Régularisation de l’INFSS-CRM : la Croix-Rouge malienne donne des éclaircissements

Pour édifier l’opinion publique sur la situation de la régularisation de son Institut national de formation socio-sanitaire, la Croix-Rouge malienne a tenu un point de presse dans ses locaux  jeudi 1er septembre 2022.

L’Institut national de formation socio-sanitaire de la Croix-Rouge malienne (INFSS-CRM) fait partie des huit écoles privées de santé dont les étudiants avaient  été expulsés des salles d’examens qui s’étaient déroulées du 25 au 29 juillet dernier et interdites plus tard le 30 août dernier par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique « jusqu’à nouvel ordre » de toute activité de formation dans le cycle supérieur de santé.

Si elle a trois niveaux de formations à savoir la filière aide-soignant et celle des techniciens de santé disposant d’un arrêté de création N09-2540/MEALN-SG du 11 septembre 2009 et d’ouverture en 2013,  la troisième filière  licence professionnelle en science de la santé n’a pas pour sa part, à ce jour, d’autorisation d’ouverture. Mais ce n’est pas par faute de la Croix-Rouge malienne, à en croire les explications de Dr Sy Mariam Traoré, Directrice des études de l’INFSS-CRM.

« Depuis la note du Directeur général de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique adressée au président de l’Association des écoles privées de santé dont le contenu était de notifier que les établissements ne disposant pas d‘autorisation d’ouverture ne pourront plus présenter des candidats auxdits examens à venir, c’est-à-dire ceux de 2020, nous avons formulé la demande d’ouverture du niveau licence professionnelle en science de santé dont les premières demandes datent du 02 juillet 2020 et 09 septembre 2021 et avons fait un suivi régulier de ce dossier », a-t-elle expliqué.

C’est donc à « notre grande surprise » qu’on a fait sortir les étudiants des salles d’examen, a-t-elle poursuivi, alors que « selon nos informations il était convenu entre le ministère et l’Association que les établissements dont le traitement des dossiers pour l’autorisation d’ouverture était dans le circuit pouvait composer ».

Selon la directrice des études,  suite aux deux premières demandes au niveau de l’enseignement supérieur  il y’a eu un retour pour compléments de dossier auquel l’Institut a satisfait mais plus tard est intervenue une suspension du traitement des  dossiers d’ouverture d’école.

« Juste après nous avons encore reformulé la demande en mars 2022. S’il y a problème peut-être, c’est le circuit administratif », a-t-elle signifié.

Selon les éclaircissements apportés, la licence professionnelle est à sa cinquième promotion en 2022. Toutes les promotions antérieures ont été jusque-là admises à composer par l’Etat et les diplômes dont les premiers délivrés en 2017 l’avaient été par l’Etat.

«  Nous voulons lever l’équivoque parce que les gens peuvent penser que l’école de la  Croix-Rouge malienne n’a pas autorisation d’exercer mais il s’agit tout simplement de la filière licence. Et même là depuis 2017 nous étions en train de former et de faire des examens avec l’Etat où nos étudiants avaient plusieurs fois été premiers nationaux  », a précisé M. Nouhoum Maiga, secrétaire général de la Croix-Rouge malienne.

A l’endroit des parents d’élèves concernés par cette situation, qui sont 37 au total, pour le compte de l’INFSS-CRM, l’Institut appelle à la patience, affirmant les revenir dans un  « bref délai » pour leur proposer un « projet de sortie ».

Dr. Mamadou Moussa Traoré : « La Croix Rouge est neutre et impartiale, elle ne fait que délivrer le service humanitaire »

Le 20 août 2020 a marqué le 55ème anniversaire de la création de la Croix Rouge Malienne. A cette occasion, Dr. Mamadou Moussa Traoré, Secrétaire général de l’organisation, a accordé un entretien au Journal du Mali. Il y évoque entre autres  les grands moments du parcours de la Croix Rouge malienne depuis 1965, les différentes actions humanitaires menées et les perspectives d’avenir de cette structure indispensable dans le maintien du service humanitaire au Mali, la seule dont la fondation a été régie par une signature de l’Etat.

