GSIM – MSA : ce qui se joue derrière « l’alliance» de circonstance

Un peu plus de deux ans après sa dernière apparition, le chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda, Iyad Ag Ghaly, s’est montré dans une vidéo le 22 janvier dans la région de Ménaka. Selon plusieurs sources, il y était pour accepter l’allégeance de notables issus de tribus de la zone et membres du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Ce ralliement, qui conforte un peu plus l’ancrage Al-Qaïda dans la zone, pourrait affaiblir le MSA et présager de nouveaux combats contre le groupe État islamique.

Selon nos informations, ces nouveaux membres du GSIM sont des notables de la communauté Daoussahak de la région de Ménaka. Une communauté issue de la tribu Tamasheq géographiquement présente dans une grande partie de la région de Ménaka et une partie du cercle d’Ansongo.

L’État islamique au Grand Sahara Sahel (EIGS) mène une offensive dans la région de Ménaka depuis mars 2022. Cette offensive, qui a conduit à des affrontements armés avec le GSIM, a occasionné des attaques non seulement contre les civils daoussahaks mais aussi contre les groupes armés, dont le MSA.

Systématiquement ciblés par l’État islamique depuis mars dernier (plusieurs tués) ceux-ci auraient préféré s’allier à « l’ennemi de leur ennemi », le GSIM, pour se défendre contre ces attaques.

L’analyste sécuritaire Ibrahim Maiga expliquait dans nos colonnes en avril dernier que les divergences entre les Daoussahaks, qui constituent le fer de lance du MSA, et la communauté peul Tolebe, fortement représentée au sein de l’EIGS, alimentaient le conflit entre le MSA et l’EIGS, au-delà des querelles d’ordre idéologique entre les deux camps.

« Ces derniers mois, ils (la communauté Daoussahak, ndlr) ont été meurtris par les attaques des groupes djihadistes, en l’occurrence l’État islamique. Pour sauver leur tête ils ont adhéré au GSIM. Iyad Ag Ghaly serait dans la zone depuis un moment et ils ont profité de cette présence pour lui prêter allégeance », explique Abdoul Nassir Idrissa, journaliste de la région. Il précise que ce n’est pas l’aile politique du MSA, mais plutôt « des notables, des chefs de tribus et fractions qui se sentent chaque jour persécutés ».

Le MSA impacté ?

Cette allégeance d’anciens membres du MSA au chef du GSIM n’a que peu surpris. Mais elle aura plusieurs implications dans l’évolution de la dynamique des forces en présence sur le terrain dans cette zone en proie à des combats pour son contrôle depuis des mois.

« Iyad Ag Ghaly marque sa présence à Ménaka. On sait tous qu’Al-Qaïda y était présent, mais d’une manière très timide, et c’est à la faveur de la guerre avec l’État islamique que le groupe s’est impliqué de plus en plus là-bas, à cause des échecs des autres factions face à l’État islamique. C’est sa façon à lui de montrer qu’il est soutenu dans la guerre contre l’État islamique », analyse une source spécialiste des mouvements djihadistes.

Si le chef terroriste y gagne dans l’ancrage d’Al-Qaïda dans la région de Ménaka, le MSA en revanche risque de s’affaiblir et de voir son influence réduite sur le terrain. Selon Abdoul Nassir Idrissa, la jeunesse daoussahak, qui constitue la branche armée du MSA, pourrait le déserter au profit du GSIM et le MSA pourrait devenir une coquille vide.

« Ces notables vont donner la majorité des jeunes daoussahak du MSA au GSIM et donc à Iyad Ag Ghaly », craint-il, soulignant aussi que le ralliement aux groupes terroristes de certains membres des groupes armés pro-gouvernement va créer « d’autres situations plus compliquées » sur le terrain.

Combats en vue

En relative accalmie depuis quelques semaines, les combats entre le GSIM et l’EIGS dans les régions du Nord pourraient reprendre très prochainement. Ce qui justifierait le renforcement des rangs du GSIM, qui, tout comme le groupe rival, a perdu beaucoup de combattants.

Dans une lettre attribuée à l’émir du GSIM de la région de Tombouctou en date du 16 janvier, ce dernier demande aux habitants de la localité d’Acharane (10 km de Tombouctou) de quitter les lieux pour ne pas être des victimes collatérales lors d’éventuels futurs affrontements.

MSA : Un deuxième congrès pour de nouvelles orientations

Le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) tiendra son congrès les 14 et 15 mars 2020 dans la région de Ménaka. Créé en novembre 2016, le mouvement n’en sera qu’à son deuxième congrès. Le renouvellement des instances du groupe armé dirigé par Moussa Ag Acharatoumane ou encore l’orientation politique du mouvement seront débattues lors de la rencontre. En plus, de nouvelles perspectives qui seront dégagées. Plusieurs invités sont attendus pour participer aux assises du MSA. Dont la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), avec laquelle le MSA, affilié à la Plateforme, a eu plusieurs accrochages. Le 12 janvier 2020, les deux groupes, signataires de l’Accord pour la paix, ont ratifié une entente portant sur les arrangements sécuritaires dans la région de Ménaka. Depuis, un calme relatif règne dans la zone, même si elle reste sous la menace de l’État islamique au grand Sahara (EIGS). Ce congrès pourrait également être l’occasion d’aborder la gestion de la sécurité autour des élections législatives du 29 mars prochain. Dans un communiqué daté du 22 janvier 2020, la Coordination des mouvements de la Plateforme attirait déjà « l’attention du gouvernement sur le besoin de redéploiement rapide des forces de défense et de sécurité, ainsi que de l’administration, dans les régions du nord et du centre pour un bon déroulement de ces élections ».

