M5-RFP : La guerre des clans bat son plein

Le M5-RFP est au bord de l’implosion. Déjà diminué par le  départ de certains de ses cadres, réunis depuis au sein du M5-RFP Malikura, le mouvement continue de traverser des remous internes. Depuis  quelques semaines, deux tendances opposées à l’intérieur du Comité stratégique se battent pour son contrôle.

Le malaise interne au M5-RFP depuis plusieurs semaines a fini par se révéler au grand jour le 22 février 2024, lors de la réunion ordinaire hebdomadaire marquée par des invitées inhabituelles : les forces de l’ordre.

Si cette présence de la police à une réunion ordinaire du Comité stratégique n’a pas été du goût de certains membres opposés à la gestion du Vice-président Boubacar Karamoko Traoré, qui l’ont donc boycottée, pour les partisans de ce dernier elle est était justifiée.

« C’est parce que le Vice-président a reçu des informations selon lesquelles les jeunes se préparaient à venir le faire sortir de force qu’il a demandé à la police de venir sécuriser la réunion », confie un membre du Comité stratégique proche de lui.

Deux « Présidents » à bord

Suite aux évènements du 22 février, le Comité stratégique présidé par Boubacar Karamoko Traoré a décidé dans la foulée de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » certains membres dudit Comité pour, entre autres, la « gravité des incidents et des agissements » qu’ils ont posés lors de la réunion, les « atteintes graves à la cohésion et la violation de l’esprit d’union sacrée autour des idéaux du peuple malien portés par le M5-RFP » et « leur mépris à l’endroit des forces de l’ordre ».

Parmi les membres du Comité stratégique suspendus figurent entre autres le Coordinateur du mouvement EMK, Tiémoko Maïga, le Président du Pôle politique du consensus (PPC) et Porte-parole du M5, Jeamille Bittar, Paul Ismaël Boro, membre du FSD ou encore Ibrahim Traoré dit Jack Bauer, membre de la Coordination des jeunes du M5.

Mais ces derniers et d’autres membres du Comité stratégique issus de diverses entités ont également annoncé le 23 février avoir mis « un terme, avec effet immédiat, à la mission de Boubacar K. Traoré comme Vice-président du Comité stratégique du M5-RFP » et désigné « à titre d’intérimaire l’Imam Oumarou Diarra, 3ème Vice-président, en qualité de Vice-président du Comité stratégique jusqu’à  nouvel ordre ».

Pour le camp Traoré, la destitution du Vice-président est sans effet. « Ils ont tenté de destituer Boubacar Karamoko Traoré mais ils ne le peuvent pas. Non seulement ils n’ont pas la majorité, mais ils ne peuvent pas destituer quelqu’un étant suspendus », argue une source interne du Comité stratégique.

Mais, dans une déclaration en date du 26 février 2024 signée du Président par intérim désigné, l’Imam Oumarou Diarra, cette tendance du M5 a qualifié de « puéril, enfantin et dérisoire » le communiqué de « l’ancien Vice-président » portant  suspension de certains membres du Comité stratégique.

Elle a également demandé au Premier ministre, Président du Comité stratégique, de « sortir sans délai de son mutisme pour rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui »

Quête d’intérêts ?

À en croire des membres du Comité stratégique que nous avons approchés, la situation actuelle au sein du M5-RFP résulte de la quête d’intérêts personnels de certains. « Certains responsables du M5 qui étaient nommés comme chargés de mission dans certains ministères ont perdu leurs fonctions ces derniers temps. C’est eux qui sont en train de nourrir la protestation », accuse un membre du Comité stratégique proche de Boubacar Karamoko Traoré.

« Si vous regardez bien les visages, ce sont des gens soit qui ont été limogés, soit qui voulaient des postes ou des marchés, en plus de quelques jeunes qui demandaient à avoir du boulot mais qui n’en ont pas eu », appuie pour sa part un autre proche du Premier ministre.

Des accusations que Jeamille Bittar réfute. Lors de la lecture de la déclaration destituant le Vice-président, le Porte-parole du M5 a affirmé que ni les questions de poste ni les calculs politiques ne motivaient leur démarche.

Toutes nos tentatives pour avoir les versions de cette tendance sur les causes de la situation actuelle au sein du M5-RFP ont été sans suite. Elle prévoit une conférence de presse ce jeudi 29 février, où « aucune question ne sera taboue », assure M. Bittar.

Hamidou Doumbia : « nous partirons avec notre meilleur soldat »

Le parti Yelema et le M5-RFP Malikura ont signé le 4 décembre 2023 un partenariat « pour le renouveau politique au Mali ». Les deux entités se sont engagées à œuvrer ensemble sur plusieurs questions d’intérêt national, à quelques jours du 4ème Congrès ordinaire du parti Yelema, qui désignera son candidat à la prochaine présidentielle. Entretien avec Hamidou Doumbia, Secrétaire politique et Porte-parole du parti Yelema.

Pourquoi avez-vous opté pour ce partenariat avec le M5-RFP Malikura ?

Nous sommes à une phase importante de la vie de notre Nation et il est utile que les parti politiques qui prônent le changement et qui le disent travaillent à se mettre ensemble pour proposer une alternative. Il est important que nous puissions, en tant qu’acteurs politiques, nous positionner sur un certain nombre de sujets et donner des orientations et des conseils aux autorités de la Transition. Le partenariat est d’abord autour des idées, par rapport au sort qui doit être réservé à l’Accord pour la paix, aux questions de préservation et de renforcement de la démocratie, au respect de la Charte de la Transition…

Au-delà, est-ce le début d’une alliance politique électorale ?

