Banamba : des milliers d’enfants privés d’école

Plus d’une quarantaine d’écoles sont fermées dans le cercle de Banamba à cause de l’insécurité. Il s’agit notamment de huit écoles de la commune de Sébété, dix-sept dans la commune de Toubacoro, douze dans la commune de Toukoroba, quatre dans la commune de Kiban et deux dans la commune de Toubacoura. Cette information a été donnée par les Comités de gestion scolaire (CGS) du cercle de Banamba, qui se disent préoccupés et interpellent les autorités pour une solution rapide.

Cette situation, qui prévaut depuis 2018, préoccupe les parents d’élèves, qui craignent pour l’avenir de leurs enfants, des milliers, privés d’école. Ils demandent aux autorités d’intervenir pour renforcer la sécurité dans la zone et freiner les djihadistes dans leur élan. En effet, depuis cette date, les hommes armés auteurs  de ces incursions ont demandé la fermeture des écoles qui dispensent le programme classique. Seules les écoles d’enseignement coranique sont autorisées à fonctionner.

Malgré la tenue fin 2019 d’un Cadre de concertation présidé par le Préfet du cercle, pour informer les acteurs de l’Éducation de la fermeture de plus d’une vingtaine d’école, la situation persiste dans les localités du cercle Banamba, dans la région de Koulikoro. Cette dégradation, qui entrave le droit à l’éducation de milliers d’enfants, touche aussi une centaine d’enseignants, qui se retrouvent au chômage à cause de ces fermetures.

Écoles fermées : Les solutions tardent

Des milliers d’élèves restent  privés d’école au Mali. Près de six mois après la rentrée des classes sur toute l’étendue du territoire, nombreuses sont les écoles qui demeurent fermées, particulièrement dans les régions du nord et du centre du pays. À l’heure où l’éducation nationale est mise à rude épreuve et alors que l’issue même de l’année scolaire 2018 – 2019 semble plus que jamais compromise, la région de Koulikoro a récemment vu elle aussi certains de ses établissements scolaires fermer leurs portes.

Selon une source au ministère de l’Éducation nationale, le nombre d’écoles fermées au Mali au 28 février 2019 s’élevait à 850. Ces écoles se situent essentiellement au nord et au centre, et plus récemment à Toubacoro, dans la région de Koulikoro. La principale raison avancée pour la fermeture est l’insécurité et la menace terroriste.

À en croire l’Unicef, 257 000 enfants sont affectés par la fermeture des écoles, mais à cela il faut aussi ajouter tous les autres jeunes en âge d’aller à l’école qui sont hors du système scolaire pour d’autres raisons, comme la pauvreté chronique des ménages, le travail des enfants, les mariages précoces et le manque d’infrastructures scolaires.

En prenant en compte tous ces paramètres, la structure onusienne estime à 2 millions le nombre d’enfants actuellement hors des salles de classe et place la fermeture de nombreuses écoles dans un contexte plus large de « défis liés à la fourniture d’une éducation de qualité pour chaque fille et chaque garçon dans le pays ».

Solutions adaptées

Dans la région de Koulikoro, la situation des écoles fermées est complexe. « Plusieurs écoles qui étaient fermées l’année dernière sont désormais ouvertes, alors que d’autres écoles, ouvertes auparavant, sont désormais fermées », explique Eliane Luthi, chef de la communication d’Unicef Mali.

L’Unicef et l’ensemble des partenaires de l’éducation, y compris le gouvernement du Mali, sont très préoccupés par la fermeture des écoles dans le pays. C’est pourquoi, en appui au ministère de l’Éducation nationale, des solutions sont envisagées. « Sur le court terme, nous mettons en place des mécanismes ininterrompus pour les enfants dans les zones affectées, tels que des centres d’apprentissage communautaires », souligne Mme Luthi.

Mais, à long terme, pour atteindre l’objectif ultime d’une « éducation de qualité inclusive dans un environnement sain et protecteur », il est nécessaire, selon l’Unicef,  de comprendre les causes précises de la fermeture de chaque école et de  trouver des solutions adaptées à chaque communauté.

« En faisant cette analyse et en construisant ce dialogue, nous pourrons offrir une réponse éducative adéquate et adaptée à chaque communauté », conclut Eliane Luthi.