Boubacar Sidiki Haidara

CMA et MSA-GATIA : la guerre des mots

Entre la CMA et le MSA-GATIA, la tension monte. Le 15 mai, le président  de la CMA à Ménaka aurait été enlevé par le MSA, puis relâché.  La CMA accuse, le MSA dément. Le même jour, des responsables du GATIA  du cercle de Gourma Rharous (Tombouctou) adhèrent au HCUA, membre de la CMA. Le GATIA  réagit.

Le 11 octobre 2017, plusieurs chefs de fraction ont démissionné du MSA, dont Siguidi Ag Maditt pour rejoindre le HCUA, membre de la CMA.  Un revirement que Moussa Ag Acharatoumane, l’un des fondateurs du MNLA et actuel secrétaire général du MSA ne digère pas, mais  considère de même  sans impact.

Le démissionnaire du MSA, Siguidi Ag Madit,  devenu président de la CMA à Ménaka a été enlevé le 15 mai 2018 alors qu’il sortait d’une mosquée. Le 2ème  adjoint au maire de Ménaka est aussi le chef de la fraction Idoguiritane de la communauté Daoussahak .

La CMA, dans un communiqué publié le lendemain informe que l’intéressé a été enlevé « par un certain Almahmoud Ag FANGAS, homme de main de Moussa Ag Acharatoumane ». Le communiqué poursuit : « cette montée verbale, suivi des enlèvements pourrait mettre à mal les relations déjà entamées entre la CMA et cette milice dans la zone de Ménaka. Les hommes de cette milice sont à leur énième fois de s’en prendre ouvertement à des populations pour leur appartenance à la CMA », accuse ainsi la coordination. La réponse ne s’est pas faite attendre. Le MSA, lui aussi, dans un communiqué dément ce qu’il qualifie d’ « allégations mensongères et honteuses  dictées par le HCUA ». Il rappelle que le contentieux qui a opposé Siguidi Ag Madit et Almahmoud Ag Fangas « a été réglé à l’amiable et en famille », excluant toute implication d’un quelconque mouvement.  Le MSA dit « condamner l’intimidation orchestrée par les groupes armés terroristes (GAT) à l’endroit des populations des régions de Ménaka, Gao et Tombouctou au profit du HCUA. » De même, il accuse le HCUA d’avoir assassiné deux de ses officiers,  et enlever puis massacrer plusieurs civils », soutient-il.

 CMA et GATIA : la discorde

Le 15 mai 2018,  des élus et notables du cercle du Gourma Rharous démissionnent du GATIA et adhèrent au HCUA. Dans le même communiqué du 16 mai, la Coordination des Mouvements de l’Azawad s’était réjouie de la nouvelle estimant que ce « retour n’est qu’une délivrance du joug du GATIA ». Par la même occasion, elle informe que « depuis un certain temps, des communiqués de certains responsables du GATIA affichent une rhétorique tendant à mettre à mal les accords du 20 septembre 2017 signés entre la CMA et la Plateforme », note la déclaration, appelant « à la retenue et au sens élevé de responsabilité. »

De son côté, le GATIA dans son communiqué du 16 mai,  dit prendre acte de cette  démission et  « informe que ces revirements s’opèrent en application des directives des Groupes Armés Terroristes, qui viennent d’arriver massivement dans le Gourma », réplique-t-il.  Il invite les acteurs du processus  de paix « de cesser de se voiler la face et à faire face à la réalité en dénonçant et combattant la collusion que certains mouvements signataires continuent d’entretenir avec les Groupes Armés Terroristes » conseille le communiqué.

La flambée de ses  échanges  est  indicatrice des divergences entre la coalition MSA-GATIA et la Coordination des Mouvements de l’Azawad.  Pour l’heure,  les différents mouvements appelle à sauvegarder les acquis et réaffirment leur volonté de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Ménaka : au moins 40 personnes tuées par des hommes armés

 

 

Les affrontements entre la coalition MSA/ GATIA et des groupes armés dans la région de Ménaka ne cessent de faire des victimes de part et d’autre. En 48 heures, 43 personnes de la communauté Daoussahak, étoffe principale du MSA,  ont été tuées par des hommes dans cette zone.  Terrorisme ou guerre communautaire ?

Dans l’après-midi du  vendredi 27 avril, plusieurs sources locales et  ainsi qu’au  près du Mouvement pour le Salut de l’Azawad  font état de 31 personnes  tuées de la communauté Daoussahak dans la région de Ménaka  près d’Infoukaretane, non loin de la frontière nigérienne.  L’évènement  a eu lieu dans la localité de Wakassa où des hommes armés  ont  abattu dans un campement un  nombre important de civiles. « Il y a douze personnes qui ont été tuées hier à Aklaz vers Anderanboukane et  31 autres  aujourd’hui   à Wakassa », confirme Mohamed Ag Albachar, porte-parole du MSA. La communauté ciblée, les Daoussahak , sont l’âme même du mouvement que dirige Moussa Ag Acharatoumane, le MSA . En coalition avec le Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA), les deux groupes  affrontent depuis des mois des groupes dits ‘’terroristes’’ ou ‘’criminels’’ sévissant dans cette zone entre la frontière malienne et nigérienne. Ils ont maintes fois sollicité l’aide de la communauté internationale et du gouvernement malien pour faire face à leurs ennemis.  La force française Barkhane les a finalement ralliées dans la lutte. Des bombardements et des renseignements ont été décisifs dans les récents affrontements meurtriers  à l’ouest de Ménaka.

