Intervention militaire en Gambie pour installer le nouveau président Adama Barrow

Les troupes sénégalaises sont entrées le 19 janvier en Gambie, avec l’aval du conseil de sécurité de l’ONU pour soutenir le nouveau président gambien Adama Barrow dans sa confrontation avec Yahya Jammeh, qui refuse de démissionner.

«Nous sommes entrés en Gambie», a déclaré le Colonel Abdou Ndiaye à l’agence Reuters. Les troupes sénégalaises déployées aux frontières avec la Gambie en vue d’une opération ouest-africaine pour contraindre Yahya Jammeh à céder le pouvoir au nouveau président Adama Barrow sont entrées sur le sol gambien dans l’après-midi [19 janvier], a annoncé le porte-parole de l’armée.

Des coups de feu étaient entendus jeudi après-midi en Casamance, dans le sud du Sénégal, en provenance de plusieurs villages proches de la frontière gambienne, selon un correspondant de l’AFP.

Des accrochages ont également eu lieu entre des soldats sénégalais et des rebelles présumés du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) dans d’autres villages de la région, ont indiqué des témoins à l’AFP. Le MFDC, qui se bat depuis 1982 pour l’indépendance de la Casamance est réputé favorable au régime du président Jammeh.

Le début des opérations militaires en Gambie a été annoncé peu près la fin de la prestation de serment à l’ambassade de Gambie à Dakar du nouveau président gambien Adama Barrow, et le vote unanime du Conseil de sécurité de l’ONU appuyant les initiatives de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

La Cédéao (15 Etats), qui presse M. Jammeh de quitter le pouvoir, avait prévenu à plusieurs reprises qu’elle pourrait avoir recours à la force en dernier ressort.

Le Sénégal est appuyé dans les opérations militaires en Gambie par le Nigeria, pays de poids et puissance régionale, qui avait annoncé auparavant que son aviation effectuait jeudi après-midi des vols de reconnaissance au-dessus de Banjul, se disant prêt à imposer la volonté de la Cédéao.

Le Ghana a également annoncé avoir mis 205 militaires à la disposition de la Cédéao.

Yahya Jammeh dirige sans partage depuis 1994 la Gambie, petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest de moins de deux millions d’habitants, enclavé dans le Sénégal à l’exception de sa façade atlantique.

Main de fer

Dans son discours d’investiture, Adama Barrow, élu à la surprise générale lors de la présidentielle du 1er décembre, a salué «un jour qu’aucun Gambien n’oubliera jamais», avant d’appeler les forces armées gambiennes à se rallier à lui, sous peine d’être traités comme des rebelles.

Des scènes de liesse ont éclaté peu après dans les rues de Banjul sans être réprimées par les militaires présents. Le chef d’état-major de l’armée a même été vu célébrant avec les manifestants, semblant indiquer un lâchage de Yahya Jammeh.

Le général Ousman Badjie avait dès la veille laissé entendre qu’il n’entendait pas résister et entraîner ses hommes dans un « combat stupide » autour d’une « dispute politique ».

Imprévisible et accusé de violations des droits de l’homme par de nombreuses ONG internationales, Yahya Jammeh, arrivé au pouvoir en 1994 par un coup d’Etat sans effusion de sang, dirige depuis le pays, qu’il a récemment proclamé «république islamique» d’une main de fer.

Après avoir initialement, et à la stupeur générale, reconnu sa défaite face à Adama Barrow, candidat d’une opposition pour une fois unie, il avait fait volte-face à la suite de la reconnaissance par la commission électorale d’une erreur n’affectant pas le résultat final.

Malgré les pressions internationales et abandonné au fil des jours par sa vice-présidente et plusieurs de ses ministres, il s’est obstiné à demeurer en place tant que la justice n’aurait pas statué sur ses recours électoraux.

Le risque de troubles a poussé de nombreux Gambiens, résidents étrangers et touristes à quitter le pays. Selon les agences de l’ONU, quelque 25 000 personnes, dont une moitié d’enfants, en sont partis depuis le début de la crise.

Mercredi, le président mauritanien Mohamed Abdel Aziz avait tenté une médiation de la dernière chance à Banjul, mais selon des sources proches du dossier, lors de ces entretiens Yahya Jammeh a exigé l’annulation de l’investiture de Adama Barrow à Dakar et la levée de toute menace d’intervention extérieure, deux conditions rejetées de facto.

Il n’était pas clair jeudi soir où se trouvait Yahya Jammeh. Le Sénégal, qui entretient une relation compliquée avec son petit voisin anglophone, était déjà intervenu militairement en Gambie en 1981, pour faire échec à un putsch contre le président Dawda Jawara.

Janvier fatidique pour la Gambie 

Yaya Jammeh s’accroche au pouvoir. En face, Barrow et ses soutiens de plus en plus nombreux, ont bien l’intention de le faire plier. Le 19 janvier, date de la fin de son mandat, va-t-il marquer un tournant dans l’histoire de ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest.