Rentrée scolaire : A l’heure du changement et des défis

Le temps des vacances pour  la communauté éducative est terminé. Le ministère de  l’Éducation nationale annonce pour le 1er octobre la date de la rentrée scolaire 2018 – 2019. Les défis du relèvement du niveau des élèves par la formation et la réouverture des classes dans les régions du nord et du centre seront au cœur de l’action gouvernementale. La combinaison de tous les ordres d’enseignement au sein d’un seul département obéit-elle à cette volonté ?

« Le 1er  octobre, c’est le jour de la rentrée ». Ils sont rares ceux qui n’ont pas lu ou entendu cette phrase au primaire. Même si l’époque de « Ada, René ou Kipic » est révolue, la rentrée scolaire d’octobre est ancrée dans la conscience  collective du monde éducatif. « L’ouverture de toutes les écoles est programmée pour le 1er octobre. Après, nous allons faire le point pour savoir là où nous n’avons pas pu ouvrir », dit Mamadou Kanté, Directeur national adjoint de l’Enseignement fondamental.   Des parents aux élèves, du personnel enseignant à l’administration scolaire, c’est toute la communauté éducative qui se mobilise pour cette période cruciale. Sur les visages se lit l’enthousiasme et la joie de renouer avec ce milieu de socialisation. Du préscolaire au fondamental et jusqu’au secondaire, l’envie de reprendre le chemin de l’école est  perceptible, après  plusieurs mois de repos et de détente.

Pour l’enseignement secondaire général, seules les classes de 10ème accuseront du retard. « Elles vont attendre peut-être deux semaines, car les orientations ne sont pas  encore faites. La répartition n’est pas facile, vu le nombre d’admis au DEF cette année », souligne Djiguiba Konaté,  Directeur national de l’Enseignement secondaire général. « On a envoyé  des équipes de certification sur le terrain pour recenser les établissements qui seront en mesure de recevoir les enfants ». Dans la nouvelle grille de recommandation, les établissements privés sont invités à inscrire le tiers de leurs professeurs à l’INPS, faute de quoi ils ne recevront pas les enfants orientés par l’État.

Ce qui change 

Toujours est-il que l’apprenant doit acquérir au niveau de chaque ordre d’enseignement des compétences lui permettant de s’insérer dans la vie active ou de poursuivre ses études. Si l’objectif  énoncé dans la Loi d’orientation sur l’Éducation de 1999 est constant, les avancées et les circonstances diffèrent à chaque rentrée.

La rentrée 2018 – 2019 poursuit la même ambition de l’État d’éduquer le maximum d’enfant pour relever les défis du développement de notre pays. Pour ce faire, tous les ordres d’enseignement sont sous la tutelle du ministre de l’Éducation nationale, le Professeur Abinou Temé. Un choix inédit dans la gestion du système, qui s’explique par souci de souplesse. « La nouveauté cette année est d’avoir un seul ministère, qui gère l’éducation du niveau préscolaire, fondamental et secondaire jusqu’au  supérieur. Nous reconnaissons quand même que la charge est très lourde, mais cela créera une coordination entre les différents ordres d’enseignement et permettra d’aplanir beaucoup des difficultés », soutient Mamadou Kanté, Directeur national adjoint de l’enseignement fondamental. En cette veille de rentrée, c’est un ballet incessant dans les locaux du ministère. Son Secrétaire général, Kinane Ag Gadeda, mesure la tâche énorme du moment et justifie la création du département. « C’est un choix politique d’abord qui vise à ramener tout le système éducatif dans un seul espace, afin de mieux appréhender les différentes passerelles, les différentes politiques éducatives, et de mieux organiser le secteur, de telle sorte que les objectifs qui lui sont assignés soient atteints de façon efficace », commente-t-il.  Pour l’heure, le  système d’enseignement – apprentissage dans les écoles continue. Selon toujours le Secrétaire général, le curriculum de l’enseignement normal pour les enseignants a été finalisé cette année, alors ceux des écoles fondamentales et pour l’approche par compétences dans les écoles secondaires sont en cours.  « Ce sont des démarches pédagogiques qui ont montré toutes leurs forces si elles sont bien appliquées. Et il n’y a pas de raison de changer ce qui marche », souligne Kinane Ag Gadeda.