Accusée d’exactions sur 93 personnes dans plusieurs localités de la région, l’un des dirigeants de cette coalition, notamment Moussa Ag Acharatoumane a démenti instantanément le directeur de la division des droits de l’homme de la MINUSMA, auteur des révélations, Guillaume N’guefa.  Pour le secrétaire du mouvement, le combat qu’ils mènent vise  des ‘’criminels’’ et se refuse de le qualifier autrement. Il avait aussi avancé qu’il s’agissait de défendre leur communauté de ces genres d’attaques barbares.

Toutefois, le contentieux existant entre la communauté Daoussahak et celle des peuls dans cette partie pourrait être aussi la cause de tous les débordements.  Une thèse,  même si écartée jusque-là  par certains, reste très plausible. «  C’est la mafia qui opère le long de la frontière avec le Niger. Il y a une rencontre entre  toutes  les communautés de la zone frontalière, organisée par   l’ONG HD, à Niamey. Je pense que  l’objectif est de la saboter », suppose le porte-parole du MSA. De tout temps, ces responsables du mouvement n’ont  qualifié ceux avec qui ils sont en guerre  ni des terroristes ni des djihadistes.

Dans un communiqué  datant du 27 avril, le MSA dit condamner ‘’ avec la plus grande fermeté les crimes de masse perpétrés par des criminels sanguinaires, sans foi ni loi contre des populations civiles IDAKSAHAK sans défense. ‘’  Il invite par cette occasion la division de droits de l’homme de la MINUSMA et les autres organisations du même domaine à mener des enquêtes pour situer les responsabilités.

Le contexte sécuritaire complexe, avec la présence de l’émir de l’Etat islamique dans le Grand Sahara qui s’appuie sur un recrutement local complique davantage une issue heureuse à la situation.  Une certitude, le sang n’a pas fini de couler dans cette nouvelle région qui aspire pourtant à la paix et au développement.

 

 

Talataye : Vivre dans la peur

Depuis une dizaine de jours, la commune rurale de Talataye, une localité isolée située dans le cercle d’Ansongo, est en proie à de vives tensions. Terrorisme ou conflit interethnique, enjeu sécuritaire et jeux d’intérêts entre groupe armés, ont installé un climat délétère dans cette commune, restée longtemps dans le giron de la CMA et qui vit depuis des années comme repliées sur elle-même.

En ville, quand ils sortent, les gens ne s’attardent plus, le marché de Talataye d’habitude très fréquenté qui attire les samedi, forains, éleveurs et commerçants des alentours, comme du Niger et de l’Algérie a désempli, la peur et l’incertitude ont gagné la population depuis l’attaque par des hommes armés non-identifiés, le 2 février dernier, du village voisin d’Inwelane, qui a fait 4 victimes, dont l’imam de la mosquée pris en otage puis égorgé par les assaillants. La présence d’un important contingent du Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA ) épaulé par le GATIA ( Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés ), qui ont pris en chasse ces hommes armés qualifiés de djihadistes, au lieu d’amener la sécurité et l’apaisement semble avoir exacerbé les tensions. « Le MSA, après avoir pourchassé les présumés djihadistes, est revenu en armes à Talataye quatre jours plus tard. Ils nous ont dit que ceux qui ont attaqué Inwelane étaient des djihadistes et qu’ils avaient été guidés par des gens de Talataye. Ils cherchaient 5 personnes, mais ils ne les ont pas trouvées, car la plupart des hommes apeurés ont quitté le village ne laissant que les femmes et les enfants. C’est là que le harcèlement, les arrestations et les violences ont commencé et ont duré 3 jours », confie amèrement ce commerçant, affecté psychologiquement et qui songe depuis ces événements à quitter la commune. Pour le MSA, dans cette localité où l’on tient à la mosquée des prêches rigoristes, où on contraint les femmes à ne pas se rendre au marché et à se vêtir convenablement, la proximité de certains habitants avec les djihadistes ne semblait faire aucun doute.

Pourtant, dans la commune, bien que l’on ne sache pas réellement qui sont les assaillants, la thèse d’une attaque commise par des éléments djihadistes ne convainc pas vraiment. Les regards se tournent plutôt vers Inwelane où quelques semaines auparavant un éleveur peul a été assassiné et son bétail volé par des hommes armés du village, un état de fait loin d’être rare dans la zone.

Djihadistes ou conflit interethnique ?

« Les gens d’Inwelane et de Talataye appartiennent à la même communauté, les Daoussahak. La majorité des combattants du MSA viennent du village d’Inwelane et ils sont tous armés là-bas. Les gens de Talataye ont désapprouvé l’assassinat de ce Peul, ils en ont même appelé à la justice pour dire qu’ils ne veulent pas de ça chez eux, qu’ils ne veulent pas de problème avec d’autres communautés, une position qui n’a pas vraiment été appréciée à Inwellane. Je pense que cette attaque était surtout un règlement de compte. Si le MSA préfère dire que ce sont des terroristes, c’est peut-être qu’en disant cela ils pensent pouvoir obtenir un soutien du gouvernement ou de la communauté internationale», affirme cet habitant de la commune sous anonymat.

Un avis partagé par Salah Ag Ahmed, le maire de Talataye : « Je ne peux pas dire que ceux qui ont attaqué Inwelane sont des terroristes. Mais ils étaient majoritairement composés de Peuls et malheureusement les gens, dans l’ignorance, considèrent que tous les Peuls sont avec les terroristes. Quand les gens ont appris qu’un Peul avait été assassiné et volé, ils ont tout de suite su qu’il y aurait une réaction et ça n’a pas tardé », explique-t-il.

