AEEM : Oser la reconstruction

Le 28 février 2024, dans le cadre du renouvellement des instances du Bureau de coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), de violents affrontements opposent des camps rivaux. Un étudiant trouve la mort et de nombreux autres sont blessés. Une énième scène de violence dans l’espace scolaire qui aboutit à la suspension des activités de l’organisation, puis à sa dissolution le 13 mars 2024 par les autorités. Salutaire pour les uns, liberticide pour les autres, la décision doit permettre une réinvention du mouvement scolaire, qui s’est détourné de ses objectifs depuis trop longtemps.

« Après la suspension, je m’attendais plutôt à des réformes au sein de l’association, qui a beaucoup contribué à l’avènement de la démocratie au Mali. Elle fait partie des acquis », regrette Moussa Niangaly, Secrétaire général de l’AEEM de 2018 à 2021. Sans nier les actes de violence qui caractérisent « actuellement » l’association, il estime que les réformes effectuées par le passé ont « contribué à diminuer le phénomène ». Il fallait donc continuer dans ce sens. D’ailleurs, plusieurs anciens de l’AEEM avaient salué la suspension, espérant que cela serait « l’occasion de penser un cadre de réflexion », poursuit-il. Un espace pour réorganiser l’association et éviter les violences en milieu scolaire. Au-delà de la « surprise » qu’elle a créée, selon M. Niangaly, « la dissolution n’est pas la solution », car elle pourrait permettre, comme par le passé, à l’organisation de renaître. C’est après la dissolution de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM) que l’AEEM est née. Il vaut mieux donc « réparer et réorganiser ce que nous avons » et assurer un suivi afin d’éviter toute dérive.

Dépolitiser l’école

C’est la question cruciale qui préoccupe à présent les acteurs de l’école. Comment remettre dans son rôle une organisation de défense des intérêts des élèves et étudiants qui, depuis sa création, a été associée à la gestion du pouvoir, jusqu’au plus haut niveau ? Un instrument politique et « un électorat » ménagé par les pouvoirs successifs, car « personne n’avait intérêt à avoir une école bouillante », nous confiait un analyste en 2020.

À cette gestion du pouvoir s’est ajoutée la gestion des œuvres universitaires lors de la création de l’université en 1993 et en l’absence du Centre national des œuvres universitaires (CENOU), qui ne verra le jour qu’en 1996. Après la création de cette structure, des conventions instituant une collaboration entre cet établissement public et l’AEEM ont été instaurées. Jusqu’en 2020, où le 12 octobre un autre incident, toujours dans le contexte du renouvellement des instances de l’organisation, a causé la mort d’un étudiant et fait de nombreux blessés. Une mort de trop, qui a indigné le monde scolaire et les parents d’élèves, singulièrement les femmes, qui ont alors interpellé fortement les autorités.

Dans une déclaration signée le 20 novembre 2020 et remise aux autorités, les femmes du Mali, réunies au sein d’un Collectif, ont d’abord demandé la « suspension immédiate de l’AEEM » et la fin de toutes les conventions et engagements qui liaient l’État à l’association. Avant de souhaiter la mise en place d’une Commission de suivi pour la mise en œuvre de ces mesures. À l’issue d’une journée de concertations organisée par le Premier ministre de l’époque, des recommandations ont été formulées et un début de mise en œuvre s’est concrétisé avec l’assèchement des sources de financement de l’AEEM.

Mais le renouvellement des instances a continué d’être le théâtre de scènes de violences et « d’affrontements toujours soldés par des morts d’hommes », regrette Mme Gakou Salamata Fofana, membre du Collectif. Les différentes commissions ont donc été déployées pour accompagner les processus de renouvellement. Malgré le climat délétère et le danger auquel ils étaient exposés, les membres ont, avec l’appui des forces de l’ordre dans bien des cas, suivi les renouvellements, qui se sont bien déroulés. Elle se réjouit donc, « en tant que mère de famille de cette dissolution, car « les enfants ne sont pas envoyés à l’école pour se faire tuer ».

Comment réorganiser l’AEEM ?

« Pour le moment, il faut faire table rase » et trouver une solution à la violence et  aux étudiants qui refusent de quitter l’université pour ne pas quitter leurs postes au Bureau de l’AEEM, estime Mme Gakou. Une attitude qui ne doit rien au hasard, puisque l’AEEM est une source de pouvoir « économique et politique » dont les responsables ont appris à jouir « sans jamais avoir travaillé », déplore Elhadj Seydou Patrice Dembélé, Secrétaire général de l’Amicale des Anciens et sympathisants de l’UNEEM (AMSUNEEM).

Pourtant, les sources de financement de l’organisation avaient été coupées suite aux concertations de 2021. Malheureusement cela n’a pas arrêté la violence, relève l’ancien Secrétaire général. « Il faut sécuriser le milieu universitaire », suggère-t-il, et c’est l’État qui doit y veiller. « Souvent, les violences n’émanent même pas des militants de l’AEEM. Certains ont fini leur formation universitaire mais sont encore sur la colline », ajoute-t-il.

Mais « sans moyens », comment les étudiants se procurent-ils toutes ces armes ? Une question qui mérité d’être posée et à laquelle il y a désormais un début de réponse. « Pour avoir de l’argent, ils vont voir les écoles privées et font du chantage ». Ils ont ainsi «  eu des sous sans l’État, qui est resté silencieux », note M. Dembélé.

Ayant déjà soutenu la suspension, l’AMSUNEEM s’est prononcée majoritairement en faveur de la dissolution. Parce que l’espace universitaire ne doit pas être « criminogène ». L’État doit « continuer à nettoyer les écuries dans l’espace universitaire », préconise le Secrétaire général de l’AMSUNEEM. Il faut que les acteurs du 26 mars acceptent de se remettre en cause. « Tout n’a pas été mauvais, mais ayons le courage de faire notre mea culpa ». L’État doit mettre à profit ce temps pour restructurer l’AEEM et si une autre association doit voir le jour elle sera mise en place sous les regards vigilants de l’État, des partenaires de l’école et des étudiants.

Au-delà de la dissolution

Pour Mahamane Mariko, ancien membre de l’AEEM (1998 – 2000), la dissolution de l’organisation, qui s’était éloignée de ses objectifs, n’est pas une surprise. Elle s’était retrouvée dans une situation qui « n’honore point l’espace scolaire ». Mais il faut « pousser les investigations » et aller au-delà des « acteurs apparents » qu’étaient devenus les élèves et étudiants. Il faut chercher à « savoir qui manipulait les enfants » afin que l’espace scolaire et universitaire soit troublé. Il s’agit pour lui d’une question de justice, afin de donner le temps à la jeunesse de trouver la meilleure voie ».

Pour réformer l’association estudiantine, le Dr Almamy Ismaïla Koïta, ancien Secrétaire général de la Faculté de médecine (201 – 2013), propose de s’inspirer de la « spécificité » des comités de cette école, considérés comme des modèles. Il faut une nouvelle entité qui sera financée par les élèves et dont les organes seront élus sous l’égide d’autorités reconnues pour ce faire. Mais tout cela dépendra des étudiants, qui doivent prendre leur responsabilité, soutient-il.

Guère surpris par la dissolution, vu la tendance adoptée par l’association, Seydou Cissé, enseignant du Supérieur, préconise que la future organisation tire les leçons du passé et soit dirigée à l’issue d’une sélection rigoureuse et d’un choix démocratique pour éviter les dérives « qui ont fait plonger l’AEEM ».

Farouchement opposés à la dissolution de l’AEEM, les anciens de l’organisation « rejettent cette annonce et accompagneront les cadets pour faire annuler sans violence cette décision des autorités de la Transition », annonce Ibrahima Taméga, leur porte-parole.

Pour Amadou Koïta, ancien ministre et ancien membre de l’AEEM, « rien ne justifie cette dissolution ». Et il se demande si « certains ne veulent pas réécrire l’histoire du 26 mars ».

Création de l’AEEM : 1990

Suspension des activités de l’AEEM : 29 février 2024

Dissolution de l’AEEM : 13 mars 2024

Suspension de visas pour la France : des étudiants maliens dans le désarroi

La France a suspendu début août la délivrance des visas pour les ressortissants du Mali, du Burkina Faso et du Niger en raison de la crise diplomatique qui sévit entre elle et ces trois pays. Cette décision impacte des étudiants maliens qui s’apprêtaient à aller poursuivre leurs études dans l’Hexagone.

« J’avais postulé à Campus France. J’avais fait toutes les démarches et j’avais eu une acceptation. Il ne me restait plus qu’à faire la demande de visa. Mais avec la situation géopolitique tout est chamboulé », se désole un étudiant malien qui a requis l’anonymat.

« Cela a commencé en août quand ils ont fermé le centre Capago (Centre de délivrance des visa français, Ndlr). Nous étions en attente de voir l’évolution de la situation. Mon rendez-vous était prévu vers fin août et j’avais pratiquement rassemblé tous mes documents. Malheureusement, il y a eu cette décision et je n’ai pas pu faire la demande », raconte-t-il, déplorant « une année de perdue » pour les étudiants en raison de la rentrée qui a déjà eu lieu en France. Selon une source à l’ambassade de France au Mali, des discussions sont en cours au sein de certains ministères français pour alléger la mesure de suspension pour les étudiants et les artistes. Des arbitrages sont attendus, assure-t-elle.

L’AEEM s’implique

Depuis le début cette situation, l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) a mené des démarches auprès des autorités françaises présentes au Mali et des maliennes pour tenter de trouver des solutions pour les étudiants maliens concernés.

« Au niveau du Bureau de coordination nationale, comme démarche nous avons entrepris des demandes au niveau des autorités françaises d’ici pour voir la possibilité pour nos étudiants d’avoir accès au visa dans d’autres pays, comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Malheureusement, nos démarches ont été vaines », explique Alfousseyni Niamassé Dissa, Secrétaire à l’Information du Bureau national de l’AEEM.

À l’en croire, ne pouvant rien face à ce problème diplomatique, le Bureau s’est appesanti auprès des autorités éducatives sur les mesures à prendre pour le bien-être des étudiants maliens déjà présents sur le sol français et l’orientation des autres bénéficiaires de la Bourse d’excellence vers d’autres pays.