Rentrée amère au centre et au nord

Les conséquences de la crise de 2012 se font encore sentir dans le secteur de l’éducation et de l’enseignement. Dans le nord et le centre du pays, environ 750 écoles sont restées fermées pendant l’année académique 2017 – 2018. Selon le Directeur adjoint de l’enseignement fondamental, Mamadou Kanté, la situation  s’est détériorée au fil des années. « En avril  2018 nous en étions à 750 écoles fermées, mais en mai de la même année leur nombre s’est réduit à 735 », explique-t-il, espérant une réouverture accrue des écoles. Selon l’Unicef, plus de deux millions d’enfants en âge scolaire cette année sont en dehors du système éducatif. Si au centre du pays, certaines classes sont fermées depuis quatre ans, au nord c’est  depuis le début de la crise. Alors que l’éducation est un droit pour tous les enfants de la Nation, des milliers d’entre eux continuent d’errer sans aucune possibilité d’en profiter. Ils se forgent chaque jour un destin qui n’est point le leur dans des zones où la peur et les dangers règnent au quotidien.

Interpellées, les autorités entendent prendre des mesures urgentes pour amoindrir les effets de la situation. « Le gouvernement, sous l’impulsion du Premier ministre, est en train de mettre en place un programme d’urgence pour la réouverture des écoles. Pour réussir, il se propose de faire fonctionner les services sociaux de bases : l’éducation, la santé, l’action humanitaire », révèle Mamadou Kanté. Trois départements, la Solidarité et l’action humanitaire, la Santé et l’hygiène publique et l’Éducation nationale se coordonnent à cet effet et ont identifié « des actions et stratégies pour que le plus grand nombre d’écoles soient ouvertes le 1er octobre et le restent dans un avenir proche », indique le Secrétaire général Kinane Ag Gadeda.

Menaces de grèves

En cette veille de rentrée, certains syndicats d’enseignants menacent d’aller en grève à cause de doléances insatisfaites. A Gao, le collectif des enseignants de la région a déposé un préavis pour les 1er et le 2 octobre 2018. Abdel Aziz Ibrahim Maiga, Secrétaire général du Syndicat national des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales (SYNEFCT) en explique les raisons. « Le retour des services financiers, toujours à Bamako depuis 2012, le non-respect de l’accord signé le 22 mai 2017 entre le ministère de l’Éducation et nous, la sécurité des enseignants,  entre autres », énumère-t-il. Au même moment, dans la région des Kayes, une autre grève de trois jours est prévue. Mais le Secrétaire général de l’Éducation nationale  affirme que « toutes les dispositions seront prises pour que les acteurs s’entendent et que la rentrée ne soit pas compromise ». De même, le Directeur national de l’enseignement secondaire général invite chacun « à la sagesse et à l’esprit patriotique ».

Quid du niveau ?

Malgré les différents efforts entrepris dans le domaine de l’éducation et de la formation, le niveau des élèves et étudiants maliens n’enchante plus. Dans cette descente, la responsabilité de tous les acteurs de l’école semble être engagée. Les élèves peinent à être performants en lecture, écriture et calcul, les fondamentaux. Pourtant, « le Mali a toujours été le Quartier latin de l’Afrique francophone », se souvient Djiguiba Konaté, Directeur national de l’Enseignement secondaire général, indiquant que le souci du gouvernement est de cultiver l’excellence. Pour Kinane Ag Gadeda, les problèmes sont connus et il suffit de mettre en œuvre les solutions adéquates. Il cite par exemple la mise en place, depuis quatre ans, de l’approche équilibrée, concernant 4 500 écoles des régions de Ségou, Bamako et Koulikoro, avec des résultats satisfaisants. « On peut combler ce déficit et faire en sorte que notre système produise des enfants qui savent lire, écrire et calculer et sont capables d’améliorer leurs compétences », en misant sur les enseignants.

La rentrée scolaire de cette année, même si elle est fort similaire à la précédente, est très attendue. Le challenge est que tous les acteurs convergent vers le même but pour redonner à notre système éducatif ses lettres de noblesse d’antan.

