Ras Bath : l’étau se resserre autour du chroniqueur

Incarcéré le 13 mars 2023 suite à des accusations publiques concernant le décès de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, Mohamed Youssouf Bathily alias Ras bath n’est visiblement pas au bout de ses démêlées avec la justice. Fin mars, le célèbre chroniqueur a été de nouveau inculpé pour 3 autres chefs d’accusation.

« Association de malfaiteurs contre autrui de 2023 jusqu’à 10 ans en arrière », « offense au chef de l’État de 2023 jusqu’à 10 ans en arrière » et « diffusion de paroles contre les mœurs du pays ». Avant de se présenter le 29 mars 2023 devant le Procureur du tribunal de la Commune IV, Ras Bath ne s’imaginait pas être inculpé pour trois chefs d’accusations plus graves que la « simulation d’infraction » pour laquelle il avait été placé sous mandat de dépôt trois semaines plus tôt. D’autant plus que son Conseil, Me Kassoum Tapo, avait déjà introduit une demande de mise en liberté provisoire en attente du procès, prévu pour le 13 juin prochain.

Du délit au crime

Le Porte-parole du Collectif pour le développement de la République (CDR) qui encourait d’un mois à cinq ans de prison, en risque désormais au minimum 20, selon une source judiciaire. Mais pas que. Ras Bath est également maintenant visé par deux mandats de dépôts différents. Une nette aggravation de sa situation, selon un avocat qui a requis l’anonymat.

« La même personne était déjà placée sous un premier mandat de dépôt. Le Procureur a cru bon de chercher contre lu, d’autres charges. Cette fois ce sont des charges criminelles. Les crimes ne peuvent pas être déférés en citation directe devant le tribunal correctionnel, il faut une instruction préparatoire », confie cette source. Selon elle, le Procureur est tout simplement dans une logique « d’aggraver la situation » du célèbre chroniqueur, en lui reprochant des infractions criminelles et en saisissant le juge d’instruction par rapport  à ces « crimes ».

« La simulation d’infraction est un délit et, dans ce cas, la détention provisoire ne dépasse pas un an, tandis que pour les crimes on peut aller jusqu’à 3 ans », précise l’avocat, craignant que l’animateur de l’émission « Grand Dossiers » ne se trouve à présent dans une situation très complexe.

Musèlement ?

Au CDR, dont Ras Bath porte la voix, les partisans, « très surpris » de la tournure des évènements, pensent que leur « guide » est victime d’un acharnement parce qu’il dérange politiquement. « Nous pensons qu’on veut le réduire au silence et que l’objectif poursuivi est de le maintenir le plus longtemps possible en détention, parce que le juge d’instruction a tout son temps. Ras Bath est un détenu politique, il dérange », accuse Aliou Touré, Secrétaire administratif du Collectif. Il craint que les nouveaux chefs d’accusations qui pèsent sur le chroniqueur ne réduisent à néant l’aboutissement de la demande de mise en liberté provisoire formulée par son avocat.

« Même s’il obtient la liberté provisoire pour le premier mandat de dépôt, par rapport au premier chef d’accusation, nous craignons que cela ne soit pas le cas pour les trois nouveaux chefs d’accusation », avoue-t-il.

Mais le CDR ne compte pas rester sans agir. Il va animer une conférence de presse pour « montrer à l’opinion nationale et internationale notre désaccord », informe le Secrétaire administratif. S’il confirme que d’autres actions vont suivre dans la foulée, Aliou Touré assure que le Collectif ne posera aucun acte qui aille à l’encontre du respect des institutions de la République, « parce que nous avons confiance en notre justice ».

En 2021, après quelques mois de détention, la Cour suprême avait ordonné l’abandon des charges contre le Porte-parole du CDR, ainsi que plusieurs autres personnalités qui étaient poursuivies pour tentative de déstabilisation des institutions. Les affaires diffèrent et leurs issues pourraient également différer.

En attendant la suite que va lui réserver le juge d’instruction et la tenue d’un premier procès, le 13 juin 2023, Ras Bath continue d’être écroué. Le chroniqueur, qui au début  était détenu dans des conditions très peu enviables, a été transféré depuis peu au « 4ème cabinet » de la Maison centrale d’arrêt de Bamako, où il bénéficie de meilleures conditions et est autorisé à recevoir de la visite.

ASMA-CFP : la vie sans Soumeylou Boubeye Maïga

L’An I du décès de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga rappelle l’immensité de l’homme et les défis que son parti doit relever pour continuer d’exister après lui.

Cela fait un an que le « Tigre de Badala » ne rugit plus. En prison depuis août 2021, accusé entre autres de « faux et usage de faux et d’atteinte aux biens publics dans l’affaire de l’acquisition de l’avion présidentiel et des achats d’équipements militaires », l’état de santé de Soumeylou Boubeye Maiga s’était sévèrement dégradé durant sa détention. Il est décédé le 21 mars 2022 à Bamako dans la clinique où il était hospitalisé depuis décembre 2021, sans jamais avoir été jugé. Le chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, invité à prendre la parole lors de la 3ème Conférence nationale du parti, le 11 mars dernier, a affirmé que Soumeylou Boubeye Maïga avait été « assassiné ». Convoqué le 13 mars par la police, il a par la suite été placé sous mandat de dépôt par le Parquet de la Commune IV pour « simulation d’infraction ».

