La plateforme Anté abana reste mobilisée

C’est à travers un meeting que la Plateforme Antè Abana, opposé au projet de réforme constitutionnelle, a réagi à l’annonce faite la veille par le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. Dans une allocution à la nation ce 18 août 2017, le président de la République a annoncé qu’il décide de surseoir « à l’organisation d’un référendum sur la révision constitutionnelle », « (…) en considération de l’apaisement du climat social ».

« Une décision politique courageuse qui a soulagé tout le monde », note Mr Soumana Kalapo, 4ème vice-président de la plateforme Antè A bana. La marche initialement prévue par son mouvement ce 19 août 2017 a donc été transformée en un meeting. « Un meeting pour féliciter le président de la République et tous les militants qui ont participé à la mobilisation », ajoute Mr Kalapo.

Une décision « accueillie favorablement » par la majorité présidentielle, qui considère qu’elle contribue aussi « à l’apaisement du climat social », selon le ministre Me Baber Gano, membre de cette majorité.

S’il s’agit « d’une victoire du peuple », selon les partisans du non, le camp du oui y voit la « fin d’une incompréhension ». L’objectif est donc de donner une nouvelle chance à ce projet de révision dont le but est de « corriger les insuffisances de la constitution de 1992 », tout en permettant au Mali de « tenir ses engagements », à travers des concertations qui permettront aux Maliens de se retrouver. selon Me Gano.

S’ils évoquent tous une victoire, pour plusieurs acteurs de la plateforme Antè Abana, il ne s’agit que d’une étape. Car beaucoup espèrent que ce mouvement né « de façon spontanée », soit désormais un organe de veille citoyenne.

Pour les défenseurs du oui, « l’intérêt du sursis au référendum c’est d’ouvrir un cadre de concertation large afin de s’entendre sur l’essentiel », selon Me Gano.

Si elle ne revendique pas l’homogénéité d’autres organisations plus structurées, la plateforme An tè Abana souhaite tout de même maintenir, la dynamique née avec ce mouvement. Pour que quelque soit « le pouvoir en place, le mouvement de veille puisse se lever et dire non lorsqu’il y a danger pour la patrie », poursuit Mr Kalapo.

Pour les futures décisions à prendre, la plateforme Antè Abana entend se prononcer lors de la prochaine assemblée générale de la structure ce 21 août 2017.

Ibrahim Boubacar Keïta : président mal aimé ou mal compris ?

Depuis des semaines, l’opposition politique et populaire au projet de révision de la constitution, semble avoir considérablement érodé la cote de popularité du président. Au fur et à mesure que la rue gronde au son des partisans du Non, la figure présidentielle semble en prendre un coup, et quand la riposte s’organise, les éléments de langage : « désamour », « haine » « attaque » et les propos agressifs de certains ministres, loin de susciter l’accalmie, clivent et divisent le population malienne sommée de prendre parti pour le Oui ou pour le Non, pour ou contre le président. Cette communication politique non-maîtrisée, autour d’un sujet aussi sensible, à un an de l’élection présidentielle, risque d’abîmer encore plus l’image du président, qui peine à faire imprimer durablement son action politique dans l’opinion publique.

« Aujourd’hui, il est clair qu’IBK est très impopulaire, vous avez sûrement appris que dans un quartier où il passait, il a été hué ? », interroge ce membre de la Plateforme An té A bana Touche pas à ma constitution, en marge de la grande marche des partisans du Non, le 15 juillet dernier. « Chez nous, Maliens, un chef d’État qui se fait huer c’est le summum de l’impopularité », ajoute-t-il.

Parmi les slogans scandés par les manifestants, demandant le retrait pur et simple du projet de constitution, on pouvait aussi en entendre d’autres, adressés directement au chef de l’État : « IBK démission ! IBK dégage ! », preuve que ces manifestations en faveur du Non à la révision constitutionnelle, sont devenus petit à petit un réceptacle de toutes les frustrations, un pot-pourri des mécontentements qui se sont agglomérés avec la loi référendaire. « Une réforme constitutionnelle a toujours soulevé partout dans le monde des partisans et des détracteurs. On l’a vu à Dakar, en Côte d’Ivoire, partout dans le monde », souligne le ministre Baber Gano, secrétaire général du Rassemblement pour le Mali (RPM), parti au pouvoir, qui considère que cette réforme est nécessaire. « Ils ont inventé des arguments qui ne sont pas contenus dans la constitution. Il s’agit de rancoeur, de rancune et d’une haine envers le président. Mais IBK a su préserver son image, il a accepté toutes les critiques, souvent très extrémistes, voire injurieuses, il s’est comporté en vrai homme d’Etat. Quand tout ça se calmera, son travail de chef d’Etat continuera », assure le ministre des Transports.

