Kidal : la reconquête en marche ?

Partie de Gao le 2 octobre dernier, la colonne militaire des Forces armées maliennes (FAMa), en route vers Kidal, poursuit son avancée. Alors qu’elle a repris le contrôle de la ville d’Anefis, à environ 112 km de Kidal, le 7 octobre, l’armée malienne est plus que jamais tournée vers la reconquête de ce bastion des ex-rebelles de la CMA, hors de contrôle de Bamako depuis plus d’une décennie.

Le calme avant la tempête. Après d’intenses combats les 4, 5 et 6 octobre, les forces armées maliennes, appuyées par des Russes, ont pris le contrôle le 7 octobre de la localité d’Anefis, une ville stratégique qui permet d’accéder à Tessalit, Aguelhoc et Kidal. La colonne des FAMa, qui a quitté Gao le 2 octobre vers la région de Kidal, a été la cible de plusieurs attaques de groupes terroristes. Depuis la reprise des hostilités avec la CMA, les autorités de la Transition ainsi que l’armée emploient indistinctement le terme « terroristes » pour désigner les ennemis qu’elles combattent. Selon des sources crédibles, les combats entre les FAMa et la CMA, appuyée par des éléments de GATIA fidèles à Fahad Ag Almahmoud, ont causé de nombreux morts et dégâts. Aucune des parties n’a communiqué le bilan de ses pertes. La colonne, composée de véhicules blindés et pick-up, plus d’une centaine, escortés par des avions et des drones, a finalement eu raison de la résistance des groupes armés grâce à l’apport des vecteurs aériens. Le terrain plat et dégagé favorisait les frappes et offrait peu de possibilités aux assaillants de se couvrir. Désavantagés par le terrain et alors que leurs pertes s’accumulaient, ils ont été contraints d’abandonner Anefis. « Aujourd’hui, l’armée malienne occupe Anefis et ses alentours. La situation sécuritaire est sous contrôle mais reste toujours imprévisible », a confié dans la foulée un officier à la télévision nationale. Selon certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes sont principalement stationnés aux alentours d’Anefis avec quelques éléments de la CMA. Le reste des troupes est replié sur la ville de Kidal, ainsi qu’à Aguelhoc et à Tessalit. En prévision de la reprise des hostilités, plusieurs combattants venus de Libye sont venus se joindre à la CMA. Ils ont apporté avec eux plusieurs armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa.

Objectif Kidal

Si l’objectif final reste l’occupation de l’emprise de la MINUSMA dans la ville de Kidal, programmée pour novembre, les FAMa doivent aussi, selon le calendrier, prendre possession des emprises de la mission onusienne à Aguelhoc et à Tessalit. Du fait de la situation sécuritaire précaire, les acteurs, aussi bien gouvernementaux que de la MINUSMA, se gardent de donner une date précise pour la reprise de ces camps. La seule certitude qui semble partagée est que la MINUSMA va achever son retrait le 31 décembre 2023. En attendant, les différentes forces se préparent. « La CMA, qui a attaqué plusieurs camps le mois dernier (Bourem, Léré, Bamba, Dioura…), ne peut se permettre de perdre ses positions à Kidal », confie un analyste qui a requis l’anonymat. De leur côté, les autorités de la Transition, qui pourraient faire face à une contestation suite au report de la présidentielle, ont grandement besoin du gain politique que leur apporterait la prise des bastions de la rébellion, qui cristallise l’attention de beaucoup de Maliens. Selon des observateurs, de nouvelles batailles sanglantes et coûteuses s’annoncent. D’autant que se trouvent aussi dans cette zone les terroristes du JNIM, dont la collusion avec la CMA a été rapporté par de nombreuses sources, qui prendront certainement part aux différentes batailles. L’environnement devrait leur être favorable, notamment dans l’Adrar du Tigharghar, une montagne située entre Kidal et Tessalit qui a servi de sanctuaire aux terroristes d’Al Qaïda et d’Ansar Eddine en 2012, et qui est une cachette parfaite pour tendre des embuscades et prendre à revers une unité de combat.

Panique à Kidal ?