Les militants de l’ASMA-CFP, qui évitent de s’exprimer sur cette dernière affaire, indiquent « rester unis, debout et plus que jamais déterminés » à œuvrer pour que le parti continue de « peser » sur l’échiquier politique malien. Une volonté qui, selon des analystes, ne sera pas simple à matérialiser.

« Il y a la culture de la personnification des partis politiques au Mali. Et l’ASMA ne fait pas exception à cela. La disparition de l’ancien Premier Ministre fait que le parti se retrouve dans une situation un peu délicate, dans la mesure où toute la question qui se pose c’est la pérennité du parti. Il n’est pas évident qu’il puisse trouver en son sein quelqu’un de charismatique et qui dispose des moyens financiers et intellectuels nécessaires pour faire face au vide qu’il a laissé », craint l’analyste politique Ballan Diakité. Outre l’absence de figure charismatique, le spécialiste met aussi l’accent sur la non représentativité du parti sur tout le territoire du Mali.

Une dissension interne risque également d’obscurcir l’horizon de l’ASMA. Le 2 mars dernier, le 3ème Vice-président, Aboubacar Ba, et le Secrétaire général adjoint, Boubacar Traoré, ont été suspendus « pour leurs initiatives et attitudes qui sont de nature à compromettre le parti et à porter atteinte à son image », a justifié l’ASMA dans un communiqué.

Pour le Secrétaire général du parti, Issa Diarra, « au-delà de tout ce qui s’est passé », le parti a su prendre un nouveau départ, avec de nouvelles ambitions. « Contrairement à ce que beaucoup de gens auraient pensé, la disparition de notre Président a requinqué beaucoup de militants et nous a donné beaucoup plus de courage pour ne pas baisser les bras. Nous sommes dans cette optique », assure-t-il.

Unité

Même après le décès de son Président, le parti essaye de jouer des coudes pour rester présent sur la scène politique. Avec le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, dont il est l’un des principaux initiateurs, l’ASMA-CFP a participé aux différents ateliers et forums sur les réformes politiques et constitutionnelles organisés par les autorités de la Transition. Mais le manque de vigueur dans ses prises de positions ne réjouit pas tout le monde au sein de cette entité.

« Dès les premières heures de la Transition le parti s’est engagé dans une dynamique de soutien en vue de relever les défis sécuritaires et d’aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel normal, à travers l’organisation d’élections justes, transparentes, crédibles dans un esprit de consensus et d’inclusivité », rappelle Amadou Baba Cissé.

L’ASMA se projette déjà pour les prochaines élections, si les dates sont tenues. Lors de sa première participation aux élections communales, en 2016, sur 185 partis qui s’étaient présentés, il était sorti 7ème, avec 300 conseillers et 14 maires. « Nous avons eu également 4 députés élus lors des législatives qui ont suivi. Mais nous ne nous satisfaisons pas trop de cela. Nous comptons travailler pour tirer ce parti encore plus vers le haut », indique le Secrétaire général Issa Diarra. Mais autre temps, autre contexte, puisque Soumeylou Boubeye Maiga vivait encore à ces dates et que son influence, renforcée après son passage à la Primature, lui avait permis de propulser haut le parti.

Démission du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga

À quelques heures de l’examen d’une motion de censure du gouvernement déposée par la majorité et l’opposition , le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a démissionné, jeudi.

Le Premier ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga a présenté jeudi sa démission au chef de l’État Ibrahim Boubacar Keïta, qui l’a acceptée, selon un communiqué de la présidence.

La démission du  »Tigre », en poste depuis près de 16 mois, intervient à quelques heures de l’examen par l’Assemblée nationale d’une motion de censure du gouvernement déposée mercredi par des députés de l’opposition mais aussi de la majorité.

Il a présenté sa démission ainsi que celle de ses ministres, selon le texte. Le président IBK « a accepté la démission du Premier ministre et celle du gouvernement, et l’a remercié pour sa loyauté et son sens élevé du devoir », a précisé la présidence.

« Un Premier ministre sera nommé très prochainement et un nouveau gouvernement sera mis en place, après consultation de toutes les forces politiques de la majorité et de l’opposition », selon le communiqué.

La personnalité du Premier ministre cristallisait les critiques depuis plusieurs semaines, opposition, leaders religieux (Mahmoud Dicko, Mbouillé Haidara) réclamaient notamment son départ.

Gouvernement : Impatience au RPM

Des informations font état depuis un moment de machinations dans les coulisses au sommet du Rassemblement pour le Mali pour une révocation du Premier ministre Soumeylou  Boubèye  Maiga, avec qui le courant ne passerait pas. L’impatience semble avoir désormais gagné le parti des Tisserands, où, même si aucune prise de position officielle n’est actée dans ce sens, quelques voix exigent désormais ouvertement la remise du tablier de SBM.

Le 3 avril 2019, lors de l’interpellation du gouvernement  à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga s’est fait représenter par des membres du gouvernement. Ce qui n’a pas été du goût de certains députés, notamment du RPM. « Je demande la démission du Premier ministre. Le problème du Mali c’est lui. Aujourd’hui rien ne marche dans le pays. Il doit penser au Mali et démissionner », déclarait Mamadou Tounkara, député RPM élu à Kita.

« Ce gouvernement ne peut pas nous amener loin. Il faut élargir sa base sociale et politique. Le gouvernement, dans sa taille et dans ses compétences, doit être revu dans les plus brefs délais », avait ajouté l’Honorable Mamadou Diarrassouba, 1er Questeur de l’Assemblée nationale et Secrétaire à l’organisation du RPM.

Primature en ligne de mire ?