Popularité en berne Il en avait suscité pourtant de l’amour ce candidat à la présidentielle. L’homme qui pouvait sauver le Mali, porté aux plus hautes fonctions par 77 % des suffrages, un score inédit dans le pays, qui a surpris tout le monde, à commencer par ceux qui ne l’avaient pas vu venir, ses adversaires, tous issus de la même génération politique, amis d’hier, et qui se pensaient favoris. « Est-ce que vous voyez le mal que cela a pu leur faire quand celui qui n’était pas dans leurs calculs est venu les gouverner ? Ils ne veulent pas attendre qu’il finisse son mandat, il faut le torpiller pour montrer qu’il est incapable », lance Badara Aliou Sidibé, chef de cabinet au Conseil économique et social, confortablement assis dans un fauteuil de son bureau à Koulouba.

C’est à Koulouba justement, au palais présidentiel, une bulle où les bruits du pays remontent difficilement, que le nouveau président va connaître un bref état de grâce en 2013, stoppé net par l’acquisition de l’avion présidentiel et l’affaire des marchés de l’armée. A Koulouba, sans des canaux fiables capables de remonter les humeurs du pays, la réalité du terrain s’estompe. « Il faut aussi reconnaître que le président IBK, c’est quelqu’un d’inaccessible, il l’a toujours été. C’est un chef, tout le monde n’a pas accès à lui. Il y a des ministres qui ne voient IBK que lors du Conseil des ministres. Au RPM, au bureau politique national, certains ne l’ont pas vu depuis très longtemps », explique ce collaborateur de la présidence de la République, sous couvert d’anonymat.

Aujourd’hui, cette image de président déconnecté du pays, dont les actions ne satisferaient que 46 % des Maliens, selon le sondage Mali-Mètre de mars dernier, et qui s’obstine dans un choix que beaucoup disent ne pas comprendre, lui colle à la peau. A l’international, le président suscite de plus en plus de réserves quant à sa capacité d’être à la hauteur des enjeux. « IBK ne voit pas le peuple dans cette opposition au référendum, il voit des adversaires qui veulent se comparer à lui, qui veulent montrer qu’ils sont les chefs : Tiébilé Dramé, Madame Sy Kadiatou Sow, Modibo Sidibé, etc. Ce sont eux qu’il voit et pas le peuple malien, c’est pour cela qu’il est en déphasage », observe ce chroniqueur de la scène politique malienne.

Au RPM, les partisans du président se sont lancés avec zèle dans la bataille, reprenant en éléments de langage les paroles formulées par le président, au risque de desservir ce dernier. « C’est une communication élaborée et dirigée de manière maladroite. Quand vous entendez un membre du RPM dire que c’est « une haine » qui vise le président, ça créée un malaise. C’est une grosse erreur d’appréciation », commente ce spécialiste français en communication politique, qui considère que ce type de communication peut potentiellement amener à des situations de pure confrontation.

Objet communicant non-identifié Pointés du doigt, les communicants du président, qui ne maîtrisent pas vraiment ce domaine et n’ont pas réussi, depuis son accession au pouvoir, à élaborer une stratégie de communication politique efficace valorisant l’homme, ses idées et ses actions, abîmant par là-même son image. « La communication du président fait partie du problème. On sent un passage en force, on sent un mépris de tout ceux qui peuvent avoir une autre position. C’est nous le pouvoir, nous allons l’imposer. Ce sont des invectives, des menaces. Quand vous entendez le langage des dirigeants de ce pays sur les antennes nationales, c’est incroyable ! », s’exclame Soumana Kalapo, syndicaliste et membre de la Plateforme An té A bana. Pour ce chroniqueur politique, il y a aussi une certaine crainte à aborder le chef de l’État sur ses sujets. « Je ne connais pas un conseiller en communication qui ose taper à la porte du président. Je n’ai pas vu de gens autour de lui assez responsables pour aller lui dire « on est en train de foncer dans le mur, il faudrait vraiment faire une ouverture et voilà l’ouverture qu’on peut faire. Il faut une personnalité qui pourra lui parler, lui exposer sincèrement l’État de la situation ».