Appelant les autorités à tirer leçon de ce cas de figure, l’AEEM estime qu’il est temps pour le Mali d’investir massivement dans la formation sur le territoire malien. « Le fait d’envoyer des Maliens étudier à l’extérieur est une bonne chose, mais le fait aussi de créer les conditions nécessaires ici au Mali pour leur permettre d’exploiter le génie en eux ne pourrait être que bénéfique », plaide Alfousseyni Niamassé Dissa.

Education nationale : Après les grèves, la marche

La crise qui paralyse le secteur de l’éducation nationale n’en finit plus. Après les grèves répétitives des enseignants de l’école fondamentale et du secondaire, suivies de celles lancées par l’AEEM, la situation ne semble pas près de se décrisper. Les syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 ont battu le pavé mercredi 6 mars pour exiger la satisfaction de leurs revendications.

Les enseignants ont été nombreux à répondre à l’appel de leurs syndicats sur toute l’étendue du territoire national. A Bamako, vêtus de rouge et affichant des messages relatifs à leurs doléances, ces hommes et femmes de l’éducation, plus que jamais déterminés à se faire entendre, ont marché depuis la place CAN dans l’ACI 2000, jusqu’au rond pont Kwameh Nkrumah, en passant devant le siège du gouvernorat. « Nous avons pour objectif d’informer l’opinion nationale et internationale sur la crise actuelle que vit l’école malienne. Le gouvernement n’a pas honoré les points d’accords qui ont été obtenus depuis des années », explique Adama Fomba, secrétaire général du SYPESCO et porte-parole des syndicalistes.

Au cœur des blocages entre les enseignants et le gouvernement, reviennent trois revendications principales. L’octroi d’une prime de logement, la relecture immédiate du décret N°529 P-RM du 21 juin 2013 portant allocation d’indemnité au personnel chargé des examens et concours professionnels en ses articles 1, 2 et 3, ainsi que l’accès des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales aux services centraux de l’Etat.

Dans la déclaration finale qui a sanctionné l’issue de la marche, les enseignants syndicalistes disent constater, dans un premier temps, que « l’école des enfants des pauvres n’est pas une priorité pour les autorités du Mali ». Par ailleurs, ils affirment suivre avec intérêt les différentes sorties médiatiques de la ministre du Travail ces derniers jours, qui n’ont, selon eux, d’autres buts que de « discréditer les enseignants ».

A en croire M. Fomba, la marche a été largement suivie partout au Mali, dans les cercles et communes. « Vu la mobilisation, il est clair que c’est le peuple qui est derrière les enseignants pour une école performante et pour l’obtention de meilleures conditions de vie et de travail des enseignants du Mali », indique t-il.

Déterminés à ne pas céder aux « intimidations, menaces et pressions de toute nature de la part du gouvernement », les enseignants assurent user de tous les moyens légaux pour atteindre leurs objectifs. Le gouvernement de son coté, affirme que les revendications sont « irrationnelles et insoutenables ». Et en attendant, les élèves sont privés de cours…

Moussa Niangaly : « Préserver l’éducation, qui nous appartient à tous »

Face aux mouvements de grèves intempestifs des syndicats de l’enseignement signataires du 15 octobre 2016, l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) a à son tour appelé à un arrêt des cours, pour 72h, des élèves et étudiants sur toute l’étendue du territoire national. Moussa Niangaly, secrétaire général de l’AEEM, revient sur cette décision pour Journal Du Mali.

Pourquoi avoir déclenché une grève de 72h ?

Nous avons deux points de revendications. Le premier concerne l’arrêt des cours aux niveaux des établissements publics à cause de la grève des enseignants. Le deuxième point, c’est l’occupation illicite de l’espace universitaire par le maire de la Commune V. Nous constatons depuis un moment qu’il y a des chantiers en cours sur l’espace universitaire. Nous avons fait beaucoup de rencontres par rapport à cela et pourtant, jusqu’à preuve du contraire, cela continue. Nous avons donc jugé nécessaire d’y mettre complètement fin. Mais le plus important c’est la grève des enseignants. Depuis un moment, nous la constatons, de façon intempestive. Quand elle a commencé, nous avions d’abord mis en place une commission, uniquement constituée de nos membres, pour démarcher les deux parties. Nous avons rencontré les syndicats ainsi que les autorités en charge de l’éducation. Nous aurions voulu trouver une solution à travers la médiation, mais cela n’a pas été possible. Finalement, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure. C’est pourquoi nous avons déclenché 72 heures de grève, du lundi 25 février au mercredi 27 février 2019. Nous avons appelé les élèves et les étudiants à ne pas se rendre aux cours pendant cette période.

Vous voulez mettre fin aux grèves des enseignants en lançant une autre grève. Comment expliquez-vous cela ?

Nous sommes dans un État de droit où nous avons tous droit à la formation. Nous avons constaté, que pendant le temps où les enseignants sont en grève dans les établissements à caractère public et que certains élèves sont à la maison, ceux qui sont dans les établissements privés continuent de suivre les cours normalement. Mais, en fin d’année, c’est le même sujet qui sera proposé à tous ces élèves aux différents examens. Nous avons donc jugé nécessaire de suspendre les cours partout. Si toutefois la grève continue, les élèves seront traités sur le même pied d’égalité. Maintenant, cela concernera tous les établissements du Mali, sans exception.

Qu’attendez-vous de l’État après cette grève ?

Nous attendons une réaction rapide. Et une solution durable, parce que chaque année nous vivons ces grèves répétitives. Nous souhaitons donc qu’une solution définitive soit trouvée pour qu’elles cessent. L’école, c’est l’avenir du pays. Si l’éducation ne marche pas, nous ne pouvons pas compter sur un Mali émergent demain. Il va donc falloir qu’on trouve une solution à cette situation et que la formation et l’excellence soient mises au dessus de tout.

En dehors de la responsabilité de l’État, appelez-vous aussi les enseignants à assouplir leur position ?

Nous avons parlé avec les enseignants. Nous savons que, dans une revendication, tout ne peut pas être obtenu en même temps. Si les enseignants sont en grève, nous sommes obligés d’évoluer ensemble. Sinon, nous, au niveau de l’AEEM, avons depuis un certain moment choisi de revendiquer en restant en classe. Nous appelons les enseignants à prendre en compte la formation, l’avenir des élèves, pour rester en poste. Revendiquer certes, mais préserver ce qui nous appartient à tous, l’éducation.

D’autres mesures sont-elles prévues après la grève ?

Nous avons d’autres méthodes de lutte, plus fortes. La grève de 72h n’est qu’un début. Nous sommes déterminés à ne pas céder si aucune solution durable n’est trouvée.

Qualité de l’enseignement supérieur : Un objectif impérieux

Des dizaines d’étudiants suivant les cours depuis l’extérieur des amphis, faute de place, l’image n’est pas rare et traduit une réalité partagée par plusieurs facultés du Mali : l’insuffisance des structures d’accueil. Si l’on y ajoute un corps enseignant insuffisant et souvent peu outillé et des étudiants peu motivés, difficile « de faire des miracles dans ces conditions », selon certains acteurs. Plus de vingt ans après sa création, l’université malienne doit encore relever d’énormes défis pour former des cadres compétitifs.

Créée dans un contexte « d’éducation de masse », l’Université du Mali a été fondée sans les préalables nécessaires à son bon fonctionnement. « Cette décision politique », qui a entraîné un bouleversement du paysage, imposait d’accueillir des milliers de jeunes sans les infrastructures et le personnel d’encadrement indispensables pour assurer la formation. À ces défis logistiques s’ajoutait un énorme problème de gouvernance, caractérisé par  des jeunes de moins en moins intéressés par les questions de formation. Pour réussir dans un tel contexte, il fallait donc envisager une « amélioration drastique et rapide de la situation », explique le Professeur Kissima Gakou, Doyen de la Faculté de Droit Privé (FDPRI). Face à ce qu’il n’hésite pas à qualifier « de grosse pagaille », il a fallu prendre des mesures radicales. « Nous avions des étudiants fictifs. Un système parallèle généralisé, juste pour l’argent. Nous avons radié près de 4 000 étudiants ». Outre les étudiants fictifs, ceux qui avaient d’autres préoccupations que les études n’avaient pas non plus leur place dans l’espace scolaire. Ainsi pour circonscrire la violence, des commissions d’instruction ont été mises en place et les décisions des conseils de discipline ont exclu de l’espace universitaire les étudiants convaincus d’actes de violence ou contrôlés en possession d’armes.

La formation continue, gage de qualité

Mais assainir l’espace scolaire suppose de « reprendre la main » sur tous les aspects, notamment la formation des enseignants, pour atteindre la qualité souhaitée. Alors que le ratio préconisé par l’UNESCO d’un enseignant pour 25 ou 30 étudiants est largement dépassé au Mali, la qualité des enseignants est également en deçà des attentes. À l’origine de ce phénomène, plusieurs facteurs, dont l’insuffisance de financements. « L’enseignement supérieur n’a pas bénéficié de beaucoup de financements ces derniers temps. L’essentiel était de maintenir le calme. Et que les étudiants ne sortent pas », note le Professeur Bouréima Kansaye, Vice-recteur de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques (USJP). Pendant ce temps, c’est le premier pilier de l’enseignement supérieur qui en devient le parent pauvre. Or « un enseignement supérieur sans recherche scientifique ne fait que répéter les résultats de la recherche effectuée ailleurs et souvent inadaptés à nos réalités », déplore le Vice-recteur.

Et, pour garantir cette qualité, il faut instaurer une véritable culture de la formation continue. Et aussi faire en sorte qu’après le « doctorat, il faille faire la recherche avant d’enseigner ». Cette « obligation de s’enrichir pour enrichir » passe par une « valorisation du savoir ». Il faut également vulgariser les résultats de la recherche  afin d’inciter la jeune génération à vouloir prendre le relais.

