Mali – Algérie : Jusqu’où ira la discorde ?

Déjà tendues depuis plusieurs mois, les relations entre le Mali et l’Algérie continuent de se dégrader. Nouveau sujet de crispation entre les deux voisins, les frappes de drones menées le 25 août dernier par l’armée malienne à Tinzawatène.

Le 26 août, au lendemain de ces frappes de drones, Amar Bendjama, le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies, a appelé depuis la Suisse, lors de la table-ronde sur les 75 ans de la Convention de Genève sur le droit de la guerre, à « mettre un terme aux violations des armées privées utilisées par certains pays ».

Le diplomate algérien, qui a également déploré des victimes civiles de ces frappes et réclamé à l’ONU des sanctions contre les auteurs de ces « exactions », faisait allusion à la présence de partenaires russes aux côtés de l’armée malienne. « En Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale, nous essayons de trouver une formule concernant ces agissements et les sanctions qui en découleraient », a-t-il indiqué.

La réplique de Bamako ne s’est pas faite attendre. Dans une déclaration, le 30 août  lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la fourniture d’armes par les pays occidentaux à l’Ukraine, le Représentant permanent du Mali auprès des Nations Unies, Issa Konfourou, a accusé M. Bendjama d’avoir fait une affirmation « aussi grave qu’infondée », sur la base de « simples allégations de presse », et de se muer en « relais de la propagande terroriste dans notre région ».

« Je rappelle à mon collègue algérien que les forces de défense et de sécurité du Mali sont des forces professionnelles, qui mènent une lutte implacable contre les groupes terroristes dans le respect strict des droits de l’Homme et du droit international humanitaire pour libérer notre territoire et pour protéger les populations et les biens », a clamé l’ambassadeur malien.

Difficile décrispation

Depuis cette passe d’armes entre le Mali et l’Algérie à la tribune des Nations Unies, les deux pays n’ont plus affiché de positions tranchées dans la brouille qui les oppose depuis de longs mois. Mais l’heure est loin d’être à la décrispation entre Bamako et Alger. Signe des relations toujours dégradées entre les deux voisins, le Président de la Transition malien n’a jusqu’à présent pas adressé de message de félicitations au Chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebounne, réélu le dimanche 8 septembre dernier à la tête de l’Algérie pour un nouveau mandat.

Selon un analyste géopolitique spécialiste des questions sécuritaires au Sahel qui a requis l’anonymat, les relations entre le Mali et l’Algérie ne peuvent pas se normaliser tant que les deux pays sont dans une approche totalement opposée sur la gestion de la crise sécuritaire au Nord du Mali.

« Il faut s’attendre à une stagnation de la situation entre les deux pays. Je ne vois pas d’évolution allant dans le sens d’une décrispation, parce que d’un côté l’Algérie, qui était garante de l’Accord de paix devenu caduc, est toujours dans une posture de solutions négociées avec les rebelles touaregs, alors que de l’autre le Mali, qui taxe ces rebelles de terroristes, est plus que jamais engagé à les neutraliser dans la guerre », estime-t-il.

Mais pour notre interlocuteur, malgré cette différence de fond, les deux pays voisins n’ont pas intérêt et n’iront pas vers la rupture diplomatique. « Je pense que les autorités des deux pays n’iront pas au-delà des déclarations, du moins dans l’immédiat. Il se peut qu’un nouvel incident change la donne à l’avenir, mais je reste persuadé qu’une rupture diplomatique n’est envisagée d’aucun côté ».

En décembre dernier, les deux pays avaient rappelé pour consultation leurs différents ambassadeurs après que le Mali ait protesté contre l’invitation en Algérie de rebelles du CSP-PDA. Mais, après quelques semaines, les diplomates avaient regagné leurs postes dans les deux capitales.

Mohamed Kenouvi

Tinzawatène : l’armée maintient la pression sur les groupes armés terroristes

L’état-major général des armées a confirmé dans un communiqué dimanche des frappes aériennes dans le secteur de Tinzawatène dans la matinée du 25 août 2024. Depuis les affrontements fin juillet contre les rebelles du CSP-PDA, les FAMa multiplient les opérations pour prendre le contrôle de la zone.

« Ces frappes de précision ont visé des objectifs terroristes auteurs de plusieurs exactions et abus sur les populations civiles y compris la restriction de la liberté de circulation et la prise de boucliers humains », précise le communiqué de l’armée lu à la télévision nationale. Elles font suite à la « permanence des observations et surveillance aérienne ayant permis de préciser les renseignements ».

Selon un autre communiqué de l’armée en date du 25 août publié ce lundi, une série de frappes menée à Tinzawatène a permis de « détruire des cibles terroristes et de neutraliser une vingtaine d’individus armés », à la suite d’une mission de reconnaissance offensive  qui a permis de repérer et d’identifier des véhicules de type Pick up chargés de matériels de guerre, « soigneusement gardés dans la cour d’une concession ».

« La stratégie de l’armée est d’affaiblir suffisamment les groupes armés terroristes de la zone avant le déploiement des troupes au sol pour reprendre totalement le contrôle de la zone », explique un analyste sécuritaire.

Depuis la bataille qui avait opposé du 25 au 28 juillet dernier  les rebelles du CSP-PDA épaulés par des groupes armés terroristes aux FAMa à Tinzawatène, occasionnant de nombreuses pertes en vie humaines et d’important dégâts matériel, de part et d’autre, l’armée malienne intensifie les frappes dans la zone.

Le 9 août, les vecteurs aériens des FAMa ont  procédé à une frappe « chirurgicale » dans la zone détruisant un blindé camouflé. Plusieurs terroristes avaient été également neutralisés et de nombreuses caches d’armes détruites.

En plus de Tinzawatène, l’armée multiplie les offensives dans d’autres localités à l’intérieur de la région de Kidal, dans des zones très reculées pouvant servir de refuge aux groupes armés terroristes.  Le 5 août dernier, elle a détruit une base de terroristes dans le secteur de Toximène.

Ce lundi 26 août, l’armée a annoncé avoir neutralisé 6 terroristes et détruit deux véhicules chargés de matériels de guerre leur appartenant à environ 80km au nord de la localité d’Anéfis sur la route de Tessalit.

Mohamed Kenouvi