Le parti du Président Ibrahim Boubacar Keita semble revendiquer aujourd’hui ce qui aurait dû lui revenir dans la norme des choses. Sur les 5 chefs de gouvernement de l’ère IBK, seul 1 était issu du RPM. Il s’agit d’Abdoulaye Idrissa Maiga, qui est passé à la Primature en 2017.

Réunis lors des 2èmes assises du Conseil central du parti, les 6 et 7 avril dernier, les responsables du RPM ont statué sur différents sujets, internes mais aussi relatifs à la vie politique du pays, sans pour autant jamais évoquer un « malaise » vis-à-vis du chef du gouvernement. Mais des indiscrétions font état d’un feu vert donné par le parti à ses députés lors de ces assises pour conduire la motion de censure contre le gouvernement.

« Si le RPM réclame aujourd’hui la Primature, ce sera sans aucun doute pour limiter les ambitions du Premier ministre actuel. C’est une manière de faire d’ores et déjà en sorte qu’il n’ait pas l’envergure et l’étoffe suffisantes pour briguer une candidature en 2023 », indique un analyste politique.

Mais rien n’oblige le Président de la République à choisir le prochain Premier ministre dans les rangs de sa propre formation politique, sauf en cas de motion de censure conduite par cette dernière. Un scénario vers lequel on s’acheminerait ?

Grogne sociale : Le gouvernement cèdera-t-il ?

Le 5 avril, des milliers de personnes ont répondu à l’appel de l’iman Mahmoud Dicko et du Cherif de Nioro à la  place de l’indépendance de Bamako. La démission du gouvernement et la mauvaise gouvernance étaient les catalyseurs de cette manifestation pacifique inédite. Mais cette énième défiance du Président du Haut conseil islamique aura-t-elle raison du gouvernement de Soumeylou Boubeye Maiga ?

« C’est une manifestation qui s’inscrit dans la logique de protestation de la gouvernance actuelle dans notre pays. C’est également une manière d’exprimer la colère que les populations ont longtemps gardé dans leur cœur vis-à-vis de ce qui se passe au nord, au centre, de la cherté de la vie. C’est tout un ensemble de problèmes sociaux, économiques, conjugués à des problèmes politiques, qu’ils ont essayé d’exprimer à travers le grand rassemblement de vendredi », explique Ballan Diakité, analyste politique au Centre de recherches et d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES).

Le 5 avril, à l’initiative du Président du Haut Conseil islamique du Mali, l’imam Mahmoud Dicko, soutenu par le richissime Cherif de Nioro, des milliers des personnes avaient convergé depuis 14 heures, sous un soleil peu clément, vers la place de l’indépendance à Bamako. De tous les mots d’ordre et de revendication, la démission du gouvernement Soumeylou Boubeye Maiga était le noyau autour duquel gravitaient tous les autres. Certains manifestants réclamaient le départ de la MINUSMA et de la France  du Mali, estimant que « leur présence ne sert absolument rien si chaque jour le pays compte ses morts ». Arrivé sur place dans cette ambiance électrique, l’imam Mahmoud Dicko a fait la revue de la situation que vit le Mali, arguant que « ceux qui sont venus aider le pays doivent le faire en toute franchise ou quitter le Mali ». Il avertissait à cette occasion le Président de la République que les marches continueraient tous les vendredis si son message n’était pas entendu.

Revendications légitimes 

La manifestation de vendredi, au-delà de l’imam Mahmoud Dicko, était un cocktail explosif d’hommes et de femmes mécontents de la situation que travers le pays. Des religieux, des politiques, des commerçants, des  enseignants, chacun avait un message. « Les gens ont répondu à l’appel et la masse présente témoigne d’un haut degré de mécontentement au sein de la population. Derrière cette marche, il faut voir le niveau de frustration des Maliens par rapport à la manière dont les choses sont gérées », souligne Woyo Konaté, Docteur en philosophie politique et enseignant à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako. Selon lui, un réaménagement gouvernemental est nécessaire pour calmer les tensions. « On ne peut pas dire aujourd’hui que l’équipe qui est là est une équipe qui gagne. Ce sont des demandes légitimes. En démocratie, on est face à des gouvernements d’opinion et le nombre de gens qui ont marché constitue une tranche très importante de l’opinion publique, donc à prendre au sérieux », explique le philosophe.

Par contre, pour le  politologue Boubacar Bocoum, le terrain politique n’est pas celui du religieux. « Je ne pense pas qu’il soit du ressort de l’iman Dicko de réclamer la démission du Premier ministre,  encore moins de manifester pour dénoncer les tares politiques. Manifester fait partie de la liberté d’expression, mais en termes d’analyse  politique, je ne vois pas comment un imam peut demander à un ministre de démissionner dès lors qu’il y a une opposition, un Parlement et toutes les procédures administratives et juridiques », se démarque-t-il. « C’est anachronique et cela veut dire qu’il prend la place de l’opposition », ajoute-t-il. Que les messages mis en avant soient légitimes ou pas, il y a une évidence à prendre en compte : les frustrations. « La question de la légitimité de la marche ne pose plus aujourd’hui, mais plutôt celle du symbole qu’elle donne du point de vue démocratique. Dans cette marche il y avait toutes les sensibilités, les partis politiques, les syndicats, des citoyens lambda, des opérateurs économiques. C’est une frange importante de la société qui a répondu pour exprimer son mécontentement quant à la manière dont les choses publiques sont gérées et quant à la manière dont les acteurs qui sont censés répondre aux besoins des populations sont perçus », juge Dr Aly Tounkara, sociologue et  professeur à la faculté des Sciences humaines et des sciences de l’éducation de Bamako.