Indispensable sélection

Mais il faudra du temps pour aboutir à une université où les jeunes étudiants, plus « portés actuellement par des considérations matérielles », prendront le relais. Ce changement ne sera obtenu qu’à la condition de renoncer à « la démagogie de masse », selon le Professeur Hamidou Magassa, anthropologue et enseignant du supérieur durant plusieurs années. Cet ordre d’enseignement n’a pas échappé à « la dictature du social » ou à la « peur collective d’assumer la compétition et où la qualité est même négligée », soutient le Professeur Magassa. Pourtant la sélection est indispensable si l’on veut obtenir la qualité. Mais « cette incapacité » à gérer les flux au niveau du supérieur n’est pas le seul mal qui gangrène et menace la qualité de la formation. Il faut réintroduire l’éthique et le sens des valeurs qui semblent abandonner l’espace scolaire depuis plusieurs années. En effet, « le rapport à l’école a été faussé avec l’arrivée de l’Association des élèves et étudiants (AEEM) au pouvoir », note le Professeur Magassa. « Le fil de l’école a été perdu avec la recherche du pouvoir » et cette politisation à outrance de l’espace scolaire a entraîné une omniprésence de l’AEEM, qui « a son mot à dire sur toutes les questions qui concernent l’école ».

Sans nier l’impact nocif que peuvent avoir les « considérations souvent matérielles » des actions de cette association corporatiste, certains acteurs préconisent plutôt des rapports de complémentarité, l’université « étant un tout » et les intérêts des étudiants n’étant en principe pas contradictoires avec ceux de l’enseignement.

S’ils admettent que la gestion des flux ne se fera pas de « façon miraculeuse », les  acteurs affirment qu’elle doit se faire de manière progressive et « rationnelle ». En effet, « ce n’est pas parce que nous avons trop d’étudiants, mais parce que nous n’avons pas assez d’infrastructures », relève le Professeur Lassana Diakité, Directeur général de l’École Supérieure de Journalisme et des Sciences de la Communication (ESJSC). Pour atteindre la masse critique de cadres nécessaire à notre développement, il faut « mettre l’accent sur les filières professionnelles en lien avec les besoins de notre économie », souligne le Professeur Diakité.

Vision globale

Mais les problèmes de l’enseignement supérieur ne peuvent trouver leur solution que « dans une vision holistique », où il existe un lien entre les différentes chaînes de l’enseignement, du préscolaire au supérieur, tel que le suggère le nouveau Programme Décennal pour l’Éducation (PRODEC), actuellement en cours de validation. C’est pourquoi « il faut investir dans les filières porteuses, surtout au niveau du secondaire », ajoute le Professeur Diakité, ajoutant qu’il s’agit d’une vision politique dont la mise en œuvre peut prendre du temps.

Envisager la création de niveaux d’enseignement supérieurs dans les régions, en lien avec les besoins et opportunités dans ces localités, est également une alternative pour absorber les flux et permettre un développement plus équilibré.

Si elle fut l’une des premières institutions de l’université au Mali, la Faculté de médecine n’en demeure pas moins affectée par les maux qui affectent la qualité de l’enseignement supérieur au Mali. Parmi eux, les effectifs pléthoriques, surtout en première année, où on compte « à ce jour 3 000 étudiants pour 2 amphithéâtres d’une capacité de 600 étudiants », précise le Professeur Yacouba Toloba, chef du Département Études et Recherche (DER) Médecine et spécialités médicales de la Faculté de médecine et de pharmacie. Une situation qui oblige les étudiants à écouter les cours de l’extérieur des amphithéâtres ou à se contenter des notes de leurs camarades. Une réalité qui affecte doublement la qualité, par le non respect du ratio professeurs / étudiants et la mauvaise qualité de rétention des derniers cités.

Pour y remédier, les acteurs « se concertent sur la nécessité de l’application des critères déjà en vigueur », selon le Professeur Toloba. En plus de ces critères, relatifs à l’âge, à la mention obtenue au baccalauréat et à la spécialité étudiée, il faut envisager un concours d’entrée à la faculté pour « recruter le nombre d’étudiants dont on a besoin et qu’on est sûr de pouvoir former », ajoute le chef de DER.

Malgré ces difficultés, la Faculté « peut être la vitrine » de l’enseignement supérieur, car « elle a fourni beaucoup d’efforts mais veut aller plus loin ». Elle se réjouit surtout « que ces dernières années plusieurs professeurs issus de ses rangs affrontent les compétitions internationales et reviennent lauréats ». Une culture de l’excellence que veut aussi incarner la FDPRI à travers des « conventions de formation avec l’université de Paris I » et des « codirections de thèse », expliquent ses responsables.

Une bonne dynamique est en tout cas en œuvre avec « le bac, qui devient sérieux », souligne le Vice-recteur de l’USJP. Outre la diversification des offres de formation et des améliorations dans la gouvernance, le respect de la déontologie est également à mettre au crédit des acteurs. « Les ventes de notes sont de moins en moins à la une et l’application des règlements intérieurs, ainsi que la formation d’une bonne centaine d’enseignants », sont autant de motifs de satisfaction.

Moussa Niangaly, SG AEEM : « Les critères de distribution des tablettes ne sont pas encore définis »

Le 5 juillet dernier le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta procédait à la remise de 13 000 PC-tablettes aux étudiants du Mali. Une première étape qui devra se poursuivre par d’autres remises, selon les autorités. Mais alors que ce premier lot n’a pas encore été distribué, des rumeurs font état d’affrontements autour de cette distribution. Faux, assure le Secrétaire Général de l’association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) Moussa Niangali, qui répond à nos questions.

Quels sont les critères pour la distribution des tablettes ?

Les critères ne sont pas encore définis. Ils doivent l’être par le ministère en charge de l’Enseignement Supérieur en implication avec l’AEEM et le ministère de l’Economie Numérique et de la Communication.

Où se trouvent les tablettes actuellement?

Actuellement les tablettes sont à l’AGEFAU. Cette structure, sur la demande du ministère de l’Economie numérique et de la communication, les mettra à la disposition du ministère de l’Enseignement supérieur.

Quels sont les critères que l’AEEM souhaite proposer ?

Nous avons eu des rencontres sur le sujet. Nous souhaitons que les tablettes soient offertes aux plus méritants. Par exemple si une faculté obtient 1000 tablettes, qu’elles soient remises aux 1000 premiers. Ce sera alors la promotion de l’excellence. Nous avions aussi souhaité tenir compte des orphelins et ceux dont les parents sont pauvres. Mais avec la possibilité de falsification des certificats, cela risque d’être source d’autres problèmes. Et donc le mieux c’est de donner aux méritants. Il s’agit pour l’heure d’un projet pilote.

Quelles sont les facultés concernées par la distribution ?

La répartition se fera dans toutes les grandes écoles et facultés du Mali, y compris à l’université de Ségou. Chaque faculté aura un quota. Il s’agit de tous les étudiants du Mali sans exception.

Qu’en est-il des affrontements qui ont éclaté entre étudiants à propos de la distribution des tablettes ?

Ce sont des intoxications.  Il n y a pas eu de mort. Il y a quelques blessés, qui ont même déjà repris le chemin de l’école. Il s’agit d’un conflit entre deux personnes, qui a impliqué leurs facultés respectives : la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FSEG) et la Faculté des Lettres, des Langues et des Sciences du Langage (FLLSL). C’est un problème qui date de plus de 5 mois. Un conflit de leadership. Cela a dégénéré et impliqué les deux facultés. Mais cela n’a rien avoir avec les tablettes.

Nous avons échangé avec les deux responsables et nous allons bientôt le faire avec la base. Nous avons donné des consignes fermes pour que cela ne se reproduise plus.

En réalité, le conflit a dégénéré à cause de l’intervention de la police qui s’est rendu à la faculté de droit, là où il n’y avait pas d’affrontements et a « gazé » les étudiants. Et c’est à partir de là que d’autres étudiants s’en sont mêlés.

Quand, les tablettes seront distribuées ?

Nous souhaitons que ce soit le plus rapidement possible. Il commence à avoir trop d’informations fausses autour de ces tablettes. Alors que nous pensons que c’est une bonne action qui doit continuer.

L’USLHB à Kabala : Le calvaire des étudiants

 

Depuis le déménagement de l’Université des Lettres et Sciences Humaines de Bamako (USLHB) à Kabala, les étudiants sont confrontés à des problèmes de transport, de nourriture, d’eau, d’internat et de documentation. Sans oublier l’insécurité routière sur l’axe Badalabougou – Kabala.

Depuis mars 2017, l’Université des lettres et Sciences Humaines de Bamako a déménage à la nouvelle cité universitaire de Kabala. Les étudiants qui ne disposent pas de moyen de déplacement sont obligés de s’aligner en files indiennes tous  les matins devant l’ex-FLASH pour emprunter les bus du CENOU. « Je  me réveille à 5h du matin pour me préparer et être à Badalabougou avant 6h30mn », dit Rokiatou Keita, étudiante en 2ème année Lettres modernes. Le Centre des Ouvres Universitaires met à la disposition des étudiants six cars pour assurer la navette, pour 50 francs CFA l’aller et le même montant pour le retour.  « De deux cars au début, nous en sommes à six aujourd’hui. Ils fonctionnent à partir de 6h30mn du lundi au samedi », a expliqué Kassoum Diakité, responsable du transport au CENOU. A partir de midi, les bus commencent les trajets retour, jusqu’à 17h30mn.

A l’instar des étudiants, les professeurs et membres de l’administration font un parcours du combattant pour se rendre  à Kabala. Le Rectorat a acheté quelques motos pour ses employés subalternes, mais c’est peu par rapport aux besoins. « Nous avons achetés une cinquantaine de motos et nous avons formulé une demande pour deux minibus », affirme Macky Samaké, Recteur de l’Université des Lettres et Sciences Humaines de Bamako.

Vu la distance et les dangers sécuritaires, sept agents ont quitté l’administration. Et, malheureusement, de mars 2017 à nos jours, les autorités administratives de l’USLHB ont enregistré des pertes en vies humaines, celles d’un professeur et de deux étudiants. Autres soucis : ni la cantine estudiantine, ni l’internat ne sont jusqu’à présent opérationnels, ce qui pose d’énormes problèmes de restauration et de logement. A notre passage, nous avons remarqué l’installation de quelques certaines vendeuses aux alentours du campus, qui couvre 104 hectares. Enfin, Kabala connait de réels problèmes en matière d’accès à l’eau, son approvisionnement étant assuré par des forages. « Nous avons connu une pénurie d’eau pendant tout le mois de Ramadan », dit Nando Dembélé, du Rectorat de l’USLHB.

Le Secrétaire général de l’AEEM, Abdoul Salam Togola, en plus de toutes ces difficultés à gérer, rêve de la création d’une bibliothèque digne de ce nom, ce qui n’existe pas encore à Kabala.

