Sécurité : les groupes armés de la CMA fusionnent

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad, les trois groupes armés regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), viennent de fusionner en une seule entité politique et militaire.

La cérémonie de signature de la déclaration consacrant cette fusion s’est déroulée hier mercredi 8 février au stade Mano Dayak de Kidal en présence des responsables des mouvements.

Pour concrétiser cette nouvelle étape selon le directoire de la CMA, les trois mouvements ont décidé de mettre en place un comité technique chargé des modalités pratiques de la fusion, et d’organiser dans les meilleurs délais un congrès qui fixera les orientations et mettra en place les organes de la nouvelle organisation.

En attendant l’aboutissement du processus, le Bureau exécutif de la CMA continuera la gestion des affaires de la Coordination, précise la déclaration qui invite par ailleurs les autres mouvements à se joindre à l’initiative d’union.

Si cette fusion des trois mouvements de la CMA répond, selon ses initiateurs au besoin d’union face aux défis pour parvenir au bien-être socio-politique et celle de l’amélioration de la situation sécuritaire dégradante dans la zone, elle devrait également donner plus d’épaisseur à la CMA face au gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 issu du processus d’Alger.

La CMA et d’autres groupes réunis au sein du CSP ont suspendu depuis le 21 décembre 2022 leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre.

Ces groupes envisagent de lancer le 20 février prochain, une grande opération de sécurisation des populations des régions du Nord.

Moussa Ag Attaher : « Le MNLA n’est pas en perte de vitesse »

Du 30 novembre au 3 décembre, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a tenu à Kidal son 4ème congrès. Son porte-parole, Moussa Ag Attaher, répond à nos questions.

Quels sont les principaux thèmes débattus lors du congrès ?

Comme points essentiels, nous avons d’abord procédé au renouvellement des structures du mouvement. Nous étions à la fin des trois ans de mandat du bureau sortant. Nous avons également réactualisé et redynamisé ces structures, afin qu’elles soient en adéquation avec les réalités du moment. Un autre point a été la mise en œuvre de l’Accord. D’autant que le congrès a coïncidé avec un moment où le MNLA, au sein de la CMA, est dans une situation de suspension de ses activités au CSA, mais aussi au Dialogue national inclusif. Le mouvement s’est aussi penché sur les questions de défense et de sécurité, pour voir comment repenser notre outil de défense pour faire face aux nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Quelles ont été les recommandations formulées ?

Des recommandations ont été faites sur l’Accord de paix, sur la défense et la sécurité, mais également sur la cohésion, notamment entre la CMA et les autres mouvements. Une recommandation très forte a été faite pour une fusion de l’ensemble des composantes de la CMA pour former un grand mouvement, plus efficace.

Et concernant une participation prochaine au CSA ?

Il y a eu des efforts ces dernières semaines pour sortir de l’impasse actuelle. Le congrès a salué les efforts de la communauté internationale pour ramener les parties à la table des discussions en vue de dépasser les blocages. Nous saluons ces efforts, nous les encourageons. Jusqu’à là, ce sont des démarches qui sont faites, mais il n’y a pas eu de propositions concrètes pour préparer un CSA dans les meilleurs délais. Nous avons reçu une invitation pour le 11, mais cela a finalement été reporté. Nous imaginons que c’est pour qu’il y ait une réunion préparatoire entre les parties pour s’accorder sur certains points.

Le MNLA serait en perte de vitesse…

Ce congrès constitue en lui-même une réponse à tous nos détracteurs, qui ont voulu faire disparaitre le MNLA à travers leur bouche. S’il s’agit d’existence sur le terrain, nous en avons fait la démonstration, par un défilé militaire notamment, avec plus de 300 véhicules et leurs équipements. Nous avons fait une démonstration politique en mobilisant plus de 3 000 personnes et nous avons fait une démonstration de légitimité avec la population, en enregistrant la participation des cinq régions de l’Azawad. Je ne vois donc pas en quoi nous serions en perte de vitesse.

Boubacar Sidiki Haidara

Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad n’a pas intégré la CMA

Il y a de cela plus d’une semaine, des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux sur une dissolution du CJA au sein du MNLA. Face à la persistance de la nouvelle, le CJA dans un communiqué datant du 9 décembre a démenti ces « allégations mensongères ». Arrêt sur les faits.

Sur les réseaux sociaux, Facebook notamment, l’information selon laquelle  le Congres pour la Justice dans l’Azawad aurait rejoint le Mouvement National de Libération de l’Azawad a suscité des réactions et interrogations, jusqu’au sein du CJA. Il est, en effet, difficile de distinguer le vrai du faux sur ce réseau social. À travers un communiqué en date du 9 décembre, le CJA a apporté un démenti formel et officiel de ce qu’il qualifie d’« allégations mensongères L’information est de nuisance « car, elle est en train de soulever des questionnements de beaucoup des nôtres », souligne le communiqué. Une « intoxication mensongère qui n’a aucun fondement et qui ne vient ni du CJA ni du MNLA », poursuit cette mise au point.

Eléments de faits

Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad n’a intégré ni le MNLA ni la CMA. C’est le Secrétaire général du CJA, Azarock Ag Inaborchad qui l’affirme. « On a jamais dit qu’on va intégrer la CMA, on avait dit qu’on négocie dans le cadre du processus de l’inclusivité » ainsi, il lève toute équivoque. Le Secrétaire général se veut être claire sur le sujet, « on a jamais dit qu’on sera fondu dans un groupe quelconque, mais que nous sommes en train de réfléchir ensemble », souligne-t-il avec insistance.  Selon lui, le CJA opère des rapprochements pour le moment avec la CMA. Une initiative née à la suite de la 21eme session du Comité de suivi de l’Accord, où le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, Mahamat Saleh Annadif avait insisté sur la question d’inclusivité. C’est ainsi que « les gens de la CMA, de la Plateforme et tout le monde sont en train de se démener pour voir qu’elles sont les rapprochements à faire », situe Azarock  Ag Inaborchad. « Nous avons écarté pour le moment toute possibilité de nous faire fondre dans un groupe même si c’est ce que la CMA souhaite », poursuit-il. Des réunions ont eu lieu entre des responsables du CJA et ceux de la CMA qui ont abouti à définir un certain nombre des schémas. « On avait discuté avec Bilal Ag Acherif, calmement, de façon très responsable et on avait dit qu’on mettrait un cadre de concertation. En plus de nous ,il y a aussi le CMFPR2 et le MSA », indique Azarock Ag Inaborchad. Toujours selon le Secrétaire général, l’objectif est d’avoir un cadre de réflexion sur des propositions et des modalités de collaboration.

Le Secrétaire général du CJA lève aussi la confusion souvent faite entre le CJA qu’il préside et celui membre de la Coordination des Mouvements de l’Entente(CME).

Oumar Aldjana : « L’ANSIPRJ va complètement intégrer le MNLA »

Oumar Aldjana, chef politique et militaire de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ), jette l’éponge. Il met un terme à son combat armé pour défendre la cause peule et rejoint le MNLA. Les intrigues politiques des leaders peuls à Bamako, les divisions, la suprématie des combattants de la Katiba Macina dans le centre du Mali, l’ont amené à prendre cette décision. « Quelque part dans l’Azawad », où il se trouve actuellement, l’ancien leader de la cause peule a expliqué au Journal du Mali ce revirement brutal, ainsi que les nouveaux combats qu’il compte mener.

Pourquoi avez-vous décidé de cesser de défendre la communauté peule ?

J’ai décidé cela après avoir analysé la situation de la communauté peule, à Bamako et sur le terrain. J’arrête le combat parce que les Peuls ne sont pas solidaires. À Bamako, ils ne mènent que des luttes politiques, qui sont des luttes de revenus, pas pour un revenu général, mais pour un revenu individuel ou de groupe. Ils sont très mal organisés, ils n’ont pas pu faire sortir la communauté de la crise. Tous les responsables de ces associations peules sont tous divisés. Nous n’arrivons plus à nous comprendre autour d’un même objectif. Je ne serai pas un pion du virus qui frappe ma communauté. J’ai voulu contribuer à la cause des Peuls et non créer le désordre. Mais je continuerai, en tant qu’observateur, à soutenir la cause peule à 100 %.

Comment vos hommes ont-ils réagi à votre décision ?

Vous savez, sur le terrain, beaucoup de Peuls sont engagés pour mener une lutte qui est le djihad.  Moi, je suis dans ma région et j’applique ma religion, mais je ne suis pas prêt à me convertir ou à convertir les miens à intégrer les rangs des moudjahidines. Les Peuls qui ont embrassé cette cause refusent qu’il y ait une autre force peule sur le terrain, une force qui ne soit pas djihadiste. Je ne souhaite pas combattre ces gens et mes moyens ne me permettent pas de les combattre. Après de longues concertations avec nos différents bureaux politiques, mes hommes ont convenu que mon idée était la meilleure, car nous ne sommes pas actuellement en position de combattre les djihadistes. Je sais que beaucoup de Peuls ne vont pas me comprendre, mais le temps seul me jugera.

Que va devenir votre mouvement, l’ANSIPRJ ?

L’ANSIPRJ, branche politique et combattante, va complètement intégrer le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et désormais en suivre les règlements et idéaux.

Pourquoi le MNLA ?

Je faisais partie du MNLA avant de fonder l’ANSIPRJ. Je crois en ce que le MNLA fait, j’ai confiance en Bilal Ag Acherif. Je n’ai jamais démissionné du MNLA. Il n’y a jamais eu une rupture de contact entre nous. J’ai été démarché par plusieurs mouvements, comme le CPA, le HCUA, le MAA. Je ne veux pas faire partie d’un groupe qui lève son arme pour l’injustice ou l’amalgame. Je crois donc qu’il est mieux de revenir dans mon mouvement, le MNLA.

