Sécurité : les groupes armés de la CMA fusionnent

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad, les trois groupes armés regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), viennent de fusionner en une seule entité politique et militaire.

La cérémonie de signature de la déclaration consacrant cette fusion s’est déroulée hier mercredi 8 février au stade Mano Dayak de Kidal en présence des responsables des mouvements.

Pour concrétiser cette nouvelle étape selon le directoire de la CMA, les trois mouvements ont décidé de mettre en place un comité technique chargé des modalités pratiques de la fusion, et d’organiser dans les meilleurs délais un congrès qui fixera les orientations et mettra en place les organes de la nouvelle organisation.

En attendant l’aboutissement du processus, le Bureau exécutif de la CMA continuera la gestion des affaires de la Coordination, précise la déclaration qui invite par ailleurs les autres mouvements à se joindre à l’initiative d’union.

Si cette fusion des trois mouvements de la CMA répond, selon ses initiateurs au besoin d’union face aux défis pour parvenir au bien-être socio-politique et celle de l’amélioration de la situation sécuritaire dégradante dans la zone, elle devrait également donner plus d’épaisseur à la CMA face au gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 issu du processus d’Alger.

La CMA et d’autres groupes réunis au sein du CSP ont suspendu depuis le 21 décembre 2022 leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre.

Ces groupes envisagent de lancer le 20 février prochain, une grande opération de sécurisation des populations des régions du Nord.

Fahad Ag Almahmoud : « Nous ne pouvons pas accepter que cette tendance prenne le contrôle de la Plateforme »

La Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 d’Alger, partie signataire de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale est depuis quelques semaines sujet à des dissensions internes.  Le dernier acte de discorde était le retour au CSA du secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) en lieu et place de son secrétaire permanent. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, membre de la Plateforme, explique les points d’achoppements.

Qu’est-ce qui explique les dissensions au sein de la Plateforme ?

Après la signature de l’Accord en 2015, on nous a communiqué le nombre des représentants de la Plateforme au sein du Comité de suivi de l’Accord (CSA). Il y a eu un tiraillement entre le secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Ahmed Ould Sidi Mohamed et  son secrétaire permanent.  Nous, nous avons estimé à juste titre que le secrétaire permanent nous est plus utile que le secrétaire général, vu l’âge de ce dernier, ses problèmes de santé et sa lucidité. Nous avions donné la liste mais quelques temps après il écrit au CSA pour dire qu’il conteste. Le CSA a estimé que la Plateforme a donné une liste et il a été prié de sortir de la salle en 2016. Entre temps, il y a eu un problème d’humeur entre la branche MAA de Tombouctou et celle de Gao. Cette dernière a écrit au CSA pour lui demander d’enlever le secrétaire permanent. Le président du CSA a donné une suite favorable à cette missive, or qu’en 2016, la demande avait été déboutée. Et cela,  sans donner aux parties concernées une marge de manœuvre suffisante à fin de parvenir à un compromis.  Au sein aussi de la Plateforme et de la CMA il y a des mouvements qui ont des liens avec des groupes terroristes et d’autres qui n’en ont pas et qui les combattent comme nous. C’est en fonction de cela que défendons ou pas. C’est ce qui a créé notre proximité avec la tendance de Moulaye Ahmed Ould Moulaye Reggani (secrétaire permanent), car  nous pensons que l’autre de Gao est complètement sous les ordres de la CMA.  Nous ne pouvons pas accepter que cette tendance prenne le contrôle de la Plateforme.  Ce vieux a vécu 35 ans en Mauritanie et n’a aucune attache militaire chez nous.

Que comptez-vous faire ?

Nous ne comptons plus être assimilés à des gens qui n’ont pas le même agenda que nous. Nous tous faisons partie de la Plateforme originelle. Chacun de nous est là parce qu’il représente des hommes en armes. On ne peut pas faire sortir celui qui représente ces hommes  et amener quelqu’un qui ne représente personne. Je ne peux pas comprendre que le président (Algérie) du président du CSA (Ahmed Boutache) ait été obligé de démissionner il y a quelques  semaines parce qu’il est inapte, et que, dans le même temps, ce dernier veuille que nous acceptions une personne tout aussi inapte. Nous comptons entreprendre tout ce qui rendra audible notre mécontentement.