 

Meeting avorté : Ras Bath donne son avis sur le saccage du site

Dans une vidéo postée sur sa page officielle, Mohamed Bathily alias Ras Bath donne son avis sur le saccage d’un site à Kalabancoura où il était attendu pour un meeting dimanche dernier.

« Une vingtaine de moto portant chacune deux ou trois personnes ont débarqué sur le site de la rencontre. Une quarantaine de personnes ont saccagé les chaises et les appareils de sonorisation », explique Mohamed Bathily alias Ras Bath dans une vidéo postée sur sa page le lendemain du meeting avorté à Kalaban coura ACI. « Les témoins sur place déclarent avoir reconnu des membres de l’AEEM. Nous avions déjà été prévenus que l’honorable Moussa Timbiné et son camarde d’université, Abdoulaye Maïga, actuellement conseiller au ministère de l’éducation nationale enverraient des jeunes pour boycotter la bonne tenue du meeting », affirme Ras Bath. Et d’ajouter que c’est « une preuve que les fouteurs de trouble, ce ne sont pas nous (Ras Bath et son équipe) mais plutôt eux ».

Suite au contrôle judiciaire qui pèse sur sa personne depuis octobre dernier dans l’affaire l’opposant au gouvernement, Ras Bath est jusqu’à ce jour interdit de communiquer à la presse, d’animer son émission à la radio… En un mot, il est toujours en attente de son jugement qui semble-t-il peine à arriver quatre mois plus tard. Pour combler le vide, il décide de tenir des meetings. Il sillonne ainsi depuis plusieurs mois, les différentes communes de Bamako pour s’adresser à la population. « Ce dimanche, nous allions expliquer la mission réelle des députés, ses devoirs envers sa population. Chose qui n’arrange pas vraiment des députés comme Moussa Timbiné », déclare-t-il. « Le mois dernier, certains jeunes de la commune de Kalabancoro nous ont convié à un meeting sur le grand terrain de football non loin du lycée sacré Cœur et de la villa de Moussa Timbiné. Il est allé dissuader ensuite les parents de ces jeunes de tenir un tel meeting. Je crois qu’il a peur de nous », explique Ras Bath amusé.

Après l’évènement malheureux de ce dimanche, Ras Bath et son équipe ont décidé de porter plainte pour vandalisme. « Nous demandons que justice soit faite et que la loi soit appliquée », affirme-t-il. Entre temps, Moussa Timbiné dément sur sa page Facebook toute responsabilité dans cette affaire. « J’oppose un démenti formel et catégorique à ces allégations mensongères », a-t-il écrit. Mieux, le député affirme se « réserver tout droit de porter plainte contre toute personne qui s’aventure à ternir l’image de l’Assemblée nationale et celle de sa modeste personne ». Et à Ras Bath, de repondre « nous verrons ». Le Procureur de la commune VI a également été saisi.

Willy : « L’AEEM n’est pas synonyme de mafia et de violence »

Abdoul Salam Togola dit Willy, a été réélu secrétaire général du bureau de coordination de l’Association des Élèves et Étudiants du Mali (AEEM) en décembre dernier, à un moment ou le monde estudiantin malien est en proie à des violences et des règlements de comptes, souvent imputables à cette association étudiante. Le Journal du Mali est allé à la rencontre de Willy pour parler de ces faits de violence qui gangrènent la vie universitaire. Il a accepté de répondre à nos questions directes faisant parfois preuve de franchise et souvent d’un déni de la réalité qui peut interpeller et questionner sur sa réelle capacité à nettoyer, contrôler et faire changer positivement l’AEEM . Interview.

Est-ce que l’AEEM est un rassemblement de malfrats, une mafia ?

Beaucoup de Maliens associent le nom de l’AEEM à la barbarie, la violence, les agressions et autres. Tout, sauf des attitudes positives. Il y a un problème d’approche vis-à-vis de l’AEEM, ce sont des préjugés qui indexent toujours l’AEEM à travers les évènements passés, ce sont des incompréhensions des uns et des autres sur le vrai comportement de l’AEEM. Je reconnais qu’il y a des attitudes et comportements de l’AEEM qui peuvent donner un peu cette vision. Mais l’AEEM n’est pas synonyme de mafia et de violence. Je pense que cela est surtout un problème de compréhension et de connaissance de l’AEEM.

Il y a pourtant de nombreux faits de violence qui le prouvent ?

Comme je l’ai dit, je reconnais qu’il y a bien quelques actes qui donnent cette impression. Mais quand on analyse et enquête sur l’AEEM, ses faits, activités, actions et visions, on sait que nous faisons beaucoup de choses importantes en dehors de ce que les gens pensent. Il y a d’autres appréciations que l’AEEM mérite.

Il y a un an vous déclariez dans les colonnes du Journal du Mali « aucun bandit n’aura sa place à l’AEEM », 1 an après, ce n’est toujours pas le cas.

Aujourd’hui, tous ceux qui sont sur le terrain, les espaces scolaires et universitaires, comparativement aux années antérieures, savent qu’un énorme travail a été abattu. Nous ne nous glorifions pas, mais nous sommes soulagés du travail abattu l’année dernière. Depuis cette déclaration, beaucoup vous diront que les bandits et gros bras qui sévissaient dans l’espace universitaire et la gestion de l’AEEM partent peu à peu. Il en reste beaucoup, mais il y a eu du progrès et des améliorations dans cette lutte. Tout n’est pas fini.

À quelles améliorations faites-vous allusions ?

Le jour où j’ai déclaré cela à votre journal, il n’y avait aucun renouvellement des bureaux de l’AEEM dans les universités sans l’implication des bandits et vagabonds. Les autorités universitaires le savent, il y avait des gens qui n’avaient aucun lien avec les étudiants. Rien qu’à les voir, on savait qu’ils étaient étrangers à la vie universitaire. Mais depuis l’élection l’année dernière, personne ne peut témoigner d’en avoir vu et après les renouvellements, les gens nous demandent « est-ce que le bureau a été renouvelé cette année ? », « et les bureaux locaux des facultés ? » Ces activités ont bel et bien eu lieu, mais sont passées inaperçues, sans bruit. Si les gens ne le savent pas, c’est parce qu’habituellement les renouvellements de bureaux ne se font jamais sans bruit. Mais nous avons réussi à le faire tranquillement, et toutes les facultés ont été renouvelées. Cela surprend et dépasse peut-être les compréhensions, les gens ne cherchent pas à savoir ce qui se passe, c’est seulement en cas de violence qu’ils approchent.

Alors pourquoi avoir fait, tout récemment, une conférence de presse pour déclarer l’arrêt des violences ?

Nous avons choisi ce moment car nous venons d’achever un mandat et d’en entamer un autre. Et à titre d’information, nous avons été réinvestis pour continuer cette lutte. Les étudiants ainsi que les militants de l’AEEM ont eu confiance en cette équipe et nous avons été réélus en décembre dernier. Janvier étant l’introduction à la nouvelle année, on s’est préparé à donner des perspectives, des visions et à proposer des comportements à adopter aux militants à travers cette déclaration. Cela a également coïncidé avec des incidents à l’université, dont la mort de l’étudiant Doumbia, contribuant à nous motiver encore plus. Ces événements n’étaient qu’un rappel pour nous, nous incitant à redoubler encore plus d’efforts concernant les mesures prises depuis l’année dernière pour éradiquer cette violence à l’école. Nous avons dit à tout le monde de s’éloigner des armes. La majorité l’a compris, et c’est pour cela l’on a rarement entendu parler d’agressions. Cette année, vu l’incident, on s’est dit qu’il fallait rappeler encore notre engagement à lutter contre cette violence, d’où l’origine de la déclaration. Nous n’avons pas baissé les bras, les mesures dont on a parlé l’année dernière vont être mieux appliquées que l’année précédente. Nous voulons que le changement soit concret.

Justement, quelles dispositions entendez-vous prendre cette année pour éradiquer la violence ?

Cette fois-ci, nous avons proposé l’interdiction totale de port-d’arme dans les espaces scolaires et universitaires, projet en cours depuis l’an passé, ainsi qu’une interdiction à tous les élèves et étudiants, d’adopter des comportements violents. C’est une manière, pour nous, d’inviter les citoyens et futurs adultes à adopter un comportement de non-violence, qui pourra peut-être sauver le Mali dans les jours à venir. Avec le sentiment d’insécurité qui prévaut, le Malien devient agressif et violent, et pas que dans l’espace universitaire. Vu notre rôle, nous voulons les sensibiliser dès maintenant, en commençant par régler nos propres comportements. Comme le disait Gandhi, « commence par changer chez toi-même ce que tu voudrais voir changer dans le monde », et nous interdisons tout comportement violent dans notre champ d’action qui est l’espace universitaire. Nous voulons des citoyens conscients de l’importance de la paix et de la stabilité dans le monde.

Interdire les armes et la violence d’accord, mais concernant les vraies dispositions sur le terrain ?

Après ces deux propositions, l’AEEM même a mis en place la Commission de sécurité et de maintien de l’ordre, composée uniquement des élèves et étudiants, qui surveilleront leurs camarades. S’ils appréhendent quelqu’un avec une arme ou ayant un comportement violent, leur rôle consiste à remettre la personne entre les mains des forces de sécurité. Ensuite, nous avons également lancé un avertissement : tout étudiant, qui outrepassera ces mesures, ne bénéficiera jamais de la couverture de l’AEEM pour le protéger, quel que soit son statut ou son titre. Nous serons au-devant de cette lutte. Nous avons également prévu l’organisation d’activités et de programmes pour former les étudiants dans le cadre de la sensibilisation, de la formation des étudiants sur le respect des droits de l’homme et la non-violence. Ces programmes sont en phase d’élaboration. Nous allons approcher qui de droit afin que ce soit un programme, et que la non-violence soit une culture. Cela fait partie des missions de l’AEEM pour cette année.

Il est notoire que l’AEEM a des liens forts avec des hommes politiques, qui utilisent parfois le mouvement comme moyen de pression en utilisant la violence. Donc quand vous parlez d’arrêt des violences, êtes-vous aussi prêts à couper vos liens avec ces politiques ?