En attendant, des sources rapportent une certaine panique dans la ville de Kidal. Les habitants redoutent l’offensive. Beaucoup d’entre eux, qui s’étaient habitués à la non présence de l’État malien, plient bagage en direction de Tinzawatene, à la frontière avec l’Algérie, ou de Bordj Badji Moctar, sur le territoire algérien. C’est dans cette situation tendue que la composante FAMa et celle et de la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger du Bataillon des Forces armées reconstituées a quitté le 10 octobre le Camp 1 de Kidal pour celui de la MINUSMA. Le camp est depuis occupé exclusivement par la CMA. La MINUSMA précise qu’elle n’a pas évacué les 110 éléments mais qu’ils sont « venus » d’eux-mêmes. Rappelons qu’en février 2020, la première compagnie du Bataillon reconstitué de l’armée malienne (BAFTAR) est arrivée à Kidal. Depuis lors, cette armée, cantonnée dans son camp, n’a pas pu mener d’opérations.

Fahad Ag Almahmoud de GATIA : « la lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le DDR »

Le Commandant de la force Barkhane au Mali a parlé lors d’une conférence de presse le 21 novembre dernier de « collusion » entre certains groupes armés signataires de l’Accord et des mouvements djihadistes. Le Secrétaire général du GATIA, membre de la Plateforme, Fahad Ag Almahmoud, se dit surpris de ces accusations venant d’une force censée combattre le terrorisme.

Journal du Mali : Comment réagissez-vous à ces accusations ?

Fahad Ag Almahmoud : Ce n’est pas la première fois qu’on parle de collusion entre groupes armés et terroristes. Ce qui me surprend, c’est que les accusations viennent de ceux qui doivent combattre le terrorisme. C’est comme si un gendarme disait : « je connais certains d’entre vous qui sont des criminels » et passait sans les appréhender. Si Barkhane estime qu’un individu a des liens avec les terroristes, elle doit prendre les dispositions qui s’imposent, faire une enquête et livrer l’intéressé à la justice, non se contenter de dénoncer.

De quels groupes armés s’agit-il ?

C’est à Barkhane de préciser de quels groupes il s’agit. Tout le monde dit que les groupes signataires et les terroristes sont des vases communicants. En 2012, pratiquement tout le monde a adhéré à Ansar Dine, au MUJAO et à AQMI. A l’arrivée de Serval, ceux qui étaient censés avoir été « récupérés » ont gardé des contacts. Les États qui combattent le terrorisme sont mieux placés que nous pour le savoir.
Un Commandant de la force Barkhane à N’Djamena affirme que « des groupes valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain ». Est-ce vrai ?
Ce n’est pas précis. C’est au gouvernement malien de se plaindre de la non application des décisions prises à Bamako. C’est à lui que revient la mise en œuvre de l’Accord, car c’est à lui que devra revenir le contrôle de tout le territoire.

Ces allégations expliquent-elles le retard dans la mise en œuvre de l’Accord ?

En partie. Les gens qui n’aiment pas la paix et qui travaillent pour d’autres agendas peuvent retarder cette mise en œuvre. Mais, je ne pense pas que le retard soit imputable à une seule partie. Chacune a sa part de responsabilité.

Barkhane prévoit d’interdire la circulation à tout convoi de plus de cinq véhicules sans autorisation. Allez-vous collaborer ?

Je ne pense pas que les groupes armés circulent sans avertir la Minusma ou sans ordre de mission. Il serait plus sage pour Barkhane et tous les acteurs d’accélérer le mécanisme de DDR. La lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le désarmement des groupes armés signataires. Tant qu’il y aura des individus en armes en dehors de l’armée nationale, elle sera inefficace.

Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.

Fahad Ag Almahmoud : « C’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA »

Des affrontements violents ont éclaté jeudi 6 juillet dans le nord du Mali près de Kidal entre des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces combats, qui viennent à nouveau violer le cessez-le-feu entre ces deux mouvements, pourraient aussi perturber le retour, à la fin du mois, de l’armée et de l’administration à Kidal. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, a livré au Journal du Mali sa version des faits et pointe du doigt, comme facteurs générateurs de conflit, certaine mesures de l’Accord de paix non appliquées, ainsi que la responsabilité de la communauté internationale qui, selon lui, entretient un climat de tension entre les deux mouvements belligérants concernant Kidal.