Messages entendus

Vingt-quatre heures après cet imposant rassemblement, le Président de la République reçoit en audience la Ligue des Imans du Mali(LIMAMA). Après cette rencontre dont il s’est réjoui de la tenue « au lendemain d’une journée d’effervescence », IBK a dénoncé « certains slogans et surtout des déclarations désobligeantes pour nos amis en souci du Mali, aujourd’hui à nos côtés pour combattre le terrorisme », a-t-il réagi. Des « amis » pourtant qui ne cessent d’être critiqués, au regard d’une situation sécuritaire toujours alarmante. « On dit que Barkhane est là pour lutter contre le terrorisme, la Minusma pour stabiliser le pays,  mais, malgré leur présence, l’insécurité n’a jamais été aussi grande dans notre pays. Les attentats continuent, des villages comme Ogossagou continuent d’être brûlés », expose l’analyse politique Ballan Diakité, pour lequel « à un moment donné il faudra revoir le mandat de la MINUSMA ». Dans un contexte de terrorisme international, l’enjeu lié au retrait des  forces étrangères dépasse le Mali. « Ce n’est pas facile d’obtenir dans l’immédiat le départ de ces forces. Parce que la menace va au-delà, pour porter atteinte à la sécurité internationale et cette question va aussi au-delà d’une seule souveraineté », décortique le Dr Woyo Konaté.

Pourtant, cette sortie avec les imans aurait été selon certains analystes une occasion pour le Chef de l’Etat de mettre « balle à terre ». Que nenni ! Alors que les organisateurs du meeting attendaient des réponses sur la démission du Premier ministre, le Président a éludé ce sujet qui fâche et s’est engagé dans un discours offensif. « Nul n’arrivera à subvertir le Mali, à le prendre de l’intérieur, nul ! Prétendre qu’Ogossagou nous aurait laissés indifférents est une infamie, une ignominie de la pire espèce », répliquait IBK. Un discours qui a reçu un froid accueil de ceux qui espéraient une détente après une journée à risques. « La réponse n’est pas adéquate. On n’a pas besoin d’une rhétorique pareille. Il aurait été plus élégant en les recevant, les écoutant », analyse Boubacar Bocoum. Une position que partage également le docteur en philosophie politique Woyo Konaté. « Il peut ne pas avoir compris. Le fait de ne pas considérer cette doléance, c’est se mettre dans une logique de va-t’en guerre. En démocrate, qu’il engage des pourparlers pour voir ce qu’il peut faire », suggère-t-il.

Pour le sociologue Aly Tounkara, « en invitant une partie de l’Imamat qui n’a pas pris part à la manifestation, notamment ceux de l’approche malékite, hormis le Cherif de Nioro, la Présidence a voulu jouer sur les dissidences ». Une pratique qui serait devenue récurrente. « La politique de ce gouvernement a toujours été de diviser pour mieux régner. C’est Mahmoud Dicko qui a dit aux gens de sortir. C’est un imam, Président du HCI, et pour casser la dynamique le Président  appelle certains autres imams pour parler avec eux comme s’il avait leur accord et que Mahmoud Dicko serait un réfractaire, ce qui n’est pas le cas », clarifie de son côté Ballan Diakité, qui se demande si IBK a compris la démonstration. Le chercheur du CRAPES alerte sur le danger que peut engendrer « la politique de la sourde oreille ». « Si jamais la foule sortie vendredi ressort encore sur la base des mêmes revendications, cela ne sera pas bon pour ce régime. Personne ne veut que ce pays éclate, mais à un moment donné, s’il faut une refondation, il faut la faire », estime Ballan Diakité, ajoutant que « la révolution est nécessaire dans ce pays, parce que nous sommes avec une  classe politique qui depuis 25 ans continue à gouverner sur la base d’oligarchies et de politiques de copinage ».

Depuis, le lundi 8 avril, IBK a reçu toutes les confessions religieuses et les familles fondatrices de Bamako à Koulouba, avec la présence très remarquée de l’imam Mahmoud Dicko. Les démarches entreprises ont permis de surseoir à la marche annoncée pour vendredi prochain. À l’issue de cette rencontre nocturne, une dynamique de dialogue constructif semble se dégager. Mais le porte-parole de l’Imam, Issa Kaou Djim manifestera sa déception après cette audience. « Les chefs traditionnels n’ont pas pu faire entendre raison au Président afin qu’il comprenne que c’est une question de Nation et non une question de Boubeye. Une grande partie de la population demande à ce que Boubeye parte, mais le Président refuse de le lâcher. On verra ce qui va se passer », s’insurgera le porte-parole, selon qui, toutefois, « l’imam Dicko demande à tout le monde de la retenue pour le moment ».