C’est une bonne opération pour le MNLA, avec les listes de combattants à fournir en vue du DDR. Combien êtes-vous à le rejoindre ?

Effectivement, notre venue au MNLA va nous permettre d’intégrer et de respecter le processus de l’Accord d’Alger. Je n’ai pas le nombre exact de nos combattants qui vont rejoindre le MNLA, parce que chez nous c’est la majorité qui compte et que cette majorité a été d’accord pour rejoindre le mouvement.

Que pouvez-vous apporter au MNLA, alors que son aura est affaibli au sein de la CMA ?

Je vais désormais me battre pour l’Azawad et pour la communauté nomade, pour tout ce que Bilal Ag Achérif peut demander et qui est légitime. Pour moi, la CMA fait trop profil bas. Quand je vois ces multiples rencontres à Bamako, ces chefs rebelles qui sont trop intéressés par les perdiem alors que des communautés leur on fait confiance pour les mettre à leur tête, cela me déçoit beaucoup. Je ne comprends pas tous ces chefs rebelles qui siègent à Bamako. Je suis Peul, mais aussi Tamasheq. Je veux mener ces combats au côté de mes frères nomades, car la lutte continue.

 

Moussa Maïga : « L’amitié avec la France ne doit pas nous rendre aveugle »

La Plateforme « On a tout compris, Waati sera », constituée de plus d’une centaine d’associations, a été contrainte vendredi 18 août par les forces de l’ordre, d’effectuer son deuxième sit-in prévu en face de l’ambassade de France, devant la Pyramide du souvenir. Moussa Maïga, membre fondateur de Waati Sera, a expliqué au journal du Mali, les buts de cette Plateforme qui pointe du doigt le rôle «trouble» de la France au Mali et qui prend de plus en plus d’ampleur.

Pourquoi avez-vous voulu faire un nouveau sit-in devant l’ambassade de France ?

Nous l’avons fait dans l’intention de dénoncer l’ingérence française dans la gestion de la crise Malienne.

Qu’appelez vous ingérence française ?

Nous ne sommes pas d’accord avec la politique française, car la France prend parti du côté des ennemis du Mali, comme la CMA, composée de ceux qui se disent nationalistes, le MNLA et de terroristes.

Ne pensez-vous pas que dans la situation actuelle au Nord, il serait dangereux de laisser Kidal sans la présence des forces étrangères ?

Avant que la France n’arrive à Kidal, les terroristes occupaient le Nord. À l’époque il n’y avait pas d’attentat, c’était juste leur charia qu’ils appliquaient à la population. La situation s’est aggravée malgré la présence de plusieurs troupes étrangères sur le sol malien. Nous voulons connaître leur agenda, nous ne savons pas ce qu’ils font au Nord. On augmente leur mandat mais la situation ne fait qu’empirer. Même l’autre jour, Ménaka est tombée dans les mains de la CMA sous les yeux de la Minusma. Nous avons vu la libération de Gao et Tombouctou par des forces étrangères mais jusqu’à présent Kidal n’a pas été libérée, qu’attendent les forces françaises pour libérer Kidal ? Si la France avait libéré toutes les régions du nord pour combattre le terrorisme, comme ils le disent, on les soutiendrait sans problème. Qquand ils ont libéré Konna le peuple malien a applaudit, après nous avons constaté qu’au lieu de se ranger auprès du Mali ils se sont rangé au côté des terroristes.

Concrètement, demandez-vous le départ des forces étrangères ?

Ce n’est pas ça notre objectif, nous voulons leur transparence, qu’ils mettent de côté leurs intérêts pour libérer le nord du Mali d’abord. Qu’ils n’oublient pas que le peuple malien aspire à avoir la paix. Cela fait longtemps que nous sommes dans l’impasse totale et c’est la France qui est dessous tout ça.

Pour vous la France est-elle toujours une amie du Mali ?

On peut être ami mais chacun doit garder sa personnalité, l’amitié avec la France ne doit pas nous rendre aveugle. La France est toujours une amie, mais nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’elle fait au Nord.

Selon vous, est-ce seulement la faute de la France ou aussi celle du gouvernement malien qui n’est pas suffisamment fort pour être souverain sur son territoire ?

Nous n’avons pas de gouvernement, c’est un gouvernement incompétent qui a les mains liées et qui ne peut rien faire. C’est au peuple de se défendre. Quelqu’un qui tend la main ne peut pas dénoncer celui qui lui donne à manger, notre gouvernement reste et demeure au côté du néo-colonisateur.

Peut-on vous considérer comme un mouvement anti-français ?

Nous sommes un mouvement anti politique française au mali.

Comme un mouvement nationaliste ?

Nous sommes nationalistes, nous sommes des patriotes. On aime notre pays, on ne veut pas perdre notre pays, quand on perd une chemise elle peut être remplacée pareille pour une chaussure. Mais quand on perd une nation on ne peut jamais la remplacer, nous sommes prêts à mourir pour le Mali.

Après ces deux sit-in jusqu’où comptez-vous aller ?

Nous sommes capables de révolutionner le Mali tout entier de Kayes à Kidal pour dénoncer l’ingérence des autorités étrangères. Nous avns commencer avec 30 associations et aujourd’hui il y en a plus d’une centaine et ça continue. Nous voulons la paix, que ça soit avec les autorités locales ou étrangères mais nous n’acceptons pas leur mauvaise gestion de la crise. Il faut que cette gestion soit transparente que la population sache qu’on est en train d’aller vers la paix. Connaissant les moyens logistiques dont disposent les forces étrangères qui sont au Mali, est ce que les terroristes peuvent vraiment les empêcher de libérer Kidal ? Comment la CMA peut-elle, devant la France, brandir un autre drapeau différent de celui du Mali. Ils réclament leur indépendance sous les yeux de la France et de la Minusma, sachant l’accord de paix qui a été signé. Depuis la signature de cet accord, on pensait aller vers la paix, mais c’est le contraire, nous assistons à une division du pays manigancée par la France. La France défend ses intérêts, parmi lesquels l’exploitation de nos ressources, en oubliant ceux du peuple malien.

Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

Colonel Abass : la paix, l’arme au poing

Le colonel  Abass Ag Mohamed Ahmad, est le chef d’état-major du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), mis au devant de la scène pour avoir bloqué l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou. Ce vétéran, qui dit avoir eu avec ses hommes la « baïonnette intelligente », en acceptant de lâcher du leste pour régler la situation dans la cité des 333 saints, est un partisan du processus de paix, malgré qu’il voit jour après jour, sur le terrain, la situation se dégrader.

Ce Touareg Kel Ansar natif de Goundam, qui ne se destinait pas à une carrière militaire et qui imaginait plus devenir pilote ou magistrat, a été intégré comme combattant dans les rébellions touarègues des années 90, puis dans la gendarmerie, où il gravit tous les échelons. Au Mali d’abord, où il sillonna le pays au gré de ses affectations, au Sénégal, en Côte d’Ivoire puis à Goma, dans le chaos congolais au sein de la MONUSCO, à la chute de Tombouctou en 2012, où il dû fuir avec ses hommes pour sauver sa peau. Il se réfugia en brousse, dans la clandestinité, puis rencontra le MNLA. Après une lune de miel éphémère, il quitta le mouvement en décembre 2015, passa brièvement par le HCUA, avant de rejoindre le CJA et d’en devenir le chef militaire.

Après plus de 20 ans passés dans le métier des armes, l’homme, la quarantaine bien entamée, aborde le futur avec lucidité, un brin désabusé concernant l’accord de paix. « Le contenu de l’accord est bon, mais ce sont les acteurs principaux qui traînent. Chaque fois qu’un problème se pose, un acteur du processus se rétracte. Aujourd’hui, la mise en œuvre de l’accord accuse deux ans de retard pendant que certaines zones du pays deviennent des no man’s land, sans école, sans santé. Même les ONG ont peur d’y aller. Quand on entend que les mouvements parlent au nom de la population, ce n’est pas vrai, ils parlent en leur nom. Actuellement, chacun cherche à défendre les intérêts de son village, de sa région, de sa tribu. Ça pousse les gens à former de nouveaux mouvements, personne n’est là pour les défendre donc ils le font eux-mêmes. le processus de paix, c’est la seule porte de sortie viable. Il faut aller coûte que coûte vers cet accord et ramener les récalcitrants, à genoux s’il le faut ! », lâche-t-il.

La paix, ce mirage La région de Tombouctou, ce no man’s land, il le connaît bien. Ses hommes et lui tentent, autant que faire ce peut, d’en assurer la sécurité, malgré la très grande étendue du territoire. Mais sur qui d’autre compter, l’armée ? « Les FAMA ont un problème de volonté, et non de moyens ou de formation. C’est un problème d’engagement. La formation militaire qu’ils suivent donne la tactique et l’attitude mais tant que vous n’avez pas la volonté de combattre, rien ne sera possible », soupire-t-il. Banditisme, djihadisme, dans la région de Tombouctou, c’est le lot quotidien. Le CJA le constate, souvent à ses dépens, comme à Gargando le 8 avril dernier où 4 combattants du mouvement ont été tués dans l’attaque de leur quartier général par des terroristes. Abass disparaît alors des radars. On le dit quelque part en brousse. « Nous sommes régulièrement visés et nous ne savons pas pourquoi. Ce qui est étonnant, c’est que ces attaques ne visent jamais les bases de la CMA ou de la Plateforme. Certains doivent donner des informations aux terroristes de manière à ce qu’ils nous attaquent », soupçonne-t-il. Il dit détenir quelques indices qui mènent à des pistes réelles, mais quand bien même, il ne sait comment tout cela finira.

