Dissolution des Conseils communaux : des enjeux « cachés » ?

En décidant de dissoudre certains conseils communaux et de les remplacer par des délégations spéciales, le gouvernement de transition assure vouloir mettre fin aux dysfonctionnements et insuffisances constatés dans certaines collectivités territoriales. Mais la démarche ne fait pas l’unanimité chez les politiques.

Le 24 janvier 2024, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a annoncé la dissolution des Conseils communaux de Kati, dans la région de Koulikoro, et de Zan Coulibaly, dans la région de Dioila.

Selon le ministre Abdoulaye Maiga, cette dissolution fait suite à un « constat de mauvaise qualité des services rendus aux populations, d’irrégularités, insuffisances et dysfonctionnements dans la gestion administrative, financière et comptable de ces collectivités ». En novembre dernier, le Conseil du District de Bamako et les Conseils communaux des Communes II et IV avaient été dissous pour les mêmes raisons.

Inquiétude des partis politiques

Si pour le gouvernement la dissolution de certains Conseils communaux s’inscrit dans la dynamique d’assainissement de la gestion des collectivités territoriales dans laquelle il s’est engagé depuis le début de la Transition, certains partis politiques dont les élus communaux sont directement concernés ne l’entendent pas de cette oreille.

Le parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, dont le maire Adama Bérété a été éjecté de la Commune IV, a d’ailleurs porté plainte en décembre devant le Tribunal administratif de Bamako contre le gouvernement pour « excès de pouvoir ».

Dans un communiqué daté du 27 octobre 2023, le parti Codem, de son côté, déplorait l’absence de transparence dans la désignation des collectivités territoriales concernées, s’interrogeait sur le suivi de la procédure légale en la matière et s’inquiétait aussi de la non dissolution des collectivités concernées au cas par cas.

Calcul électoral ?

Au-delà de l’ « abus de pouvoir » dénoncé et des inquiétudes exprimées par certains partis politiques, d’autres acteurs soupçonnent dans la mise en place de ces délégations spéciales une manière pour les autorités de transition de renforcer un peu plus leur pouvoir au niveau des communes, en y plaçant des hommes acquis à leur cause en vue des prochaines échéances électorales.

Des soupçons que l’analyste politique Boubacar Bocoum réfute. Selon lui, le fond de la question n’est autre que la mauvaise gouvernance des mairies dans les différentes communes. « Je ne pense pas qu’aujourd’hui le combat soit électoraliste. Il faut que la classe politique se ressaisisse. C’est par la faute des politiques que le système de mauvaise gouvernance s’est installé. Je ne suis pas d’accord pour qu’on accuse la Transition de renforcer son pouvoir ou de vouloir contrôler des élections ».

Mise en place de délégations spéciales : la CODEM s’inquiète

À l’issue du Conseil des ministres du 18 octobre dernier, le gouvernement a annoncé la mise en place de délégations spéciales dans certaines collectivités territoriales, suite aux dysfonctionnements, irrégularités et insuffisances constatés après des missions de contrôle et de suivi effectuées par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. À la CODEM, la pertinence « d’une telle décision à pareil moment » est mise en cause. Dans un communiqué daté du 27 octobre 2023, le parti de l’ancien ministre Housseini Amion Guindo déplore l’absence de transparence sur la désignation des collectivités territoriales concernées, s’interroge sur le suivi de la procédure légale en la matière et déplore la non dissolution des collectivités concernées au cas par cas, « seul préalable avant une telle décision, qui ne doit avoir aucun caractère global ». « Le parti CODEM suit avec beaucoup d’attention la mise en place desdites délégations spéciales, tout en souhaitant qu’elles soit faite avec objectivité et dans l’intérêt exclusif des collectivités concernées », précise le communiqué. Selon une source à la direction générale des collectivités territoriales, ces changements vont toucher les maires et conseillers communaux de Bamako notamment la Commune II, VI et le District. Les communes urbaines de Kayes, Ségou, Mopti, San, Bougouni, Kéniéba, Nioro du Sahel, Gao, Kita ainsi que certaines assemblées locales et régionales de ces localités.

Pour rappel, une délégation spéciale est une forme de gouvernance temporaire mise en place dans une municipalité ou une collectivité locale lorsque les organes normaux de gouvernance, tels que le conseil municipal, ne sont pas en mesure de fonctionner normalement. Cette mesure est généralement instaurée en réponse à une crise ou à des circonstances exceptionnelles qui empêchent le fonctionnement normal des institutions locales.