Examens de fin d’année : malgré des couacs, le satisfecit des autorités

Cette année les épreuves du Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF) et celles du BAC se sont déroulées dans des conditions particulières. Une partie des enseignants regroupés dans la synergie des syndicats signataires du 15 octobre 2016 observent depuis ce 16 août 2021 un mot d’ordre de grève. Conséquence : ils ne participent ni à la surveillance, ni à la correction des épreuves. Malgré « ces difficultés », les autorités scolaires assurent que ces examens se sont déroulés dans des « conditions acceptables » et que les incidents sont gérés.

«  Le Bac se passe très bien malgré les difficultés liées à l’absence des enseignants de la synergie, nous parvenons à le faire dans des conditions que nous jugeons acceptables », explique M. Kinane Ag Gadeda, secrétaire général du ministère de l’Education nationale.

Déjà à la veille du démarrage des épreuves du Bac des cas de fuite de sujets ont été enregistrés, reconnaît le secrétaire général. Une situation face à laquelle « le plan B a été activé ». Malgré tout, le démarrage de certaines épreuves a été retardé ce 25 août, au troisième jour des épreuves. Parce que « pour mettre en œuvre  le plan B, il faut multiplier les sujets et mettre à la disposition de toutes les académies, ce qui prend toute la nuit » et justifie selon M. Gadeda, le démarrage tardif des  épreuves.

Des incidents gérés

Des cas d’omission de candidats ont aussi émaillé ces épreuves du Bac 2021. Tout en les reconnaissant, le secrétaire général du ministère de l’Education minimise leur ampleur. C’est une situation qui a été signalée dans  la zone de Bougouni, à Yanfolila et à Bamako rive droite  dont deux cas réguliers qui sont rentrés dans l’ordre. «  Malheureusement, ils sont soient sans dossiers, soient  des candidats irréguliers, ou en abandon », précise t-il. A l’heure actuellement, il n y a plus de cas mais si d’autres devraient exister, ils seront gérés normalement, promet le secrétaire général.

En ce qui concerne les corrections des épreuves, elles commenceront en principe en fin de semaine, les travaux de secrétariat ayant déjà commencé. Pour le Bac  aussi, il n’y a pas d’inquiétude, car, comme d’habitude, « ce sont des enseignants du public et du privé » qui sont sollicités. En tout cas «  toutes les compétences sont là pour faire le travail comme il faut ».  Pour le moment, le souhait et le «  souci » des autorités est «  de tenir les épreuves sans problèmes ».

 

Calendrier des examens : À quoi s’attendre ?

Le gouvernement et les syndicats grévistes sont parvenus à un accord sur les différentes revendications des enseignants, ouvrant la voie à une reprise des cours sur toute l’étendue du territoire le 20 mai dernier. Dénouement attendu depuis plusieurs semaines, qui implique un réaménagement du calendrier des différents examens. Il sera dévoilé dans les prochains jours et pourrait ressembler à une « spéciale prolongation » de l’année scolaire.

Si la fin de la longue série de grèves qui a paralysé durant des mois l’année scolaire 2018 – 2019 suscite des réactions positives, elle soulève également des interrogations. « C’est une bonne chose, cela arrange tout le monde. Mais est-ce que  cette reprise résoudra le problème ? », se questionne Dr Bouréma Touré, socio-anthropologue. « Aussi bien les syndicats que le gouvernement, personne ne parle d’école. On cherche tout simplement à sauver l’année scolaire et le problème reste entier », pense-t-il.

Au-delà de la question de la résolution effective et définitive des problèmes de l’école malienne, la fin de la grève et la reprise des cours nécessitent également une prolongation de l’année scolaire et donc un nouveau calendrier de déroulement des différents examens de fin d’année.

Quel nouveau schéma ?

« Les cours peuvent continuer jusqu’au 30 juin et, à partir de là, les examens du DEF et du Bac peuvent être planifiés pour la deuxième quinzaine du mois de juillet », propose le Dr. Touré. Pour lui, le cas échéant, le gouvernement sera même obligé de décaler et d’organiser l’examen du Bac en octobre. « Mais dès lors que l’on va dépasser le mois de juillet, ce sera la porte ouverte à tous les imprévus » prévient-il.