 

 

 

AZAWAD : La pomme de discorde

« L’Azawad », est depuis sa « création », en quête d’une reconnaissance juridique et politique. La Conférence d’entente nationale, qui s’est tenue du 27 mars au 2 avril à Bamako, a, autour de la table des discussions, permis de débattre sur ce terme. Mais le rapport final de la conférence a conclu qu’il ne pouvait faire l’objet d’aucune revendication politique. Un échec pour la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dont le but est de parvenir à la gestion autonome de ce territoire qui engloberait les 5 régions du Nord. Et ce malgré le fait que les populations se montrent globalement réfractaires à ce projet.

La reconnaissance de l’appellation « Azawad », un concept jugé sensible, cher à certains et rejeté par d’autres, était au cœur des débats parfois houleux, fin mars début avril, lors de la Conférence d’entente nationale à Bamako, sans parvenir à un consensus, entre ceux qui défendent la reconnaissance d’un statut politique et juridique pour ce territoire, et ceux qui ne veulent pas en entendre parler. Cette volonté d’une reconnaissance politique de l’Azawad, portée par la CMA, s’est heurté, aux conclusions de cette rencontre nationale tant attendue : l’Azawad en tant qu’entité mémorielle, humaine et culturelle ne doit renvoyer à aucun projet politique et ne peut englober toutes les régions dites du Nord. Pour autant, la question n’est pas réglée, et ses défenseurs s’activent à faire de ce projet une réalité, sur le long terme, la reconnaissance du nom n’étant qu’une première étape vers une autonomie désirée, pour ce territoire qu’ils veulent voir se distinguer d’un Mali unitaire.

Un projet nommé « Azawad » « Les gens ici utilisent le terme « projet » pour parler de l’Azawad. Ça remonte aux années 90 quand les Touaregs de l’armée de Kadhafi, dont Iyad Ag Ghaly, sont revenus au pays et ont lancé une rébellion, qui s’est rapidement dissoute en plusieurs mouvements et ces mouvements accollaient tous le mot Azawad à leurs noms. C’est à partir de ce moment que l’Azawad est devenu politique, une sorte de produit commercial ou marketing. Le Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad (MPLA) de Iyad, fut le premier mouvement a porté le «L» de libération. Il fallait libérer le territoire nommé Azawad du Mali, bien avant le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) », explique cet habitant de Kidal.

Pour certains, c’est dans les années 70, juste après la grande sécheresse de 1973 qui fit de nombreuses victimes dans la population touarègue, que le mot « Azawad » apparu, un territoire nécessaire pour une rébellion en préparation. « À l’époque, j’avais 20 ans. J’étais stagiaire dans une banque en Algérie. J’ai été approché par des membres actifs de la rébellion de 1963, qui avaient pour mission de créer une rébellion, une résistance. C’était en juin 76. Pour la première fois, j’entendais parler de l’Azawad », se remémore Ibrahim, un cadre de la CMA. « Le terme même m’a paru convaincant. Ils m’ont dit qu’il fallait un nom qui puisse rassembler le maximum dans la partie septentrionale du Mali, un nom fédérateur. J’ai prêté serment pour cet Azawad », ajoute-t-il. À l’époque, le nom de l’Azawad ne souffrait pas de discussion, il était acquis, comme était acquise l’idée d’aller se battre au Mali.

Aujourd’hui, après la crise qu’a traversé le pays, le terme ne semble plus aussi fédérateur, sa défense n’étant soutenue que par certains mouvements armés et des radicaux. « Il y a ceux qui veulent l’indépendance, qui défendent leur territoire. Ceux-là, ils sont là-bas au nord. On ne les retrouve pas sous les climatiseurs à Bamako. Quand vous allez dans les brousses, il y a des gens qui n’ont jamais vu le moindre petit apport de l’État malien. Pour eux, ça n’existe pas. Ils n’ont jamais été soigné, ils n’ont jamais eu l’eau à boire, il n’y a rien qui les poussent à vouloir devenir malien. C’est un raisonnement radical. Ils sont nombreux et ils le pensent vraiment », témoigne cet employé humanitaire de la région de Kidal.

« La question de l’Azawad est à mon avis plus une question à débattre mais davantage un leadership que le gouvernement doit imprimer dans la mise en œuvre de l’Accord : la mise en place du MOC, du DDR, le développement notamment routier, si on arrive à régler ce problème là, les 90 % du problème sera réglé », résume le socio-anthropologue Naffet Keita.

Être ou ne pas être azawadien Pendant les consultations pour la Conférence d’entente nationale dans les régions du Nord, beaucoup se sont interrogés sur la nécessité de faire partie de l’Azawad. À Tombouctou, Taoudéni, Gao et même Kidal, l’identification des terroirs surpasse l’appartenance à cette entité symbolique. « L’Azawad c’est une importation récente pour nous. Je ne me retrouve pas dans ce terme-là. C’est un truc de Tombouctou. Je suis de Kidal et je suis plus fier d’être de là-bas. C’est, en réalité, un terme pour dominer la majorité », affirme Abda Kazina, vice président de l’Assemblée régionale de Kidal. Selon lui, cet avis semble partagé par un grand nombre qui ne se considère pas comme azawadien, mais l’affirmer serait plus compliqué. « La CMA sait que les gens ici sont totalement contre ça et parfois plus que les sudistes. Mais comme c’est la CMA qui contrôle la ville, les gens sont muselés, ils ne peuvent exprimer leur opinion. Pour la CMA qui n’a pas pu atteindre son objectif, la reconnaissance du nom Azawad c’est le minimum qu’ils veulent donner aux radicaux qui les ont soutenus, les femmes, les jeunes gens qui se sont battus, les parents des combattants morts sur le champ de bataille. C’est le minimum qu’ils peuvent donner comme satisfaction aux familles des victimes », explique cet habitant de Kidal sous anonymat. À Tombouctou, beaucoup ne veulent plus entendre parler de ce nom. « Ça crée des problèmes, des divisions. Ça voudrait dire que les accords, la conférence, tout ça n’a abouti à rien », objecte Mohamed Alher, un journaliste de Tombouctou. « Refuser de reconnaître un statut politique et juridique de l’Azawad, va plus galvanisé les gens. Moi je vous assure qu’ils ne déposeront pas les armes pour le DDR. On vous enlève votre Azawad, on vous désarme, où sont les mesures de confiance ? Il n’y a aucune mesure de confiance ! » s’exclame ce combattant de la CMA.

Pour Moussa Ag Acharatoumane, un ancien du MNLA qui a âprement milité pour l’indépendance de ce territoire, le caractère républicain et laïque de l’État malien, n’est plus à remettre en question. « L’appelation « Azawad » ne doit pas cacher la création d’un État. Il y a des pour, des contre, ceux qui voient une sécession derrière ça. Mais il faudra que l’ensemble des Maliens s’assoient pour vraiment discuter par rapport à cette appellation et que son caractère diabolique soit mis de côté pour essayer de trouver des solutions qui soient en harmonie avec les engagements nationaux et internationaux », explique-t-il.

Vers un référendum ? Ce qu’a montré la Conférence d’entente nationale sur le sujet Azawad c’est qu’au delà de la cacophonie des débats entre partisans et détracteurs, la question de l’Azawad est loin d’être tranchée. Pour certains, des concertations voire un référendum dans les régions du Nord doivent avoir lieu pour clore la question. « Il faut faire des concertations locales, au niveau de Kidal, Ménaka et Taoudéni, demander à l’ensemble de ces populations si elles sont d’accord avec le nom Azawad », déclare Oumar Alassane Touré, président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix et le développement.

En attendant d’éventuelles concertations, le concept d’Azawad reste vivace dans l’esprit de nombreuses personnes dans le Nord du Mali, qui espèrent que tout ce qui s’est passé de 2012 à maintenant n’a pas été vain. Pour eux, la reconnaissance du nom Azawad est un début satisfaisant, un premier pas qui, s’il est finalisé, mènera à d’autres qui pourront apporter à une forme d’autonomie ou d’autogestion. « Il y a toujours cette idée profonde des gens de ne plus être commandés par Bamako. Ça c’est le fond. Ils ont dit oui à un Azawad mémoriel, culturel mais pas politique. Le gouvernement a raison de se battre sur ce point, comme les Azawadiens ont raison de pousser les choses pour y parvenir. Nous sommes d’accord pour un référendum dans les 5 régions du Nord, mais vous pouvez être sûr que nous n’irons certainement pas au référendum juste pour un Azawad mémoriel », conclut Ibrahim.

 

 

 

 

 

 

Interview exclusive de Inkinane, chef de l’unité antiterroriste du MNLA : « Vous ne serez pas en paix avec Gamou ! »

Le 16 septembre, des combattants de la Plateforme attaquaient ceux de la CMA, à In Tachdaïte, à quelques kilomètres de la ville de Kidal. Cet affrontement meurtrier a relancé les interrogations sur la pacification de la zone et sur l’engagement des parties concernées pour la paix. Nous avons joint le chef de l’unité antiterroriste du MNLA, Inkinane, qui est partie prenante dans ce conflit qui oppose la Plateforme et la CMA, et qui nous livre son opinion sur ces questions, et indexe le Général Gamou, le gouvernement, tout comme la communauté internationale.