En dehors de cette attaque qui semble être à forte connotation ethnique, un autre enjeu, en forme de bras de fer, oppose la population de Talataye au MSA : la sécurisation de la commune, dans laquelle le mouvement armé aimerait implanter un poste de sécurité.

Sécurité et jeux d’intérêts

À Talataye, on voit d’un très mauvais œil l’installation d’une force armée dans le village, qui pourrait remettre en question la paix relative qui règne dans la commune. « La population de Talataye était en parfaite entente avec tous ses voisins, l’arrivée d’un groupe armé va créer plus de problèmes. S’il y a des attaques, la population dans sa grande majorité préfère que ce soit résolu d’une autre manière que par la force, parce qu’avec la force des représailles s’ensuivront. », soutient le maire de la commune. « Je n’ai aucune confiance dans les groupes armés, car ils sont comme les terroristes, ils ne suivent aucune loi, ils font ce qu’ils veulent », assène cet autre habitant.

Reste que la commune de Talataye demeure une zone convoitée par les groupes armés car elle est en quelque sorte une plaque tournante entre l’Algérie et le Niger. Le marché y est très important d’un point de vue économique et ces retombées conséquentes pourraient permettre à ces groupes de financer certaines de leurs activités. « C’est une zone qui a longtemps échappé au contrôle des mouvements armés qui sont vers Ménaka, le GATIA et le MSA , ça devient même un défi pour eux de la contrôler », explique Salah Ag Ahmed

« Moussa Ag Acharatoumane, le Général Gamou, Alghabass Ag Intalla, ils sont tous venus à Talataye, ils ont fait des réunions avec les responsables de la localité. ils veulent avoir leur part dans la gestion de la commune, car c’est une zone importante. Je pense que la population préférerait être sécurisée par le HCUA ( Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ) puisque le maire est de ce mouvement. Il habite à Kidal et vient très rarement ici. Il doit certainement y avoir une rivalité entre la CMA ( Coordination des mouvements de l’Azawad ) et le MSA pour contrôler la zone », ajoute cet élu d’un village voisin.

À Talataye, un des villages où le drapeau du MNLA ( Mouvement national de libération de l’Azawad ) a flotté pour le première fois avant même l’éclatement de la rébellion, cette question de la sécurisation de la commune a pour le moment engendré un statu quo. Le MSA est parti avec armes et bagages, en début de semaine, en direction d’Indelimane, mais la population sait déjà qu’ils reviendront. La gestion de cette petite localité du cercle d’Ansongo reste un enjeu pour ces groupes armés qui ne semblent considérer la population que comme un faire-valoir à sécuriser, posant par la même des questions qui pour le moment restent sans réponse : peut-on protéger une population contre son gré ? et qui protégera cette population de ses protecteurs ?

Ménaka : Le MSA se désagrège

Il y régnait un calme quasi-exceptionnel, mais, depuis quelques semaines, la région de Ménaka tombe dans l’insécurité, avec des affrontements entre le MSA et des groupes armés vers la frontière nigérienne. Ces affrontements ont créé une fissure au sein du mouvement, avec la démission, le 11 octobre dernier, de  certains chefs de fractions de la communauté Daoussahak, au profit du HCUA, membre de la CMA. L’un d’eux, Siguidi Ag Madit, de la fraction Idoguiritan, a expliqué au Journal du Mali les raisons qui les ont poussé à faire ce choix.

Quels sont les chefs de fractions qui ont démissionné du MSA pour le HCUA ?

Le maire de la commune  d’Inekar, Almahmoud Ag Hamad Taha ; Alhassane Ag Afoya, ancien Président du conseil de cercle de Ménaka ; le marabout Hamad Ehya Ag Alwafi,  Rhissa Ag Mahmoud, chef de la fraction Tabhaw, et moi-même, chef de la fraction Idoguiritan, la plus grande fraction de la région de Ménaka, avons décidé de démissionner du MSA avec nos fractions.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter le mouvement ?

La principale raison est directement liée à Moussa Ag  Acharatoumane, le chef du MSA. Quand il y a eu les affrontements entre la CMA et le GATIA, il avait dit que nous, les Daoussahaks, n’étions pas concernés et qu’il faut que nous ayons notre propre un mouvement. C’est ce que nous avons fait. Almahmoud Ag Hamad Taha et moi étions les seuls à le soutenir, ce jour-là. Depuis, il n’a fait que prendre des décisions sans nous consulter, il n’y a pas eu un seul jour où il nous a appelés pour  que nous prenions des décisions ensemble. Une de ces décisions nous a causé tous les problèmes du monde.

Laquelle ?

Quand il est allé au Niger, nous avons appris qu’il avait signé un accord pour combattre les Peulhs et les Arabes. Depuis, ces communautés nous font la guerre et nous n’avons pas les moyens de nous défendre. Il nous a aussi mis en guerre avec  les Imajaghans, dont le chef traditionnel est le député Bajan Ag Hamatou. Tous ces affrontements nous ont affaiblis et maintenant nos populations ne peuvent plus retourner chez elles, car les Daoussahaks ont tué un nombre important de Peulhs. Je n’ai jamais vu une telle catastrophe arriver à Ménaka. Ce problème-là nous préoccupe au plus haut niveau. C’est la paix que nous voulons. Il  ne va plus nous mettre en guerre contre les autres.

Quand Moussa est allé au Niger, qu’est ce qu’il a signé exactement ?