Ces dissensions ont –elles un lien avec Me Harouna Touré que vous récusez?

Tout le monde sait depuis très longtemps que Me Harouna Touré est au service de la CMA. Nous ne partageons plus les mêmes valeurs. Il n’est plus notre porte-parole  et même la CMFPR a officiellement écrit au président du CSA et à la communauté internationale pour leur dire qu’il ne les  représente plus. Lui et ce vieux sont tous au service d’une certaine partie obscurantiste de la CMA.

 

Tombouctou – Taoudéni : vers un consensus ?

Les groupes armés contestataires sont dans une dynamique de pacification des tensions avec le gouvernement malien au sujet de l’installation des autorités intérimaires pour les régions de Tombouctou et Taoudeni, confirment des sources politiques du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) à Bamako.

La situation est plutôt calme aujourd’hui à Tombouctou, les tirs à l’arme lourde ont cessé leur vacarme et la cité des 333 saints fait figure de ville morte, selon des sources locales.

La médiation internationale a condamné, via un communiqué rendu publique lundi soir par la MINUSMA, la prise depuis deux jours par un détachement armé de la CMA/Plateforme pro-malienne de 2 check-point de l’armée malienne à Tombouctou, en réaction à la nomination des personnes choisies par le gouvernement malien pour diriger le collège transitoire des autorités intérimaires dans la région de Taoudéni . « Les autorités intérimaires sont reportées pour le moment à une date ultérieure mais nous avons une réunion avec les membres du gouvernement et le haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord à 9h, aujourd’hui, à Bamako, pour discuter de notre intégration dans toutes les instances du comité de suivi de l’Accord y compris les autorités intérimaires de Tombouctou  » déclare Azarock Ag Innaborchad, président du CJA.

Qui aura quoi à Tombouctou et Taoudeni ? Les groupes en présence à Tombouctou sont le CJA et le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA), qui protestent contre leur absence au sein des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudeni, et qui entendent pousser le gouvernement malien à renoncer aux personnes nommées pour diriger les autorités intérimaires et à les remplacer par des personnes choisies par leurs responsables. Les deux MAA issus de la CMA et de la Plateforme pro-malienne sont appuyés par les dirigeants de la CMA à Bamako. Le CJA qui a quitté la CMA devrait avoir des difficultés à obtenir ce qu’ils demandent.

Selon des sources proches du dossier, les membres du gouvernement malien et les chefs de la CMA ont décidé d’isoler le CJA des autorités intérimaires. En d’autres termes, le CJA ne pourrait que participer au niveau cercle et commune des autorités intérimaires. Alors que les deux MAA auront ce qu’ils veulent, malgré le fait qu’ils ont déjà une dizaine de représentants dans les régions de Tombouctou et Taoudéni et la présidence du conseil régional de Tombouctou, sans parler d’une vingtaine de représentants dans les autres organes de l’Accord avec la vice-présidence du CSA. Malgré tout, ils exigeraient la présidence de l’assemblée régionale de Taoudeni, qui deviendrait à dominante arabe, alors que les Touaregs ne sont présents qu’à Kidal, Méneka et Gao.

Le CJA qui a été a été créé pour défendre les intérêts de ses communautés est exclu de la mise en oeuvre de l’Accord et souhaite être au coeur de tous les organes de décision de l’Accord du CSA jusqu’aux autorités intérimaires, qui auront la gestion administrative et politique des régions, via la Commission Technique de Sécurité (CTS), le mécanisme opérationnel de Coordination (MOC), l’Equipe Mixte d’Observation et de Vérification (EMOV). Ce qui leur permettrait de participer pleinement à la gestion de leur région sur tous les plans: politique, défense et sécurité, développement, justice, questions humanitaires et retour des réfugiés. Ainsi que de participer au redécoupage prévu dans l’accord, pour la création des nouvelles circonscriptions en vue d’une meilleure représentativité des populations de l’Azawad dans les institutions et les grands services publiques, en décrochant la région des lacs, dans le cercle de Goundam, comme l’ont fait ceux de Menaka et Taoudeni. Il à craindre que que le duel d’influence entre CMA/MAA et CJA pourrait exacerbé les tensions, dans ces 2 régions, qui sont les deux derniers points de blocage à l’installation des autorités intérimaires.