Yaya Jammeh partira-t-il ? Depuis sa volte-face le 9 décembre, le président sortant réclame un nouveau scrutin, dont personne ne sait quand il pourrait se tenir. Pour le moment, les pressions exercées par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), exigeant son départ du pouvoir le 19 janvier prochain, n’ont rien changer. Le Nigérian Muhamadu Buhari a revêtu le 2 janvier sa cape de médiateur au nom de l’organisation sous-régionale, qui joue sa crédibilité dans cette crise. Il tentera d’empêcher le pays de sombrer dans la violence que pourrait présager le cours actuel des événements. Jammeh refuse en effet de participer à toute négociation avec l’organisation à laquelle il reproche sa « partialité ». En décembre, le président de la commission de la CEDEAO, Marcel Alain de Souza, avait évoqué la possibilité de recourir à une intervention militaire si l’option diplomatique échouait, pour déloger l’occupant de la State House (palais présidentiel, ndlr). « C’est, en fait, une déclaration de guerre et une insulte à notre Constitution. C’est donc totalement inacceptable », a déclaré Yaya Jammeh, le samedi 31 décembre, au cours de son discours du Nouvel an.

Appel au calme Au pouvoir depuis 1994 à la suite du coup d’État contre Dawda Jawara, Jammeh a également déclaré qu’il resterait président jusqu’au 10 janvier, date à laquelle la Cour suprême examinera son recours, soit une semaine avant la fin de son mandat à la tête de la Gambie. Tout peut donc encore arriver, et l’inquiétude va grandissant. Difficile de dire comment passer de Jammeh à Barrow sans mettre la Gambie sens dessus dessous. Les efforts diplomatiques vont se multiplier les prochaines heures pour éviter « l’escalade de la violence », comme y a appelé Yahya Jammeh, et voir la Gambie entrer dans cette nouvelle année avec le président qu’elle s’est choisie.

 

Le président de la Commission électorale gambienne en fuite au Sénégal

Le président de la Commission électorale indépendante (IEC) gambienne, Alieu Momar Njie, s’est réfugié au Sénégal voisin par crainte pour sa sécurité, a affirmé mardi soir à l’AFP un membre de sa famille.

Aucun commentaire n’a pu être obtenu de sources sénégalaises. L’AFP a tenté de joindre plusieurs membres de l’IEC jusque tard mardi soir, sans succès.

« Alieu Momar Njie a fui au Sénégal après avoir appris que les autorités gambiennes complotaient contre lui et son équipe », a déclaré ce membre de sa famille sous couvert d’anonymat. « Certains membres de son équipe sont

également partis pour le Sénégal », a-t-il ajouté, déclinant tout commentaire supplémentaire.

On ignorait quand M. Njie avait quitté la Gambie, avec qui, tout comme la nature des menaces à son encontre.

Selon des observateurs, cette fuite au Sénégal du chef de l’IEC pourrait constituer une pomme de discorde entre les deux pays, dont les relations ont toujours été compliquées. A l’exception d’une façade sur l’Atlantique, la

Gambie, ex-colonie britannique, est totalement enclavée dans le Sénégal francophone.

Cette annonce intervient alors que la Gambie est plongée dans une impasse politique après l’élection présidentielle du 1er décembre.

Le scrutin a été officiellement remporté par l’opposant Adama Barrow face à Yahya Jammeh, qui gouvernait sans partage depuis plus de 22 ans.

M. Jammeh avait d’abord reconnu le 2 décembre avoir été battu par M. Barrow, avant de rejeter le 9 décembre les résultats modifiés par l’IEC mais sans incidence sur l’issue du vote. Il a demandé l’annulation du scrutin à la

Cour suprême, qui doit examiner son recours le 10 janvier, soit neuf jours avant l’expiration de son mandat.

Alors que de nombreux pays et institutions le pressent à céder le pouvoir, M. Jammeh soutient que tant que la Cour n’a pas rendu sa décision, il demeurera à la tête du pays. Adama Barrow, lui, a indiqué qu’il se considèrera

président à compter du 19 janvier.

Selon les résultats révisés, Adama Barrow est élu avec 43,2% des voix (contre 45,5% initialement), Yahya Jammeh se classe deuxième avec 39,6% des voix (initialement 36,6%), le troisième et dernier candidat, Mama Kandeh,

étant crédité de 17% (initialement 17,8%).

Le 13 décembre, le siège de la commission électorale avait été fermé par les forces de sécurité et son personnel s’en était vu interdire l’accès, sans explications.

Dans un décret pris le 28 décembre, le président Jammeh a ordonné la réouverture de l’IEC, expliquant que la commission avait été fermée sur la base d’informations selon lesquelles ses locaux seraient incendiés.

La Gambie dit non à Jahmeh

La défaite surprise de Yaya Jahmeh à l’élection présidentielle, a donné lieu à des scènes de liesse à Banjul, la capitale gambienne. Cette défaite historique va laisser un gout amer à Jahmeh au pouvoir depuis 22 ans.

