CPI : Ahmad al Faqi devra 2,7 millions d’euros pour les destructions de mausolées de Tombouctou

La Cour pénale internationale (CPI) a déclaré jeudi qu’un jihadiste malien avait provoqué pour 2,7 millions d’euros de dégâts en faisant détruire en 2012 des mausolées de la cité historique de Tombouctou, dans le nord du Mali, et ordonné des réparations pour les victimes, les premières pour destruction de biens culturels.

« La chambre ordonne des réparations individuelles, collectives et symboliques pour la communauté de Tombouctou, reconnaît que la destruction des bâtiments protégés a causé de la souffrance aux personnes à travers le Mali et la communauté internationale et estime M. Mahdi responsable pour les réparations à 2,7 millions d’euros », a déclaré le juge Raul Cano Pangalangan.

Le Touareg Ahmad al Faqi al Mahdi a été condamné en septembre dernier à neuf ans de prison pour avoir « dirigé intentionnellement des attaques » contre la porte de la mosquée Sidi Yahia et neuf des mausolées de Tombouctou, classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco et détruits à coups de pioche, de houe et de burin.

Né vers 1975, il était un membre d’Ansar Dine, l’un des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d’être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France. Il était chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs.

Toutefois, étant donné l’indigence du jihadiste, la Cour encourage le Fonds au profit des victimes, organe indépendant mis en place par le statut de Rome, traité fondateur de la CPI, à « compléter les réparations ordonnées » et lever des fonds à cette fin.

Créé en 2004, le Fonds, qui reçoit des contributions volontaires versées par les gouvernements membres de la CPI, d’organisations internationales et de particuliers, devra présenter d’ici au 16 février un projet de plan de mise en oeuvre des réparations.

« Une goutte d’eau »

Alors que l’Unesco a achevé à l’été 2015 la restauration à l’identique de quatorze mausolées détruits, la CPI a souligné l’importance des biens culturels « uniques (qui) revêtent une valeur sentimentale ».

« Leur destruction porte un message de terreur et d’impuissance, annihile une partie de la mémoire partagée et de la conscience collective de l’humanité et empêche celle-ci de transmettre ses valeurs et ses connaissances aux générations futures », a affirmé le juge.

Selon Luke Moffett, du centre des droits de l’homme de l’Université Queen’s de Belfast, ces réparations « donnent l’espoir que, tandis que tous les biens culturels ne peuvent être restaurés, les gens et la culture peuvent renaître des cendres et des décombres pour perpétuer leur patrimoine pour les générations futures », a-t-il remarqué dans un communiqué.

Mais pour la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), c’est une « étape insuffisante dans la poursuite des crimes commis à Tombouctou ». « Ce jugement est une goutte d’eau par rapport à ce qu’il s’est passé en termes de violation des droits de l’homme », a réagi auprès de l’AFP Kyra Wigard, membre de la délégation permanente auprès de la CPI.

Et cette ordonnance ne doit « pas faire oublier les autres crimes commis à l’époque dans la ville et qui doivent aussi être jugés », a ajouté le vice-président de la FIDH Drissa Traoré, dans un communiqué.

« Se relever »

Trois catégories de préjudices ont été identifiées par la Cour de La Haye: « l’endommagement des bâtiments historiques et religieux attaqués, les pertes économiques indirectes et le préjudice moral ».

Les réparations collectives doivent permettre à la communauté de Tombouctou de « se (relever) des pertes financières et du préjudice économique subis, ainsi que de la détresse affective ressentie ».

Les personnes dont les sources de revenus dépendaient exclusivement des bâtiments attaqués ainsi que les descendants des défunts dont les sites funéraires ont été endommagés doivent, quant à elles, bénéficier de réparations individuelles, jugées prioritaires par la Cour.

En termes de réparations symboliques, la CPI a ordonné le versement d’un euro à l’État malien et à la communauté internationale représentée par l’Unesco et suggère « l’édification d’un monument ou une cérémonie de commémoration ou du pardon ».

La Cour a également exigé la publication en ligne des excuses faites par M. Mahdi à l’ouverture de son procès l’été dernier, les jugeant « sincères, sans équivoque et empreintes d’empathie ».

Il s’agit de la seconde ordonnance de réparations dans l’histoire de la Cour fondée en 2012, après celle rendue en mars suite au procès de l’ancien chef de milice congolais Germain Katanga.

CPI : Neuf ans de réclusion criminelle pour Al Mahdi

La cour pénale internationale a reconnu coupable ce mardi 27 septembre,  Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Les juges l’ont condamné à une peine d’emprisonnement de neuf ans. Il comparaissait devant le parquet pour destruction de sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.

La sentence se voulait exemplaire, elle l’a été. Accusé d’avoir détruit neuf des seize mausolées de Tombouctou et d’avoir cassé la porte secrète de la mosquée de Sidi Yahia, Al Mahdi devra purger une peine de neuf ans de prison.

Un jugement historique

C’est bien la première fois qu’un djihadiste est jugé par la CPI. Ses actes qualifiés de crime de guerre par la procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, devaient être sévèrement punis et servir d’exemple à tous ceux qui voudraient faire pareil, toujours selon la procureur.

Les faits remontent à 2012. Le Mali alors en pleine crise sécuritaire, voit arriver sur son territoire des bandes affiliées à des nébuleuses terroristes. Parmi elles, Ansar Dine, la plus connue. Le condamné, à l’époque chef de la Hisbah, la brigade islamique des mœurs, aurait ordonné et participé à la destruction des mausolées à coup de pioche et de houe.