Un  dilemme cornélien

La manifestation de vendredi dernier n’était pas la première injonction faite au Président de se débarrasser de son Premier ministre. Sa résistance face aux requêtes insistantes aussi bien des religieux et de l’opposition que du  Rassemblement pour le Mali (RPM) témoigne d’une certaine reconnaissance envers celui qui a contribué à sa réélection en 2018. « Le Président serait dans une sorte de considération de fidélité vis-à-vis de son Premier ministre, qui est peut-être pour beaucoup des choses dans sa réélection. Ce qui n’est pas facile », révèle Dr Woyo Konaté.  Or, selon lui, il faut souvent évoluer en fonction des réalités et « les hommes se doivent de comprendre que la politique a sa morale, différente de la morale ordinaire. Il doit lui dire je te suis reconnaissant, mais le Mali est au-dessus de nos amitiés », souffle-t-il.  Une autre hypothèse concernant ce refus du Président serait qu’il ne veut pas se montrer fébrile face aux exigences des ces groupes religieux. « Toute décision qui sera prise au lendemain de cette marche sera vue comme une victoire d’une frange importante des leaders religieux. C’est cela le dilemme aujourd’hui. Cela veut dire que l’État aussi se bat pour ne pas être étiqueté comme étant à la merci des religieux. Mais en même temps il sait pertinemment qu’il y a un poids qui le gène dans son fonctionnement », relève Dr Aly Tounkara.

Dans cette bataille, dont l’issue est encore incertaine, toute résolution sera décisive pour l’avenir du Mali. « Je ne  pense pas qu’il va les écouter, parce que s’il accepte leurs revendications ce sont eux qui vont piloter le pouvoir et son autorité sera mise à mal. Cela lui coûtera ce que ça va lui coûter, mais il ne va pas céder », conclut Boubacar Bocoum. Alors que le sociologue Aly Tounkara privilégie l’hypothèse d’une ouverture, car « ces leaders religieux sont des pourvoyeurs de paix sociale et cela est essentiel dans le cadre de la lutte contre l’extrémisme religieux. Ce sont des acteurs légitimes et peu coûteux, et qui ont des accointances avec certains  leaders religieux violents ».

Incertitudes ?

Pourtant, l’absence d’un consensus sur les questions soulevées par les manifestants  pourrait cristalliser les tensions dans les jours à venir. « Il est important de rester ouvert. Quelqu’un qui a une foule derrière lui, en démocratie, est à craindre. Le Président doit regarder les choses en face et savoir que ce ne sont pas deux individus qui le combattent. Derrière eux, combien d’hommes et de femmes sont mécontents aujourd’hui? », fait remarquer Dr Aly Tounkara. Pour le Dr Woyo Konaté, le péril à chaque mobilisation deviendra plus grand. « Le risque est que, si les marches continuent, le discours pour mobiliser les gens va monter en grade en termes de menaces. Pour remobiliser les gens il faut changer de discours et en changeant de discours il ne faut pas être surpris de voir de voir des propos qui ne vont pas dans le sens pacifiste », avertit-il. Les difficultés sociales, exacerbées par la crise sécuritaire et politique, ont réduit l’horizon d’une large frange de la société malienne. Un changement dans la gouvernance serait la seule issue, selon le politologue Ballan Diakité. « Il faudra à un moment donné qu’il change de gouvernement et qu’il fasse appel à d’autres personnes, avec une nouvelle feuille de route, une nouvelle vision, qui puissent donner l’impression au peuple qu’il y a du travail qui est fait. Pendant que nous autres végétons sous le soleil ardent dans la pauvreté, il y en a certains qui fêtent leur anniversaire à hauteur de 50 millions, ce qui crée des blessures profondes dans les cœurs des gens », prévient-il.

Véritable marée humaine à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko, la démission du Premier ministre exigée

Plusieurs milliers de personnes, répondant à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko ont investi le boulevard de l’indépendance ce 5 avril.  Après la prière du vendredi, une véritable marée humaine a déferlé de tous côtés pour rejoindre le point de rencontre. Aux cris des ‘’IBK dégage’’ et ‘’Boubeye démission’’, les manifestants ont exprimé leur mécontentement et leur ras-le-bol à l’encontre du pouvoir. « Nous en avons marre, la situation empire, le pays est dans le gouffre, absolument rien ne va dans le bon sens, nous ne voulons plus de ces personnes qui mettent notre Mali à terre » s’écrie un manifestant qui confie avoir fermé sa boutique pour répondre à l’appel.  Plusieurs autres ayant défié soleil et déshydratation brandissaient des pancartes hostiles au chef de l’État, au Premier ministre mais également aux forces étrangères présentes dans le pays.

Le porte-parole de l’imam Dicko, Issa Kaou Djim a assuré que « ce gouvernement doit partir, et il partira ». « IBK est décrié par le peuple.  Ce peuple sort, si c’est un démocrate, il doit se poser des questions sur sa légitimité » ajoute-t-il. Dans son adresse difficilement audible, notamment à cause d’une mauvaise sonorisation et d’une coupure d’électricité par la suite, le président du Haut conseil islamique a une nouvelle fois pointé du doigt la gouvernance du président IBK, jugée « très mauvaise ». Il a lancé un ultimatum au Premier ministre, à qui il enjoint de démissionner, faute de quoi, la manifestation deviendra hebdomadaire jusqu’à satisfaction.  Injonction accueillie avec une large clameur par les milliers de personnes présentes, obligées de capter différentes stations de radio pour entendre le message de Dicko.

A la fin de l’évènement qui s’est déroulé sans heurts, un groupuscule s’est dirigé vers la propriété du chef du gouvernement. Ce qui a conduit à un affrontement entre le groupe et les forces de défense et de sécurité qui ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser le mouvement.