Nous avons appris qu’il nous avait engagés, nous, les Daoussahaks, dans une guerre contre les Peulhs pour aider à combattre le MUJAO, alors que le MUJAO est en guerre contre les forces étrangères. Si nous nous mettons en travers du chemin du MUJAO, il nous chassera de notre terroir. Le MSA ne peut plus faire face à ces gens-là, il ne peut plus nous protéger. Les  déplacés et les morts dont vous entendez parler, c’est à cause de cela.

Donc, ces Peulhs qui vous combattent font partie du MUJAO ?

Moi je ne sais pas vraiment. Je sais seulement que ce sont des Peulhs et des Arabes. Nous cohabitions ensemble paisiblement mais maintenant ils nous font la guerre à cause de ces décisions.

Quelles seront les conséquences de votre démission pour  le MSA ?

Je ne sais pas, mais nous ne sommes plus d’accord avec le leadership de Moussa. On ne peut plus tolérer que des gens d’ailleurs viennent travailler à Ménaka puis nous laissent. Moussa Ag Acharatoumane ne prenait que des personnes originaires de Talatayte (commune d’Ansongo – NDLR), pour tout ce qu’il faisait, et personne parmi nous, à Ménaka.

Vous étiez auparavant au MNLA. Pourquoi avoir choisi le HCUA?

Oui, c’est vrai, nous étions au MNLA. Notre engagement était avec le MNLA car c’est là-bas que nous étions et avions combattu. Mais nous ne nous sommes rendu compte de notre choix qu’après avoir déjà donné notre parole au HCUA. En même temps, il se trouvait que c’est avec Alghabass Ag Intallah (chef du HCUA – ndlr) que nous étions en contact. Nous avons intégré le HCUA aussi pour nous protéger de toutes ces guerres. Ce n’est pas pour l’argent ou autre chose.

Qu’espérez-vous de ce ralliement à la CMA ?

On n’aurait jamais dû quitter la CMA, surtout au moment où il y a eu des avantages,  avec l’Accord de paix. Le MSA n’est pas un grand mouvement, comme la CMA et la Plateforme. Nos enfants n’auront pas de place dans l’intégration, ni de  travail. C’est pour cela aussi que nous avons pris cette décision.

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed : « Je m’engage pour le changement »

Militant de la première heure du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), Abdoul Wahab Ahmed Mohamed, âgé de 27 ans, est devenu le président de l’Assemblée régionale de Ménaka, neuvième région administrative du Mali.

Dans la nuit du 22 au 23 février, le gouvernement du Mali et les groupes armés du nord ont établi la liste des présidents des autorités intérimaires, conformément à la conclusion de la réunion de haut niveau qui s’était déroulée le 10 février à Bamako. La région de Ménaka sera présidée par un jeune cadre du MSA, en la personne de Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed. Celui dont l’installation se déroule ce 2 mars, devra ramener la sécurité et s’atteler à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. C’est un jeune très dynamique qui s’est toujours montré disponible pour la cause des populations, qui sont dernière lui pour l’aider à bien mener son action », déclare Abdoulaye Ag Ahmed, un habitant de Ménaka. Ce touareg de la tribu Idaksahak, natif d’Inekar dans la région de Ménaka et titulaire d’un DEUG de droit (Faculté des sciences juridique et politique de Bamako), est un partisan du vivre-ensemble. Il prend fonction dans un état d’esprit positif, et sa connaissance de la région et des communautés qui y vivent devraient l’aider.

Objectif développement Abdoul Wahab Ahmed Ag Mohamed est convaincu qu’avec l’installation des autorités intérimaires, les relations intercomunautaires ou inter-mouvements vont aller en s’améliorant. « À mon poste, il s’agira d’œuvrer pour la cohésion sociale  entre toutes les composantes communautaires de la région. Il est difficile de consolider la paix sans le minimum de développement, et l’une de mes premières priorités sera de faire marcher l’éducation, de redynamiser les structures de santé, et de promouvoir les installations hydrauliques », explique le nouveau président. Les tensions nées suite à la nomination des présidents des assemblées régionales ? Il pense qu’elles disparaîtront en impliquant toutes les parties. « L’espoir d’une paix durable est là, les mouvements ont réaffirmé leur engagement pour la mise œuvre de l’Accord, il ne reste qu’à les mobiliser pour atteindre les objectifs », ajoute-il. Malgré son jeune âge, les difficultés de la tâche n’effraient pas celui qui est connu comme agent de terrain des ONG ACTEDE et GARDEL, pour lesquelles il a mise en place un programme alimentaire en 2013 et 2015. Même si la situation évolue dans le bon sens, selon sa propre analyse, on peut parier qu’il aura fort à faire dans les prochains mois, notamment pour asseoir son autorité.

 

 

 

Moussa Ag Acharatoumane : pour une cohabitation pacifique entre les populations

L’homme qui fut le numéro 2 du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et un membre influent de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), avant de créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) en septembre 2016, s’est prêté aux questions de Journal du Mali pour une interview exceptionnelle sur les scissions et les évolutions au sein de la CMA.

Quel était l’objectif de votre récent séjour en France et en Suisse ?

J’étais à Paris pour expliquer la nouvelle dynamique de la naissance du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), ses objectifs et ses projets d’avenir, et ce qui m’a poussé à créer ce mouvement. Il s’agissait de reprendre contact avec tout mon réseau en France et en Suisse.

Quel est le regard de ces pays sur votre mouvement ?