Quel est le bilan de l’attaque du 16 septembre à In Tachdayte ?

In Tachdayte est un petit village pratiquant l’élevage, notamment de chameaux, constitué d’une vingtaine de maisons, d’une école, d’un château d’eau, d’animaux, et d’un moteur pour alimenter le village en électricité. C’est un poste qu’on avait utilisé pour la détention des terroristes et des prisonniers. En tout, nous avions une trentaine de personnes et six véhicules opérationnels sur place. Ils ont été attaqués par plus de 70 véhicules de la Plateforme. Le bilan est de quatre morts, dont un au combat et trois exécutes par balles après leur arrestation, parce qu’ils ont voulu les faire parler. S’y s’ajoutent deux camions de transport brûlés et deux autres contenant des armes. Ils ont aussi amené avec eux cinq de nos hommes, dont nous n’avons pas de nouvelles pour l’instant.

Que demande la CMA par rapport au conflit qui l’oppose encore à la Plateforme ?

Aujourd’hui, la CMA demande le respect de l’Accord d’Alger. Nous avons suivi la communauté internationale, la médiation et tous les autres acteurs qui sont impliqués dans la gestion de ce conflit. Avant, Gamou s’approchait des populations de Kidal sous prétexte qu’il menait un combat contre les Ifoghas, ce qui était totalement faux. Il est en train d’exécuter un programme du gouvernement, en essayant de récupérer les positions occupées par la CMA, en utilisant les miliciens qui avaient pour prétexte un combat ethnique et la frustration populaire. Aujourd’hui, la CMA a saisi la communauté internationale et elle est dans une position d’alerte par rapport à la situation. Beaucoup de gens qui avaient une vision un peu ethnique du conflit ont compris maintenant que c’était un faux conflit et se sont désolidarisés de lui. Actuellement tout le monde est en train d’utiliser tous les moyens pour sécuriser et venir en aide à ses parents qui ont été agressés par des trafiquants. Le convoi qui nous a attaqués était dirigé par un trafiquant du nom d’Ahmedou Ag Isriw, le capitaine Ahmed Intakarde et l’adjudant chef de l’armée malienne Issouf Ag Bougara. C’est dire que nos agresseurs étaient bien préparés et si le Mali soutient cette position qui est celle de s’attaquer aux paisibles citoyens, on n’aura pas la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Si on cherche la paix, on doit la faire avec tout le monde.

Vous indexez directement le Général Gamou…

Il essaye d’utiliser la frustration malienne pour organiser son règne et les trafics en tout genre. Nous essayons de faire comprendre aux uns et autres que nous sommes les partisans de la réconciliation des cœurs et si cela n’est pas compris, nous allons montrer que nous ne sommes plus dans les années 1990. Maintenant, tout le monde a des moyens à travers des soutiens d’États et d’autres soutiens sur le plan international. Aujourd’hui, l’État malien doit comprendre que la paix ne sera possible qu’avec l’ensemble des acteurs, sans discrimination ou préférence. Or, nous constatons que l’accord qui a été signé ne s’applique qu’à une seule partie.

Après ce déchaînement de violence, vous croyez donc toujours à la paix ?

La paix est possible. Même quand Gamou a envoyé ses miliciens attaquer nos parents, tuer le bétail, piller les boutiques, nous n’avons pas réagi de la même manière parce que nous voulons la paix. Mais cette paix ne doit pas s’appliquer à nous seuls. On ne peut construire une paix durable avec une milice. Aujourd’hui, ses miliciens utilisent les moyens qu’utilisent les terroristes d’AQMI ou du MUJAO. Si on ne fait pas attention, les gens vont perdre toute confiance en le gouvernement malien et penser qu’il cherche à les désarmer pour les mettre à la merci des milices. La sécurité doit être égale pour tous les citoyens et les dispositions consignées dans l’Accord doivent être respectées à la lettre, ce qui doit commencer par l’opérationnalisation du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination ndlr) pour l’instauration de mesures de confiance entre les différentes parties, gouvernement, CMA et Plateforme. Nous, on a toujours respecté nos engagements grâce à la pression de la France qui nous a demandé d’accepter l’intégrité territoriale du Mali, qu’il y ait une élection présidentielle, afin d’avoir un président avec qui on pourra discuter. Après, on nous a demandé de signer l’Accord d’Alger sans changer une virgule, parce qu’il est rédigé par la communauté internationale et que c’est la solution. Au bout du compte, il n’y a rien, cet Accord n’existe plus. Pourquoi prendre des prisonniers dans les combats et les éliminer comme le font les djihadistes ? Pourquoi massacrer les gens dans les campements ? Avec ces pratiques, il n’y aura pas de paix possible, cela va aggraver les haines. Je vous jure que vous ne serez pas en paix avec Gamou dans l’avenir, parce que tous les officiers qu’il utilise pour nous faire la peau sont des trafiquants de drogue. Après, c’est le plus grand défi qu’il faudra relever. Les armes qui seront sorties des casernes seront utilisées pour contrôler les routes de la drogue. Le Mali ne maîtrise rien de la situation, il y a beaucoup de Maliens qui se réjouissent pour leurs actions, mais en réalité ils ne travaillent pas pour le Mali. Ces gens ne retourneront jamais dans les casernes maliennes pour gagner un salaire de 50 000 francs CFA à la fin du mois, parce qu’ils ont découvert qu’ils peuvent empocher 70 millions en seulement une semaine.

Aujourd’hui le HCUA accuse le gouvernement de laisser pourrir la situation. Quel est votre point de vue la dessus ?

C’est exactement le cas, le gouvernement est de mèche avec la MINUSMA qui est composée de la CEDEAO et envoie des conseillers militaires aux côtés des contingents européens et autres pour dire que c’est Gamou la solution. Il est clair aujourd’hui que c’est le gouvernement qui com – plique la situation. La CMA a aujourd’hui toutes les volontés pour s’engager dans le processus de paix, s’engager dans l’armée et toutes les institutions, pour la promotion de la paix. Nos gens étaient partis à Bamako pour supplier d’arrê – ter tout ça et permettre l’opérationnalisation du MOC. Mais le gouvernement ne veut pas, parce que cela n’arrange pas Gamou, dont l’objectif est de récupérer tous les territoires où passent la drogue.

Comment appréciez-vous le rôle des forces internationales sur le terrain ?

On estime que c’est une présence complice avec le gouvernement malien et ses milices. Pour nous, la MINUSMA ne remplit pas sa mission de surveiller le processus de paix, car elle n’empêche pas une partie de violer le cessez-le-feu. Alors que la mission a tous les moyens pour agir convenablement, même à 45 Km de Kidal, elle ne veut pas bouger pour faire le point de la situation. Toutes les munitions qu’on avait pris chez les miliciens étaient des munitions de la MINUSMA. On a vu, et maintenant on n’espère plus rien de la communauté internationale et du Mali. Il faut aujourd’hui une vraie solution ou aller à la guerre, il n’y a pas d’autre alternative.

Le samedi 17 septembre dernier, le MSA, issu d’une scission avec le MNLA, a rencontré la Plateforme et un accord en est sorti. Quel est votre point de vue là-dessus ?

C’est juste une façon d’affaiblir la CMA, mais c’est des gens qui n’ont jamais amené un appui militaire ou financier quelconque à la CMA. Ils étaient par contre un poids mort que la CMA était en train de supporter. Quand ils se rencontrent pour signer un accord, ils ne se souviennent pas que quand toutes les tribus de l’Azawad s’étaient rencontrées, elles avaient signé le même papier, il y a seulement six mois. Tout cela a volé en éclat parce que Gamou n’a pas pu ranger son plan. Moussa Ag Acharatoumane veut tout simplement être le président de l’autorité intérimaire de Ménaka, c’est sa seule motivation. C’est vrai qu’ils nous ont fait un coup moral, mais sur le plan militaire, on ne comptait pas sur eux.

 

Suprématie de la Plateforme dans la guerre ethnique au Nord-Mali

Depuis vendredi dernier 16 septembre, les combats ont repris entre la CMA et la Plateforme, notamment à Intachdayte, la plus importante base du MNLA. Après ces affrontements qui ont fait une dizaine de mort, des dégâts matériels et permis aux hommes de Gamou d’acquérir un impressionnant arsenal du MNLA, la Plateforme a lancé d’autres actions militaires, qui lui ont permis de contrôler presque toute la région à part Kidal, où la CMA, affaiblit, reste acculée.

 La ville d’Intachdayte, à majorité Idnane, entièrement sous les ordres de Mohamed Ag Najim, le chef militaire du MNLA, a été attaquée et conquise vendredi 16 septembre, par une colonne composée d’une quarantaine de véhicules de la Plateforme. Une grande partie de l’armement stocké par le MNLA et rapporté de Libye s’y trouvait et a été saisi par la Plateforme puis transporté à Anéfis. Intachdayte est tombée parce que les forces de la CMA n’y était pas en nombre. L’encerclement de la ville de Kidal par la Plateforme a mobilisé beaucoup de leurs troupes et laissé cette base isolée, permettant aux hommes de Gamou d’attaquer. « La Plateforme avance que deux des leurs ont été capturés par un groupe armé qu’ils soupçonnaient fortement d’être des Idnanes d’Intachdayte, c’est pour cela qu’ils auraient pris la ville, mais la réalité c’est qu’ils l’ont attaqué pour s’accaparer les armes, affaiblir la CMA, renforcer l’encerclement de Kidal et son isolement », explique cet employé d’une ONG local.