SBM à Ménaka

Le mercredi 09 mai,  le Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maiga effectuait une courte visite à Ménaka. Objectif, apporter aux populations de la neuvième région administrative du Mali le message de compassion du Chef de l’Etat après de récentes attaques meurtrières dans la localité. Un train de mesures a été annoncé et les habitants espèrent que cette visite soit un  « déclic »…

Au cours de  la visite qui a duré un peu moins de 3h, le chef du gouvernement a réitéré l’engagement de l’Etat à assurer la sécurité de tous les Maliennes et Maliens et améliorer l’accès aux services sociaux de base. Aussi en réponse aux besoins immédiats des Ménakois, il a annoncé l’octroi à la ville de deux groupes électrogènes, 500 tonnes de céréales et plus de 1500 tonnes d’aliment-bétail. Le Premier ministre a aussi offert 10 millions de FCFA pour venir en aide aux familles déplacées, 5 millions pour la Coordination régionale des jeunes, 5 millions pour les femmes et 5 autres millions pour les notabilités. Cette visite qui était la première d’une haute personnalité de l’Etat dans la région depuis 2012 a suscité l’espoir chez les Ménakois. « Pour nous c’est une opportunité, car longtemps nous nous sommes senti délaissés. Sa visite nous a redonné le sentiment d’être maliens » avoue Djibrilla Maiga, Président du conseil régional des jeunes de Ménaka.

Mais au-delà de cette symbolique, le passage de Soumeylou Boubeye Maiga doit, selon notre interlocuteur être un élément déclencheur de la réelle prise en charge de la région. « Nous attendons que ce soit le déclic qui pourra donner des débuts de solutions à tous nos problèmes. » poursuit notre interlocuteur. Car à l’en croire en effet, Ménaka est une région enclavée où il n’ya ni électricité, ni eau potable, encore moins l’accès à internet. A coté de cela, le climat sécuritaire ne cesse de se dégrader. « Tous les jours sur l’axe Ansongo-Ménaka il ya des vies humaines qui se perdent » déplore Djbrilla Maiga. A cela il faut ajouter les attentats et autres exécutions sommaires qui ont endeuillé des dizaines de familles ces dernières semaines.

Les différents dons offerts par le chef du gouvernement ont été bien appréciés mais selon le président du conseil régional des jeunes, ce n’est pas suffisant. « Ce n’est pas la solution que nous attendions en réalité aux problèmes sociaux de la ville » lâche- t-il, tout en reconnaissant que le geste en soi est bon. Pour lui, les urgences de l’heure sont l’eau, l’électricité. «  Si l’Etat malien arrive à résoudre ces problèmes, nous n’avons pas besoin d’autre chose en plus si ce n’est la sécurité sur l’axe Ansongo-Ménaka » avance –t-il.

La visite de Soumeylou Boubèye Maiga à Ménaka aura été, au delà des annonces faites, plus dans la symbolique. Après avoir signifié aux populations que « l’Etat n’a pas délaissé cette région » en proie à un gros défi sécuritaire et social,  ces dernières attendent maintenant de voir la situation changer sur le terrain et leurs conditions de vie s’améliorer.

Comme un rappel de la fébrilité de la région, quelques heures après la visite du Premier ministre, une attaque a fait 5 victimes civiles dans la zone. C’est un véhicule qui avait quitté Indelimane pour la foire de Ménaka qui a été « attaqué par des hommes armés. Cinq passagers civils ont été » tués par des « assassins (qui) sont ensuite allés dans un campement pour tuer d’autres civils touaregs », a affirmé jeudi un élu local, sous couvert de l’anonymat pour raisons de sécurité. L’attaque a été confirmée par une source sécuritaire.

 

Germain KENOUVI

 

 

Le Premier ministre face aux élus de la Nation

 

Le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a sacrifié ce 20 avril 2018, à une tradition républicaine bien établie. Devant les députés, il a présenté sa déclaration de politique générale. Axée sur les grandes préoccupations du moment, il a sollicité l’accompagnement des élus de la nation pour « sortir des épreuves que nous affrontons.»

Rappelant les missions dont il a été investi lors de sa nomination le 30 décembre 2017 à la tête du gouvernement, le Premier ministre a exposé les quatre axes majeurs autour desquels est orientée l’action de son gouvernement (la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation nationale, la résolution des problèmes de sécurité au centre du Mali, la satisfaction des demandes sociales et l’organisation d’élection transparentes, crédibles et apaisées).
« Convaincu de l’urgence et de l’importance » des missions assignées au gouvernement, Soumeylou Boubèye Maïga s’est dit conscient des défis à relever, sans douter de la capacité des Maliens à les relever. Compte tenu de l’importance et l’ampleur des reformes de l’accord, également, le gouvernement est conscient du retard pris dans la mise en œuvre de l’accord. Une politique concernant toutes les parties prenantes a été mise en place, afin de mener à bon port la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. « Dans cette mise en œuvre, nous ne faiblirons pas dans notre volonté de travailler à l’union et à la cohésion entre toutes les filles et tous les fils du Mali », insiste le Premier ministre.

Au cours de cette déclaration de politique générale, le chef du gouvernement a évoqué plusieurs chantiers capitaux de l’Etat. Parmi lesquels, il y a « le réarmement et le redéploiement de l’armée sur l’étendue du territoire », « un processus de dialogue de proximité ouvert à tous ceux qui renoncent à la violence », « l’organisation d’une élection paisible et transparente ». En outre, plusieurs préoccupations allant dans  divers domaines à savoir, la santé, l’éducation, l’industrie, l’électricité entre autres. « Nous ferons en sorte que la prise en charge des besoins fondamentaux et pressants bénéficie en priorité aux couches fragiles et aux revenus modestes », précise Soumeylou Boubèye Maïga. Ainsi, un processus participatif sera engagé pour l’adoption d’une loi sur la transparence de la vie publique, afin de lutter contre la corruption. L’un des problèmes majeurs du pays.