Arrêté puis transféré par le Niger à la fin de l’année 2015 à la CPI, son procès s’est ouvert le 22 aout dernier. Lors de sa première comparution, c’est un Al Mahdi résigné qui s’est confondu en excuses devant les juges. « Votre honneur, j’ai le regret de dire que tout ce que j’ai entendu jusqu’à présent est véridique et reflète les évènements » confirmait-il après l’énoncé des charges retenues à son encontre. « Je me tiens devant vous dans cette enceinte plein de remords et de regrets continuait-il avant d’ajouter avoir céder à la pression : J’étais sous l’emprise d’une bande de leaders d’Al Qaida et d’Ansar Dine, j’ai cédé devant eux comme à une tempête de sable », a-t-il justifié.

La condamnation de ce terroriste repenti est une grande avancée pour la défense du patrimoine, même si le procès laissera un goût amer aux ONG : Al Mahdi est le seul djihadiste ayant fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour les exactions commises pendant l’occupation du Nord-Mali à avoir été condamné à La Haye. Aucun autre «crime de sang» ne fait l’objet d’une procédure à ce jour.

Procès Al Mahdi à la CPI: fin des audiences, verdict attendu le 27 septembre prochain

Le procès d’Ahmad Al Mahdi devant la CPI s’achevait le mercredi 24 Août 2016 dernier après trois jours d’audience. Le jugement et la peine de ce malien poursuivi pour la destruction de plusieurs mausolées à Tombouctou en 2012 lors de l’occupation jihadiste seront prononcés le 27 septembre 2016.

Toutes les parties se sont exprimées  le 24 août passé . Les débats ont porté sur la peine à infliger à ce Jihadiste. Comme Al Mahdi a plaidé coupable, le procureur a requis entre 9 et 11 ans de prison, conformément à un accord passé avec la défense. Parallèlement accusation et défense ont voulu convaincre les juges que les 9 à 11 ans requis seraient une sentence appropriée, alors que la peine maximale encourue par Al Mahdi est de 30 ans.

« C’est un juste équilibre », a estimé le procureur. Un équilibre entre d’un côté, la gravité du crime, l’impératif d’apaiser les victimes et la nécessité d’un jugement dissuasif face à la multiplication des atteintes aux biens culturels dans le monde ; et de l’autre, les circonstances atténuantes propres à l’accusé. « Sa collaboration avec l’enquête, ses aveux et ses excuses doivent être pris en compte », a-t-il souligné.

La gravité des faits, le rôle de monsieur Al Mahdi, son intention, son profil militent pour une peine qui reflète pleinement sa culpabilité et qui soit aussi de nature dissuasive. Une peine qui rende justice aux victimes.
La défense, elle, a présenté l’image d’un intellectuel honnête, qui voulait bâtir sur ses convictions, mais qui, pris dans des circonstances exceptionnelles, a fait une grave erreur qui l’a finalement amené à détruire les mausolées. « S’il demande pardon, c’est qu’il sait qu’il s’est dévoyé, il faut lui accorder une présomption de sincérité », a plaidé Me Gilissen.

Si on est capable de reconnaître sa culpabilité, d’aider à la recherche de la vérité, oui, il y a place pour une forme de repentir et une manière de réduire la peine, dans des mesures extrêmement raisonnables. Ajoute Jean-Louis Gilissen.
Une sincérité dont doutent les victimes, d’autant que les excuses arrivent tard et « profitent à l’accusé », a souligné leur représentant. Face au sentiment d’humiliation et d’anéantissement, « les mots seuls ne peuvent suffire » a insisté Maitre Kassongo.
La réalité est que les victimes prennent mal l’aveu de monsieur Al Mahdi. Certaines pensent même que l’aveu de culpabilité ne sert que le responsable de ce crime. « J’en témoigne, parce que j’en reviens. Toutes les victimes sont remontées. rassure l’avocat Kassango.
Deux visions s’opposent :
à crime historique, sanction exemplaire, a plaidé Me Kassongo, Et Me Gilissen a lui mis en garde contre la justice pour l’exemple et demandé une peine à la mesure de l’homme et des circonstances.
A Bamako, les Maliens s’étonnent de la rapidité de ce procès historique pour eux.

Le procès du djihadiste Amahd Al Faqi Al Mahdi est déjà terminé. Abderamane Ag Mohammed, un habitant de Tombouctou, arrivé à Bamako il y a quelques semaines, est déçu. Le procès ne lui a pas apporté les réponses qu’il espérait. « Si on peut nous expliquer un peu plus, qu’on puisse comprendre. Bien. Mais finir le procès, comme ça, aussi vite. Les accords, c’était quoi ? On aimerait bien en savoir un peu plus. J’aimerai bien comprendre pourquoi il s’est retrouvé dans al-Qaïda et quelle est la raison exacte, et pourquoi ils ont fait tout ce qu’ils ont fait. »
Pour Alpha San Chirfi, le gardien du mausolée Alpha Moya de Tombouctou, le fait qu’Al Faqi Al mahdi ait plaidé coupable a clairement influencé l’accusation. Mais même si la peine est réduite, c’est un mal pour un bien, dit-il.
« L’accusation, il me semble, a été beaucoup influencée par son attitude de plaider coupable. J’ai eu l’impression qu’il y a déjà une espèce de clémence de l’accusation. Peut-être pour inciter les autres à venir, ceux qui sont prêts à collaborer. Parce qu’il y a des gens qui regrettent leurs actes mais qui ont peur de la rigueur de la justice. »
La rapidité du procès est en partie dû à l’accord passé entre la défense et l’accusation. Une diminution de la peine en échange d’une reconnaissance de culpabilité.