Si l’idée de l’allongement de l’année scolaire semble être acceptée unanimement chez plusieurs observateurs, sa durée idéale l’est beaucoup moins. « Au lieu de terminer l’année en juillet, il va falloir aller jusqu’en août et programmer les examens fin août. Dans ce cas, il y a aura plus de 45 jours supplémentaires de cours », prône Djimé Sow, un enseignant à la retraite. « Il faut également ajouter le samedi matin, parce que cela fera 4 heures de plus et pourra diminuer la durée de la prolongation », ajoute t-il.

Déjà, un calendrier fixant de nouvelles dates des examens circule sur les réseaux sociaux. Mais, à en croire le Pr. Abou Diarra, conseiller technique au ministère de l’Éducation nationale, ce chronogramme n’est pas officiel et est monté de toutes pièces par certains. « Nous sommes en concertation avec les différentes académies pour arrêter un nouveau calendrier des examens, qui sera rendu public dès que disponible », précise le Chevalier de l’ordre national.

Crise scolaire : Une fin à équations multiples

La grève séquentielle entamée depuis le 19 décembre 2018 par les syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 a pris fin le 18 mai 2019 par un accord avec le gouvernement. Ce bras de fer a coûté au total trois mois de cours (des cours étaient dispensées entre deux mouvements) aux écoles publiques dans l’enseignement secondaire, fondamental et préscolaire. Si la  reprise soulage les acteurs, des questions se posent quant à l’effet de ce « sauvetage » sur les apprenants à un mois de la fin de l’année.  

« C’est au gouvernement d’apprécier s’il faut  décréter une année blanche ou non.  Nous, nous irons désormais en classe. Officiellement, la fin de l’année scolaire est prévue fin juin, après les examens. Nous sommes dans cette disposition, sauf disposition contraire », se dédouane Adama Fomba, porte-parole des huit syndicats de l’éducation ayant trouvé un accord avec le gouvernement le 18 mai.

Malgré cette suspension de la grève, l’éventualité d’une année blanche hante tous les acteurs de l’école, au regard du retard considérable accusé dans le programme, et ce à un mois de la fin de l’année. L’euphorie suscitée par l’accord s’est donc accompagnée de vives inquiétudes quant à comment achever une année déjà pliée. Car le gouvernement mise sur toutes les options, sauf celle d’une année blanche. « Nous ne sommes pas dans la logique d’une année blanche. Cela signifierait que tous les enfants soient frappés par la même règle : pas d’évaluation, pas de passage et tout le monde reste statique. Alors qu’il y a des gens qui ont engagé des ressources, des gens qui ont suivi les cours normalement », se défend Kinane Ag Gadeda, secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale.

Gros dommages

Les premiers rounds des négociations avaient débuté sous le gouvernement de Soumeylou Boubeye Maiga. Un accord sur 7 points de revendications sur 10 avait été acquis. Trois point, notamment la prime de logement, la relecture du décret 529/P-RM du 21 juin 2013 portant allocation d’indemnité au personnel chargé des examens et concours professionnels, en ses articles 1,2 et 3, et l’accès des enseignants fonctionnaires des collectivités aux services centraux de l’État cristallisaient la discorde, jusqu’à la démission du gouvernement SBM. Dès sa mise en place, le nouveau gouvernement, dirigé par Dr Boubou Cissé, s’était engagé à résoudre une grève lourde des conséquences pour l’avenir de la Nation. C’est ainsi  que les négociations entreprises du 13 au 18 mai ont abouti à un accord sur neuf points de revendication, le dixième ayant été « cédé » par les enseignants, permettant la reprise des cours. Ce dénouement salutaire a tout de même un arrière-goût amer. « Du moment qu’il y a eu un accord, c’est une note d’espoir. Parce que le gros défi de ce gouvernement était de réussir à rétablir la confiance entre les institutions dirigeantes et les syndicats de travailleurs, car on se rappelle la rencontre convoquée par le Premier ministre à la Primature et boudée par les syndicats », se réjouit en demi-teinte le sociologue Mahamadou Diouara. Il se demande comment  on a pu en arriver là, mettant en péril l’avenir de toute une Nation, alors qu’une solution préalable aurait pu éviter une année tronquée. « À un moment donné, les syndicats ont fustigé leur manque de confiance en ce gouvernement, ce qui est compréhensible quand tous les six mois le gouvernement change. Les ministres changent et tout cela provoque une instabilité institutionnelle qui altère la confiance entre les interlocuteurs, puisque que l’État même n’est pas stable », note-t-il.