Quels sont les grands moments qui ont jalonné le parcours de la Croix Rouge Malienne?

La Croix Rouge Malienne a été initiée à la suite de la ratification des conventions de Genève le 24 mai 1965 par le  gouvernement du Mali. Ensuite a suivi la fondation proprement dite le 20 août 1965 comme une organisation de secours et d’appui aux communautés. A ce titre elle était chargée de mener des actions humanitaires dans le sillage de l’Etat. Dans ce sens on dit qu’elle est auxiliaire des pouvoirs publics.

La croix Rouge depuis 1965 jusqu’à aujourd’hui a poursuivi avec le maintien de cette mission humanitaire, soulager la souffrance des populations vulnérables et amener à améliorer leurs conditions de vie. De 1965 à 2020, cette mission s’est traduite en différentes étapes et sous différentes formes. Je rappelle que la Croix rouge malienne est membre du mouvement Croix Rouge-Croissant Rouge, donc membre d’une grande famille où les orientations politique, institutionnelles et opérationnelles sont données. Mais chaque société nationale est souveraine. La Croix Rouge malienne dans cette souveraineté a suivi le mode organisationnel du mouvement Croix Rouge mais a maintenu la spécificité sur le territoire malien.

Aussi, de 1965  jusque dans les années 2000, elle fonctionnait sur la base d’actions d’urgences en réponses aux besoins. Il  n’y avait pas une planification et les interventions se faisaient selon les besoins d’assistance. En cette période c’était surtout les urgences liées aux inondations, aux autres catastrophes naturelles et aux autres actions de contingences. A partir de 2004, la Croix rouge malienne a mis en place un plan stratégique. Le premier plan a commencé à être exécuté en 2005.

De 2005 à 2008, la Croix Rouge est rentrée dans l’organisation de ses activités à travers des plans stratégiques.  Mais avant cela, au titre de la gouvernance, notamment de l’organisation, la Croix Rouge malienne a vu son mode organisationnel changer. Au tout départ, il n’y avait pas d’administration. C’était une Croix Rouge dirigée par un Président qui gérait toutes les affaires à la fois. A partir de 2002, il y a eu l’affectation d’une administration proprement dite qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Quel bilan global faites-vous de vos actions sur le terrain ?

Nous sommes satisfaits parce que nous avons pu amener le service humanitaire aux communautés sur toute l’étendue du territoire national. Pendant la première phase, les interventions étaient ponctuelles mais l’accès dans toutes les régions n’était pas assuré. Avec la période de planification, il y a eu une couverture systématique de toutes les régions du Mali et Aujourd’hui, nous pouvons affirmer avec satisfaction qu’il y a  un comité Croix Rouge dans chacun de ses régions. Le service humanitaire est en train d’être donné de façon organisée à travers les projets et les programmes. Nous sommes passés  de l’action d’urgence typiquement à une action de relèvement et de développement. Aujourd’hui nous avons un partenariat diversifié qui nous a permis de faire cela. Nous touchons à l’ensemble des besoins liés aux problèmes de développement des communautés.

Qu’en est-il de vos grandes réalisations ?

Nous intervenons  dans le domaine de la santé notamment la santé maternelle, communautaire, de la reproduction, et  celle lié aux problèmes oculaires. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, nous avons effectué beaucoup d’aménagements agropastoraux, notamment des aménagements liés à la riziculture, à la culture du blé mais aussi des périmètres maraîchers pour permettre aux femmes de façon saisonnière d’entreprendre les activités. Nous avons réalisé des infrastructures comme des puits pastoraux et renforcé la résilience des populations face au changement climatique en adaptant de nouvelles techniques d’exploitation pour assurer leur subsistance. Dans le domaine de la migration, nous sommes la seule structure à intervenir dans le Nord du Mali.

