Moura : le gouvernement réfute et décide d’ouvrir une enquête contre l’ONU

Dans un communiqué lu à la télévision nationale le samedi 13 mai, le gouvernement de transition a dénoncé un «rapport biaisé, reposant sur un récit fictif ».  Les autorité de la transition réagissaient à la publication d’un rapport du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme faisant suite à une enquête menée dans le centre du pays. Ce document accuse l’armée et des combattants « étrangers » d’avoir tué plus de 500 personnes.

Le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement, a affirmé qu' »aucun ressortissant civil de Moura n’a perdu la vie pendant l’opération militaire », insistant sur le fait que les morts ne concernaient « que des combattants terroristes ». Dans le rapport, la mission d’établissement des faits a assuré avoir utilisé des images satellites. Le Colonel Maiga a expliqué « qu’en aucun moment, ni la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma), ni le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme ne lui ont adressé une demande d’autorisation pour prendre des images de Moura grâce à des satellites », soulignant qu’« en utilisant des satellites pour obtenir des images, sans autorisation et à l’insu des autorités maliennes, la Mission d’établissement des faits a effectué une manœuvre clandestine contre la sécurité nationale du Mali ». Par conséquent, « le Gouvernement décide d’ouvrir immédiatement une enquête judiciaire contre la Mission d’établissement des faits et ses complices pour espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, des crimes réprimés par le code pénal (Article 33 et 35), ainsi que de complot militaire, un crime réprimé par le code de justice militaire (Article 130), sans préjuger de la qualification des autorités judiciaires »

Moura : l’ONU accuse les FAMa et du personnel militaire étranger d’avoir tué plus de 500 personnes

Dans un rapport publié ce vendredi 11 mai 2023, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies, accuse l’armée malienne et des combattants « étrangers » d’avoir exécuté entre le 27 et le 31 mars 2022 au moins 500 personnes lors d’une opération de traque de terroristes à Moura.

Le rapport de la mission d’établissement des faits du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a conclu qu’il y’a de fortes indications que plus de 500 personnes aient été tuées par les soldats maliens et du personnel militaire étranger en mars 2022 au cours d’une opération militaire dans le village de Moura. D’après l’ONU, le rapport est le résultat d’une vaste mission visant à établir des faits menés durant plusieurs mois par le personnel des Nations Unies au Mali. Le rapport précise que les demandes d’accès au village ont été refusées par les autorités maliennes. La méthodologie se base sur des entretiens avec des victimes et des témoins, ainsi que des sources d’informations médico-légales et autres telles que l’imagerie satellitaire. Les Forces Armées Maliennes ont toujours démenti les informations portant sur des exactions commises sur des civils à Moura. C’est une opération assure-t-elle antiterroristes qui a permis de neutraliser au moins 203 terroristes. Dans le rapport publié ce vendredi, les pages 18 à 21 sont consacrées au déroulement de l’opération militaire menée par les Forces Armées Maliennes, avec des éléments des forces spéciales et appuyées par des personnels militaires étrangers. Pour Volker Türk Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, la tragédie de Moura pourrait constituer un crime de guerre.

Sur la BBC le 17 avril 2022, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop qui invite à dépolitiser la question des droits de l’homme a assuré qu’il n’y avait pas eu de massacre à Moura, fustigeant une « propagande occidentale ».

La question de Moura cristallise les tensions entre les autorités de la transition et plusieurs pays occidentaux. Quelques jours après l’opération, des ONG de défense des Droits de l’homme ont accusé l’armée d’exactions sur les civils. Mais des organisations locales se sont désolidarisés de certains des rapports produits dénonçant la méthodologie. « Nous nous sommes désolidarisés du communiqué de la FIDH, car nous avons des antennes à Mopti à Douentza et à Bandiagara et aucune ne nous a saisi pour des soupçons d’exactions de l’armée sur les populations civiles » a explique Me Moctar Mariko, président de l’association malienne des droits de l’Homme.

Le gouvernement n’a pas encore officiellement réagi au rapport de l’ONU mais ce nouveau document pourrait porter un coup dur aux relations entre les autorités et la MINUSMA alors que le renouvellement du mandat de la mission sera débattue le mois prochain.