquelle 19000 enfants ont traités. Une occasion pour médecin du monde de tirer la sonnette d’alarme face à  ses résultats alarmants. La crise que traverse le nord-Mali a des conséquences néfastes sur la santé des enfants, qui sont confrontés à  une malnutrition aiguà« sévère. En tout cas, C’’est le constat de Médecins du monde. Cette ONG, malgré le contexte de crise humanitaire sans précèdent, a mené une vaste campagne de vaccination dans les régions de Gao et Kidal, au Nord du Mali. Au total, près de 19.000 enfants ont reçu une couverture vaccinale. Une occasion pour les équipes de Médecins du Monde d’organisé un dépistage de la malnutrition accompagné d’une prise en charge des cas de malnutrition aiguà« chez les enfants de moins de 5 ans. Seuil d’alerte Dans la région de Kidal, le taux de malnutrition aiguà« globale est passé de 6% en 2011 à  13,5% en 2012, souligne Olivier Vandecasteele, responsable des projets de Médecins du Monde au Mali. Des chiffres qui montrent à  suffisance que le taux de malnutrition dépasse le seuil d’alerte dans les localités du septentrion malien. Les résultats du dépistage nutritionnel sont alarmants. Les chiffres ont non seulement doublé en un an mais ils dépassent le seuil d’alerte fixé à  10% par l’OMS. C’’est une catastrophe de plus pour les populations pastorales du Nord Mali, traditionnellement moins touchées par la malnutrition, s’inquiète M. Vandecasteele. Pour Olivier Vandecasteele, Il faut impérativement limiter le nombre de nouveaux cas de malnutrition. Pour ce faire, son organisation reste mobilisée face à  cette situation alarmante de milliers d’enfants du nord-Mali. Ainsi, Médecins du Monde renforce son programme et va lancer une distribution ciblée d’alimentation supplémentaire en couvrant l’ensemble de la population des enfants de 6 à  59 mois et les femmes enceintes et allaitantes de la région de Kidal. A Kidal comme dans plusieurs localités du Nord-Mali, Médecins du Monde a mis aussi en place un programme d’urgence qui vise à  restaurer l’accès aux soins de santé pour les populations par un soutien à  plus de vingt centres de santé dont deux hôpitaux, le dépistage et la prise en charge des cas de malnutrition et le contrôle des épidémies.

Hôpital de Gao : Un besoin urgent de spécialistes

De dispensaire à  hôpital central l’hôpital de Gao dispose d’un personnel global de 178 personnes dont, sept (17) médecins. Le chef du service radiographie/échographie, de l’hôpital central de Gao, le Dr Moussa Maà¯ga explique que « pendant l’époque coloniale, C’’était juste un dispensaire o๠les populations locales et riveraines venaient se faire soigner avec les moyens de bord. Ce n’est qu’en 1972 qu’il sera érigé en hôpital. » Puis en 2003, il est devenu Etablissement Public à  caractère Hospitalier (EPH). Difficultés rencontrées Gao il faut le rappeler, est situé au Nord du Mali et à  environ 1300 km de Bamako la capitale. C’’est donc une zone enclavée et confrontée à  de sérieux problèmes à  cause de son éloignement. Par ailleurs, le Dr Maà¯ga déplore le manque de spécialistes au sein de l’hôpital. Il explique que tous les médecins de l’hôpital sont à  la base, des médecins généralistes. « C’’est vrai que nous avons un très bon un gynécologue et un chirurgien, mais, nous n’en avons pas dans certaines médecines spécialisées. » La structure manque donc de neuphrologue et de cardiologues. Il y a également un besoin urgent de traumatologues. Hors, le Dr précise qu’une majeure partie de la population de Gao souffre d’hypertension. Gao étant une zone désertique, le climat est plus propice à  la consommation de sel et de viande. Signalons que ce sont les complications ces maladies qui provoquent les accidents vasculaires cérébraux. Les accidents de la circulation sont aussi monnaie courante dans la cité des Askia, comme l’indique le Dr Maà¯ga. Et il n’existe aucun scanner au sein de l’hôpital. Les malades sont obligatoirement évacués sur Bamako. Là  encore, se pose un autre problème qui est d’ordre financier. En effet, l’évacuation d’un malade à  partir de l’ambulance coûterait un peu plus de 300.000 FCFA. D’autant que l’hôpital ne dispose que d’une seule ambulance. Pour le cas du VIH/SIDA, Gao enregistre entre 1,1 de taux de décès par an. Quand la télémédecine sauve des vies La télémédecine qui est cette technique de traitement médical à  distance, est pratiquée au Mali depuis quelques années maintenant. C’’est à  cette technique que fait recours, l’hôpital de la cité dans la majeure partie de cas et ce, depuis trois ans. Surtout, en ce qui concerne les accidents de la circulation. l’hôpital est donc abonné au réseau de téléradiologie qui il faut le dire, sauve de nombreuses vies et évite des déplacements de 24h de route et fait économiser. Et cela n’est pas pour déplaire aux malades et parents de malades qui le plus souvent, n’ont pas assez de moyens financiers. Par ailleurs, l’hôpital a aussi besoin de bloc obstétrical. Le Dr Maà¯ga insiste sur le fait que, « quelque soit la formation que reçoit un médecin généraliste, il ne pourra jamais remplacer un spécialiste. Il y a toujours une excellence qui prédomine. » Par ailleurs, le seul anesthésiste médical de l’hôpital doit partir à  la retraite sous peu. On imagine alors mal, comment se feront les interventions chirurgicales surtout que, selon les dires du Dr Maà¯ga, aucun remplaçant n’est prévu après son départ. Visite du ministre à  l’hôpital de Gao Il y a environ deux semaines, le ministre de la santé Mr Oumar Ibrahim Touré a visité l’hôpital de la cité des Askias. Le Dr Maà¯ga explique que ce dernier a constaté les carences et besoins à  combler. « Nous avons demandé qu’on nous forme, nous les jeunes médecins. Parce que généralement, tous les spécialistes préfèrent rester dans la capitale. Parce que Gao est une zone désertique assez difficile.». L’hôpital est jumellé au Centre Hospitalier de Vierzon en France depuis 2002. Ce jumellage est très prometteur et a donné plusieurs bons résultats. Le ministre se serait donc engagé à  former ces jeunes médecins de Gao.