Pourquoi la CMA et le GATIA se sont-ils encore affrontés alors qu’à Bamako les différentes parties travaillent ensemble à la préparation du retour de l’armée et de l’administration à Kidal ?

La CMA devrait répondre à cette question puisque c’est elle qui a attaqué nos positions à 80 km de Kidal alors que nous avons des positions à 15 ou 20 km de la ville. La position qu’ils ont attaqué a été presque entièrement désarmée, quelques jours avant, par Barkhane. Ils ont saisi les armes lourdes et ils nous ont dit que la CMA n’allait pas nous attaquer. Le jeudi, la CMA a quitté Kidal devant Barkhane et ils sont venus nous attaquer.

Vous pensez réellement que la force Barkhane a voulu aider la CMA ?

Comment penser autrement ? C’est Barkhane qui a désarmé l’ennemi d’un autre, ça n’a même pas besoin d’explication. Nos 3 éléments qui sont morts jeudi ont été tués par une roquette de mortier alors que nos roquettes ont été prises par Barkhane et ce sont le même type de roquette qui nous ont attaqué. Nous avons l’interdiction d’en posséder mais pour la CMA c’est permis. Je pense que cette attaque sur nos positions a pour but de perturber l’installation du MOC le 20 juillet prochain.

La CMA dit aussi que vous souhaitez perturber le processus de paix.

Quoiqu’on dise il y a le bon sens. Il faut dans ce cas expliquer pourquoi nous ne pouvons pas rentrer à Kidal. La communauté internationale a conditionné notre retour à Kidal à celui du gouvernement malien. Une fois que le MOC sera installé, Kidal fera son retour dans le giron de la République. Cela veut donc dire que tous les citoyens pourront, s’ils le souhaitent, s’y rendre. Donc je ne vois pas pourquoi, nous qui souhaitons y retourner, nous voudrions perturber le retour du MOC et de l’administration à Kidal.

Pourtant les tensions entre vos deux mouvements sont récurrentes et éloignent d’autant la paix, malgré l’accord que vos deux mouvements ont signé. L’attaque de jeudi en est une nouvelle preuve.

Comme je vous l’ai dit, on a été attaqués jeudi à 80 km de Kidal et j’ajoute que c’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA une fois qu’elle est à Kidal. La CMA est libre de se réorganiser et de venir nous attaquer. Nous, on ne peut pas les attaquer à Kidal. Si on était tous hors de Kidal, ou qu’on s’affrontait, on aurait pu avoir la paix depuis très longtemps. C’est la communauté internationale qui crée cette situation en sécurisant la CMA à l’intérieur de Kidal une fois qu’elle revient. Elle prétexte qu’elle fait ça pour protéger la population. Elle appelle la CMA, population. Cette situation offre à la CMA le luxe d’avoir l’usage de tous ces bras valides. La Minusma et Barkhane sont là pour sécuriser leurs biens, leurs armes lourdes, leurs engins. La base principale de la CMA et même des organisations terroristes aujourd’hui c’est Kidal, tout le monde le sait.

Vous voulez dire que les terroristes ont une base importante dans la ville de Kidal ?

La base principale de l’organisation de Iyad et de ses alliés, c’est Kidal. Tout ce qu’il a comme armement est à Kidal. C’est connu de tout le monde, y compris des officiers français.

Un certain Ahmedou Ag Asriw, serait un acteur principal de ce conflit. La CMA le tient pour responsable de nombreuses exactions sur les populations. Qui est-il ?

Ahmedou est le chef des opérations du GATIA, c’est un personnage connu là-bas, donc on peut lui prêter n’importe quelle réputation, ce sont les paroles des ennemis. Ni la Minusma ni les Nations unies n’ont envoyé de commission d’enquête sur les exactions qui ont eu lieu et n’ont pas confirmé que c’est lui qui les auraient commises. Ce ne sont que les paroles des ennemis.

On entend beaucoup parler au Nord de milices qui seraient aux ordres de Bamako et qui commettraient des exactions. le GATIA est-il une de ces milices ?