J’ai un petit problème de compréhension avec votre question. Qui utilise l’AEEM pour mettre pression sur qui ? En dehors de nos statuts d’étudiant, nous sommes tous citoyens maliens, et avons tous des activités parallèles. Peut-être que ces relations, qui n’ont rien à voir avec le fait d’être étudiants, nous mettent dans le domaine politique. Les hommes politiques dont on parle, ont même peur de s’approcher de l’AEEM, car être partenaire de l’AEEM est parfois dangereux. Aucun politicien ne prendra le risque d’avoir un lien avec nous. L’AEEM n’est pas facile à gérer. Nous savons aujourd’hui que les hommes politiques ont même peur qu’ont les saluent. On effraie les hommes politiques, ainsi que tout le monde dans ce pays. Nous l’avons évoqué en début d’interview. Les hommes politiques ont besoin d’une image clean, ils ne s’approcheront donc jamais d’une association de « malfrats » comme on dit. Ce sont des idées non fondées. Un membre de l’AEEM peut avoir un ami politique, mais cela n’a rien à voir avec son statut de membres de l’AEEM. Nous avons un lien avec les autorités du pays, car nous opérons dans le domaine éducationnel. Tout gouvernement implique alors l’AEEM, à cause du rôle que nous jouons et aux programmes éducatifs. Ce n’est pas pour un parti politique ou un homme politique.

Le financement de l’AEEM, notamment les congrès, continue d’être assuré par la sphère politique. Dans cette vague de changement que vous êtes en train d’initier, ne serait-il pas mieux que ces financements politiques s’arrêtent et que l’AEEM soit financée en intégralité par les élèves et étudiants à travers des cotisations ?

C’est une très bonne idée, mais je ne comprends toujours pas quand on parle de financement de l’AEEM par les hommes politiques. On fait allusion à qui ? L’AEEM n’a pas d’homme politique comme partenaire financier, nous n’avons pas d’homme politique comme bailleur de fonds. Les partenaires ne se limitent qu’aux départements en charge de l’éducation. Ce sont avec ces ministres, ces hommes politiques que nous travaillons. Nous ne les voyons pas comme des hommes politiques, mais plutôt comme des personnes chargées de réunir les conditions qu’il faut pour les élèves et étudiants. Si demain, le ministre de l’Éducation qui a une coloration politique s’en va, c’est avec son successeur que nous traiterons. Notre partenariat n’est pas dû à une coloration politique. Si l’AEEM reçoit des subventions pour l’organisation de ses activités, elles viennent de ces partenaires et particulièrement du ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur, du centre national des œuvres universitaires et c’est tout. Il est d’ailleurs prévu qu’ils nous accompagnent. Nous ne voulons pas voir trop de partenaires, on ne permet pas à tout le monde d’être partenaire dans ce domaine de l’éducation. Concernant votre proposition, nous sommes en train d’entreprendre les démarches pour y accéder. L’AEEM est le syndicat des élèves et étudiants, normalement elle doit vivre de la cotisation de ses membres, comme tout association normale. Si des budgets dépassent la capacité financière de l’AEEM, là on peut chercher des subventions. Mais cela n’est pas le cas. Regardez notre siège, même pas de salle de conférences. Nous ne méritons pas ce siège, l’AEEM se débrouille et on l’accepte car nous sommes des militants, c’est un sacrifice. Aucun élève ou étudiant ne peut dire je donne 50F à l’AEEM. Parmi les leaders de l’AEEM, certains apportent leur contribution parfois grâce au bénéfice de leur propre activité, juste par vocation pour l’AEEM. Nous avons réfléchi à une cotisation de 50F par étudiant par exemple et cela nécessite des mécanismes, qui rassureront les étudiants et leur permettront d’avoir confiance en l’AEEM de par notre travail. On les appelle à suivre les activités de l’AEEM, elle est là pour tous. Ceux qui le font finissent toujours par devenir les alliés de l’AEEM.

Je reviens aux dispositions que l’AEEM compte prendre pour l’arrêt des violences. Pensez-vous vraiment que cela va aboutir ? Quelles difficultés vous attendent pour les mener à bien ?

Les difficultés seront sans doute des problèmes de compréhension des uns et des autres. Une personne née depuis 10 ou 15 ans, éduquée à la violence depuis le début, cela peut constituer une difficulté. Car notre seul point de rendez-vous, c’est à l’école et cela n’est pas suffisant. Nous avons sollicité les autorités et parents d’élèves, que chacun essaye de cadrer son enfant dans le bon sens. Cela nous facilitera la tâche. Sinon, nous sommes rassurés de savoir que tous les militants de l’AEEM savent que l’heure est à la prise de conscience, c’est notre espoir et je sais avec quelle équipe je travaille, je connais la moralité des militants. Ceux qui sont minoritaires sont ceux qui pensent que la violence doit continuer. Les représentants du mouvement savent que notre génération a pour mission de corriger la culture de violence qui sévissait avant notre arrivée. La difficulté est que si la minorité ne comprend pas notre mentalité de culture de la non-violence, cela est dû à leur éducation.

Revenons sur les faits qui ont conduit, récemment, au décès d’Idrissa Doumbia dit Babylone qui était membre de l’AEEM ?

Effectivement l’assassinat de ce jeune étudiant militant de l’AEEM a eu lieu le lundi 23 janvier 2017. D’après les informations que nous avons eues, il a été tué dans la cour de la faculté des lettres et des sciences du langage vers 17h, heure à laquelle la fac est pratiquement vide. 5 ou 6 individus, dont 2 étudiants reconnus et les autres qui n’avaient pas l’air d’être des étudiants, sont arrivés. Ils ont demandé à Idrissa de les suivre pour discuter. Voyant les deux visages d’étudiants qu’il connaissait, il les a suivi à l’écart. Un peu plus tard, des témoins ont vu le groupe s’enfuir sans Idrissa. Ils ont accouru sur les lieux et ont vu ce dernier à terre, le côté transpercé par des coups de couteau. Ils ont pris le chemin de l’hôpital, mais Idrissa est décédé en route, malheureusement. Depuis ce jour nous essayons de faire la lumière sur cette affaire. Idrissa était membre de l’AEEM, et les deux jeunes sont des ex-membres de l’AEEM qui ont été radiés à cause de leur comportement violent depuis l’an passé. Ils sont connus et recherchés. De plus, les faits se sont passés à l’université et cela implique forcément l’AEEM. Nous sommes en contact avec la police et la famille du défunt, dès que nous mettrons la main sur les fugitifs, nous alerterons la police. Ainsi, nous saurons dans les détails leur motivation pour ce crime. Nous sommes tous victimes, et cela nous encourage à prendre les mesures évoquées plus haut. Si l’espace universitaire était sécurisé, ces jeunes ne seraient pas entrés avec des armes et le crime aurait pu être évité. L’espace universitaire doit être protégé et ce genre de choses ne doit pas arriver. Cependant, dans ce sentiment d’insécurité, les Maliens commencent à perdre espoir. Il y a des assassinats partout à Bamako, sauf à l’université. Beaucoup d’efforts sont fournis pour cela, mais des cas isolés peuvent survenir, nous appelons à être plus vigilants.

Dans l’espace universitaire, les professeurs ne se sentent plus en sécurité. Ils réclament le permis de port d’armes ou une sécurité permanente, comme une garde rapprochée. Les cours ont d’ailleurs été suspendus depuis l’assassinat d’Idrissa Doumbia. Prouvant, s’il en est besoin, que l’insécurité règne dans les universités.

Quand j’ai appris la réaction des professeurs après le décès du jeune, je les ai approchés pour comprendre ce qu’ils veulent. Celui qui est décédé est un étudiant, et les assassins pareillement. Alors je ne sais pas en quoi ils sont concernés. Ils ont parlé d’insécurité, moi je dis que l’insécurité frappe tous les Maliens. L’espace universitaire ne fait pas exception et tout le monde veut être protégé. Ce que nous déplorons, par contre, c’est de profiter d’une situation pour en engendrer une autre. Depuis le temps qu’ils enseignent, ils n’ont jamais demandé de permis de port d’arme. Nous luttons pour interdire le port d’arme en milieu scolaire et universitaire, et eux, les professeurs, le réclament. Veulent-ils créer un champ de tir !? Pour nous ce n’est pas la solution. Du moment où nous les étudiants pensons qu’il faut interdire le port d’arme, les professeurs doivent suivre également. S’il y a des armes, la violence sera accrue et nos efforts réduits à néant. J’ai personnellement parlé avec le syndicat des professeurs, en les suppliant de reprendre les cours. Je ne les contredis pas mais l’espace universitaire est une particularité, où il est rare d’entendre parler de vols et d’agressions comme dans la ville. Les profs ne sont pas attaqués dans leur bureau non plus. Dieu seul sait quel effort est fourni pour maintenir la sécurité, et moi je ne comprends pas cette mentalité. L’AEEM a dépêché une « police campus » l’an passé pour surveiller l’université, suite à des vols de portables, en partenariat avec la police. Alors sécurité oui, mais il faut réfléchir à la manière de l’instaurer pour ne pas créer de conflits et de blocages. L’école est le seul espoir, et l’AEEM a décidé de ne plus être un blocage, sinon nous pouvons nous plaindre aussi et bloquer les cours à cause du meurtre de notre camarade. Mais on ne le fait pas. Ces étudiants venus de leur village n’ont rien à voir avec ce qui se passe, et il ne faut pas en faire des victimes pour rien. Nous respectons nos professeurs, et ce qui se passe ce sont des cas isolés.

Une dernière chose à ajouter ?

J’interpelle d’abord la population malienne à veiller sur l’école. Elle n’est ni pour les étudiants, ni pour les autorités scolaires. Elle appartient à tous, et surtout les parents d’élèves. Je leur demande également à tous de suivre l’AEEM, de connaître réellement notre vision et de quitter les préjugés. Cela fait 26 ans que l’AEEM existe, et c’est vrai qu’elle a traversé des moments durs et violents, mais les temps changent et le fait de nous emprisonner dans le passé et les faits négatifs nous empêchent d’avancer. Attendons de voir ce que l’AEEM actuelle veut et savoir si elle mérite d’être accompagnée dans l‘intérêt du Mali. Que les gens jugent eux-mêmes. Si l’AEEM doit être contestée, que cela soit après cette analyse et ces réflexions. J’encourage les militants, nous sommes indexés et cela fait partie de notre histoire. Nous ne baisserons pas les bras et nous allons assainir l’espace universitaire comme cela est inscrit dans nos projets depuis les élections. Je remercie l’ancienne et la présente équipe pour leur participation et la sensibilisation dans cette idéologie. Je dis aux étudiants que l’AEEM nous appartient tous.