Depuis la courte trève initiée par les différentes parties quelques jours avant la fête de Tabaski, il n’y a pas eu de cesser le feu, dans le climat de tension qui prévaut dans la région depuis l’interdiction faites à la Plateforme, par les forces internationales, d’entrer dans la ville de Kidal alors que les forces de la CMA peuvent en sortir.

Samedi 17 septembre, la Plateforme a annexé Inkhalil, puis Ikadawatène ou la CMA a fui sans combattre. Actuellement le mouvement du général Gamou contrôle presque toute la région, à part la ville de Kidal tenue par la CMA, Aghel’Hok où la force tchadienne de la Minusma ne laissent pas entrer les groupes armés, Abeibara et Tin-Essako, un fief de la tribu des Ifoghas. Les forces de la Plateforme sont actuellement stationnées  à côté de Tessalit, sans pour l’instant tenter de prendre la ville. « À Tessalit, il y a eu des micmacs, Mossa Ag Habida, un commandant de la CMA qui était le chef local du HCUA, un Iradjanatane, une tribu plus proche des Imghad que des Ifoghas, a rallié la Plateforme avec hommes et véhicules. Il faut savoir que la fibre ethnique est très importante dans ce conflit et il se trouve que le grand-frère de Mossa Ag Habida était un lieutenant de Gamou dans la rébellion des années 90, il est décédé lors de la première guerre tribale qui a opposé les éléments de Iyad Ag Ghali aux hommes de Gamou. Mossa qui a retrouvé d’ancien frères d’armes dans les rangs de la Plateforme a donc fait défection pour la rejoindre. Ce n’est pas la première fois que des combattants de la CMA ou du HCUA passent dans l’autre camp », affirme cette source proche des mouvements.

Selon nos informations, un important chef du HCUA à Kidal, Chafighi Ag Bouhada, qui est le cousin de Mossa Ag Habida, a rejoint Tessalit lundi soir à la tête d’une trentaine de véhicules en contournant le dispositif de la Plateforme via des routes dans les zones contrôlées par les djihadistes (Tin-Essako, Talahandak, Tintisska ), pour que la ville ne tombe pas aux mains de leur adversaire. Des affrontements du côté de Tessalit semblent imminents.

Depuis que l’étau de la Plateforme se resserre sur Kidal, la CMA, affaiblit par les combats, les défections et les dissensions, tentent de trouver des alliances. Mardi 20 septembre, la Coalition du Peuple pour l’Azawad (CPA) d’Ibrahim Ag Mohamed Assaleh a dissout sont mouvement pour rejoindre le MNLA. Selon certains observateurs ce mouvement compterait environ 500 combattants qui viendraient renforcer les troupes de la CMA.

Le Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA) de Moussa Ag Acharatoumane, qui a quitté la CMA le 2 septembre dernier, a signé samedi 17 septembre, un accord sécuritaire avec la Plateforme et le MAA-Plateforme, pour mener des patrouilles dans la région de Gao afin de traquer les voleurs et autres coupeurs de routes qui pullulent dans la région. « Certains éléments de la CMA ont la dent dure contre le MSA, ils disent que des combattants de ce mouvement ont été vu avec des éléments de la Plateforme lors des attaques d’Inkhalil et d’Inkadawatène. Le MSA n’a pas rejoint la Plateforme, pas encore, ils ont signé cet accord de sécurité et d’autres accords plus secrets, dont un, qui leur donne la garantie que la Plateforme les aidera s’ils sont attaqués par la CMA », révèle cette source.

Le gouvernement malien qui soutenait la CMA, il y a encore quelques mois, semble avoir changé son fusil d’épaule. Sur les ondes de RFI, la semaine dernière, Bilal Ag Achérif, secrétaire-général du MNLA, a constaté  que « le gouvernement et la Plateforme veulent tourner  le dos à cet accord ( de paix et de réconciliation) […] si on continue à ce rythme là, il risque de ne plus avoir d’accord du tout auquel se référer », a-t-il déclaré. Début septembre, le HCUA avait menacé de prendre les armes, « si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités en rappelant à l’ordre ses militaires déguisés en miliciens […] notre réplique sera à la hauteur de l’affront et même peut-être disproportionné », ajoutait le mouvement. « Le processus de paix est en danger c’est vrai, avec les affrontements qui continue ça risque d’échouer, rien ne va être appliqué et en même temps c’est une menace, car pour la CMA la Plateforme est une milice malienne, donc pour eux c’est le Mali qui tire les ficelles. Bilal Ag Achérif est manipulé par le HCUA. Ils font appel à lui, ils lui font faire des déclarations parce qu’ils savent que le MNLA a la sympathie de la France et d’autres partenaires, ils ne veulent pas être isolés et donc ils le mettent en avant dans la communication», explique ce proche des mouvements.

Pour Azaz Loudag Dag, chef de la communauté Imghad, ce conflit n’est pas un problème entre mouvements mais un problème de communauté, complexe, tant les différentes communautés sont imbriquées dans les mouvements. « On ne peut pas trouver une solution au niveau des mouvements, il faut trouver la solution au niveau des communautés concernées, c’est à dire la communauté Ifoghas et la communauté Imghad. Ce sont ces deux communautés qui ont des problèmes, notamment le fief de Kidal, qui appartient aux Imghad et qui a été occupé par la CMA quand elle a chassé le gouvernement du Mali et tout le reste, avec l’appui des djihadistes et des terroristes. Ils l’ont occupé avec l’aide de la communauté internationale (notamment Serval) qui pensait que Kidal appartenait aux Touaregs et que par conséquent il fallait la donner aux rebelles, alors que parmi les touaregs tous ne sont pas des rebelles. Ce que la France n’a pas compris dans le scénario actuel c’est que ce sont les djihadistes qui ont mis en place les Ifoghas pour les faire occuper le Nord-Mali. Nous, on veut une solution négociée, on ne veut pas du tout aller à la guerre. Comprenez bien que si on nous empêche de rentrer à Kidal, on reste autour de la ville et à chaque fois qu’on rencontrera leurs éléments, il y aura certainement des heurts », conclut-il.

Pour cet habitant de Kidal, fataliste, au-delà des communautés, le véritable but de cette guerre c’est la domination de ce territoire que les rebelles appellent Azawad et qui malgré les accords, ne semblent toujours pas vouloir faire un avec le Mali.

Moussa Ag Assarid, le vilain petit canard

Du 25 au 26 août, Moussa Ag Assarid a pris part à la 22 e édition de l’université d’été de la fédération Régions et Peuples solidaires, créée en 1995, regroupant des partis politiques autonomistes, régionalistes et fédéralistes basques, corses, bretons, occitans, savoyards et catalans. Il y était au nom de son association Solidarité Azawad, qu’il a lancée en 2013, et avec laquelle la fédération aurait signé un cadre de coopération dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’agriculture, l’élevage… pour les populations de ce qu’ils appellent »Azawad ». De là à dire que le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a rejoint un mouvement autonomiste, comme on n’a pu le lire dans la presse locale, il y a un pas qu’on n’aurait pas dû franchir, d’autant que Moussa Ag Assarid a démissionné du mouvement depuis avril 2016.

Depuis, il ne parle plus du MNLA mais seulement de l’Azawad qu’il veut voir indépendant.  Un « aza-rêveur ». Malin, il sait que medias vont faire le boulot à sa place en associant son nom à celui du MNLA. Il doit surement être en train de se frotter les mains, puisque la mayonnaise semble avoir pris, certains journaux locaux, pour faire le buzz, lui ont fait de la publicité surtout en parlant de lui comme faisant encore partie intégrante du MNLA . Le fait est que Moussa Ag Assarid est dans la même logique qu’en 2014, celle de réclamer l’indépendance de l’Azawad. À l’époque, pendant que les négociations étaient en cours à Alger, il poursuivait sa communication infernale à Paris pour remettre la question de l’indépendance à l’ordre du jour. Sa stratégie est identique à celle du rouleau compresseur. On se souvient par exemple de son rapporchement avec François Alphonsi, ancien eurodéputé, corse d’origine,  qui a beaucoup contribué à ouvrir les portes de l’Union européenne au MNLA. Il y a aussi eu l’épisode de l’annonce de la création d’une ambassade de l’Azawad, au Pays-Bas, qui a aussi provoqué un ramdam médiatique alors que ce n’était en réalité qu’un jeu de communication destiné à le mettre en vedette. En dépit de la distance qui sépare encore le Mali de la paix, Moussa Ag Assarid doit comprendre que beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Qu’il n’est plus question que l’on retourne à la case départ.

Intagrist El Ansari : « Le MNLA affaibli, son projet politique caduc »

Intagrist El Ansari est écrivain et journaliste touareg malien. Auteur de « Touaregs, l’exil pour patrie » et de « Écho saharien : l’inconsolable nostalgie », il revient sur la récente et fracassante scission intervenue au sein du MNLA, et qui pourrait profondément changer la donne.

Quel commentaire vous inspire la récente scission au sein du MNLA ?

Il y a une nouvelle scission, mais je ne sais pas comment elle a été interprétée par les gens du MNLA au-delà de la communication formelle. Pour ma part, je ne suis pas étonné. Cela fait 4 ans que je parle « d’une unité artificielle », qui n’a jamais existé au sein des différents groupes.

Moussa Ag Acharatoumane reproche aux membres du MNLA « leur mauvaise foi » dans la mise en œuvre de l’accord et le peu de cas qu’ils font des conditions de vie des populations.