Dans ce jeu de passes d’armes, les perdants sont les enfants. « C’est l’État qui devait très tôt satisfaire les revendications des enseignants pour aller à l’essentiel,  mais ses réponses nous ont radicalisés. Nous avons toujours dit qu’il fallait traiter en amont les problèmes de l’école, pour prévenir les mouvements », accuse Amadou Dolo, secrétaire général de la Coordination des syndicats de l’enseignement secondaire (COSES), ajoutant « si l’État nous avait écoutés dès le début, nous n’en serions pas là ».

Quelles options ?

Si la progression dans les programmes au niveau des écoles privées est positive, ce n’est pas le cas dans les écoles publiques. Certaines avaient à peine bouclé un mois de cours avant la grève. « Actuellement, nous sommes au 2ème trimestre, suivant la note de l’académie. Nous sommes largement au-dessus des écoles publiques, car depuis octobre elles n’ont même pas pu faire un mois de cours. Le gouvernement va récupérer l’année de façon politique mais pas académique », relève Illiance Lougué, professeur de Lettres au lycée privé Bazi Gourma de Kati. Selon lui, s’il fallait se résoudre à une année blanche dans le public, une telle mesure engagerait aussi le privé. « Nous avons tous peur de l’année blanche car elle mettra le pays en retard. Je pense plutôt à une année facultative pour certains ou suspendue pour d’autres, ou les deux à la fois », propose Dr Fodé Moussa Sidibé, Professeur à la Faculté des Lettres, langues et sciences du langage. « Il y a quand même des établissements qui ont presque bouclé leur programme. Frapper tout le monde de la même manière serait injuste. Il faut donc faire les examens. Certains passeront et d’autres redoubleront sans que cela n’influe sur leur scolarité », ajoute-t-il. Des solutions qu’approuve Mahamadou Diouara. «Nous pouvons sauver l’année politiquement, mais pédagogiquement nous l’avons perdue. Il peut y avoir une année facultative ou validée, mais une génération passera avec des insuffisances », regrette-t-il. « Cela peut se faire avec des cours de rattrapage pendant les vacances ou des cours exceptionnels l’année suivante pour permettre d’avoir le niveau requis pour avancer ».

Au niveau des autorités, l’option d’une année blanche est écartée. On compte sur  les acquis. « Il y a des aspects dont il faut tenir compte. Certaines écoles privées ont travaillé normalement. L’enseignement technique et professionnel a exécuté le programme jusqu’à presque 70% dans le public. Ils sont prêts à aller aux évaluations. Ne faut-il donc pas des stratégies pour qu’ils ne perdent pas et que les autres aussi soient gérés de la meilleure façon possible ?», estime le secrétaire général du ministère de l’Éducation. « Nous menons la réflexion. Dès que les choses vont évoluer, le gouvernement va dévoiler ce qu’il compte faire pour les évaluations de fin d’année », disait Kinane Ag Gadega à la veille de la signature de l’accord.

Année blanche ou année bâclée, entre deux maux il faut choisir le moindre. Cette situation doit, selon Mamadou Diouara, « nous amener à imposer au personnel enseignant un service minimum en cas de grève prolongée. Les Nations se gouvernent par génération et si on en sacrifie une on rompt la chaine de transmission des connaissances et de l’excellence ». Il préconise aussi une harmonisation entre écoles publiques et privées en temps de grève pour éviter les disparités.

Irrécupérable ?

Malgré cet accord, les dégâts sont considérables. « On ne récupère jamais le temps perdu parce que la montre ne tourne jamais dans le sens inverse », fait remarquer Mahamdou Diouara. Tous les acteurs de l’école s’accordent sur les conséquences catastrophiques de la grève. « Elles sont énormes, tant sur le niveau des enfants que sur les ressources engagées avec nos différents partenaires techniques et sur les plans économique, social et politique », se désole Kinane Ag Gadeda. Pour M. Diouara, « les élèves auront reçu moins que ce qu’ils devaient recevoir, appris moins qu’ils devaient et seront capables de moins que ce dont ils devaient être capables. On pourra voir des échecs incompréhensibles dans les classes supérieures parce que ces élèves n’auront pas les pré requis nécessaires et traineront des tares qui pourront affecter leur stabilité professionnelle ». Il est convaincu que, malgré le front social extrêmement tendu, le gouvernement aurait dû prendre des mesures « musclées ». « Musclées en termes de réponses aux des enseignants mais aussi en termes d’exigence de l’intérêt public, la formation des enfant ».