Le GATIA : l’outsider gagnant

À l’heure où la CMA, qui détient la ville de Kidal, est affaiblie par de nombreuses dissensions en son sein, la Plateforme et son fer de lance le GATIA se renforcent sur les terrains militaire et politique. Ce dernier, longtemps cantonné sur les champs de bataille, entend désormais se faire entendre et jouer sa partition.

Bras armé de la Plateforme, mouvement signataire de l’Accord d’Alger, le Groupe armé d’autodéfense imghad et alliés (GATIA) s’est au fil des mois imposé comme un acteur incontournable du nord du Mali. Ces dernières semaines, après avoir été sur le terrain militaire, où il a engrangé plusieurs succès, c’est désormais sa stature politique qui prend de l’ampleur avec les ralliements d’autres mouvements autrefois alliés de la CMA.

Créé en 2014 pour protéger les populations de la communauté imghad, le GATIA est en effet en passe de devenir le plus grand mouvement polico-militaire du nord du pays. « Après une analyse minutieuse de la situation du nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous comptons, avec nos frères de la Plateforme, tout mettre en œuvre pour privilégier le combat pour la paix et le développement au bénéfice de nos populations qui ont tant souffert », a expliqué Sidi Mohamed Ould Mohamed, porte-parole du MAA de Ber qui a quitté la CMA le 27 septembre. De l’avis d’Amara Keïta, sociologue enseignant-chercheur à l’université de Bamako, « il ne fait aucun doute que la nouvelle position du GATIA affaiblira la CMA qui était maître de jeu dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger ». « Aujourd’hui, exclue de la gestion de Kidal, la communauté touarègue imghad, majoritaire dans le nord du pays, se battra jusqu’au bout pour son existence », explique-t-il. « L’une des principales raisons de cette montée en puissance du GATIA a été la résistance de ses leaders politiques et militaires à l’idéologie indépendantiste. Il a en fait récolté les fruits de cet effort », ajoute Mr Keïta.

Non indépendantiste, le GATIA veut se dissocier des autres mouvements armés. Une position qui lui vaut aujourd’hui l’estime d’une bonne partie du peuple malien, ce qui renforce plus encore sa position et le rend objet de suspicion voire d’accusations quant à ses liens avec le pouvoir de Bamako. Une proximité largement démentie de part et d’autre, sans toutefois vraiment convaincre ceux qui le voient aujourd’hui en position de réclamer sa part de la gestion de l’État, comme y ont eu droit des cadres de la CMA…

 

Le MAA de Ber rejoint les rangs de la Plateforme

Après l’annonce faite par le porte-parole du Mouvement Arabe de L’Azawad /Zone Ber qui souligne son adhésion à la plateforme, les responsables du MAA et de la CMA montent au créneau pour démentir cette information.

« Après une analyse minutieuse de la situation, nous avons décidé de ne plus nous embarquer dans des aventures guerrières non justifiées et aux objectifs inavoués », déclarait Sidi Mohamed Ould Mohamed, porte-parole du MAA-Ber ce mardi 27 septembre lors d’une conférence de presse. Une déclaration qui témoigne donc désormais de l’adhésion du MAA de Ber à la Plateforme républicaine, une des parties signataires de l’accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali. Selon les responsables, cette décision est en rapport avec les récents événements dans la localité de Ber où le drapeau du Mali a été profané et brûlé par des jeunes manifestants de la CMA.

Du côté de la CMA, les membres considèrent l’annonce de Sidi Mohamed Ould Mohamed comme un coup d’épée dans l’eau. Pour Mohamed Mahamoud, Secrétaire Général adjoint de la CMA cette déclaration ne vaut rien, « nous considérons cela comme un non évènement qui n’a aucune importance. C’est l’initiative d’une seule personne et non d’un groupe », justifie-t-il.

Dans la soirée du 29 septembre, un communiqué de la CMA publié sur les réseaux sociaux aborde dans le même sens des propos tenus par Mohamed Mahamoud.

