Dr. Ibrahima Sangho : « le report de la présidentielle est inacceptable »

Dr Ibrahima Sangho, chef de la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE- Mali) répond à nos 3 questions sur le report de la présidentielle.

Quel est votre regard sur le report de la présidentielle ?

Ce léger report n’est pas acceptable. Les autorités de la transition ont pris date avec les Maliennes et les Maliens pour 18 mois de transition et entre temps, avant la fin de ce délai, il y a eu les Assises nationales de la refondation, où il a été décidé de prolonger la transition pour 24 mois. À la fin de ces 24 mois on prolonge encore. Ce n’est pas acceptable.

Que pensez-vous des raisons invoquées par le gouvernement ?

Nous ne sommes pas d’accord avec ces raisons. Sur le plan technique, nous pensons qu’elles ne sont pas suffisantes. Il est toujours possible de tenir l’élection présidentielle en février 2024. Entre autres raisons invoquées, il y a le fait de vouloir conformer la loi électorale à la nouvelle Constitution. Pour nous, cela est tout à fait tenable. En octobre il y a la rentrée parlementaire au niveau du CNT. La loi électorale peut être revue à ce moment et il est possible de convoquer le collège électoral en novembre.

Doit-on craindre de nouvelles sanctions de la CEDEAO ?

Si jamais on s’amuse à prolonger la transition, ce sera un nouvel embargo et cette fois-ci il sera total de la part de la CEDEAO. Les Maliens doivent se préparer à cela. Il faut plutôt que l’on incite les autorités à tenir leurs engagements.

Abdoulaye Guindo : « si on veut faire les élections avec le nouveau découpage, il va falloir attendre encore 5 ans »

La Mission d’observation des élections au Mali (MODELE Mali) a présenté le 18 mars son rapport sur les réformes politiques et institutionnelles en cours suite au report du référendum. Abdoulaye Guindo, Président de Doniblog et membre de la Mission, répond à nos questions.

Que peut-on retenir de ce rapport ?

Le rapport fait l’analyse de l’avant-projet de constitution sur les aspects électoraux. À ce niveau, nous avons noté des avancées, dont la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Entre les deux tours, les candidats auront désormais trois semaines pour faire campagne, contrairement à l’ancienne Constitution, où les résultats définitifs tombaient souvent à deux jours de la clôture de la campagne du 2ème tour. Nous avons également noté que le Mali clarifie le rôle de l’armée, qui n’est pas de gérer le pouvoir politique mais de sécuriser les populations et de se mettre au service des politiques. Nous pensons qu’avec cette disposition on pourra peut-être éviter les coups d’État.

Vous vous interrogez sur la disponibilité en ressources humaines, matérielles et financières pour l’opérationnalisation de toutes les nouvelles entités administratives avant les prochaines élections…

Avec 19 régions et plus de 150 cercles, même si les ressources humaines sont disponibles, le temps de les nommer et qu’elles se mettent en place peut prendre plus de 5 ans. Nous disons donc que le nouveau découpage peut attendre. Nous pouvons continuer à mettre en place les préfets, sous-préfets et gouverneurs et laisser le soin à un nouveau Président élu, pendant son premier mandat, de rendre opérationnels les nouvelles régions et les nouveaux cercles.

Cela revient-il à aller aux élections avec l’ancien découpage ?

Oui, c’est ce que nous avons proposé dans nos recommandations : faire les élections sur la base de l’ancien découpage administratif, les 49 cercles. Le Président Amadou Toumani Touré avait créé 11 nouveaux cercles, mais sous IBK les élections n’ont pas pu s’y tenir. Nous pensons que si on veut faire les élections avec le nouveau découpage il va falloir attendre encore 5 ans. Alors que le gouvernement a pris des engagements et réitéré sa volonté de respecter le chronogramme de 24 mois.

La Mission dénonce également le vote par anticipation des forces armées et de sécurité. Pourquoi ?

Nous estimons que cette disposition pourrait être un élément majeur de fraudes. Nous pensons que même si on déploie des observateurs, voire les délégués des candidats, dans un camp, ils n’auront pas le courage de dénoncer les éventuelles irrégularités. Pour nous, il faut faire voter les militaires le même jour que le reste de la population. Par ailleurs, il n’y a pas de fichier électoral distinct entre militaires et civils.