Si milice veut dire un groupe armé piloté par le gouvernement pour faire le sale boulot, on n’est pas une milice. Si une milice c’est un groupe armé qui répond d’une communauté, on est une milice. Tous les groupes armés sur le terrain ont une connotation tribale, c’est un fait. Je pense que Bamako lutte pour le retour de l’État et de l’administration à Kidal et ce n’est pas ces derniers événements qui vont en faciliter le retour. Ce que le Mali a fait pour la CMA du 20 juin 2015 à nos jours, il n’en a pas fait un dixième pour la Plateforme. Il y a des responsables de la CMA, malgré qu’ils véhiculent des messages anti-républicains, qui sont en passe d’avoir des passeports diplomatiques de la part du gouvernement.

Vous avez des noms ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Ce nouveau conflit entre CMA et GATIA risque-t-il, selon vous, de mettre en péril le chronogramme qui débute le 20 juillet prochain et qui doit ramener l’armée et l’administration à Kidal ?

J’oseespérer, avec les démarches qui sont en train d’être mise en place que ce ne sera pas le cas. Une délégation de Touaregs du Niger sera à Bamako lundi 10 juillet pour une médiation, parallèlement à la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. J’espère que cela pourra ramener le calme et nous aider les uns et les autres. Si on veut avancer, on peut, mais tant qu’il y a des gens qui ont pour mission de perturber la paix à l’intérieur du processus, qui sont connus des acteurs du processus, qui font tout pour les ignorer et que le gouvernement fait tout pour les amadouer, il n’y aura pas de paix.

Vous êtes conscient que tout cela entame considérablement la confiance des Maliens envers les groupes armés et fait fortement douter de la capacité de ces mouvements à être des interlocuteurs valables et fiables. N’est-ce pas un risque pour la CMA comme pour vous ?

Si les Nations unies donnaient un mandat à la Minusma pour désarmer tout le monde, ce serait un plaisir pour moi. Tout ce qui peut contribuer à l’avènement de la paix chez nous on est pour. Cette paix ne sera réalisable que quand les groupes armés seront désarmés. Le gouvernement est en train d’essayer d’appliquer les textes et autres de l’Accord sans parler de l’essentiel : le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Les autorités intérimaires, la révision de la constitution, tout ça doit intervenir après le désarmement des groupes armés. Tout ce que j’espère, c’est que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour permettre aux uns et aux autres d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord.

Accord de paix : Anniversaire en demi-teinte

L’accord pour la paix et la réconciliation a eu deux ans ce lundi 15 mai. Cet « anniversaire » permet de dresser un bilan du chemin parcouru. Si du côté du gouvernement on reste discret, le bilan est jugé « bon », alors que pour la CMA et la Plateforme, le manque de volonté reste une solide barrière dans sa mise en œuvre.

Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA)

« Le bilan que nous faisons, c’est d’abord qu’un accord pour la paix a été signé, c’est le point positif. Maintenant dans sa mise en œuvre, il s’illustre par sa lenteur. Malgré cela, on a réussi à mettre en place certaines dispositions importantes, comme les autorités intérimaires et les patrouilles mixtes, même si elles ne connaissent pas une opérationnalisation effective. Il y aussi des dispositions de l’accord dont on ne parle pas encore, comme la question du partage du pouvoir, la représentation des ressortissants de l’Azawad dans les institutions et services de l’État et la question d’une commission d’enquête internationale autre que la CVJR, qui n’est pas indépendante. Il faut aussi une armée nationale reconstituée pour garantir la défense des personnes et de leurs biens. Le Conseil national de réforme de la sécurité, une des commissions les plus importantes mais à laquelle on accorde très peu de valeur, n’a été lancé qu’il y a quelques jours. On fait malheureusement du surplace comme si on n’arrivait pas à faire la différence entre les priorités. Pour résumer, nous pensons qu’il y a une absence de volonté politique et c’est ce qu’il faut pour faire avancer les choses ».
Fahad Al Mahmoud, secrétaire général du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA)