A la frontière entre l’Algérie et le Mali, nous avons assisté des communautés migrantes pour les acheminer jusqu’à Gao. Nous avons apporté beaucoup de réponses en lien avec les déplacements des populations dus aux conflits. Nous aidons à promouvoir le droit international humanitaire au niveau des cibles potentielles mais nous formons également les communautés pour qu’ils assurent les relais. En 2012, lorsque la crise a éclaté, nous étions la première structure à apporter de l’assistance humanitaire à Kidal, Gao et Tombouctou et nous avons continué cela en apportant des vivres et des non-vivres. Nous avons également aidé à la construction des habitats pour le retour des communautés déplacées.

La Croix Rouge malienne a réhabilité beaucoup d’écoles, dans plusieurs régions. Elle a aussi agi spécifiquement dans la lutte contre  les mutilations génitales féminines notamment l’excision. Nous sommes la première structure, avant même la création du Programme national  de lutte contre l’excision, à intervenir dans ce domaine. Aujourd’hui, dans la lutte contre le coronavirus, nous avons agi en termes de sensibilisation des communautés et en termes de prévention et de protection en accompagnant les services techniques de l’Etat.

A quelles difficultés faites-vous face dans l’accomplissement de vos missions ?

L’ampleur des besoins est grande mais les ressources financières à notre disposition ne suffisent pas. Aujourd’hui nous sommes aidés par des sociétés nationales sœurs qui nous amènent l’argent et qui nous permettent à travers les projets de répondre aux besoins des communautés. Mais la capacité de mobilisation des ressources de  la Croix Rouge malienne elle-même est largement en deçà des besoins. L’Etat nous aide beaucoup dans certains sens parce que l’appui institutionnel et l’accompagnement  n’a jamais manqué de sa part. Ce partenariat est étroit entre nous mais en termes d’appui financier, les ressources ne sont pas à la hauteur des besoins.

Nous demandons donc à l’Etat d’élargir la manche sinon, comparé à ce que nous faisons comme activités et vu l’argent qui nous est affecté annuellement, nous sommes largement en deçà. La première difficulté pour nous alors est comment accéder aux ressources nécessaires pour couvrir l’étendue du territoire non seulement en termes géographique mais surtout pour répondre aux multitudes de besoins. C’est le premier défi à relever et avec un appui conséquent de l’Etat nous pouvons maintenir une réponse accrue. Concernant l’aspect physique sur le terrain, la croix Rouge est touchée au même niveau que les mêmes organisations.

L’emblème de la Croix Rouge est connu mais les péripéties sur le terrain ne résultent pas que de l’aspect politique. Il y a aujourd’hui l’appât du gain, les braquages, les vols de véhicules etc. L’insécurité est une réalité mais nous avons travaillé une approche qui permet d’assurer l’acceptation de la société Croix Rouge et ses services sur le terrain. La croix Rouge est neutre et impartiale, elle ne fait que délivrer le service humanitaire.

Quelles sont vos perspectives d’avenir ?

La Croix Rouge malienne est un héritage. Il doit être gardé jalousement. La Croix Rouge est d’abord forte de son partenariat avec l’Etat. C’est la seule structure humanitaire dont la fondation a été régie par une signature de l’Etat. Il y a un partenariat traditionnel et formel avec l’Etat qui la différencie des autres structures d’intervention. Pour les perspectives, la Croix Rouge malienne veut voir avec l’Etat comment développer ce partenariat existant et le formaliser. Tant qu’on ne met pas des cadres formels de collaboration signée, ce partenariat restera un challenge à relever. Par ailleurs, la Croix Rouge est un mouvement populaire qui est forte de l’adhésion des communautés. Nous en appelons à l’appui et à une adhésion accrue des communautés à la Croix rouge.