Appel à l’union sacrée

Pour la réussite de ces actions, le chef du gouvernement d’une part sollicite l’accompagnement et le soutien de tous les Maliens à travers le monde, d’autre part l’appui des partenaires multinationaux. La Déclaration de Politique Générale sera soumise au débat ce 23 avril 2018.

 

Primature: le duel des Maïga ?

On l’annonçait pour l’après-sommet, et déjà les bruits de couloirs s’amplifient. Les noms sortent et les plus régulièrement cités sont ceux d’Abdoulaye Idrissa Maïga, ministre de la Défense et premier vice-président du RPM et Soumeylou Boubeye Maïga, président de l’ASMA-CFP, ancien ministre de la Défense et actuel secrétaire général de la Présidence.

Rassurer les partenaires techniques et financiers, améliorer le bilan du mandat et mettre en ordre de bataille la troupe pour la présidentielle de 2018, tel sera le cahier de charges du successeur de Modibo Keïta, dont le départ est annoncé pour les jours qui suivent le sommet Afrique-France qui s’est achevé le 14 janvier.

Deux favoris Ancien directeur de la Sécurité d’État, ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga a un bon profil pour être le Premier ministre d’un Mali en crise politico-sécuritaire. « Son parcours plaide très largement en sa faveur malgré les différents incidents de parcours qu’il a connu », commente un de ses proches. L’actuel secrétaire général de la Présidence a une grande connaissance des questions sécuritaires, militaires et de géostratégies régionales et internationales, et est crédité d’être un homme de réseau. Il a géré beaucoup de dossiers sulfureux et a un carnet d’adresses des plus étoffés. On dit de lui qu’il est l’homme de l’Algérie et de la France, les deux partenaires incontournables dans la résolution de la crise actuelle dans le septentrion malien. Mais en dépit de toutes ses qualités, Soumeylou Boubèye Maïga, passe aux yeux de  certains de ses détracteurs, pour un homme qui ne rêve que de devenir président de la République. « Pour ce faire, il est capable de pactiser avec le diable », souligne un cadre de son ancien parti, l’ADEMA. Sa plus grande faiblesse vient du côté politique. Même s’il appartient à la Convention de la majorité présidentielle (CMP), le fait qu’il n’appartienne pas au parti majoritaire, le Rassemblement pour le Mali (RPM), peut lui être fatal en période pré-électorale. C’est pourquoi Abdoulaye Idrissa Maïga émerge dans les pronostics. Sa rigueur et don autorité en font l’un des meilleurs profils pour le poste. Directeur de campagne d’IBK lors de la présidentielle de 2013, il pourrait se révéler être un atout pour le président dans la perspective de 2018. Il dispose de résultats favorables à la tête du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, de même qu’au ministère de la Défense et des Anciens combattants dont il a pris les rênes à la fin août 2016. « Chaque jour, il s’affirme et s’affiche comme le futur le Premier ministre. N’en déplaise à ses détracteurs qui tentent de le discréditer parce qu’il n’a jamais cédé au chantage politique pour gérer les affaires de l’État », explique un proche collaborateur. Dans ce duel, il peut compter sur le soutien d’une frange de son parti le RPM, dont il est le premier vice-président, mais il n’affiche pas un carnet d’adresse international étoffé. Tous deux originaires de Gao, les « frères Maïga » de la cité des Askia devront, quoi qu’il arrive, collaborer pour assurer à IBK un second mandat.

 

 

Le retour de Soumeylou Boubeye Maïga

Alors qu’il se trouvait hors du Mali pour les congés, la rumeur de la démission du ministre secrétaire général de la Présidence de la République, Mohamed Alfousseyni Touré a circulé durant tout le week-end dernier, jusqu’à ce qu’il apparaisse sur les images de l’ORTM, lors du retour du Président de la république du sommet Afrique-Japon qui s’est tenu au Kenya. Comme pour infirmer la nouvelle…

C’est finalement aujourd’hui lundi 29 août, que l’information a été confirmée. L’ancien ministre de la Défense, Soumeylou Boubeye Maïga (SBM), 60 ans, prend les rênes du secrétariat général de Koulouba, en lieu et place de l’ancien banquier, nommé il y a presque deux ans. Ce dernier, qui avait succédé à Toumani Djimé Diallo, en permutant le poste de directeur de cabinet, était jugé trop timoré et manquant de surface politique, selon de nombreux observateurs. Et ses assoupissements réguliers lors des réunions lui avaient valu les sarcasmes de certains conseillers de Koulouba. « Boubeye », tel qu’on le surnomme, revient donc au premier plan, dans la dernière ligne droite du mandat du président IBK, qui passe cette semaine le cap de la 3ème année.

Un parcours au cœur de l’État

Journaliste de formation, le nouveau secrétaire général de la Présidence fut, tour à tour, conseiller spécial d’Amadou Toumani Touré (ATT), alors président du Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) d’avril 1991 à juin 1992, puis chef de cabinet du président de la République Alpha Oumar Konaré de 1992 à janvier 1993. Il est ensuite nommé directeur général de la DGSE (Sécurité d’État) de janvier 1993 à 2000, puis ministre de la défense, une première fois, avant d’entamer une longue traversée du désert à partir de 2002.