« Je suis loin de faire un bilan élogieux de la mise en œuvre de l’accord. Cet accord devait être applicable en 3 mois. Après deux ans, les autorités intérimaires ne sont toujours pas tout à fait opérationnelles. Le retard pris est d’abord une question de volonté. Les problèmes qui existent entre la CMA et la Plateforme n’ont pas contribué à l’avancement de l’accord. Il faut tout de même signaler que depuis la signature de l’accord, il n’y a plus d’affrontement entre l’armée malienne et les mouvements signataires. Les gens sont dans la logique de la paix. Par contre, l’accord n’a pas mis fin à la violence et encore moins établi une ligne frontière entre les mouvements signataires et les mouvements terroristes. Certains groupes signataires sont en mission pour les groupes terroristes. Ils considèrent que le temps est leur allié et que tout tombera un jour. On est quand même dans un accord que personne ne voulait à l’origine, ça leur a été imposé. Je ne sais pas si on avancera car, quand les groupes armés parlent de désarmement à la commission DDR, vous avez l’impression qu’ils parlent d’un programme décennal. Les uns et les autres ne sont pas prêts à disparaître ».

Fahad Ag Almahmoud : « Nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment »

Une rencontre organisée par la Plateforme devait avoir lieu mercredi 1er février à Anéfis. Au programme de cette réunion, qui devrait se tenir la semaine prochaine, la situation qui prévaut actuellement à Kidal, le retard dans la mise œuvre de l’Accord, ainsi que le retour du GATIA dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, quelles que soient les oppositions et y compris par la force. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA a répondu aux questions du Journal du Mali sur ces différents points.

Le GATIA projette de retourner à Kidal, y compris par la force, pourquoi maintenant, vu les tensions actuelles entre la Plateforme et la CMA ?

Vous savez que nous avons été forcé de quitter Kidal le 22 juillet dernier, tous les habitants de Kidal qui appartiennent à nos familles ou à nos alliés ont quitté Kidal. Les forces internationales ont placé une zone de sécurité autour de la ville, pour nous empêcher d’y rentrer, mais ça n’empêche pas la CMA d’aller nous faire du mal ou de nous attaquer. Qui nous sécurise de la CMA ? nous aussi on a besoin de cette sécurité qui profite aux Maliens. Kidal est aussi chez nous, nous n’avons jamais renoncé, nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment.

Depuis l’attaque d’un poste du GATIA dans le cercle de Tinessako, revendiqué par Ansar Dine, les tensions ont redoublé entre le GATIA et la CMA, pour quelles raisons ?

Les gens qui nous ont attaqué sont parties de Kidal et sont revenus à Kidal avec nos deux véhicules. Ils s’appellent, au moment de nous attaquer, Ansar Dine et à la fin de la journée CMA, c’est un problème qui est déjà connu. Nous avons des problèmes avec une communauté particulière et ceux qui la soutiennent. Les Ifoghas et leurs soutiens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, sont tous des ennemis pour nous, on ne fait pas de différence en ce qui les concerne. En réalité, par endroits et par moments, les mêmes combattants changent de bord. Personne ne peut faire la différence entre Ansar Dine et le HCUA.

Comment peut-on revenir à une paix durable, alors que vous désignez les Ifoghas comme vos ennemis et que vous êtes prêt à des affrontements avec la CMA ?

Tant qu’on ne dira pas la vérité, tant qu’il n’y aura pas de distinction claire, on aura toujours ce problème. Ces gens qui ont pris les armes, ils disent défendre les droits des peuples du Nord, alors qu’en réalité ils ne défendent que leur communauté. Tant qu’on ne dira pas à ces gens que c’est contradictoire, qu’aujourd’hui ce n’est plus possible, qu’il ne peut pas y avoir une rébellion qui revendique les droits pour certains au détriment des autres et qu’on ne prend pas les armes pour que la communauté internationale et nationale fasse de vous des super citoyens, on fera toujours face au problème. Vous et moi savons qu’il n’y a pas eu de critères de recyclage d’Ansar Dine, c’est la totalité du mouvement qui a été accepté. Tant que la distinction ne sera pas nette entre les groupes armés signataires et les djihadistes, ça n’ira pas. Je pense que les pays qui sont autour de la table ont les moyens pour faire cette distinction, tant que ce ne sera pas fait, on continuera toujours à se mentir. Ça, c’est une grande entrave à la paix !