Pour le moment, nous ne parlons pas d’alliance électorale, mais tout est possible. Tout peut advenir. Nous avons l’ambition de gouverner le pays. Il n’est donc pas exclu qu’à terme on envisage une alliance électorale, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Nous allons continuer à travailler ensemble sur les thématiques dégagées.

Vous vous opposez à toute candidature du Président ou des autorités de la Transition à la prochaine présidentielle. Pour d’autres, avec la promulgation de la nouvelle Constitution, la voie est dégagée…

Ce qui est certain, c’est que la Charte n’est pas tombée et qu’elle est toujours en vigueur. Si la Charte est toujours là, il est clair que tous ceux qui ont conduit la Transition ne doivent pas se porter candidats aux élections. C’est une question de bon sens.

Le parti a ouvert une procédure d’appel à candidatures pour la désignation du candidat à la présidentielle. Cela pourrait-il aboutir à une candidature autre que celle de Moussa Mara ?

Dès lors qu’on ouvre la candidature, tout est possible. Il est bien possible qu’il y ait une autre candidature que celle de M. Moussa Mara. Le processus est ouvert. Mais une chose est sûre, nous partirons avec notre meilleur soldat.

Quels sont les enjeux du Congrès du 23 décembre prochain ?

Les instances du parti seront renouvelées. Nous allons avoir un nouveau Bureau, avec de nouvelles orientations. Nous allons aussi avoir l’opportunité de choisir notre candidat pour l’élection présidentielle à venir. Nous allons également réfléchir à améliorer notre institution politique.

M5-RFP Malikura: 3 mois après sa création, le mouvement essaye de se faire une place

Lancée en août dernier, la nouvelle tendance du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (MR-Rfp) est figée sur ses prérogatives : militer pour l’amélioration de la situation sécuritaire et le redéploiement de l’État sur l’ensemble du territoire malien, la lutte contre la corruption et l’impunité ainsi que le coût de la vie. Estimant que les mêmes inquiétudes qui l’ont poussé à manifester contre l’ex Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) sont toujours présentes, le mouvement a appelé les autorités de la transition à changer de paradigme lors d’une conférence de presse ce mardi. 

Trois mois après sa mise en place, rien ne semble avoir changé pour le M5-RFP Mali Kura. Cette nouvelle tendance considère que, depuis le 3 août dernier, le « partenariat » noué avec les autorités militaires en mai 2021 souffre d’un « déficit de dialogue », qui a « nui à la mise » en œuvre de son projet pour le Mali. Il s’agit de l’arrêt de partage d’informations sur les enjeux majeurs de la transition. Notamment sur le retour de la paix et de l’administration sur l’ensemble du territoire national, la lutte contre la corruption et l’impunité dans la gestion des affaires publiques et la baisse du coût de la vie.

Selon le mouvement, la situation sécuritaire s’est sérieusement dégradée en 2022. Il souligne, entre autres, l’extension croissante des attaques des groupes armés terroristes, leur emprise dans les localités des régions de Ménaka et Tombouctou ainsi que la multiplication des déplacés internes dans le pays.

Sur le plan économique, « les prix des denrées de première nécessité ont fortement augmenté au cours des deux dernières années, pour de multiples raisons imputables à la crise mondiale, mais aussi à la relative inefficacité de l’État à réguler les comportements de certains opérateurs économiques », dénonce le collectif, selon lequel il urge que le gouvernement procède à un examen approfondi de cette question pour prendre toutes les mesures efficaces possibles afin de soulager les populations.

« Le M5-RFP est la force politique qui a créé les conditions de la chute du régime d’IBK, à travers la mobilisation massive du peuple malien contre sa mauvaise gouvernance », s’est exclamé Konimba Sidibé, Président du Comité stratégique M5-RFP Mali Kura. « À  ce titre, cette transition est la nôtre et nous voulons qu’elle soit la transition de rupture avec les mauvaises pratiques de gouvernance, pour gagner la lutte contre les groupes armés terroristes, restaurer la sécurité et la souveraineté de l’État sur toute l’étendue du territoire national et poser les piliers du Mali Kura, tant attendu par le peuple malien. Notre engagement et notre détermination restent totaux pour l’atteinte de ces objectifs », dit-il.

Dans cet élan, le mouvement a rencontré le Premier ministre par intérim, le Colonel Abdoulaye Maïga le 10 octobre dernier et exprimé le souhait de la libération « le plus tôt possible » des militaires ivoiriens détenus au Mali depuis le 10 juillet dernier, trouvant que leur détention est à l’origine d’une tension qui n’est bonne ni pour le Mali en situation de grande fragilité, ni pour la Côte d’Ivoire, ni pour la sous-région, confrontée à une grave crise sécuritaire et économique.

« Ce souci d’apaisement est une forte demande des populations maliennes, qui voient en la République de la Côte d’Ivoire un pays frère, où vivent 4 millions de Maliens, et un partenaire économique majeur du Mali », justifie le Président du M5-RFP Mali Kura.

En rupture avec le M5-RFP originel, où les relations étaient tendues notamment avec Choguel Kokkala Maïga, qui dirigeait le mouvement avant ses soucis de santé, le M5-RFP Mali Kura annonce vouloir être une force politique efficace de veille.