Candidat à la candidature pour la présidentielle de 2002 au sein de l’ADEMA, il fait partie du clan qui pousse Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) vers la sortie, mais est battu par Soumaïla Cissé. Boubeye, réputé stratège et bon manœuvrier, opte alors pour le soutien au Général ATT, qui finit par être élu au second tour. En dehors de la présidence du Comité d’organisation du sommet de la Censad, tenu à Bamako en 2009, il n’obtiendra pas la reconnaissance tant attendue. Cette mise à l’écart le poussera à quitter l’ADEMA en 2007, pour fonder l’ASMA, qui le choisira comme candidat à la présidentielle de 2007, remportée au premier tour par ATT. C’est alors qu’il oeuvrera un premier rapprochement avec IBK, au sein du FDR, le Front démocratique et républicain.

Ce n’est qu’en avril 2011, alors que le Mali est attaqué, et que les relations avec le voisin algérien sont des plus mauvaises, que SBM sera appelé à la rescousse, au sein du gouvernement de Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, pour prendre le portefeuille des Affaires étrangères. Son expérience et ses réseaux lui permettront de restaurer quelque peu l’image du Mali, considéré comme le « maillon faible » dans la lutte antiterroriste, mais l’expérience tournera court, avec le coup d’état de mars 2012.

Seconde vie politique

Malmené par les putschistes, Boubeye sera détenu quelques jours avec d’autres membres du gouvernement, et s’attellera par la suite à restructurer son parti, l’ASMA FCP, en prévision des futures échéances. Doté d’un sens politique hors-pair, c’est pendant la transition qu’il prendra fait et cause pour IBK, le jugeant comme « le plus apte à gagner cette élection » présidentielle. Une fois élu, le nouveau président lui confiera le stratégique ministère de la Défense, dans le gouvernement d’Oumar Tatam Ly, pour entamer le travail de restructuration de l’armée malienne. Mais ses relations avec le Premier ministre n’étaient pas bonnes, ce dernier se méfiant de lui. Pourtant, l’enfant de Gao sera maintenu au gouvernement après l’arrivée de Moussa Mara, jusqu’aux tragiques événements de mai 2014, qui verront l’armée mise en déroute à Kidal. Boubeye est alors débarqué, le seul à payer, alors que Moussa Mara, tout comme le chef d’État major général, Mahamane Touré, avaient proposé leur démission. Aujourd’hui numéro 2 de la Présidence, Soumeylou Boubeye Maiga pourra apporter davantage d’influence à la première institution du pays, affaiblie par l’absence de pilotage politique des affaires de l’État. Il est nommé au moment où le président entame la 4ème année de son mandat, dont beaucoup reconnaissent que le bilan n’est pas brillant. Boubeye aura t-il les coudées franches pour redresser la barre?

Primature : un fauteuil pour 3, voire 4

Les rumeurs sur un prochain changement à la Primature vont de nouveau bon train. Et pour succéder à Modibo Keïta, trois personnalités reviennent souvent sur la liste des « Premier-ministrables ». Néanmoins, il est possible que rien ne change…

De sources concordantes, trois poids lourds du landerneau politique seraient dans les starting blocks pour succéder à Modibo Keïta, nommé en janvier 2015, qui « voudrait rendre le tablier », selon ses proches. Le premier n’est autre que Soumeylou Boubeye Maïga, ancien ministre de la Défense, et président de l’ASMAA/CFP. Fin stratège politique, l’homme serait le choix de certains proches d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Discret, il maîtrise parfaitement le paysage politique malien et aurait ses entrées à Alger, un atout pour qui doit gérer la mise en œuvre de l’Accord de paix, qui semble avoir le hoquet… Son passage au ministère des Affaires étrangères, ainsi que son expérience à la tête de la sécurité d’État pourraient lui permettre de donner un vigoureux coup de pouce à ce processus. Il vient en outre d’être « blanchi » par la commission d’enquête parlementaire sur les événements de mai 2014 à Kidal, qui lui avaient valu son départ du gouvernement.

Le second n’est autre que le numéro 1 du Rassemblement pour le Mali (RPM), et non moins ancien ministre du Développement rural. Bocary Treta « revendiquerait » son droit naturel à occuper le fauteuil de Premier ministre, ne serait-ce qu’au regard de la configuration de l’Hémicycle de Bagadadji, dominé par son parti. Sa relation avec le Président IBK, que l’on dit parfois orageuse, et son départ du gouvernement sur fond de contestation de l’actuel PM, pourraient cependant handicaper une candidature que certains militants du RPM estiment cependant opportune, pour renforcer une majorité où les voix dissonantes se font de plus en plus entendre.

Enfin, celui que beaucoup donnent favori, n’est autre qu’Hamadoun Konaté, actuel ministre de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du nord. Nouveau militant RPM en Commune III, il aurait, avec sa connaissance du terrain qu’il pratique depuis sa nomination, et bien avant, dans le cadre d’une ONG luxembourgeoise, les cartes pour l’apaisement au nord du Mali. Sa récente tournée dans le septentrion et surtout ses offices de médiateur dans différentes situations de tension, notamment communautaires, justifieraient son choix pour la Primature. Il est cependant gêné par ses liens familiaux avec le président, dont il est le beau frère.

Maintes fois annoncé et par deux fois réduit à un réaménagement de l’effectif, le remaniement viendrait, selon les observateurs, donner au Président IBK le sang neuf dont il a besoin pour relancer la machine de l’État au moment où les groupes armés font de la résistance, l’opposition est dans la rue, et le front social en ébullition. Cependant, l’homme dédaigne agir sous la pression, et pourrait aussi maintenir Modibo Keïta à son poste jusqu’à la fin 2016, pour ensuite entamer la dernière ligne droite de son mandat avec une « équipe de campagne ».