Des Masters pour les sages-femmes et infirmiers du Sahel

Pourquoi avoir lancé, le 25 octobre à Abidjan, un nouveau programme de centres d’excellence dans l’apprentissage des métiers de la santé, destinés aux sages-femmes et aux infirmiers ? Au vu des indicateurs de santé dans le Sahel, avec des taux de mortalité maternelle et infantile qui restent largement inacceptables, la réponse tombe sous le sens : il s’agit d’apporter les soins de qualité qui font encore si souvent défaut lors des accouchements. Et de mettre les moyens, ni plus ni moins, avec les contributions des Etats concernés, pour améliorer la formation des personnels soignants. Autrement dit, il s’agit de repositionner la profession de sage-femme dans les ressources humaines en santé.

Voilà pourquoi trois nouveaux centres d’excellence pour le Master en Sciences Infirmières et Obstétricales vont ouvrir pour cette rentrée académique dans trois pays, d’abord le 5 novembre en Côte d’Ivoire, puis le 15 novembre au Mali et au Niger. Trois instituts existants à Abidjan, Bamako et Niamey ont été identifiés pour proposer un système de Licence-Maîtrise-Doctorat, afin de revaloriser et approfondir les enseignements de base et donner à la sage-femme comme à l’infirmier un accès à un Master – soit quatre semestres d’études.

Chaque centre formera pour commencer des cohortes de 21 étudiants chacun, venus en nombre égal des six pays couverts par le Projet d’autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel (SWEDD), financé par la Banque mondiale et appuyé par le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) ainsi que l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS).

Pour l’année universitaire qui démarre, ce sont donc 63 étudiants burkinabè, ivoiriens, mauritaniens, maliens, nigériens et tchadiens qui suivront trois filières différentes. L’institut national de formation des agents de santé d’Abidjan (INFAS), situé au sein du CHU de Treichville, dispensera un cursus de Pédagogie des sciences de la santé, pour former sans cesse de nouveaux formateurs, à la hauteur des exigences du métier de sage-femme. A Bamako, une filière de Management des services de santé va être ouverte à l’Institut national de formation en sciences de la santé (INFSS). A Niamey, capitale de l’un des pays de la région les plus exposés au problème de la fistule, la spécialité portera sur la santé reproductive, avec une option gynécologie et obstétrique, à l’Ecole nationale de santé publique Damouré Zika (ENSP-DZ). Les étudiants concernés, sélectionnés par concours après obtention du Baccalauréat et d’un niveau d’études équivalent à la Licence, devront justifier de trois ans d’expérience dans le secteur de la santé. Ils seront boursiers et logés en internat.

L’effort déployé vise non seulement à donner des perspectives d’avenir à des jeunes ayant pour vocation d’apporter des soins de santé. Il cherche aussi à changer les perceptions autour des métiers concernés, pour attirer plus d’étudiants et leur donner accès à des méthodes modernes d’apprentissage – du matériel sophistiqué avec des mannequins, des possibilités de « e-learning » et des sites de stage. Leur formation et leur sensibilisation permettront par ailleurs de s’assurer qu’une fois leur diplôme en poche, ils se prêteront à un travail cardinal, si nous voulons atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), de meilleure répartition géographique des personnels de santé.

Au bout de deux ans, le Sahel disposera de 126 professionnels de niveau Master, qui pourront à leur tour former leurs pairs. La formule peut avoir l’air exotique dans nos régions, mais c’est bien un « effet boule de neige » qui est recherché dans la qualité du soin apporté : tous les « apprenants » sélectionnés vont en effet s’engager à servir pendant trois ans en tant que formateur dans les centres de formation de leurs pays. Par ailleurs, les trois centres d’excellence d’Abidjan, Bamako et Niamey ont prévu de s’ouvrir dans  un second temps au reste de l’Afrique. Tous les autres pays du continent pourront y envoyer leurs sages-femmes et infirmiers pour bénéficier des différentes formations. Un signal fort envoyé aux autres institutions d’apprentissage pour les inciter à adopter un système d’enseignement supérieur, susceptible de mieux valoriser les filières aux yeux des futurs praticiens, auxquels notre avenir appartient.