Henrietta Fore : « Perdre autant de jeunes filles et de bébés est un gâchis considérable»

En visite à Bamako, la nouvelle Directrice générale de l’UNICEF a accordé un entretien à Journal du Mali. Henrietta Fore y parle notamment de la mortalité néo-natale et de la santé des jeunes mères.

Dans le dernier rapport de l’UNICEF, le Mali figure parmi les dix pays avec les taux de mortalité néonatale les plus élevés au monde. Comment comptez-vous inverser cette sinistre tendance ?

Hier (lundi), nous avons visité un centre de santé  communautaire qui s’occupe de patients qui parcourent jusqu’à 5km pour venir s’y soigner. Il est plus difficile d’atteindre les populations qui vivent au-delà. Une première solution pour y arriver est de passer le message dans les communautés, par bouche à oreille ou en faisant du porte à porte, pour que les gens sachent que le centre de santé existe. Il faut aussi mettre à la disposition des patients des moyens de transport vers le centre. Une deuxième solution est de fournir de l’eau potable à ces centres de santé pour éviter la propagation des infections. Cela est très important pour la santé de la mère et du nouveau-né. Le Mali est parmi les 10 pays avec les taux de mortalité néonatale les plus élevés parce qu’il ya une mortalité maternelle très élevée. De jeunes mères décèdent en donnant naissance alors que la mère et l’enfant peuvent être sauvés  ensemble grâce à l’eau potable. Troisièmement, nous avons besoin de techniciens et d’un personnel de santé formés à suivre les jeunes mères pendant la grossesse et après l’accouchement, par des consultations pré et post- natales. Il faut aussi une bonne nutrition et une interaction avec le nouveau-né dès les premiers jours. Tout cela aide l’enfant. S’il peut naitre dans un centre de santé propre et hygiénique, il aura une chance de vivre.

Parmi les autres pistes, celle de la planification familiale revient souvent. Au Mali, la tradition et la religion ont un certain poids, comment faire changer les mentalités ?

Je voudrais me concentrer sur la santé des jeunes filles. Beaucoup meurent en donnant la vie et cela est une perte qui ne se justifie pas. Quand une jeune fille porte un enfant, le risque de mort de ce dernier monte en flèche. Donc, encourager les jeunes filles à ne pas se marier avant 18 ans et à ne pas porter des enfants avant cet âge serait vraiment bénéfique pour nous tous. Un certain nombre de pays sont parvenus à dépasser ces considérations traditionnelles, coutumières et religieuses. Perdre autant de jeunes filles et de bébés est un gâchis considérable pour une société. Il y a un autre changement qui s’opère dans les pays actuellement, les jeunes filles voient leur rôle de manière différente. Quand elles ont 12, 13 ou 14 ans, elles peuvent rêver de devenir médecins ou enseignantes. Nous, en tant que société, nous pouvons les aider à se réaliser. Nous savons que nous avons besoin de plus de docteurs et de plus d’enseignants et si nous les laissons continuer leur cursus au second cycle, ce sera un cadeau exceptionnel pour la Nation. Autant de faits qui plaident pour convaincre les communautés de la nécessité d’un changement d’approche.

Le phénomène des enfants de la rue prend de l’ampleur, dans une certaine indifférence. Avez-vous des pistes de solutions sur cette problématique ?

C’est un problème important. Si nous pouvons passer le mot aux jeunes enfants et au gouvernement, nous ferons une différence. L’Unicef sera prêt à aider, de quelque façon que ce soit, et nous  travaillons sur ces questions à Bamako et en dehors de la capitale, à Mopti. Notre Représentante résidente pourra certainement vous donner beaucoup plus de détails.

Plusieurs écoles sont fermées au Centre et au Nord du Mali, déscolarisant les enfants et amenuisant leurs perspectives…

Un certain nombre d’écoles devraient ouvrir à nouveau et nous aurons besoin de plus d’enseignants dans ces parties du Mali. Il faut continuer à former, à recruter et à préparer les enseignants à de bonnes compétences pédagogiques dans les années à venir. Nous espérons que le nombre de classes augmentera lui aussi. Déjà, en ce moment, des enseignants sont en train d’être recrutés par les communautés de base. Cela pourra aider le Centre et le Nord du pays.