C’est un véritable coup de tonnerre en Gambie, le président autocrate Yaya Jahmeh vient de perdre les élections face au candidat de l’opposition Adama Barrow. L’homme d’affaire de 51 ans va devenir le troisième président de la Gambie. Dans ce petit pays de 2 millions d’habitants enclavé dans le territoire du Sénégal, il l’emporte avec 45,6 pour cent des voix contre 36,7 pour cent pour le président sortant. « Adama Barrow est élu président de la Republique » déclare le président de la commission électorale. « C’est vraiment exceptionnel qu’un président reconnaisse sa défaite » ajoute t-il. Suite à cette annonce, des milliers de gambiens ont envahis les rues pour exprimer leur joie. « Je ne vais pas pleurer aujourd’hui, j’ai pleuré pendant 22 ans durant tout le pouvoir de Yaya Jahmeh. Aujourd’hui je suis la personne la plus heureuse du monde » déclare un gambien sorti exprimer sa joie. « C’est une renaissance qui se déroule sous nos yeux, je n’aurais plus jamais peur, je suis libre, totalement libre » s’extasie cet autre manifestant.

Mais rien ne pouvait présager un tel scénario. Avant le scrutin on pensait le président intouchable et largement vainqueur. Lors de la campagne il avait coupé internet et les SMS et avait annoncé ne tolérer aucune contestation des résultats. Mais c’est le las de la population qui aura finalement eu raison de lui. À cause de sa gouvernance, plus de 500.000 gambiens ont pris les eaux de la méditerranée pour regagner l’Europe.

Arrivé au pouvoir à 29 ans par un coup d’État en 1994, Jahmeh est un dictateur assumé à la personnalité fantasque. Dans le même sillage qu’Idi Amin Dada qu’il admire, il exigeait d’être appelé « Son excellence Cheick Professeur El Hadj Docteur », ce qui lui valut le surnom de ‘’Babili Mansa’’ (roi défiant le fleuve). Il se disait investi de pouvoirs mystiques, pouvant notamment guérir l’asthme, l’épilepsie, la stérilité et même le Sida. Il avait même organisé une chasse aux sorcières au début des années 2000, au sens propre du terme. Une sorte de Salem à la gambienne.

Il arrêtait régulièrement des journalistes et des membres de l’opposition pour les museler. En 2014, l’un d’eux mourait même en détention. Critiqué par la communauté internationale, il rétorqua « Où est le problème, des gens qui meurent en détention c’est très commun ». Entretenant une relation tendue avec les organismes internationaux, il déclarait « Amnesty International et Ban Ki Moon peuvent aller en enfer ».

Avec cette défaite ; c’est en tout cas un vent nouveau qui souffle désormais sur le pays.

 

Gambie : fin de campagne présidentielle

Alors que le peuple gambien s’apprête à voter jeudi pour choisir son nouveau président, les campagnes des deux candidats sont enfin bouclées mardi à minuit.

En Gambie, la campagne électorale pour la course à la tête du pays s’est terminée mardi soir à minuit. Les citoyens seront appelés aux urnes demain, jeudi 30 novembre pour élire leur prochain président de la République. Yahya Jammeh, président depuis 22 ans, est candidat à sa propre succession pour un cinquième mandat présidentiel au scrutin du 1er décembre. Son principal adversaire, Adama Barrow, candidat unique de l’opposition, n’a pas tarit de critiques envers le Chef de l’État. Lundi soir signait presque la fin de la campagne qui aura duré 15 jours. Quelques heures avant la fin, Yahya Jammeh et Adama Barrow, le président sortant et le candidat de l’opposition, tenaient chacun des meetings nocturnes près de Banjul.

De son côté, le Président Jammeh, entouré d’une immense foule aux slogans tous encourageants les uns que les autres, a rejoint la tribune principale aux couleurs verte et blanche de son parti, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la reconstruction (APRC). Il y a énoncé un discours et répondu aux questions de la presse.

Quant à son opposant Adama Barrow, il tenait un meeting à Bundung, à seulement quelques kilomètres du rassemblement de l’APRC. Entouré également d’une foule noire, il est convaincu de remporter les élections. En effet, depuis 22 ans, une telle mobilisation populaire contre le régime n’avait jamais eu lieu. Et pour la première fois depuis de longues années, les 7 partis d’opposition du pays sont tous unis derrière un seul candidat. Les opposants, qui peuvent être arrêtés et jetés en prison pour s’être montrés trop critiques avec le régime en place, profitent actuellement d’une bouffée d’air de liberté à l’approche des élections. Depuis quelques semaines, ils sont libres d’organiser des marches et des manifestations à travers le pays. En avril dernier, Solo Sandeng, un cadre du Parti démocratique unifié (UDP), a trouvé la mort en détention durant une vague de répression et le leader historique de l’opposition, Ousainou Darboe, a été arrêté et condamné à trois ans de prison.