Je ne parlerai pas des arguments des uns et des autres, ni des justifications qui trouveraient leur pertinence ou un rapport avec la situation sur le terrain ou vis à vis de l’atmosphère politique du moment. Ce dont je parle c’est la prédisposition des groupes à la segmentation, à l’éclatement, aux clivages qui sont de plusieurs ordres : sociologiques, politiques et historiques. Ce qui justifie l’inexistence d’unité et dénote de l’absence d’un projet ou d’une vision politique (commune) qui aurait une adhésion des Touaregs dans leur globalité, contrairement à ce qui se disait à partir de 2012, pour justifier le nouveau soulèvement par les groupes armés.

Qu’est-ce que cette scission change dans le rapport de force sur le terrain ?

Chaque entité va se ranger dans sa propre région. C’est en quelque sorte un cantonnement avant l‘heure. Pour comprendre, il faut connaître les tribus/factions et savoir leurs rapports entres elles, leur animosité ou simplement leur désir « d’autonomie », notamment vis-à-vis des vieilles chefferies traditionnelles. Autrement dit, ce sont les aspects pratiques et institutionnels de la mise en place de l’accord qui sont sous-jacents aux dynamiques des groupes qui entendent avoir chacun la main mise sur leur région, sans en référer à une autre entité qui se trouverait dans une autre région. Je veux dire que chaque groupe tribal a prétention à être maître chez lui, sans dépendre d’un autre groupe qui aurait une vocation hégémonique sur l’ensemble de l’espace touareg du nord du Mali. Il y a donc, de fait, un éclatement qui est inévitablement de nature à changer, ou influer tout au moins, sur les rapports de forces.

Scission : où va le MNLA ?

Deux apparatchiks, Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi sont partis du mouvement pour créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad.

Ça gronde au sein du Mouvement national de l’Azawad (MNLA). La réunion tenue dans le nord de Ménaka, le vendredi 2 septembre dernier, a débouché sur une cassure dans le mouvement avec le départ de Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, dont on sait qu’ils étaient des apparatchiks du mouvement. Par la suite, ils ont créé le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) qui, paradoxalement, ferait partie intégrante du processus de paix, à en croire ses initiateurs. Encore plus important (ou inquiétant ?), Moussa Ag Acharatoumane confie à qui veut l’entendre qu’il s’est retiré avec des pick-up et des hommes, notamment des ex-officiers de l’armée malienne ayant fait défection. De l’avis de beaucoup d’observateurs, cela était prévisible en considération du fait que ces deux hommes se sont éloigné du mouvement ces derniers temps, faisant à ses dirigeants le reproche de faire bon marché des conditions d’existence des populations pour lesquelles ils ont toujours prétendu combattre. Acharatoumane a surtout pointé le goût farouche de ses camarades de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) pour les intérêts personnels, et leur désintérêt pour le processus de paix.

Affaiblissement

On sait de Moussa Ag Acharatoumane qu’il est un membre fondateur du MNLA pour lequel il a servi comme porte-parole bien qu’étant alors basé à Paris. A la tête de la tribu des Dawsahak à Menaka, certaines sources disent qu’il s’est senti marginalisé au sein du mouvement tenu par l’influente tribu des Ifoghas. Quant à Assalat, on dit de lui qu’il est un ancien officier de l’armée malienne appartenant à tribu des Chamanamas. Il faut relever que ces défections, au sein du MNLA, ne sont pas isolées. Elles interviennent après celle fracassante de Ibrahim Ag Mohamed Assaleh au plus fort des négociations à Alger, pour créer la Coalition pour le peuple de l’Azawad (CPA). A cela, vient s’ajouter celle de Moussa Ag Assarid, qui a démissionné aussi pour dire sa désapprobation vis-à-vis de la gestion que ses camarades font du processus de paix.

A un moment où le MNLA est de plus en plus affaibli militairement sur le terrain, ces récentes défections ne sont rien de moins qu’un coup dur de plus dont il tardera à se remettre. On serait tenté de demander où va le MNLA ? Les jours à venir nous en diront davantage.

 

Collectif Citoyen-Mali : « Nous voulons que la France clarifie sa position par rapport aux autorités maliennes, on veut des réponses et on fera tout pour les avoir »

Le collectif Citoyen-Mali, qui compte actuellement environ 200 Maliens, à travers le territoire français, a été créé le 13 juillet dernier suite aux tueries de Gao. Ce mouvement citoyen apolitique entend  trouver des solutions aux problèmes des Maliens au Mali et à l’extérieur. Ils manifestaient le 30 juillet dernier devant le Quai d’Orsay pour dénoncer  le rôle ambigu de la France dans sa gestion de la crise au Mali. Abdoulaye Ba, entrepreneur BTP et membre du directoire du collectif a répondu aux questions du  journal du Mali

Pourquoi avoir créé le collectif Citoyen-Mali ?

Les événements et les tueries de Gao en juillet dernier ont été un déclic pour nous. Suite à cela, on a décidé de créer un mouvement citoyen composé de Maliens pas trop politisés, tout malien peut nous rejoindre mais il doit laisser sa casquette de politicien dehors.  On ne fait confiance ni au pouvoir en place, ni à l’opposition, voilà pourquoi on a lancé un mouvement neutre citoyen et apolitique. Les associations comme nous, au Mali, sont des succursales des partis politiques. Aujourd’hui la déception des Maliens, c’est les politiques d’abord et nous on veut mobiliser la population malienne pour qu’elle revendique, elle-même, ses droits. Si nous grandissons, peut-être que pour les prochaines élections nous pourrons peser et choisir notre candidat. Le but c’est que les Maliens se sentent bien dans leur pays, que les politiciens maliens au pouvoir comme à l’opposition, qui mangent tous dans le même bol, soient dégagés, pour que le Mali aille mieux. Aujourd’hui, le pays a besoin de renouveler toute sa classe politique, on veut un changement pour le Mali.

Vous dénoncez aussi le rôle de la France, votre pays d’accueil, dans sa gestion de la crise au Mali, vous avez d’ailleurs manifesté à ce sujet, le 30 juillet dernier, pour quelles raisons ?

Le peuple malien a apprécié l’intervention française au Mali du 13 janvier. L’armée française était aux côtés des Fama pour libérer Tombouctou, pour libérer la ville de Gao, mais au moment de rentrer à Kidal, elle a demandé à l’armée malienne de ne pas y entrer. Il y a plein d’actions de la France qui se font dans le dos du gouvernement malien. La France est au Mali pour nous aider à dégager les djihadistes, mais qui nous a amené les djihadistes ? C’est le MNLA et aujourd’hui la France est plus du côté du MNLA que des forces armées maliennes. On a pu constater à plusieurs reprises qu’à chaque fois que le GATIA  parvient à avoir une position supérieure par rapport au MNLA , la France intervient.  On ne comprend pas aussi la mission de l’ONU (Minusma), nous on pense qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire, on ne peut pas vouloir défendre le Mali et laisser les envahisseurs s’installer. On veut demander à la France quelles sont ses intentions exactes au Mali. Leur rôle n’est même pas ambigu, c’est clair qu’ils sont du côté du MNLA, on se rend compte que c’est pour leurs propres intérêts qu’ils soutiennent  plus le MNLA que le Mali.

Quels sont ces intérêts ?

Les ressources énergétiques du Nord-Mali, il y a un document que vous pouvez trouver sur le net, qui parle de la possible exploitation pétrolière au nord du Mali,  à travers l’ENI qui est une compagnie italienne, le gazier algérien et le groupe français Total. Nous savons aussi que la source d’énergie principale de la France, c’est l’uranium du Niger, et nous savons aussi que le bassin de la région de Taoudéni recèle des potentiels gisements énergétiques. Tout ceci n’est pas nouveau, ça remonte à 1956, quand la France a fait voter la création de l’OCRS (Organisation Commune des Régions Sahariennes), jusqu’à aujourd’hui ce projet de loi permettant entre autre  l’étude, la recherche,  l’extraction de ces ressources, n’a pas été abrogée, pourquoi et à quelle fin ? Nous nous posons des questions sur tous ces aspects-là.

Pourtant la France agit sur le terrain pour aider le Mali à stopper la menace djihadiste…

Nous n’avons rien contre la France, mais la continuité n’a pas été ce que nous attendions, je n’explique pas ce qui se passe chez moi. On peut le constater sur le terrain, par exemple quand on prend la ville de Gao, il faut montrer patte blanche quand on veut aller à l’aéroport de Gao même quand on est un  militaire malien. Tous les atterrissages et décollages de tous les avions français à Gao ne sont contrôlés par aucune tour malienne, il n’y a aucun malien qui peut te dire aujourd’hui combien d’avion arrive, quelle est leur cargaison, à Kidal c’est pareil. Autre chose, la France fait des patrouilles à Gao qui ne sont pas mixtes avec l’armée malienne alors qu’elle est censée collaborer avec les forces du pays. Elle traque, piste, arrête des soi-disant djihadistes et c’est après avoir fini ce qu’elle a à faire avec eux, qu’elle décide de déclarer à l’Etat malien qu’elle a arrêté un tel ou un tel, tout le monde le sait ! Ils ont arrêté des gens qu’ils ont libérés sans le consentement de l’état malien.

Vous pensez que certaines  actions de la France remettent en question la souveraineté de l’Etat malien, en quelque sorte ?