Le MSA est très bien vu par une bonne partie de ceux qui suivent de très près l’évolution des mouvements politico-militaires dans la zone de l’Azawad parce qu’il s’inscrit dans une nouvelle dynamique intéressante, qui n’embarrasse pas beaucoup de monde à cause de son caractère non-indépendantiste. Il s’inscrit dans le cadre de l’accord d’Alger, qui suit la logique de ramener la paix, la cohésion sociale et surtout apporter la sécurité et le développement pour les populations. Tout ce que le MSA est en train de faire à Gao et à Ménaka, c’est de poser des actes concrets au-delà de venir à Bamako. Il faut sortir des discours de positionnement qui ne font pas avancer. Le plus grand défi du MSA c’est de permettre à la population de cohabiter ensemble sur tous les plans. Nous essayons aussi de nous hisser au-dessus des contradictions telles qu’elles existent entre la CMA et la Plateforme, souvent liées à de problèmes d’ordre tribale ou de ceux liés au trafic de drogues.

Qu’est-ce que le retrait de la CMA des instances du Comité de suivi de l’Accord (CSA) augure pour le futur selon vous ?

Ce communiqué pouvait se justifier à un moment donné parce qu’effectivement les choses n’avançaient pas du tout. Mais, il est arrivé à trois ou quatre jours d’un autre communiqué de la CMA, qui réaffirmait sa participation aux patrouilles mixtes et à la mise en œuvre de l’Accord. Ce nouveau communiqué était signé par Algabass Ag Intalla, qui venait de prendre la tête de la CMA, alors que l’autre était signé de Bilal Ag Chérif, trois jours avant. On a donc l’impression qu’il y a une contradiction dans ces deux positionnements. De mon point de vue, il y a une part de vérité dans ce communiqué, le fait que l’Accord n’avance pas. C’est une réalité qu’on ne peut pas nier. La responsabilité est aussi partagée, même si la paternité de la mise en œuvre de l’Accord revient au gouvernement. Il faut que le gouvernement revoit sa stratégie dans la mise en œuvre de l’accord. Beaucoup des mesures prises par les autorités n’avancent pas, notamment la mise en place des autorités intérimaires, les patrouilles mixtes et les nouvelles commissions. Aujourd’hui, l’inclusivité contenue dans l’Accord, n’est pas une réalité sur le terrain. À l’intérieur du gouvernement, il y a des têtes politiques qui prennent des décisions par rapport aux affinités sans tenir compte de l’ensemble des acteurs.

Il est question de démarrer les patrouilles mixtes sans la CMA. Cela peut-il fonctionner selon vous ?

Je ne pense pas que les patrouilles mixtes puissent apporter les résultats escomptés en l’absence de toutes les parties. La CMA, qu’on le veuille ou pas, est une partie importante dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Mais la réalité est que la CMA est très divisée à cause des problèmes à l’interne. Ce sont ces problèmes qui empêchent malheureusement cette organisation de répondre à tous les engagements qu’elle a pris précédemment. Cependant, l’expérience nous a montré que si une partie ne répond pas au rendez-vous, on peut démarrer la machine en attendant. C’est ce qui s’est passé lors de la signature de l’Accord et j’ai l’impression que la même chose va se répéter.

Les divisions actuelles au sein de la CMA sont elles dues au duel de leadership entre Bilal Ag Chérif et Algabass Ag Intalla ?

Il s’agit là de deux personnages très différents. Bilal Ag Chérif est un jeune très instruit qui a une vision assez précise de beaucoup de choses. Ce qui n’est malheureusement pas le cas d’Algabass Ag Intalla qui n’est pas instruit, mais qui a une expérience politique avérée. C’est vrai qu’ils ne sont pas d’accord sur tous les sujets, mais je ne pense pas pour autant qu’il y ait une rivalité entre les deux. Ils ont plutôt intérêt à s’unir, car beaucoup de choses gravitent autour d’eux qui ne marchent pas forcement à leur avantage. Cependant, on constate que dans les démarches politiques que les uns et les autres font, il y a une différence. Quand Bilal était à la tête de la CMA, on constatait une certaine constance et une certaine continuité malgré les résistances. Il est plus diplomate contrairement à Algabass.

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec ces deux leaders ?

Aujourd’hui je suis dans une posture de rassembler les gens, je ne coupe jamais contact avec quelqu’un. Mais, il faut reconnaître qu’un fossé s’est créé entre nous depuis la naissance du MSA que certains n’ont pas compris et que d’autres ont du mal à accepter. Ce qui ne nous empêche pas de s’appeler et d’échanger.

La CMA est-elle affaiblie par votre départ ?

Même si elle n’est pas affaiblie, elle a quand même pris un coup dur parce que ce sont des communautés, tribus et régions entières qui lui ont tourné le dos, en l’occurrence celles de Ménaka, Tombouctou et Gao. Le constat est aujourd’hui que, depuis notre départ, elle n’a gagné aucune bataille. Le MNLA et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) sont réfugiés à l’intérieur de Kidal, ils ne contrôlent rien à l’extérieur.

Va-t-on vers un éclatement de la CMA ?

On est aujourd’hui en pleine recomposition interne au sein de cette organisation. La CMA est une coordination d’un ensemble de mouvements, de communautés et de personnages qui n’ont pas forcément les mêmes visons sur un certain nombre de choses. On peut dire qu’il y a deux branches de la CMA : celle de Kidal avec le MNLA et le HCUA, et celle de Ménaka, Gao et Tombouctou constituée du MSA, du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), de la Coalition des peuples de l’Azawad (CPA) et de la Coordination des mouvements forces patriotiques de résistance (CMFPR2). Aujourd’hui ces deux courants ne parlent pas le même langage, parce que quand nous avons signé l’Accord, malheureusement, la légalité de la signature est restée entre les mains de nos anciens mouvements. Les nouveaux mouvements ont certes une légitimité à la base mais pas la légalité de signature de l’Accord que les autres amis ont signé à notre place.