La mise en œuvre de l’accord de paix est en panne, quel avenir pour le MOC qui doit être mis en place prochainement ?

Pour le MOC, la commission d’intégration doit faire son travail, fixer les critères d’intégration donner aux gens un quota et économiser certaines étapes. Les patrouilles mixtes ou bien le MOC, ce sont des mesures qualifiées par l’Accord, de mesures de confiance, mais à ce jour, tous les responsables de la CMA peuvent se promener librement à Bamako et partout au Mali alors qu’à Kidal personnes ne le peut à part eux. Je pense que cette réalité fait que cette mesure de confiance n’est pas respectée.

la CMA s’est retiré du CSA et la Plateforme lui a emboîté le pas, lors de la dernière réunion du CSA, pour quelle raison ?

Nous ne nous sommes pas retiré officiellement du CSA. Mais, je préfère attendre pour répondre à cette question.

À la mi-février, devrait se tenir, comme le demande la CMA, une réunion de haut niveau du CSA, qu’en pensez-vous ?

Les gens de la CMA ont la maladie de certains qualificatifs parmi lesquels ‘‘Haut‘‘. Le CSA est composé d’anciens ministres, il y des représentants de la communauté internationale, ce qui vous en conviendrez, est déjà assez représentatif. Je pense que c’est suffisant, pour les gens de la CMA qui nous ont déjà pas mal emmenés vers le bas, donc pas besoin d’autres choses.

Fahad Ag Almahmoud : »Il n’y a jamais eu d’affrontements entre la Plateforme et la CMA pour la drogue »

 

Depuis deux semaines, Kidal est le théâtre d’affrontements entre la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Fahad Ag Almahmoud est le secrétaire général du Groupe armé touareg Imghad et alliés (GATIA), membre de la Plateforme.

Quelle est la situation aujourd’hui à Kidal ?

La situation est relativement calme. La MINUSMA a interdit à la Plateforme de rentrer dans la ville à travers une vidéo sur les réseaux sociaux, même si nous avons remarqué que la CMA continue de se préparer à nous attaquer. Pour le moment, on n’est pas dans la ville, mais on cherche à réduire leur marge. Il n’est pas question qu’on soit exclus de la gestion de Kidal.

On parle plutôt de conflits pour le contrôle des routes de la drogue dans le Sahara ?

Ces gens et tous ces experts-là sont des ignorants. Tout le Sahara est une route. Tu peux aller partout ! Ils ont dit la même chose à propos de Tabankort, en voulant faire de nous des crapules. Aujourd’hui, on ne parle plus de drogue à Tabankort. Il n’y a jamais eu d’affrontements entre la Plateforme et la CMA pour la drogue. Le problème qui nous oppose, c’est que les Ifoghas veulent que tout le monde soit derrière eux. Ils veulent être le seul interlocuteur de la communauté internationale. Par le passé, il y a eu l’expropriation des Arabes de In Khalil par les Ifoghas. C’est le fond du problème Ifoghas/Imghads. Il est impensable pour nous que les Imghads, qui sont majoritaires, soient dans une situation de dominés à Kidal, surtout que les voies démocratiques nous donnent raison : le député est Imghad, le maire aussi. C’est le plus grave problème du conflit. Tant qu’il n’est pas résolu, on n’avancera pas. Il faut que les gens arrivent à s’accepter et à vivre ensemble.

Il y a deux semaines, vous avez dit dans un post sur Facebook, que depuis la visite de Bilal Ag Chérif à Bamako, le comportement de la CMA avait changé vis-à-vis du GATIA et avez évoqué des promesses que le Président lui aurait faites…

Je vais être clair avec vous. Je n’ai fait que répéter le compte rendu que Bilal Ag Chérif (Secrétaire général du Mouvement national de libération de l’Azawad, ndlr) et Alghabass Ag Intallah (Secrétaire général du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad) ont fait à leur état-major à Kidal. Je n’ai plus rien à ajouter.