VBG : de plus en plus de victimes

En 20 ans, entre 2002 et 2022,  le nombre de  victimes de violences basées sur le Genre (VBG), très majoritairement des femmes, a explosé, passant de 2 283 à 14 264 cas, selon les chiffres du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Une tendance alarmante qui souligne l’ampleur croissante de ce fléau social au Mali.

Il existe 6 différents types de VBG : le viol, l’agression sexuelle, le mariage d’enfants,  le déni de ressources, d’opportunités ou de services et les violences psychologiques ou émotionnelles. Selon le Bulletin statistique annuel 2021 de la Direction nationale de la population (DNP), parmi les types de VBG rapportés en 2021, les données montrent une prédominance des violences sexuelles (38%), dont 23% de viols. Pour le reste, 20% sont des agressions physiques et des violences psychologiques, 15% sont des agressions sexuelles, 12%, des dénis de ressources et 10% des mariages précoces.

Parmi les 14 264 cas de VBG enregistrées au Mali en 2022, 14% étaient des violences sexuelles et 12% des victimes étaient des enfants de 12 à 17 ans. Si les statistiques de l’année 2023 ne sont pas encore publiées, au Programme national pour l’abandon des VBG on craint des chiffres plus élevés que ceux de 2022. Selon une source au sein de la structure, entre janvier et juin 2023 plus de 7000 cas avaient été déjà enregistrés.

Les agressions sexuelles en hausse

Selon le Bulletin annuel de la DNP, les statistiques de 2021 montrent une tendance à la réduction des cas de violences sexuelles de 3% (23% en 2020 contre 20% en 2021). Par contre, les cas d’agressions sexuelles sont passés de 15% en 2020 à 34% en 2021. La même tendance à la hausse se poursuit pour les cas de violences physiques, qui sont passés de 20% en 2020 à 27% en 2021, soit un taux d’augmentation de 7%.

« Pour le mariage d’enfants, le taux est resté inchangé (de 10% à 2020 il est resté le même en 2021). Le déni de ressources, d’opportunités ou de services a connu aussi une évolution de 6%. De 12% en 2020 il est passé à 18% en 2021. Seules les violences psychologiques ou émotionnelles ont connu une baisse significative : elles passent de 20% en 2020 à 11% en 2021 », indique le bulletin.

Si les VBG se multiplient au fil des années au Mali, il n’existe toujours pas de loi spécifique pour lutter contre le fléau. Plusieurs tentatives d’adoption d’une loi spécifique ont échoué par le passé, mais la réforme du Code pénal en cours devrait permettre de prendre les VBG en compte dans le nouveau texte.

Tchikan : Fousseyni Maiga est de retour

Avec plusieurs réalisations primées à l’international à son compte, dont le court métrage de fiction « Wolonwula » qui a remporté à lui seul 18 prix internationaux, le long métrage « Sira », qui a obtenu un prix spécial lors du dernier FESPACO à Ouagadougou et le 3ème prix du meilleur long métrage de fiction au festival Teranga de Dakar, Fousseyni Maiga, journaliste-réalisateur, revient avec un nouveau long métrage intitulé Tchikan, dont la sortie en avant-première est prévu pour le 3 novembre 2023.

Le film Tchikan raconte l’histoire de Madou Karatô, la soixantaine révolue, un macho égocentrique qui veut épouser trois femmes à la fois. Humilié dans sa propre famille et stigmatisé dans le village, il gagne au loto. Rejeté par tous auparavant, Madou Karatô décide de prendre une revanche sur la vie et de satisfaire ses vieux rêves d’enfance et de jeunesse. Premier long métrage du Mali dédié exclusivement à la thématique des violences basées sur le genre (VBG) et des abus sexuels, le film, de par son approche artistique et intemporelle, transcende plusieurs générations, plusieurs cultures, plusieurs idéologies et aborde les VBG sous le prisme des réalités sociales et de la responsabilité humaine. Le film démontre que les VBG et les abus sexuels sont le fruit d’une faillite sociétale et porte le message d’une action collective et responsable, « Agir avant que les victimes ne réagissent », tout en montrant une nouvelle voie portée vers plus d’actions concrètes en matière de lutte contre les abus.

Le budget global du film s’élève à 70 millions, intégrant les frais de développement, de production, de post-production et la promotion, ainsi que le financement de la tournée nationale pour des projections gratuites. 20 millions est le nombre estimé des personnes qui seront touchées par le film, à travers les diffusions en salles, sur les réseaux sociaux, dans les festivals et lors des projections grand public. Il est prévu 48 semaines de durée pour la tournée dans tous les quartiers du District de Bamako et dans toutes les capitales régionales du pays avant la diffusion TV et sur les réseaux sociaux. Au regard du rythme accru de ses productions, Fousseyni Maiga a été incontestablement le réalisateur malien le plus actif au cours des cinq dernières années.

Accès des personnes vulnérables à la justice : CapDH lance un projet 

Le Centre d’assistance et de promotion des droits humains (CapDH) avec l’appui financier d’ONU Femmes a procédé jeudi 10 août à Bamako au lancement de la 2ème phase du projet « Legal Assistance for Women (LAW II).