« Le Mouvement Arabe de L’Azawad /Zone Ber a été surpris d’avoir appris dans la presse écrite qu’un certain Sidi Mohamed Ould Mohamed inconnu de toutes les instances du MAA et ne représentant aucune de nos communautés, qui par usurpation se présente comme un membre du MAA/Ber en faisant des déclarations mensongère et des actes irresponsables en notre nom, ce que nous démentons catégoriquement », mentionne le communiqué. Et au colonel Houssein Goulam, Chef D’état-major dudit mouvement, d’ajouter que le MAA de Ber met en garde tout individu agissant ainsi, « toutes les mesures appropriées seront prises pour mettre fin à des telles provocations », conclu le communiqué.

 

La CMA au bord du gouffre : Le MAA de BER rejoint la Plateforme

Le porte-parole du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Sidi Mohamed Ould Mohamed a animé un point de presse, mardi 27 septembre, à la Maison de la presse. L’objectif était d’informer l’opinion publique de la situation qui prévaut au nord du pays et de son ralliement à la Plateforme.

La descente aux enfers de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), amorcée depuis queslques mois se poursuit. Après le départ fracassant de Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, parti créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), qui s’est rallié à la Plateforme, l’étau se resserre de nouveau sur la coordination avec le départ des chefs de fraction, responsables, leaders et notabilités ressortissants de Ber région de Tombouctou, membres aussi du MAA de la CMA. « Après une analyse minutieuse de la situation au nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous informons : le Représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies, chef de la MINUSMA, toutes les autorités du Mali ainsi que l’opinion nationale et internationale que désormais nous n’entendons plus nous laisser embarquer dans des aventures guerrières injustifiées ou pour des raisons inavouées. Demandons au peuple malien de bien vouloir pardonner et de prier pour le retour de nos frère égarés à la République », souligne Sidi Mohamed Ould Mohamed porte-parole du MAA. Pour les partants, l’accord issu du processus d’Alger signé par la CMA et la Plateforme évoque de façon claire la préservation de l’unité nationale, la laïcité et l’intégrité territoriale du Mali. « Dès lors, il nous est incompréhensible que nos populations continuent d’être instrumentalisées pour des marches contre la République et conduites dans des conflits fratricides », a-t-il ajouté. Un coup dur pour la CMA qui présentait déjà des signes d’essoufflement sur le terrain avec la prise de nombreuses localités par la Plateforme.

Sidi Brahim Ould Sidati : « Après l’Accord, nous devons développer un sentiment national plus fort »

Peu connu du public jusqu’au 20 juin 2015, Sidi Brahim Ould Sidati, originaire de Tombouctou, est le Secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). Ex-maire de la commune rurale de Ber (région de Tombouctou), il a, au nom de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signé l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Cet enseignant de formation revient dans cette interview exclusive réalisée le 10 janvier à Bamako, sur les conditions de mise en œuvre du texte. Audelà des divergences supposées ou réelles au sein de la CMA, le combat d’Ould Sidati, qui participe aux travaux du Comité de suivi de l’accord (CSA), serait avant tout celui de l’unité des populations du Nord, envers qui le Mali n’aurait pas toujours été tendre.

Journal du Mali : Huit mois après la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, quelle appréciation faîtes-vous de la mise en œuvre du texte, vous qui repré- sentez la CMA au sein du Comité de suivi de l’Accord ?

Sidi Brahim Ould Sidati : Il y a eu deux phases après la signature de l’accord. Trois premiers mois tendus avec des affrontements sur le terrain et un doute réel quant à sa mise en application. Cet état de fait a duré jusqu’en octobre 2015. Après la rencontre d’Anéfis, les lignes ont commencé à bouger. Pour moi, il y a clairement un avant et un après Anéfis. Après ces discussions, on a vu les différentes commissions travailler et réaliser des avancées sur les textes législatifs. Ces avancées ne sont certes pas visibles sur le terrain, mais c’est un début de mise en œuvre.

Cette mise en œuvre avance-t-elle au bon rythme ? N’est-elle pas un peu lente et pour quelles raisons ?