Médecine chirurgicale et Anesthésie au Mali

Le professeur Abdoulaye Diallo est chef du service d’anesthésie réanimation de l’hôpital Gabriel Touré.  » La consultation pré- anesthésiste est une consultation faite par un médecin anesthésiste afin d’examiner le malade avant l’intervention chirurgicale. Il s’agit de donner le maximum de chances au malade pour pouvoir supporter l’intervention ». l’importance de la consultation pré-anesthésie Cette consultation consiste d’abord à  déterminer l’identité du patient. Confirmée par le Dr Diallo : «Cela nous permet d’identifier des personnes qui ont des pathologies différentes. Si l’identité exacte du patient est déterminée, on saura que tel patient doit être opéré de telle maladie. Deuxième chose, poursuit-il, la consultation pré-anesthésie permet de connaà®tre les antécédents d’un malade. « Il y a pas de petites anesthésies, toute anesthésie comporte un risque. On peut le minimiser avec la consultation». Les maladies cardio-vasculaires ou pulmonaires, sont des pathologies que les médecins anesthésistes essayent de déterminer pour mettre le chirurgien dans les meilleures conditions. En résumé, se sont des examens physiques des organes principaux. « Partant de là , nous allons faire le bilan biologique, afin de remettre le malade au chirurgien pour l’intervention », ajoute le Professeur. Les différents types d’anesthésie l’anesthésie locale faite par le chirurgien, l’anesthésie loco-régionale qui concerne une partie du corps et l’anesthésie générale. Selon le professeur Abdoulaye Diallo, le choix de ces différents types d’anesthésie, est fait en fonction de la pathologie que présente le patient Une consultation méconnue du grand public Elle n’est pas très connue du grand public en Afrique subsaharienne. « Ces dernières années, les jeunes commencent à  s’intéresser à  la discipline. Or, tout grand chirurgien a pour collaborateur incontournable, un anesthésiste. Et la réussite d’une intervention chirurgicale dépend indéniablement d’une bonne anesthésie. La chirurgie étant une agression pour l’organisme, l’anesthésie permet de neutraliser la douleur générée par cet acte médical. l’organisme nécessite donc une certaine quiétude pour le malade. Cette quiétude ne peut venir que de l’anesthésie. Le nombre insuffisant de médecins anesthésistes au Mali Dans la sous -région, le Mali a un nombre d’anesthésistes limité. Comparativement au Sénégal et à  la Côte D’Ivoire o๠l’on peut compter 80 médecins anesthésistes, le Mali n’en compte que neuf. Toute chose qui explique selon le professeur, l’absence de la filière anesthésie à  la faculté de médecine au Mali, mais aussi son caractère spécifique(le fait que la discipline ne nourrit son homme à  l’inverse d’autres filières médicales). Notons que les professeurs anesthésistes au Mali sont aidés dans leurs taches quotidiennes par des infirmiers spécialisés en anesthésie-réanimation et diplômés de l’Institut de santé. l’espoir flotte à  l’horizon car le gouvernement a considéré le nombre insuffisant d’anesthésites et finance les études de certains médecins accroà®tre la spécialisation dans le domaine. Initiative heureuse, juge le professeur Diallo.