Avec pour objectif général d’améliorer l’accès des communautés en particulier les personnes vulnérables (femmes filles handicapées) à la justice au Mali, cette 2ème phase du projet « Legal Assistance for Women – LAW II » couvrira les cercles de Nara, Diéma, Nioro, Yélimané, Koutiala, Yorosso et s’étendra sur 18 mois. Elle a débuté le 1er juillet 2023 et prendra fin le 30 novembre 2024.

Pour y parvenir, plusieurs activités sont menées à l’instar des ateliers de formation des acteurs de la société civile, du renforcement de capacités des magistrats et des parajuristes, des séances d’information, d’éducation et de communication sur les droits humains, les Violences basées sur le genre (VBG) et l’accès à la justice.

Le projet apportera également des appuis aux parajuristes dans l’identification des victimes, l’aide juridique et le rapportage ainsi qu’une assistance judiciaire aux victimes de VBG tout en réalisant et diffusant des messages radiophoniques sur les droits humains, les VBG et l’accès à la justice.

Parmi les groupes cibles du projet « Legal Assistance for Women – LAW II », dont le budget total est de 132.634.500 FCFA, 180 membres de la société civile et acteurs de la chaîne pénale dont 50% de femmes et 70% de jeunes, 2400 personnes qui seront sensibilisés, 630 autres personnes bénéficieront de l’aide juridique et 60 justiciables, d’assistance judiciaire.

La cérémonie de lancement qui a été marquée par des prestations artistiques et un sketch émouvant de sensibilisation sur les VBG réalisé par le groupe de la comédienne Alima Togola, s’est déroulée dans une atmosphère conviviale, en présence de quelques personnalités.

« Suite à la crise multidimensionnelle qui sévit au Mali depuis une décennie, la situation sécuritaire reste fragile et de nombreuses localités sont devenues un terreau fertile pour les violations et abus des droits de l’homme dont les couches vulnérables et défavorisées sont particulièrement exposées. C’est en ce moment et à ces endroits qu’il faut redoubler d’efforts pour venir en aide aux victimes d’abus et de violations des droits humains », a souligné Negueting Diarra, directeur exécutif de CapDH.

CapDH est une association de droit malien et apolitique créée à Bamako en mars 2008.   Avec pour mission de promouvoir au Mali les droits humains, la culture de la paix et de la citoyenneté et aider les victimes à défendre et à jouir de leurs droits, elle intervient dans 3 axes stratégiques que sont la promotion et défense des droits humains, l’éducation à la culture de la paix et de la citoyenneté et l’assistance aux victimes de violation des droits humains et aux personnes vulnérables.

 

 

 

 

 Toulaye : sensibiliser sur les violences faites aux femmes

Toulaye est une jeune femme plutôt épanouie. Mariée, elle a deux enfants et un bon travail. Son couple vit en parfaite harmonie, jusqu’à l’arrivée de sa belle-sœur divorcée. De plainte en provocation, elle se bat avec Toulaye qu’elle accuse de tous les noms. Sans trop chercher à comprendre, Siriki, son mari se transforme et commence à la battre. Un cycle de violence qui est malheureusement le lot de plusieurs femmes, victimes silencieuses, que l’Association des Femmes de l’Image (AFIM) essaye de défendre à travers ce film projeté le 8 mars 2023 au Ciné Magic Babemba.

« J’espère que le message est passé, que les hommes ont compris que les femmes ne sont pas des rivaux. Nous sommes complémentaires, même quand il y a des problèmes, il faut communiquer », s’est exprimée Salimata Tapily, à l’issue de la projection. Même si elle est heureuse de l’accueil du public, la réalisatrice aurait souhaité mieux faire. «  On n’a pas eu le temps de le perfectionner, on voulait tellement le finir pour le 8 mars ».  Mais l’essentiel pour elle, reste d’avoir fait passer le message. L’objectif du film était de montrer qu’il « y a des milliers de Toulaye, qui n’osent pas dire ce qu’elles vivent. Ce film est une dédicace pour toutes celles qui souffrent ».

Le film fustige les Violences Basées sur le Genre (VBG), dont il se veut une contribution à la lutte qui ne fait que commencer, annonce Diarra Kounandy Sidibé, une des actrices du film.

L’autonomisation et l’entrepreneuriat des femmes sont quand à eux magnifiés et incarnés par la comédienne, Alima Togola, qui joue le rôle de l’actrice principale, Toulaye.

Le message est celui de la violence conjugale, « vécue au quotidien par les femmes ». Malheureusement, souvent « derrière les violences faites aux femmes,  il y a des femmes, il faut se poser des questions ». Une réalité qu’ont voulu dénoncer les femmes de l’AFIM à travers le film. «   L’homme est violent parce qu’il est victime de la société qui lui demande  d’être homme », explique Alima Togola. Une façon de le pousser à agir y compris avec violence, car « celui vit en harmonie avec sa femme » est souvent qualifié  « d’esclave de femme », littéralement en bamanan.

Dans ce combat, c’est surtout les hommes qu’il faut sensibiliser, estime pour sa part, Ibrahim Touré, comédien et spectateur averti. « Il faut sensibiliser les hommes, leur faire prendre conscience de ce qu’ils font ».