Nous n’avons pas encore une action physique, visible sur le terrain qui permet de dire que la mise en œuvre de l’accord avance. Des actions qui impacteraient sur le quotidien des populations. Au début, il n’existait pas de confiance entre parties signataires, ce qui a retardé les choses, et certains avaient même voulu remettre l’accord en cause.

Vous parlez de confiance. Existe-t-elle désormais au sein du comité de suivi après la phase critique ?

Il est difficile de construire une confiance lorsqu’on a peur. Il y a des mesures de confiance telles que la libération des prisonniers rebelles. Il y a bien sûr moins de tiraillement aujourd’hui dans le comité de suivi. Cette confiance, à mon humble avis, s’installe peu à peu. Mais pour l’heure, on ne peut pas dire qu’elle est définitive.

Vous avez eu à suspendre votre participation au comité de suivi de l’accord. Tout cela est-il derrière vous ?

On a voulu suspendre effectivement pour voir s’il y avait vraiment un accord ou pas, et un changement dans les comportements des parties. Il n’était pas possible de poursuivre avec l’avancée des troupes sur Anéfis. Après les discussions, les choses sont revenues au bon point de départ, avec l’arrêt des hostilités sous l’œil de la médiation.

Êtes-vous satisfait quant à la sécurisation des biens et des personnes sur le terrain ?

La majorité des prisonniers a été libérée, même s’il demeure des exceptions que nous traitons. Il faut bien sûr plus d’actions sur le terrain, comme la prise en charge de combattants pour sécuriser le Nord et éviter les troubles. Néanmoins, l’arrêt des hostilités est effectif. La Plateforme et la CMA parlent aujourd’hui de la même voix. Nous faisons même des communiqués conjoints. Ce qui permet de faire avancer le processus. L’accord prévoit en outre des autorités de transition pour permettre cette ré-administration, et le retour des réfugiés. On a tenté d’ouvrir les écoles à Kidal, mais il n’y a pas d’autorité à Kidal. Or, il faut des pouvoirs mixtes pour exécuter tout cela. Beaucoup reste à faire.

Est-il vrai qu’il existe, au sein de la CMA, un antagonisme entre le MNLA et le HCUA ?

Je crois qu’une confusion existe. Pour rappel, le HCUA faisait partie d’Ansar Dine et a rompu avec lui, pour divergences de vues. Et à chaque fois qu’il y a eu un problème entre le MNLA et Ansar Dine, on l’a mis au compte du HCUA, qui est aujourd’hui membre de la CMA. Pour moi, il n’y a pas d’antagonisme entre les deux mouvements.

Que pensez-vous de l’attaque récente sur plusieurs éléments du MNLA, et revendiquée par Ansar Dine ? Cela vous inquiète-t-il ?

C’est justement ce problème récurrent entre le MNLA et Ansar Dine qui persiste. Vous savez, il y a aujourd’hui ceux qui sont contre l’Accord et le mettent en péril. Ils ont un objectif commun, celui de faire échouer le processus de paix.

Revenons sur le MNLA, on l’accuse de jouer un jeu solitaire. Notamment sur la nomination de Madame Nina Wallett Intalou au sein de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) et sans consultation des autres mouvements de la CMA ?

Il n’y a pas de crise entre les mouvements de la CMA. Je le répète. Le problème vient d’Ansar Dine, qui est pour l’application de la charia. Je vous l’ai dit, certains membres du HCUA ont quitté ce mouvement. Par ailleurs, le MNLA ne fait pas cavalier seul. Il fait partie d’un ensemble qu’est la CMA. Quant à la nomination de Madame Intalou, elle a été proposée par la commission. Nous, nous n’étions pas d’accord sur le nombre de personnes représentées au sein de la CVJR, qui était de 2, au lieu de 5. Entretemps, trois personnes ont été nommées. Le problème est réglé.

Est-ce que la CVJR a réellement des marges de manœuvre ?

La commission n’est pas un outil de l’accord. Elle s’est faite avant l’accord. Nous avions demandé des modifications, car si elle ne dépend que d’un ministère, cela n’a pas de sens. Il faut lui donner une certaine liberté avec un ancrage qui lui permet de dire sa vérité. Dans sa forme actuelle, ce n’est pas la vision de la CMA.

Que pensez-vous de l’influence négative d’Iyad Ag Ghaly sur le processus de paix ? Est-elle réelle selon vous ?