3 questions sur l’AEEM au Dr. Ichaka Camara Sociologue – Chargé de cours à la FSHE

Peut-on dire que l’AEEM n’est que le reflet de la société ?

On pourrait dire ça parce que ce sont les étudiants qui composent ce mouvement, des Maliens, et surtout que l’homme n’est que le fruit de son époque. Ces étudiants-là se caractérisent par le vol, la corruption, la violence. Depuis quelques années, l’école est politisée. Il semble que des gens s’en servent pour parvenir à leurs fins. Donc, oui, l’AEEM n’est que le reflet d’un pays où l’on s’est éloigné des normes fondamentales.

Pensez-vous que le gouvernement soit responsable de la dérive de ce syndicat étudiant ?

Depuis 1991, pour avoir été un acteur de l’avènement de la démocratie, l’AEEM a toujours été traité avec un certain laxisme par l’État qui, même s’il n’est pas responsable, est complice parce que passif. Il a démissionné. Quelle explication trouvez-vous au fait que les membres de l’AEEM ont un bureau à l’ENSUP alors que les professeurs n’en ont pas ? Quand des étudiants deviennent des bureaucrates, cela veut dire que l’État a failli. Et le résultat est qu’aujourd’hui, dans les facultés, ils insultent doyens et professeurs et vont jusqu’à exiger d’être associés à la proclamation des résultats.

Que faire aujourd’hui pour l’AEEM ?

Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il faut dissoudre l’AEEM. Je suis réaliste. Ces étudiants-là sont bien enracinés et personne ne veut les avoir sur le dos. Ce qu’il faut, c’est revoir le fonctionnement de ce mouvement, fixer ses prérogatives et ses limites.

AEEM : Peur sur la colline 

« Ils l’ont poignardé et mis ses entrailles dehors. Les gens ont accouru pour venir, mais je me suis enfuie parce que je ne pouvais pas regarder. Il se mourrait. Ils ont mis ses entrailles dans un sac », raconte une étudiante avec des tremolos dans la voix. « Il », c’est l’étudiant Idrissa Doumbia, surnommé Babylone Junior, 21 ans, assassiné le lundi 23 janvier vers 17 heures à l’ex-Faculté des lettres et des sciences humaines (FLASH) par d’autres étudiants. Parmi les présumés coupables, en fuite, seul le nom de Alfousseyni Kandioura est cité en permanence. Selon plusieurs membres de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), il s’agirait d’un règlement de compte entre militants. Ce drame illustre le mal-être au sein du monde estudiantin malien, où cette association historique fait la pluie et le beau temps.

Ce vendredi 27 janvier, les amphis étaient déserts, les professeurs ayant décidé de suspendre les cours jusqu’à nouvel ordre pour protester contre la situation d’insécurité qui va grandissante sur « la colline du savoir ». Sur les visages et dans la voix des étudiants et des professeurs qui sont là, la peur se lit sans mal. La peur de parler, d’être agressé. Pour cet enseignant, ce drame vient s’ajouter à une longue série d’agressions entre membres de l’AEEM en l’espace de quelques mois : « Quand la police vient, elle se borne à faire des constats et ça s’arrête là. Les étudiants qui tuent savent qu’il n’y aura aucune conséquence, surtout s’ils sont proches du secrétaire général du mouvement. Si l’État ne prend pas ses responsabilités, nous allons demander à porter des armes pour notre propre sécurité. Il faut débarrasser l’école de l’AEEM », affirme-t-il. « À chaque fois qu’un étudiant est assassiné, ce sont les mêmes policiers du 4e arrondissement qui viennent pour « arranger l’affaire ». Ils sont les pions des hommes politiques et étouffent l’affaire », confie sous couvert d’anonymat un ancien membre de l’AEEM.

Débarrasser l’école de l’AEEM, devenue un mal absolu, c’est aujourd’hui le débat qui divise la sphère scolaire et universitaire. Corruption, violences, assassinats, vols… Ce sont les mots avec lesquels rime aujourd’hui le nom de l’AEEM, mouvement créé en 1990 par des étudiants dirigés par Oumar Mariko, aujourd’hui député élu à Kolondièba sous les couleurs du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), dont il est le leader.

Noyautée par les politiciens À Sogoniko, un quartier populaire de Bamako, Ahmed (le nom a été modifié), secrétaire général d’un comité AEEM, a accepté de nous rencontrer après une longue hésitation. Il a promis d’aller droit au but. « Aujourd’hui, dit-il, l’AEEM ne peut rien faire pour les élèves et les étudiants. Elle a perdu sa raison d’exister, parce qu’elle fait le jeu du pouvoir auquel elle est inféodée. Ce n’est qu’un syndicat de façade ». Il explique que depuis début 2000, chaque président à son « Monsieur AEEM », qui n’a rien d’autre à faire que de contrôler le mouvement. Le plus souvent, il s’agirait d’un ancien membre du mouvement. Ainsi, pour être secrétaire du bureau de coordination du mouvement, il faut être proche de ce dernier, lui obéir au doigt et à l’œil. « Ce qui fait que », ajoute-t-il, « le secrétaire général est élu de façon consensuelle, pour ne pas dire qu’il est imposé par le pouvoir. Et c’est à partir de là que naissent les rivalités au sein du mouvement ». Selon une source proche du ministère de l’Éducation nationale, le gouvernement financerait le congrès de l’AEEM chaque année à hauteur de 15 millions de francs CFA.

Dans un rapport intitulé « La crise scolaire au Mali » et publié dans le Nordic Journal of African Studies en 2000, l’historien et ancien doyen de l’ex-FLASH, Drissa Diakité, développe les mêmes arguments. « L’argent s’emploie pour transformer les dirigeants syndicaux en hommes-liges du pouvoir par le financement d’activités syndicales au sein de l’école. Comme les « subventions » accordées ne sont pas gérées dans la transparence, les appétits grandissants des uns et des autres contribuent à susciter l’émergence de clans, dont les revendications divergentes alimentent l’agitation scolaire », écrit-il.

L’argent à l’origine du mal Pour Mahamane Mariko, la manipulation vient de là. Ancien secrétaire général de la coordination de l’AEEM (1999-2000), après avoir été adjoint du secrétaire général (1998-1999), rodé au discours syndicaliste, celui qui est connu pour sa chapka russe n’a rien perdu de sa verve. « Les coups de machettes naissent de la distribution de l’argent que l’État verse sur un compte bancaire en guise de financement. Il n’y a pas de transparence dans la gestion. L’État a une grande part de responsabilité dans cette culture de la violence dans l’espace scolaire et universitaire. Mais il s’agit surtout d’une politique destinée à les diviser pour mieux régner, et qui fait beaucoup de mal. Elle est faite avec un esprit irresponsable. C’est l’État qui leur permet de payer des machettes, des pistolets », martèle-t-il.

Mais ce n’est pas la seule cause. Le fait que le mouvement soit constitué de jeunes leaders n’en demeure pas moins une raison qui pousserait le pouvoir et autres hommes politiques à le récupérer. « Ce qui est grave, ajoute Mahamane Mariko, c’est de faire de l’école un lieu de mobilisation politique. L’AEEM est un instrument politique. Quand tu as l’AEEM, tu as les jeunes leaders. Ces jeunes sont victimes du système qui les embrigade. Il faut qu’ils ouvrent les yeux ». La question du financement de l’AEEM est rarement abordée par les responsables, qui préfèrent la balayer d’un revers de manche. Nombreux sont aujourd’hui ceux qui se demandent pourquoi le financement de l’AEEM ne vient pas des cotisations des étudiants, ce qui, de l’avis général, contribuerait à rendre le mouvement autonome.

La mainmise sur le mouvement a pris de l’ampleur, si l’on en croit Souleymane Coulibaly, ancien militant et aujourd’hui professeur de philosophie, avec le ministre de l’Éducation feu Mamadou Lamine Traoré, qui a signé un partenariat avec l’AEEM pour une école apaisée et performante. « C’est à partir de là que les membres de l’AEEM ont commencé à être entretenus. On mettait à leur disposition de l’argent et des moyens pour faire entrer dans le rang les militants AEEM récalcitrants », explique-t-il, tout en évoquant que c’est cela qui a conduit à l’assassinat à l’ex-FSJP, en 2004, du fils du féticheur Banankoroni Dra. À l’époque, Hamidou Bocoum était le secrétaire général. Ce dernier aurait fini par être chargé de mission à la Présidence de la République. « La plupart de ceux qui l’ont tabassé à mort, tous ces loubards, ont été libérés plus tard. Il y en a qui sont entrés dans la police, d’autres ont bénéficié de bourses d’étude et enseignent aujourd’hui à l’université », confie un proche de l’étudiant. « La violence, c’est l’État. Ceux qui commettent ces crimes savent qu’ils seront libérés. L’AEEM, c’est une « chose » de l’État », ajoute Souleymane Coulibaly.

L’élection des secrétaires généraux aussi ne se fait plus dans la transparence. Amadou Diallo, qui a claqué la porte du mouvement en 2014, explique que « les responsables de classe étaient auparavant choisis parmi les meilleurs étudiants, ainsi que les secrétaires généraux qui étaient élus. Actuellement, ils sont imposés ». Toutes choses qui auraient nourri la colère de certains étudiants qui avaient décidé de créer un contre-mouvement. Un projet qui a été tué dans l’œuf. Selon certaines indiscrétions, le secrétaire général du bureau de coordination est choisi selon qu’il soit proche ou pas du pouvoir. « La preuve, Ibrahim Traoré, dit Jack Bauer, qui n’était pas proche du pouvoir, a été écarté au profit de son rival Abdoul Salam Togola, dit Willy, qui serait proche de Moussa Timbiné (député et président de la jeunesse RPM, ndlr) », confie une source.