Don de sang : les volontaires manquent

Créé le 20 septembre 2000 et ratifié par l’assemblée nationale du Mali le 1er juin 2001, le centre national de transfusion sanguine (CNTS) reçoit quotidiennement des donneurs de sang. Cependant, ce ne sont pas tous des volontaires ! La plupart donnent le sang pour leurs parents malades. Selon la directrice adjointe du CNTS, le Dr Guindo Yacine Gakou, les donneurs volontaires sont peu nombreux. Ils représentent à  peine 25%. Le Dr Guindo explique : « Ce sont ces dons volontaires qui nous permettent de faire un stock suffisant et de qualité pour la distribution. Ces donneurs viennent régulièrement tous les 3 mois. C’’est la période comprise entre les dons réguliers de sang. Sur une centaine de donneurs par jour, la majorité vient uniquement pour des cas d’urgence. » Signalons que cette campagne est intemporelle. Elle se fait 7 jours sur 7 et 24h/24, durant les 12 mois de l’année. C’’est une campagne continuelle. Les poches de sang sont ensuite distribuées aux structures sanitaires publiques et privées après examens. Sur la centaine de poches traitées, juste une vingtaine est saine et ne comporte pas de maladies. Les maladies détectées sont le VIH/SIDA, l’hépatite B, l’hépatite C, la siphylis. Ils font aussi des systèmes ABO/Rhésus, c’est-à -dire, le groupage des systèmes de groupes sanguins ABO et Rhésus. Le CNTS dispose d’antennes régionales étendues sur tout le territoire national. Chaque région a un centre de don de sang permanent. Toutefois, il arrive que certaine localités manquent de sang, surtout dans les cas d’urgence. Elles sont alors fournies par les CNTS. Le sang traité et soigné est ensuite distribué au niveau des centres secondaires d’état civil, des cliniques et hôpitaux de Bamako. Le Dr Guindo précise : « La campagne demande des moyens financiers et techniques importants. Il est vrai que nous bénéficions d’un budget de l’Etat et nous avons le soutien du ministère de la santé. Mais cela reste encore insuffisant malheureusement. Les gens ne sont pas assez informés. Beaucoup ont peur de se faire dépister. Le sang donné est dépisté et traité en une semaine. Le donneur vient ainsi prendre ses résultats la semaine d’après. C’’est justement ce résultat qui leur fait peur. Ils ont peur de connaà®tre la maladie dépistée, si maladie il y a bien entendu. Or, si tout le monde refuse de donner son sang, finalement nous n’aurons plus de stock et il sera très difficile de garder le cap ». Le don de sang se fait entre 18 et 60 ans. Il se fait aussi au niveau des CSCOM, cliniques et hôpitaux. Don de sang et carême Le carême approchant, les dons risquent de diminuer énormément. Selon le Dr Guindo, la majeure partie des musulmans refusent des donner leur sang durant le mois de ramadan. « Chaque année, nous sommes confrontés à  ce problème. Ils affirment que l’Islam interdit toute transfusion lorsqu’on est à  jeûn. C’’est pour cette raison que nous nous sommes associés à  un groupe de musulmans afin qu’ils expliquent aux fidèles, qu’il le Coran n’exclut pas du tout cela. Ils avaient même donné l’exemple en se proposant comme donneurs volontaires l’année dernière. Mais les gens avaient du mal à  les croire. Pensant que C’’était juste un prétexte pour les empêcher de jeûner. Ce qui est vraiment dommage. » Des campagnes de sensibilisation doivent être régulièrement menées. Il faut que chacun comprenne que chaque goutte de sang donnés est une vie sauvée. Il ne faut pas nécessairement attendre d’avoir un proche malade pour se décider à  donner son sang. C’’est un devoir moral et humanitaire qu’on doit accomplir. La vie est sacrée !