Pour moi, le problème ne vient pas d’Iyad seul. Il y en a d’autres comme Amadou Koufa, du Front de libération du Macina. Ce sont des personnalités qui ont une autorité certaine sur les populations locales, et qui étaient là bien avant l’accord. Donc, ne peut nier cette équation. Maintenant, tout dépend de la vitesse d’exécution de l’accord. Plus on tarde, plus ils gagnent en influence, mais plus nous accélérons, plus leurs marges de manœuvre sont réduites et ils seront isolés.

Iyad Ag Ghaly continue pourtant de rallier à sa cause autour de Kidal et ailleurs. La paix est-elle possible et durable sans Iyad ?

Encore une fois, tout va dépendre de la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, c’est vrai, il est dans une logique de ratisser le plus largement possible. Mais l’accord doit permettre de contenir ces gens, ces velléités. Et si demain, on devait né- gocier, ce serait sur des choses isolées. Il nous faut accélérer le processus.

Parlons du MAA, votre mouvement, qui a deux branches. L’une plus proche du gouvernement, l’autre dissidente proche du MNLA et plus radicale ?

Cet état de fait existe depuis l’accord de Ouagadougou. Nous sommes restés proches du HCUA et aussi du MNLA depuis trois ans, avec les mêmes revendications politiques et organisations militaires sur le terrain. Mais il n’y a plus de différences, puisque nous sommes tous réunis au sein de la CMA et cela dans un seul objectif, appliquer l’accord de paix. Idem entre nous, le gouvernement et la Plateforme.

À propos de la Plateforme, Maître Toureh, son représentant, déplorait une inertie du gouvernement. Les autorités tiennent-elles leurs promesses ?

Je pense qu’il y a une nette amélioration depuis un mois et demi. Une évolution certaine du gouvernement quant à l’application de l’accord et des textes législatifs qui le régissent, comme par exemple le processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) ou encore, la mise en place des outils de transition. L’accord prévoit ces textes et même la révision de la Constitution, nécessaire pour mettre certaines dispositions en place.

Justement, tout ceci pourrait rallonger davantage la période transitoire…

Tout cela fait partie de l’accord. Ce sont des phases. Cela dit, la prise en charge des combattants est par exemple une chose qui urge. Les textes doivent être accélérés. Il nous faut reconstituer une armée capable de sécuriser les personnes. Ramener les réfugiés, rouvrir les écoles, des urgences qui ne doivent plus attendre, avant toute idée d’élections. Maintenant qu’on a signé cet accord, nous devons développer un nationalisme plus fort et éviter les tiraillements du passé. C’est un changement de comportement, de mentalité. Aussi bien pour la majorité que pour l’opposition. Tout le monde est concerné.

Sur la prise en charge des combattants, la MINUSMA attend la liste des personnes devant être cantonnées. Qu’est-ce qui bloque ?

C’est dû au manque de confiance. Nous n’en sommes pas à notre premier coup d’essai, beaucoup d’accords ont été signés au Mali. Aujourd’hui, les gens ne veulent pas fournir une liste, se livrer, tant qu’ils n’ont pas la garantie que leurs revendications politiques seront prises en compte. Elles concernent évidemment le nord et l’Azawad. Ceci dit, à partir du moment où l’on connaît les sites de cantonnement, nous avons donné un chiffre de 600 hommes par site. En fonction de la prise en charge de ces combattants, nous donnerons les listes et nous pourrons avancer dans le processus. Vous savez, il est difficile de regrouper des gens qui sont dispersés dans un rayon très vaste.

Un délai est prévu pour mi janvier ? Est-ce réalisable ?

Les textes sont déjà faits. On s’entend sur la méthode et les quotas. J’estime qu’autour du 20 janvier, on sera dans la bonne démarche.

Sur un tout autre plan, un remaniement ministériel s’annonce. La Plateforme a un représentant depuis le dernier réaménagement. La CMA espère-t-elle encore faire partie d’un nouveau gouvernement, comme en juin ?