Dissolution ? Pour nombre d’observateurs du monde scolaire et universitaire, la dissolution de l’AEEM ne résoudrait cependant rien, d’autant qu’elle semble déjà dissoute avec la manipulation dont elle fait l’objet. Pour Mahamane Mariko, parler d’une dissolution de l’AEEM n’est pas pertinent : « Ce qui est essentiel, c’est de mettre l’accent sur la formation des leaders et de démocratiser le mouvement. Quand on participe aux congrès, on se rend compte qu’ils ne sont pas formés. Ils ne sont que dans l’agitation pour la mise en place du bureau. On ne les aide pas à devenir autonomes », affirme-t-il. Un avis qui est aussi soutenu du côté du mouvement. Selon le secrétaire à l’information, Ibrahima Tao, l’AEEM a sa raison d’exister. « Si l’école est gangrenée aujourd’hui, c’est à cause du manque de volonté de l’État à mettre les étudiants dans les conditions d’études dignes de ce nom. Ainsi, l’AEEM est un moyen de pression pour que l’État cesse de reléguer l’éducation au second plan comme il a tendance à le faire. L’AEEM lutte aussi contre les prélèvements illégaux de 5 000 francs CFA du CNOU (Centre national des œuvres universitaires) », déclare-t-il.

Aujourd’hui, l’avis le plus partagé est l’urgence de remettre de l’ordre au sein du syndicat étudiant et de ramener l’école à l’école, « en remettant chaque partenaire dans ses droits et dans ses prérogatives, et en y promouvant un dialogue constructif. Ceci passe par le respect des textes régissant l’école et le respect strict des attributions des organes et niveaux académiques », conclue Drissa Diakité.

AEEM, une hydre à deux têtes

Depuis une quinzaine de jours, la vie scolaire et estudiantine est perturbée par une guerre des clans violente qui oppose Jack Bauer, secrétaire général, à  Willy également secrétaire général de l’association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Le congrès qui aurait dû élire un seul secrétaire général s’est transformé en deux congrès parallèles qui ont chacun élu un leader pour l’association. Le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et le ministère de l’Education Nationale qui ont annulé leur participation aux congrès, ne semblent pas vouloir trancher. à€ l’heure actuelle, il est difficile de déterminer qui est le secrétaire général légitime. Chaque camp accuse l’autre de malversation et se déclarent dans son bon droit. Interview croisé des deux leaders pour tenter d’y voir plus clair.

Interview de Ibrahima Traoré dit Jack Bauer

Journal du Mali : Comment est organisé le congrès ?

Jack Bauer (JB) : C’est une question pertinente. l’AEEM a des textes et nous mettons en place une commission d’organisation composée des membres du bureau qui assure la transparence des élections. Le programme du congrès était réparti en deux jours, samedi 16 avril et dimanche 17 avril. Il y avait 4 candidats qui postulaient pour le poste de secrétaire général. Je dois préciser que personne ne peut assister au congrès sans avoir été invité par le secrétaire général ou la commission d’organisation.

JDM : Que s’est-il passé exactement lors de ce congrès ?

JB : Le dimanche matin, des éléments à  moi parmi les congressistes m’ont rapporté qu’il y avait des banderoles pro-Willy dans l’amphithéâtre. Willy qui n’est que le secrétaire général adjoint, a fait venir des sotramas transportant des femmes et des jeunes récupérées dans la rue. J’ai alors demandé à  la commission d’informer la police, craignant que Willy prennent l’élection en otage. Mais l’intervention d’un député, Moussa Timbiné, qui m’avait appelé plusieurs fois pour que je me désiste, a empêché la police de faire son travail. Dimanche à  15 heures, Willy a été proclamé secrétaire général. à€ mon arrivée, j’ai été accueilli par des cailloux, il y a eu aussi des coups de feu. J’ai immédiatement demandé à  délocaliser le congrès à  l’école centrale pour l’industrie, le commerce et l’administration (ECICA) pour la sécurité des congressistes et des délégués. Les autres candidats se sont désistés à  la dernière minute et ont porté leur confiance sur moi, j’ai été élu secrétaire général par leurs voix.

JDM : L’AEEM peut-elle fonctionner avec une double direction ?

JB : Non, je dirais qu’il n’y a pas de bicéphalisme. Un congrès avec des gens de la rue et des bandits est plutôt une association qui n’a pas vocation à  représenter les élèves et les étudiants.

JDM : Les autorités reconnaissent-ils votre bureau ?

JB : J’ai été réélu mais Willy refuse de l’admettre. Le ministre de l’Enseignement Supérieur dit qu’il considère le secrétaire général sortant comme légitime, mais qu’ils préfèrent rester en retrait.

JDM : Avez-vous pensé à  une rencontre avec l’autre camp pour une sortie de crise ?

JB : Je pense qu’un échange avec Willy n’est pas la solution, Je ne vois plus Willy comme un adversaire. Si un de ses soutiens politiques, comme Moussa Timbiné veut échanger avec moi, j’accepterais à  condition que ce soit médiatisé et plus informel comme avant.

 

Interview d’Abdoul Salam Togola dit Willy

Journal du Mali : Comment est organisé le congrès ?

Willy : Le congrès s’est passé comme d’habitude à  la FAST. à€ la suite de l’arrivée des congressistes c’est généralement la cérémonie d’ouverture, puis nous faisons les élections et enfin la proclamation du bureau.

JDM : Que s’est-il passé exactement lors de ce congrès ?

Willy : Ce qui s’est passé lors du congrès est un problème créé par Jack Bauer qui est le secrétaire général sortant et qui a terminé ses études. Il n’avait pas l’intention de laisser son siège et cela a causé le report du congrès plusieurs fois. Nous avons dû faire face à  des problèmes vu son refus de partir. Il a pu monopoliser l’organisation du congrès en tant que candidat sortant et nous ne pouvions pas accepter cela. Je pense qu’il faut respecter l’alternance dans toute structure et faire face à  son bilan, chose qu’il n’a pas voulu faire parce que son bilan n’était pas honorable. Il a érodé la confiance de sa base, et certaines accusations concernant des prélèvements avec le Centre national des œuvres universitaires sur la bourse des étudiants, y ont contribué. De plus, il a permis l’ingérence de bandits dans les affaires des étudiants, il est soutenu par un dénommé Bekaye Diawara, qui est un chef de gang notoire et aussi le secrétaire général de la fédération des bras de fer. Les gens n’étaient pas partants pour qu’il reste, mais il avait pris goût à  ces responsabilités, c’est pourquoi, Il a voulu saboter l’organisation du congrès. J’ai été élu secrétaire général car je suis celui que les élèves et les étudiants ont choisi pour les représenter.

JDM : L’AEEM peut-elle fonctionner avec une double direction ?

Willy : Pour nous il n’y a pas deux camps, il ya juste une façade. Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent à  la radio et dans les journaux moi je suis au travail et lui est chez lui et se proclame chef d’un camp. Qui a financé votre congrès. C’est l’à‰tat qui a financé le congrès. Ce qui prouve qu’il n’y a pas eu deux congrès, mais un seul congrès et comme d’habitude il a eu lieu à  la faculté des sciences et techniques (FAST).

JDM : Les autorités reconnaissent-elles votre bureau ?

Willy : Je suis celui que les élèves et étudiants ont choisi pour les représenter, et j’ai dors et déjà  commencé les activités pour l’association

JDM : Avez-vous pensé à  une rencontre avec l’autre camp pour une sortie de crise ?

Willy : Jack ne voulait pas de cela. Avant le congrès il y a eu toutes sortes d’échanges convoqués par des anciens de l’AEEM et des personnes ressources. Il ne souhaite pas la bonne marche du bureau, donc je pense que ce ne sera pas possible parce qu’il ne veut pas que les choses se stabilisent.

Guerre des clans à l’AEEM

Depuis lundi dernier la situation se dégrade dans certains établissements scolaires de la ville, theâtre d’affrontements et de fusillades entre deux clans rivaux de l’AEEM, soutenenant le nouveau bureau du comité avec à  sa tête Abdoul Salam Togola alias Willy de Badalabougou, récemment élu, et le candidat sortant Ibrahima Traoré alias Jack Bauer de Bagadadji.

Ces deux clans se sont tirés dessus et affrontés à  l’arme blanche, ces derniers jours, perturbant la vie scolaire et semant la panique. Compte tenu du climat d’insécurité et de violence qui règne actuellement dans certains établissements de la ville, l’administration de la Faculté d’histoire et de géographie (FHG), visée par ces attaques, a décidé de fermer l’établissement et de suspendre les cours durant 72 h. la direction n’exclut pas d’étendre ces mesures si le calme ne revient pas.

La violence entre différentes branches du syndicat estudiantin n’est pas nouvelle, cependant depuis l’élection de Willy comme secrétaire général de l’association, elle semble avoir pris de l’ampleur. Une lutte pour le contrôle du bureau de la direction nationale semble en être l’enjeu. Pour Willy, les coupables ne font aucun doute, « C’est Jack Bauer et un de ses soutiens dénommé Bekaye Diawara, un chef de gang bien connu qui réside à  Bamako, nous avons porté plainte plus de quatre fois contre ce dernier et jusque-là  il n’a pas été mis aux arrêts ».

De son côté « Jack Bauer », renvoi la balle à  son adversaire l’accusant d’avoir causé « de nombreux blessés dont un enfant percuté par un automobiliste lors d’une de ses descentes ». Malgré la présence quotidienne de la police, les actes de violence ne semblent pas être juguler, Willy prévient : « Si les autorités ne jouent pas leurs rôles, nous serons peut-être obligés de faire à  notre manière, on ne va pas rester en classe et laisser les gens venir nous agresser, laisser n’importe qui s’introduire dans l’espace scolaire et venir attaquer les gens avec des machettes et des couteaux ». Pour certains cette association estudiantine serait plus un gang, manipulé pour de générer de l’instabilité à  l’école plutôt que défendre les intérêts des élèves et des étudiants. Selon nos informations, ces clans auraient le soutien de certains politiciens dont des anciens membres de l’AEEM entrés en politique. Selon une source, un ancien de l’AEEM s’étant vu refuser un marché au ministère de l`Éducation, utiliserait l’association comme moyen de pression sur le ministère. La situation reste pour le moment préocupante, une réunion d’urgence se tiendra lundi prochain au FHG pour tenter de trouver de réelles solutions.