Le Mali est un Etat souverain, on a fait appel à nos amis français pour nous aider,  mais s’ils nous aident, ils doivent aller dans le sens que nous, nous fixons, ce n’est pas à eux à nous imposer leur vision de la démocratie. Par exemple à Kidal, quelle est le rôle de la force française Barkhane et de la Minusma ? C’est justement d’empêcher tout affrontement, or, des affrontements ont eu lieu, et ce sont eux qui ont décidé qui doit rester, qui doit partir, ce n’est pas leur rôle. Si on revient en arrière avant la visite du 1er ministre Moussa Mara qui a mis le feu aux poudres, il y avait une banque malienne qui avait ouvert à Kidal, qui était gardée par des militaires maliens. Les gens de la CMA sont venus, ils ont relevé les militaires maliens et ils ont descendu le drapeau malien devant les forces françaises pour monter le drapeau du soi-disant Azawad, personne n’a agi et la France a sommé les soldats maliens de ne pas intervenir. Pourquoi dans un Etat souverain ce sont les rebelles qui doivent garder les institutions maliennes ?

Les relations franco-maliennes semblent  au beau fixe, pensez-vous réellement que tout cela pourrait se passer dans le dos du gouvernement malien ?

On se dit que le gouvernement malien est peut-être au courant de ce qui se passe mais on se dit aussi qu’il a peut-être les mains liées. On veut que le gouvernement français lève toute ambiguïté, ça pourrait donner un peu d’air au gouvernement malien, ça pourrait nous permettre de savoir s’ils sont réellement informés ou pas. Au jour d’aujourd’hui, on accuse la France. Les citoyens français ont aussi le droit de savoir à quelle fin sont utilisés leurs impôts, qui sont aussi nos impôts à nous qui vivons ici depuis des années. Nous profitons d’être en France car au Mali c’est impossible, donc nous allons investir ce champ de liberté pour avertir l’opinion.

Suite à votre manifestation avez-vous eu un retour des autorités françaises ?

Cela fait deux semaines, on va attendre, on s’est donné un délai, mais s’il n’y a aucun retour, on décidera de la suite à donner. Nous voulons aujourd’hui que la France clarifie sa position par rapport aux autorités maliennes, on veut des réponses et on fera tout pour les avoir. Vous savez si la France veut régler le problème du Nord-Mali, c’est régler demain. Elle doit clarifier sa position, dire si elle est avec nous ou contre nous. La France aide le MNLA depuis le début. Tous les cadres du MNLA en France ont eu la nationalité française. C’est comme si le Mali était venu aider la France contre l’indépendantisme corse ou breton et que nous décidions de favoriser les indépendantistes alors que nous sommes venus aider à résoudre la situation.

Vous êtes un jeune collectif, quels seront vos prochaines actions ?

Nous souhaitons être une force de proposition et nous allons bientôt proposer des solutions à la crise, à l’accord de paix, aux autorités intérimaires, que nous réfutons et qui ne sont même pas inscrites dans le texte de l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger, c’est une création du ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf, c’est une division programmée du Mali, un fédéralisme qui ne dit pas son nom.

Bilal Ag Achérif : « l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain ».

Les secrétaires généraux de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dont Bilal Ag Achérif, et plusieurs protagonistes de l’Accord d’Alger ont pris part, lundi 20 juin à Bamako, à l’anniversaire de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation. Les parties, soutenues pas la médiation algérienne et la communauté internationale, ont signé ce même 20 juin, un document intitulé « Entente » qui fixe le calendrier et les modalités de mise en oeuvre des autorités interimaires. En marge de ces rencontres officiels, Bilal Ag Achérif, secrétaire général du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), a répondu aux questions du Journal du Mali.

Nous sommes à l’an I de la signature de l’Accord de paix, le jugez-vous toujours satisfaisant ?

La CMA, a négocié toute une année à Alger avec le gouvernement malien. Nous avons signé l’Accord malgré les lacunes et les réserves, c’est notre accord et nous l’assumons. Nous avions fait beaucoup d’observations et d’amendements par rapport à l’Accord et si ces amendements et observations avaient été pris en compte, aujourd’hui on n’en serait pas là. La population malienne, le gouvernement en particulier et la population qui vit dans des zones qu’on appelle Azawad, doivent tirer des leçons des accords passés au cours de cinquante ans de conflit périodique. Il n’est pas utile de répéter les mêmes erreurs qui nous conduisent au même résultat. Le Mali n’a pas su trouvé de solution au conflit qui l’oppose à l’Azawad. Ce qui fait que le conflit revient tous les cinq ou dix ans. On a perdu tout ce temps, alors que nous pouvions oeuvrer à la construction et au développement d’une démocratie dans une cohésion sociale entre les populations où chacun ait son droit.

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Est-ce que votre présence à Bamako pour ce premier anniversaire est un signal fort pour la paix, lorsqu’on que sait vous étiez absent lors de la signature de l’accord ?

Pendant toute une année, nous avons observé comment s’établissait la confiance, le désir et la bonne volonté de tout un chacun pour appliquer cet accord, malgré les lacunes et les réserves que nous avions. Aujourd’hui, il est nécessaire que nous soyons là pour appuyer et aider à faire avancer le processus. Le président IBK a appelé les mouvements, leurs chefs, pour vraiment créer une mesure de confiance et nous avons répondu positivement à son appel, afin qu’on puisse avancer dans cette phase du processus pour obtenir un résultat concret sur le terrain. Le fait que nous soyons présents à Bamako, c’est pour réaffirmer notre volonté pour la mise en œuvre de cet accord. Pour nous, la paix, la vraie paix, c’est quand le simple citoyen sent qu’il y a du résultat. Ce n’est pas seulement entre les chefs, dans les bureaux ou dans les réunions, que la paix doit être effective, il faut que les populations des campagnes, hameaux en bénéficient. Il y a la paix lorsque des milliers de réfugiés rentrent chez eux et se sentent en sécurité.

Peut –on dire qu’avec cette « Entente » signée, il y a une confiance mutuelle assumée entre les groupes armés et le gouvernement ?

Pour moi, la confiance entre les parties est une chose qui vient au fur et à mesure qu’on avance dans l’application de l’Accord, qu’on avance dans le respect des engagements. C’est comme cela qu’on pourra gagner la confiance de l’un et de l’autre. Cela n’est possible que lorsqu’on travaille et qu’il y a du sérieux. Pour moi la signature du document intitulé ‘’Entente’’ est une étape très importante dans la mise en œuvre de l’accord. Mais l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain.

Le calendrier d’exécution des mesures, dans ce document d’Entente, n’est-il pas trop ambitieux ?

Si on se conforme au calendrier de la mise en œuvre de l’Accord, on devrait déjà en avoir fini, parce que les mesures devaient intervenir 60 jours après sa signature. Nous sommes fin juin, dans le calendrier, on doit commencer le travail à la mi-juillet. Il s’agira d’un test pour voir si les engagements sont respectés, ce qui créera plus de confiance. Cela dépendra de la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC). Aujourd’hui, le seul appareil ou mécanisme sur lequel, il y a unanimité, c’est le MOC. On doit lui donner les moyens et les matériels nécessaires afin qu’il mène sa mission pour sécuriser les zones. Sur ce point, il y a l’engagement de la communauté internationale.

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Justement par rapport à ce financement du MOC ,une réunion était prévue avec les partenaires techniques et financiers, où en sommes-nous exactement ?

C’est vrai, il est prévu de faire une rencontre avec les partenaires par rapport à ce point, mais ce qui est demandé est plus grand que les réponses de ce document. Le MOC est là, et a besoin de beaucoup d’aide. Aujourd’hui, le MOC n’existe que symboliquement, un peu à Gao, alors qu’il doit exister dans les cinq régions. Cela demande de fournir encore des efforts de la part des mouvements armés, du gouvernement malien et des partenaires. Pour que le MOC existe réellement sur le terrain, et pouvoir concrétiser ce qui est prévu dans l’Accord, c’est-à-dire respecter les dates et les chronogrammes, il faut un MOC robuste pour mener à bien la mission de sécurisation.

La signature de cette « Entente » a-t-elle été possible grâce à la médiation algérienne ?

L’Algérie a joué un rôle très important depuis le début des négociations, mais le résultat de cette Entente revient en premier lieu aux parties, gouvernement malien et mouvements signataires. En plus, toute la médiation internationale a joué un rôle important pour qu’on arrive à ce résultat. Mais le plus grand rôle revient aux parties.

Certains observateurs disent que ces autorités intérimaires sont une sorte de fédéralisme qui ne dit pas son nom, quel est votre avis sur la question ?

Le document qui est signé n’est que l’interprétation de l’Accord, c’était prévu dans l’Accord et ce n’est pas une chose nouvelle. Il s’agit juste de mettre en place ces autorités intérimaires dans les cinq régions de l’Azawad communément appelé Nord Mali. On ne doit pas avoir peur de ces appellations, l’essentiel c’est de construire un mécanisme, créer un climat pour que les populations que nous représentons tous, puissent vivre en paix et en harmonie entre elles pour un développement durable. Ce document appelé Entente n’est rien d’autre qu’une partie de l’Accord, donc, il n’y a pas lieu de parler de fédéralisme.

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Selon vous, le fédéralisme peut-il être une solution viable pour le Mali ?

On doit tout d’abord se poser certaines questions et la première c’est de savoir, quelles sont les solutions qui ont été trouvées aux différents problèmes qui se sont succédés depuis 1950. C’est-à-dire, si nous regardons depuis 30 ans tous les accords qui ont été signés avec les mouvements de l’Azawad, quels sont les accords qui ont apporté la stabilité pour le Mali ? Les Maliens doivent avoir le courage de trouver une solution aux problèmes qui sont posés à travers le dialogue. Il y a aujourd’hui des pays qui sont centralisés sur un pouvoir mais qui sont très faibles, il ya aussi des pays qui sont fédéraux mais plus forts. On doit sortir de cette prison qui consiste à croire que dès qu’on parle de fédéralisme, c’est affaiblir le Mali. Ce n’est pas le fédéralisme qui affaiblit le Mali, ce qui l’affaiblit c’est ce conflit à répétition qui nous ramène chaque année à la case de départ.