Nous lançons un appel de volontariat à tous les citoyens, sans aucune distinction, à aider la Croix Rouge malienne à mener son service humanitaire au bénéfice des populations. La Croix rouge ne doit pas vivre de la pitance, notamment des dons. Elle doit savoir développer elle-même des Activités génératrice de revenus. Elle doit s’adapter à l’évolution du contexte mondial, donc entamer une action économique pour qu’elle ait des ressources suffisantes. Le partenariat avec l’Etat peut garantir un montant mais il faut que la Croix rouge elle-même sache développer des stratégies de production de richesse et de ressources pour aider les communautés. La Croix Rouge malienne ambitionne aussi  de mobiliser  la jeunesse.

L’intelligence de la jeunesse doit rencontrer la volonté institutionnelle pour fonder un nouvel ’élan qui permettra de perpétrer l’action humanitaire. La Croix rouge est une organisation centenaire, elle doit être intégrée par la jeunesse pour rajeunir ses branches. Le nouveau plan stratégique de la Croix Rouge malienne va jeter les bases pour des actions humanitaires propres, autonomes, pertinentes et qui répondent aux besoins des communautés avec le maintien du service humanitaire sur toute l’étendue du territoire national.

Propos recueillis par Germain Kénouvi

L’État malien et le casse-tête du retour

Au plus fort de la crise qu’a connu le Mali de 2012 à 2013, plusieurs centaines de Maliens ont quitté leur localité pour se réfugier hors du pays, dans les pays limitrophes. Malgré tout, l’État tente de leur venir en aide, et de favoriser leur retour. Une politique qui n’est pour le moment pas un succès.

En octobre 2016, la Direction nationale du développement social (DNDS) dénombrait 135 954 réfugiés maliens répartis essentiellement en Mauritanie (42 867), au Niger (60 792) et au Burkina Faso (32 295), ainsi que 36 690 déplacés internes, concentrés surtout à Bamako Mopti et Gao. Les réfugiés étant par définition généralement des personnes qui ont fui leur pays, l’État a un champ d’actions limité, à cause des conventions internationales, explique-t-on à la DNDS. Cependant, « exceptionnellement, nous appuyons les réfugiés maliens au Niger et au Burkina Faso. Ils nous ont accordé ces faveurs car leurs partenaires avaient des difficultés, empêchant les aides. Pour garder contact avec nos réfugiés, nous avons signé des accords tripartiTEs avec le Niger, la Mauritanie et leurs différents services de l’UNHCR (Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés) », explique Abdramane N. Togora, gestionnaire de base de données à la DNDS. Selon lui, il est en fait difficile de savoir exactement la position des réfugiés. Certains déplacés font des allers-retours entre leur lieu de déplacement et leur lieu d’origine, et de nouveaux déplacements continuent d’être signalés, causés par les conflits intercommunautaires, l’insécurité et les affrontements entre groupes armés.

Retour volontaire « Le voyage de retour est volontaire et complètement pris en charge à hauteur de 35 000 francs CFA par réfugié. Nous mettons en place des programmes pour leur réinsertion sociale, à travers un formulaire de rapatriement volontaire et des appuis alimentaires », poursuit M. Togora. Actuellement, 55 539 réfugiés sont déjà revenus au pays. L’État et des ONG aménagent des sites allant de Douentza à Kidal (infrastructures, châteaux d’eau, écoles, centres de santé, etc.) pour leur nouvelle installation. Le ministère de la Solidarité prévoit également la réalisation de 31 sites d’accueils, sur lesquels 7 sont terminés et 9 en cours d’exécution. Sur l’ensemble du territoire, 28 points d’enregistrements au total sont en place pour l’identification et l’intégration des rapatriés, ainsi que des centres de formation à un métier.

À la Croix-Rouge malienne, des actions sont également menées en faveur des réfugiés. « Le service de rétablissement des liens familiaux est ce que nous faisons le plus. Les biens matériaux ne suffisent pas, ils ont besoin de retrouver leurs proches », explique Mme Touré Nènè Traoré, chargée de communication à la Croix-Rouge.