Comment vous imaginez-vous dans les deux ou trois ans à venir sur plan politique ?

Pas mal de gens ont leur regard braqué sur moi et depuis un certain temps le contact est assez fluide. Les gens sont très contents du travail qu’on est en train de faire qui s’inscrit dans le cadre de la vision et de l’intérêt de l’État. À cause de notre travail beaucoup de gens, même de l’extérieur, disent que Ménaka est devenue la région pilote de la mise en œuvre de l’Accord, parce que c’est la seule région où l’on trouve la fluidité entre tous les mouvements, sans problèmes. Quand à ma personne, aujourd’hui, j’évolue positivement dans le paysage politique dans ma région locale qui est Ménaka. Au plan national, j’ai des relations avec pas mal d’hommes politiques à Bamako. Aujourd’hui, je suis dans une posture qui m’amène à faire forcément de la politique dans les années à venir. Mon souhait le plus ardent est de contribuer à ramener la paix et la quiétude à la population du nord du Mali. Et si je peux apporter quelque chose de positif au plan national je serais ravi de le faire.

 

Accord de paix : l’inclusivité de gré ou de force

Le MSA, la CPA et le CMFPR2, se sont fendus d’un communiqué, jeudi 15 décembre, qui acte d’une profonde fracture avec la CMA, au moment ou le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et les patrouilles mixtes sont en plein préparatifs à Gao, où les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt à participer.

Depuis octobre dernier et le décret de nomination des autorités intérimaires, rien ne va plus entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les petits mouvements qui la composent, poussant le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR2) à entrer en dissidence et à bloquer la mise en œuvre de l’Accord de paix, car ils ne sont pas pris en compte dans les instances prévues dans l’Accord d’Alger.

Le communiqué conjoint résultat de la session extraordinaire, entre ces 3 mouvements, qui s’est déroulée, hier, jeudi 15 décembre, semble enfoncer le clou et être la preuve que les tractations engagées entre les différents mouvements sous médiation du gouvernement et de la communauté internationale, n’ont menée à rien. « Conscients du refus persistant de la CMA de Kidal d’imposer l’inclusivité à l’Accord par sa volonté irrecevable d’étendre son hégémonie à toutes les régions du Nord. Nous informons l’opinion nationale et internationale que nous opposons un refus catégorique à toute application exclusive de l’Accord, notamment en ce qui concerne les patrouilles mixtes, les autorités intérimaires et autres organes et/ou instances prévus aux termes de l’Accord d’Alger », indique le communiqué. Pour Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA, cette déclaration commune ne ferme pas la porte définitivement à la CMA : « La fracture n’est pas totale mais c’est un message pour la CMA, la médiation et le gouvernement, pour leur indiquer de faire les choses comme il faut », explique-t-il.

Néanmoins le communiqué ajoute que, « Tous les recours possible seront mis en œuvre y compris la force jusqu’à notre prise en compte intégrale ». Au sein de cette alliance de mouvement, ont reconnaît exercer une certaine forme de pression pour que les choses avancent. « La CMA est très divisée et doit régler ses problèmes et ses contradictions en interne avant toute chose. Elle prendra conscience que l’inclusivité est la porte de sortie, mais ça ne sera pas facile en réalité, parce que les acteurs sont trop opposés sur pas mal de sujets », poursuit le secrétaire général du MSA, dont le mouvement fait toujours partie de la CMA. « Il faut résoudre ce problème rapidement sinon ça va envenimer la situation et incontestablement perturber l’accord », prévient-il.

MOC : c’est toujours le blocage

Malgré les déclarations affichant la bonne volonté de part et d’autre pour le démarrage du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), le processus demeure léthargique. En cause, la situation des sous-groupes au sein de la CMA et la prise charge des éléments devant participer aux patrouilles à Kidal.

Aujourd’hui, à Bamako, c’est le doute.  Le Mécanisme opérationnel de coordination, un pilier essentiel de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, a du plomb dans l’aile. Le démarrage des patrouilles mixtes, aura-t-il bel et bien lieu d’ici la fin d’année 2016 ? Impossible aujourd’hui de l’affirmer. Tout récemment, le commandant de la force onusienne au Mali, le général Michael Lollesgaard, en fin de mission, a fait le point sur les différentes rencontres et a tiré un bilan contrasté des cinq séances de travail qui ont été marquées par une série de blocages, notamment au sein des groupes armés signataires de l’Accord. « Nous sommes les principaux fournisseurs d’hommes pour l’opérationnalisation du MOC. Mais constatons qu’au niveau de la CMA, les choses se traitent de manière incorrecte et chaque fois que nous remettons les problèmes sur la table, on nous demande d’aller régler ces problèmes entre nous. Je représente cinq mouvements et aujourd’hui, on pas la possibilité de mettre nos hommes au niveau des différentes commissions. Et tant que nous ne ferons pas parti du système, ça n’ira pas loin », explique Younoussa Touré, vice-président de la CMFPR2 et membre du CSA. Pour encourager les groupes armés qui s’estiment lésés dans la nomination des membres des différentes commissions, la 13ème session du comité de suivi avait mis en place un groupe de travail, sous la présidence du Haut représentant du président de la République, afin de permettre le lancement effectif de la période intérimaire, notamment l’installation des autorités intérimaires et l’opérationnalisation des unités du MOC à Gao et à Kidal, le 10 décembre 2016 au plus tard. À deux jours de l’expiration de ce délai, rien ne semble bouger. « C’est toujours le statu quo, le délai imparti à ce groupe de travail qui était de cinq jours est dépassé. On va certainement attendre la 14ème session qui se tiendra du 19 au 20 décembre prochain pour voir clair », commente un membre du CSA.