Lorsqu’on a signé cet accord, il y avait des priorités à régler avant de penser à intégrer le gouvernement. Par ordre, la libération de nos prisonniers, la prise en charge de nos combattants, la mise en place d’autorités de transition, etc. Après tout cela, on pourra penser à une éventuelle participation au gouvernement.

Est-ce que la nomination d’une personnalité du Nord au poste de Premier ministre pourrait faire avancer plus vite le processus et donner un signal fort ? Vous aviez auparavant demandé des postes clés…

Nous avons d’abord un timing à exécuter. L’entrée au gouvernement n’est pas notre priorité du moment. L’actuel Premier ministre est d’ailleurs un homme d’une grande sagesse. Il ne s’agit pas d’un problème de personnes ou du président IBK, mais d’une volonté nationale afin que les gens aillent vers cette unité nationale. La fissure était grande et la solution demande un grand effort national.

La MINUSMA est au Mali depuis plus de deux ans. Comment jugez-vous son action ? Que peut-on attendre de l’arrivée de Mahamat Saleh Annadif, nouveau chef de la Mission ?

Faire sans la MINUSMA n’a pas de sens, puisque les Maliens ont accepté sa présence. C’est aussi aux parties maliennes de dégager une feuille de route claire quant à leurs attentes sur le rôle que doit jouer la MINUSMA pour sécuriser. Mais la paix, ce sont d’abord les Maliens qui la feront, avec une vision et une stratégie commune. Monsieur Annadif ? On lui souhaite du succès, évidemment. Il est nouveau, il lui faudra sans doute un temps de compréhension et d’adaptation au contexte et aux Maliens. Son prédécesseur Mongi Hamdi avait déjà intégré beaucoup de choses en un an.

Vous avez déclaré que l’attentat du Radisson visait l’accord de paix. Faut-il craindre d’autres actes ?

Les Maliens doivent apprendre à vivre avec le terrorisme et rester vigilants. Le danger est constant et permanent. On ne doit pas s’arrêter à dix jours de mobilisation pour laisser les choses s’essouffler. L’état d’urgence doit permettre une capacité de réaction plus rapide, des fouilles systématiques, ce qui demande des moyens et des dispositions juridiques efficaces.

L’état d’urgence s’applique-t-il au Nord?

L’état d’urgence s’applique là où il y a un État, ce qui n’est pas le cas au nord du Mali. Quand il n’y a pas d’État, pas d’état d’urgence donc…

Les fonds qui doivent être alloués au Nord, environ 300 milliards, sont-ils un élément fondamental pour enclencher le développement ?

On ne peut faire une paix sans ressources. Mais l’essentiel n’est pas dans l’argent. Plutôt dans le fait de comprendre qu’on doit travailler ensemble pour la paix, avant tout développement. Les différentes agences et les fonds de développement, on le sait, ont plus permis de construire des villas à Bamako que de développer le Nord. Ne tombons pas dans les mêmes erreurs.

Mais à long terme ?

Au Mali, les régions du nord repré- sentent les deux tiers du pays. Pour les politiques nationales de développement, d’éducation ou de santé, on a toujours regardé le facteur démographique. Dans 1/3 du pays (sud et centre) vous avez 90 % de la population qui vit et bénéficie de ces politiques. Imaginez que pour avoir un Centre de santé communautaire (CESCOM) au nord, il faut au minimum 5 000 personnes, ce qui exclut d’office de nombreuses localités dans le nord. L’État, c’est avant tout un contrat social avec les populations, et lorsque ce contrat n’est pas rempli, l’appartenance à l’État est difficile. J’ai été enseignant pendant 12 ans à Bamako. En discutant avec les populations au nord, j’ai compris qu’elles n’avaient aucun attachement à l’État malien. Dans l’accord, il y a la création du Sénat, avec une représentativité liée au territoire et non plus seulement au facteur démographique pour créer un réel partage du pouvoir. Si au sud vous avez 5 régions, pour le Nord qui représente les 2/3 du territoire, il faudrait en créer 15.

Pour finir, que souhaitez-vous pour la nouvelle année 2016 ?

Que les choses aillent plus vite. Que ce texte trouve son application réelle. Évidemment, je souhaite plus de paix pour les Maliens et que l’on puisse se mettre ensemble et au dessus de tous ceux qui sont contre cet accord de paix.