Reste que cette communication « artisanale » se traduit dans l’opinion par une perte de crédibilité évidente, une image dégradée auprès des Maliens et un manque de visibilité de son action. « Il y a tellement de choses qui sont passées inaperçues que finalement on peut se dire qu’il n’y a rien. Les militaires le disent, ce qu’il a fait pour l’armée, en 50 ans d’indépendance, aucun président ne l’a fait. Moi je sais que le tableau n’est pas totalement noir, même si le bilan n’est pas reluisant. Il a fait des choses mais ce n’est pas forcément perceptible ici à Bamako. À l’intérieur du pays, le peuple croit encore à IBK », affirme ce militant du RPM.

Le sursaut ? A un an jour pour jour de la prochaine élection présidentielle, le temps semble court pour le président candidat à sa succession, qui devra mettre les bouchées doubles pour inverser la vapeur. « Tout ce qui se passe créée des sympathies pour nous et diminue, à mon avis son électorat. Le régime doit faire attention et se souvenir que les Maliens qu’il menace et maltraite aujourd’hui sont des électeurs », assène Soumana Kalapo. Mais certains veulent y croire. « C’est un patriote, c’est indéniable. Il est vraiment attaché aux intérêts du pays, mais toutes ces erreurs de communication comme de casting ont fait que ça ne s’est pas manifesté comme il le voulait. Il est largement insatisfait », poursuit ce même militant.

Sortir par le haut, dire que ce projet de révision a manqué de concertation, montrer qu’il est capable d’écoute, afin d’enclencher la dynamique pour la présidentielle de l’année prochaine, c’est ce que certains pensent au sein même de sa famille politique. « S’il a l’habileté de retourner au dialogue, de dire « je vous ai compris », comme disait De Gaulle, l’un de ses modèles, dans ce cas je crois qu’il y aura les moyens de redresser sa popularité », souligne ce cadre du parti majoritaire. « Il y a quand même un fond légitimiste dans ce pays, surtout dans le pays profond, s’appuyant sur des valeurs culturelles où, quand le chef reconnaît qu’il a eu tort et qu’il veut sincèrement réparer, il y a une possibilité. De plus, il n’y a pas dans l’opposition une personnalité qui émerge de manière évidente, qui peut opérer un renversement de l’opinion nationale en sa faveur. Donc IBK reste, malgré tout, un candidat évident et incontournable », conclut-il.

 

Baber Gano, ministre des Transports

 

Comment se porte le secteur du transport ?

Le secteur se porte très bien. Le commerce national est en plein essor. Les commerçants maliens sont également présents sur le marché international. C’est un secteur stratégique pour l’économie du pays. Cependant, tout n’est pas rose. Le transport maritime, par exemple, connaît de nombreux problèmes sur les différents corridors. La voie fluviale n’est pas navigable pendant toute l’année et est aussi entrecoupée par endroits.

La situation géographique du pays ne constitue-t-elle pas un handicap pour le développement du secteur ?

Elle peut être considérée comme tel. Avec les nouvelles règlementations en vigueur, nos opérateurs économiques sont obligés de passer par les ports des pays côtiers afin d’acheminer leurs marchandises. Ils rencontrent beaucoup de problèmes au niveau du transport maritime pour le ravitaillement et l’approvisionnement du marché malien en produits de consommation. Le trafic aérien, bien que coûteux, permet néanmoins de satisfaire en urgence et en toute sécurité les besoins d’une entreprise ou d’un particulier. Nous avons donc d’autres possibilités qui s’offrent à nous.

Comment y remédier ?

Des réflexions sont en cours afin d’arriver à desservir le Mali par un port sec qui permettra d’amoindrir les coûts de transport. Le gouvernement compte renouveler l’ensemble du mécanisme de transport actuel afin de permettre au secteur de jouer son rôle central dans la redynamisation de l’économie malienne. Dans dix ans, le secteur du transport au Mali serait envié dans la sous-région.