Entre dogme et pragmatisme « Tout ce blocage n’est pas lié aux différends. Il y a aussi la programmation budgétaire. Pour l’instant, seuls les combattants retenus pour les patrouilles à Gao, sont budgétisés », explique un cadre de la MINUSMA. Cependant, certains groupes armés, à l’instar du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), se sont engagés dans une patrouille mixte avec la Plateforme et les forces armés maliennes (FAMA) dans la ville de Ménaka et ce, dans un rayon de six kilomètres autour de la ville. La décision de cette patrouille à laquelle le MSA participe aurait été prise par les acteurs présents dans la région. « Cette patrouille est pour le MSA, une nouvelle occasion de manifester comme toujours sa volonté inébranlable à s’investir pour un renforcement de la sécurité et de la cohésion sociale, gages de la construction d’un véritable chantier de paix et de stabilité nationale », souligne un communiqué du mouvement. « Nou avons devancé le MOC, car on a besoin de sécurité pour nos populations, nos biens et notre région. Le MOC prend trop de temps et il y a trop de contradictions entre les acteurs alors que pendant ce temps nos populations souffrent de l’insécurité. C’est pourquoi nous avons décidé, à Ménaka, de nous mobiliser pour réduire ce fléau. On se met en route, l’Accord va nous trouver sur le chemin », explique Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA. Les raisons du blocage sont donc multiples : d’un côté, il y a les problèmes entre les mouvements armés, de l’autre les problèmes entre les mouvements, le gouvernement et la médiation. « On ne sait plus par où commencer et avec quels moyens.  Nous sommes face à deux courants idéologiques, et pour faire avancer l’accord, soit on est pragmatique, on fait comme les Ménakois et on avance, soit on est dogmatique et les pauvres populations souffrent quotidiennement pendant que les réunions sont interminables à Bamako », conclut-il.

 

Autorités intérimaires : le ministre Mohamed Ag Erlaf sur la sellette

L’écrasante majorité de la CMA se sent exclue du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, à travers la mise en place des autorités intérimaires censées garantir le retour à une paix durable dans les régions du nord. Un doigt accusateur est pointé sur le ministre l’Administration territoriale, de la décentralisation et la réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf pour avoir validé une liste non consensuelle de la CMA.

De sérieuses menaces planent sur le la mise en place des autorités intérimaires. En plus des réserves formulées par certains partis politiques sur la fiabilité de l’opération, il y a lieu de remarquer que la CMA, signataire de l’Accord, est aujourd’hui divisée sur la question. Une frange importante de cette coordination accuse le ministre Mohamed Ag Erlaf de partialité et de manque de neutralité dans cette affaire interne de la coordination.

À travers un compte rendu télévisé du conseil des Ministres extraordinaire du vendredi 14 octobre dernier, le peuple malien apprenait l’adoption par le gouvernement, sur proposition du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, de la validation de la liste des membres devant être nommés pour les autorités intérimaires. Une liste taillée sur mesure par certains mouvements qui composent la CMA, en l’occurrence, le MNLA et le HCUA. C’est du moins l’avis des responsables des trois autres mouvements de la coordination à savoir la CPA, la CMFPRII et le MSA. Selon les conférenciers, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA, Pr Younoussa Touré, premier vice-président de la CMFPRII et Mohamed Zeïni du MSA, la liste validée par les soins du ministre Ag Erlaf prouve, en effet, son esprit partisan face à un rendez-vous aussi sérieux et capitale pour le retour de la paix. « Nous avons été surpris de cette attitude d’un ministre du gouvernement qui connaît toute la réalité de la situation et qui a toutes les informations lui permettant de prendre des décisions idoines pour gérer la situation », explique Mohamed Ousmane. Selon lui, quelque soit l’urgence du moment, la stabilité du pays et la cohésion nationale doit toujours primer. Pour les autres responsables présents, les listes ainsi validées par le ministre Ag Erlaf n’engagent personne ni à Tombouctou, Ménaka, Taoudenit et Gao. « Nous ne pouvons pas continuer à sacrifier le bonheur de ce pays et des populations pour un homme. Le ministre Ag Erlaf doit savoir aujourd’hui que le Mali n’est pas une région et qu’une région ne peut pas gérer d’autres régions, et encore moins un mouvement gérer la CMA.

Les listes proposées sont venues de Kidal d’où il est originaire et ont été établies par le MNLA et le HCUA », expliquent-ils. Pour eux, l’actuel ministre est trop impliqué et concerné par les affaires de la CMA. « Il doit de se ressaisir et garder sa neutralité et son impartialité vis-à-vis des mouvements qui composent la CMA, étant donné qu’il est ministre de la République », souligne Youssouna Touré de la CMFPRII. « Nous ne voulons pas que la volonté d’autres personnes dont nous ne maîtrisons pas l’agenda s’impose à nous. Si les listes ne seront pas revues, la CMA ne fera ni le DDR, ni le cantonnement encore mois les patrouilles mixtes. Les 200 combattants fournis par la CMA dans le cadre des patrouilles mixtes ne seront pas présents à Gao, parce qu’ils appartiennent en partie à nos mouvements. L’accord dont il est question, ne peut être mis en œuvre par des autorités intérimaires imposées », assènent ces 3 leaders des mouvements.

Les conférenciers ont aussi précisé avoir alerté la quasi-totalité des parties impliquées dans le processus de paix, dont le chef de file de la médiation, l’Algérie, ainsi que le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, sur le danger du non-respect du principe de l’inclusivité prônée par l’Accord.