Willy : « Un bandit n’aura pas sa place à l’AEEM »

L’association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) a organisé vendredi dernier son assemblée générale d’informations nationales à  Bamako pour informer les élèves et les étudiants du renouvellement du bureau, des résolutions, amendements écrits dans les textes et décisions prises par le comité directeur. À cette occasion, willy récemment élu secrétaire général de l’AEEM, à  répondu à  nos questions.

Comment fonctionne l’AEEM ?

En tant que syndicat qui a pour but la défense des intérêts matériels et moraux de l’ensemble des élèves et étudiants du Mali ainsi que l’amélioration de leurs conditions d’études, nous avons beaucoup de membres. Nous fonctionnons avec des comités de groupe, il y a le bureau national et des bureaux locaux dans chaque établissement de chaque ville, cela veut dire que chaque établissement privé comme public à  son bureau. Toute personne ayant le statut élève ou étudiant est libre de rentrer dans l’AEEM sans distinction aucune. Tous les membres de l’AEEM cotisent par mois, nous subsistons aussi avec les dons, la vente des cartes de membres, les subventions qui sont les bienvenus et certaines activités que nous organisons.

Avez-vous des bureaux locaux au Nord-Mali ?

Aujourd’hui la seule ville au Mali o๠l’AEEM n’a pas pu renouveler son bureau est Kidal. Le renouvellement est annuel. Nous avons nos comités à  Tombouctou, Gao et toutes les autres régions à  part Kidal.

Beaucoup disent que l’AEEM travaille pour elle-même et non pour défendre les intérêts des élèves et étudiants du Mali, que répondez-vous à  vos détracteurs ?

Il faut dire la vérité, je ne nie pas que le travail de l’association n’a pas toujours été à  la hauteur, ce qui a fait que le mécontentement des personnes ont conduit à  ces rumeurs. Je donne raison aux personnes qui ne sont pas satisfaites du travail de l’AEEM mais j’ajoute aussi que tout n’est pas négatif. Il y a des travaux concrets que nous menons, même si nous ne communiquons pas assez sur cela, c’est d’ailleurs l’un de nos défauts. Je prends l’exemple de l’infirmerie de la Faculté des Sciences et Technique, c’est une revendication faites par l’AEEM il y a de cela deux ans, cette année cette infirmerie est opérationnelle. C’était la résidence des étudiants membres de l’AEEM et nous l’avons donné afin qu’ils puissent en faire une infirmerie parce qu’il y avait un besoin. Tout n’est pas négatif, nous faisons des choses.

Les méthodes de l’AEEM sont décriées, ceux qui osent émettre un point de vue différent lors des assemblées sont menacés, des étudiants sont tabassés, il y a des affrontements armés. Pour maintenir son autorité, l’AEEM a souvent recours à  la violence, pourquoi ?

Je reconnais qu’à  un moment donné, l’AEEM a souvent eu recours à  la violence et la force. En réalité, mon analyse est qu’il y a eu certains responsables, dans cette structure, qui n’avaient pas la capacité de s’imposer ou d’imposer leurs idéologies sans passer par la violence. Un leader qui pense que c’est la violence qui peut le faire régner, cela peut jouer sur la structure de l’association et ça va généraliser la violence car les autres vont suivre cette même idéologie. C’est des problèmes auxquels nous avons été confrontés dans l’histoire et notre travail futur sera de montrer à  ces jeunes que nous avons largement dépassés cette période. Je parle ici de la violence en interne, entre membres de l’AEEM, mais il y a des actions de l’AEEM qui utilisent souvent la force pour faire entendre nos revendications. Par exemple dans nos grèves et nos marches, les étudiants sont souvent incités à  être violents. Car, par exemple, nous pouvons attendre jusqu’à  quatre à  six mois pour obtenir les trousseaux qui sont censés être donnés aux étudiants en début d’année, c’est inadmissible ! Si nos démarches sont pacifiques mais que ça ne donne rien, cela nous forcera à  être violent pour avoir ce que nous voulons. Si toutes nos revendications pouvaient être satisfaites pacifiquement, ce serait une fierté pour le syndicat et ça renforcerait notre bilan.

Votre élection à  la tête de l’AEEM s’est aussi déroulé dans un climat violent, qu’est-ce que votre mandat va changer pour rompre avec cette réputation de l’opinion publique, qui vous assimile plus à  un gang ou une mafia plutôt qu’à  une association d’étudiants ?

Merci pour cette question, je pense que les violences qui ont eu lieu au cours de cette élection, sont les séquelles de la lutte que nous menons depuis longtemps. Vous n’êtes pas trop dans le milieu pour comprendre quel camp défend quel camp, je m’appelle Abdoul Salam Togola, connu sous le nom Willy pour les intimes, qui parle du clan de Willy sur la colline de Badalabougou parle d’un clan qui est contre la délinquance à  l’école, contre les gens qui font rentrer les bandits à  l’école. Nous avons passé une année à  lutter contre l’autre camp et je pense que la violence autour de cette élection en faisait partie. Nous avons toujours tenté d’écarter ceux qui permettent aux bandits de s’ingérer dans les affaires des étudiants, c’était notre défi et ils savent que même après cette élection, un bandit n’aura pas sa place à  l’AEEM. Nous sommes engagés pour ça et j’ai confiance en ce bureau qui a été élu et je suis sure qu’avant la fin de l’année, les gens reconnaîtront qu’il y a une AEEM revendicatrice, mature et responsable.

Le système d’enseignement supérieur au Mali est en échec, on parle de corruption, de clientélisme, quelles sont vos solutions durant votre mandat pour y remédier ?

La lutte contre la corruption en espace scolaire et universitaire est un travail qu’on ne peut résoudre seul. Je pense qu’il faut une synergie d’actions entre tous les acteurs de l’université. je ne nie pas qu’aujourd’hui on parle des notes qui sont vendues et d’autres choses. C’est une réalité, mais je pense que lorsqu’il y aura une synergie d’actions entre les acteurs, notamment les étudiants et les professeurs qui donnent ces notes, pour que chacun comprennent qu’en vendant les notes, l’élève n’obtiendra pas le niveau requis et la qualité du travail du professeur sera mise en cause. Il faut que chacun prenne conscience que ces corruptions mettent les jeunes en retard, et qui si l’on n’est pas capable de former les jeunes il y aura des répercussions sur le marché de l’emploi et ce sera un échec pour l’étudiant, pour le professeur et pour l’administration scolaire.

N’est-ce pas aussi un échec politique ?

J’ai l’habitude de dire dans mes interventions que le problème de l’éducation n’est pas une priorité nationale. Je ne connais pas un pays où l’éducation ne fait pas partie des priorités du gouvernement. Nous étudiants, pensons qu’elle doit être inscrite dans les priorités de l’État. Même les parents d’élèves doivent aussi mettre la formation de leurs enfants dans leurs priorités, ils doivent s’y investir et s’il y a une défaillance au niveau des départements de l’éducation nationale c’est aux parents de les interpeller, et j’interpelle les parents, les autorités tout le monde, car on ne peut pas parler d’avenir pour un pays si la relève n’est pas bien assurée.

Quels ont vos relations avec les politiques, on a dit que l’AEEM était instrumentalisé par les politiques, d’ailleurs de nombreux anciens de l’AEEM sont devenus des politiques, à  l’instar de Moussa Timbiné ?

Les hommes politiques ont peur de l’AEEM parce que c’est une structure entièrement composée de jeunes, si l’AEEM t’apprécie peut-être que cela peut t’arranger. Si tu acceptes une collaboration avec l’AEEM en tant qu’homme politique, si tu fais une petite erreur, l’AEEM peut gâter ton image. Les hommes politiques même disent que nous sommes forts et ils ont peur de nous approcher. Le dénommé Moussa Timbine était secrétaire général de l’AEEM ici à  la FAST, son nom est même écrit sur l’acropole à  l’entrée. Dans l’AEEM, nous avons une commission scientifique des anciens secrétaires généraux que nous avons demandée pour faciliter les travaux lors des congrès et l’organisation des séminaires de formation. En tant qu’anciens, vu leur expérience dans ce mouvement, nous leur donnons souvent un mandat pour qu’ils essaient de trouver un climat d’apaisement ou de consensus entre les potentiels candidats du congrés. À€ ce niveau, aujour’hui le nom Moussa Timbine ressort beaucoup et je pense qu’il y a une ruse politique derrière cela. Il est clair qu’il a des adversaires politiques qui utilisent cela contre lui, cela fait 10 ans qu’il est lié à  l’AEEM, à  chaque congrés il est là , ils n’ont jamais parlé de cela avant. Nous n’avons rien à  avoir avec ces calculs politiques, Moussa était dans l’AEEM avant nous, c’est un grand frère et il y a beaucoup de politiciens dans cette commission à  savoir Amadou Koita qui est le président du parti Yélén Koura et qui opère à  l’opposition, que je sache les gens n’ont pas parlé de lui.

Quelles sont vos priorités d’action pour l’année 2016 ?

L’urgence c’est le problème de régularisation des trousseaux, c’est un problème sérieux. Nous avons remarqué que chaque année c’est les mêmes histoires qui ne sont pas résolues. Il faut aller à  la source du problème, l’année dernière nous avons dû, après la rentrée, rester 5 mois sans avoir le trousseau et c’est ainsi chaque année et nous voulons que ce problème soit résolu définitivement cette année. C’est pourquoi nous avons pensé à  la création d’un cadre de concertation et d’échanges entre l’AEEM, le Centre National des Oeœuvres Universitaires (CENOU), ceux qui traitent de la bourse, et les structures universitaires qui traitent des bases de données. Le Cenou a besoin des fiches pour pouvoir traiter. Nous allons diagnostiquer les problèmes et chercher des solutions. Nous avons aussi demandé la construction d’une bibliothèque dans les universités même s’il y en a dans toutes les facultés, ce ne sont pas des bibliothèques dignes de ce nom vue l’évolution de l’enseignement et le système licence master et doctorat (LMD) qui est en cours d’insertion dans les facultés, demande beaucoup de travail de l’apprenant et si cet apprenant n’est pas dans les conditions favorables pour le faire, est ce qu’il pourra jouer son rôle ? Nous voulons une bibliothèque dans les facultés, adaptée à  l’évolution du monde, pour que nous puissions pleinement jouer notre rôle dans notre formation. Nous voulons aussi préparer dès la 10e année les lycéens au système LMD et à  ses débouchés.