Peut-on obtenir une paix durable alors qu’il y a des tensions réelles, actuellement, entre groupes armés au nord ?

Aujourd’hui, il y a deux conflits différents. Le conflit entre le nord et le sud qui a fait profiter les autres conflits. Ce qui a même créé le conflit interne aux mouvements, entre les communautés et même à l’intérieur de Bamako. Les nombreux coups d’États sont les conséquences directes de ce conflit. Dès qu’on trouvera une solution exacte et adéquate à ce conflit entre le Nord Mali et le pouvoir central à Bamako, beaucoup de ces conflits vont disparaitre automatiquement, car ils ne sont que des conséquences. Il y a ce nouveau fléau, le terrorisme international, qui est rentré chez nous et a commencé à rendre la situation plus confuse, plus difficile et plus compliqué. Pour faire face à ce conflit qui est international, il faut d’abord résoudre le problème politiquement et unir nos rangs.

Tout récemment la France a clairement, par la voix de son ministre de la Défense Jean Yves le Drian, accusé le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) d’être un obstacle à la paix, que pensez-vous de cela ?

Je crois que le HCUA est un mouvement membre de la CMA et la CMA est un seul organe, qui a fourni beaucoup d’efforts pour arriver à trouver une paix. Les mouvements sont très solidaires entre eux, mais la CMA ne peut pas protéger les individus qui posent des actes solitaires qu’ils soient terroristes ou non. C’est-à-dire que tout individu qui mène des activités pareilles est condamnable par la CMA. Les mouvements qui composent la CMA ont beaucoup contribué pour la paix, mais chaque mouvement à son identité, mais ils ont tous beaucoup aidé pour parvenir à accomplir la mission, qui est de trouver une paix définitive.

Vers une suspension de l’aide humanitaire à Kidal ?

Lundi 6 juin, à Kidal, au nord du Mali, un entrepôt de vivre stockant des denrées humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) a été pillé par des habitants. Ces denrées devaient répondre aux besoins alimentaires d’environ 11 000 personnes peuplant les 11 communes de Kidal. Les tensions entre groupes armés, sur place, mettent aujourd’hui en péril l’aide humanitaire vitale pour les populations.

À Kidal, tout le social est géré par des commissions (commission santé, commission énergie, etc.) dirigées par la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) monopolise certaines de ces commissions, comme celle des œuvres sociales qui gère la distribution des dons humanitaires, qui proviennent d’ONG ou de l’État. Cette gestion constitue un point de tension entre le groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) appartenant à la Plateforme et la CMA. Quand le GATIA a fait son retour à Kidal, il y a quelques mois, le mouvement a exigé une gestion à part égale des commissions administrées par la CMA, cette répartition était convenu entre les deux mouvements depuis les accords d’Anéfis. Dans un premier temps, des membres de la Plateforme ont été placés dans chaque commission. Il devait y avoir une représentativité à part égale entre les deux mouvements, mais la CMA a continué à monopoliser certaines commissions, comme celle en charge de l’humanitaire.

Avec l’échec du Forum de Kidal et la méfiance que se portent ces deux mouvements la situation est rapidement devenu explosive, et les tensions larvées entre les deux mouvements ce sont déplacées sur le terrain humanitaire. « La CMA détourne une majeure partie des dons alimentaires qu’elle revend sur les marchés locaux ou par camion jusqu’à Gao », révèle cette source, « Ça constitue une grande manne pour eux, ils ont pu se faire pas mal de liquidités, on dit qu’ils l’utilise pour payer leurs combattants » ajoute-t-il. Le GATIA de son côté lutte pour que les dons soient partagés en part égale pour les démunis. Deux secteurs qui sont peuplés par des Imghad (la tribu dont sont majoriatirement issus les membres du mouvement GATIA) ne reçoivent pas les dons alimentaires comme les autres secteurs de Kidal, « ils ne sont pas parvenus à s’entendre, ils se sont opposés plusieurs semaines là-dessus jusqu’au pillage de l’entrepôt lundi dernier », explique cet habitant.

Lundi 6 juin au matin, des pick-ups de la Plateforme sont partis se positionner devant l’entrepôt, rapidement rejoint par des combattants de la CMA. Les échanges ont été très tendus. Ne parvenant pas à s’entendre avec la CMA, des combattants du GATIA ont ouvert les portes de l’entrepôt et ont laissé les gens piller les vivres. Hommes, femmes, enfants et même certains combattants de la CMA se sont précipités et se sont servis. « C’est le besoin qui a amené les gens à faire ça, surtout en ce début de ramadan. Ces aides sont destinées aux gens mais finalement, avec la CMA, il n’en bénéficie pas et quand c’est partagé les gens ne reçoivent que quelques kilos. J’espère que ça ne va pas continuer comme ça, les gens ont apprécié, mais ça ne doit pas continuer », déclare un commerçant.

Une réunion devait se tenir vendredi dernier, entre les différents mouvements pour établir les mesures à prendre, dans la concertation. Cette réunion n’a pu avoir lieu et a été repoussée à une date ultérieure, les tensions demeurant très vive entre les deux mouvements. « la violence est contenue, mais si une coup de feu échappe entre eux, c’est la garantie d’un conflit », explique cette source. La Plateforme a créé, fin de semaine dernière, sa propre coordination qui s’occupera de l’aide humanitaire en parallèle à celle de la CMA. Les organisations humanitaires, sur le terrain, ne s’y retrouvent plus, ils sont à présent obligés de passer par deux commissions rivales, plus une autre association créée par le député de Tin-Essako, pour la gestion et l’acheminement des vivres. Sur place, la situation est très confuse, et certains organismes humanitaires menacent de suspendre leurs aides s’ils n’ont pas des garanties de pouvoir travailler de façon efficace et en toute sécurité.

Les tensions entre CMA et Plateforme se crispent à un moment où les pourparlers entre mouvement armés et gouvernement sont en dents de scie, concernamant l’application de l’Accord de paix et réconciliation, notamment sur les autorités intérimaires et la Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). De plus, la situation dans le région de Kidal reste fragile, depuis la mort de plus d’une dizaine de soldat appartenant à la mission onusienne et à l’opération barkhane. Ces derniers ont d’ailleurs entrepris, depuis plusieurs semaines, la construction d’un camp dans le fief même des djihadistes à Abeibara, « La pression mise par l’opération barkhane a permis d’arrêter de nombreux djihadistes, mais la situation est très tendu là-bas , des gens ont fui la zone, et à cause de l’action des forces françaises les djihadistes seraient en train de de se déplacer vers Tombouctou », conclut cette source.

DDR : la course à l’armement

Paradoxalement, le processus de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR) dont on attend toujours le démarrage, est synonyme au nord du Mali de réarmement d’une certaine frange de la population. Une situation qui complique davantage la donne sécuritaire sur le terrain.

Il faut rappeler qu’au terme de l’Accord pour la paix et la réconciliation, les ex-combattants doivent déposer les armes et se faire enregistrer afin de bénéficier du processus de DDR. Pour le gouvernement, il s’agit d’une priorité. Mais pour les groupes armés, en particulier les signataires de l’accord, la priorité c’est l’installation des autorités intérimaires. Les dissensions sur ce sujet ont entraîné un blocage dans la mise en œuvre de l’accord et donc du processus DDR, surtout en ce qui concerne l’enregistrement des hommes. « Il y a une question d’organisation. Il faudrait d’abord qu’il y ait un lieu où cantonner les gens, puis assurer la sécurité, l’eau, l’électricité. Il n’y a rien de tout cela, et ça va prendre du temps. Si l’on croise les bras en attendant le cantonnement, ça va créer des problèmes », explique un cadre de la CMA, joint par téléphone.

Des centaines de jeunes, pour la plupart au chômage, se sont rapprochés des groupes armés pour se faire recenser. « Certains sont prêts à payer pour voir leur nom apparaitre sur la liste d’un des mouvements », explique notre source. « Les mouvements n’ont pas le nombre de combattants qu’ils annoncent », assure un autre interlocuteur. Pour exemple, le MNLA a annoncé une « première liste d’environ 9 000 hommes, alors que ses effectifs dépassent difficilement les 900 combattants. Il y a donc de la marge pour intégrer ces jeunes » dont certains viendraient même de Bamako et pour lesquels le DDR représente une véritable aubaine. Or, la condition principale pour le combattant est la présentation de son arme. C’est là que le bât blesse car, c’est un véritable marché de l’armement qui s’est installé dans la région avec comme corollaire, des jeunes gens désœuvrés, sans le sou, et qui se livrent à toutes sortes de délits pour survivre. « En ce moment il y a beaucoup de problèmes à Kidal avec des vols de motos, des braquages de boutiques. Tant qu’il n’y a pas de cantonnement  et qu’on ne retire pas leurs armes à ces jeunes, la situation ne va pas s’améliorer », affirme un habitant de Kidal.

Aéroport de Kidal : les femmes ont levé le camp

C’est vendredi 29 avril au soir, que les femmes menées par Zeina, femme du N°2 du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), qui occupaient depuis une quinzaine de jour l’aéroport de Kidal, ont levé le camp.

« elles ont été approchées par des leaders de la CMA qui leur ont demandé de partir. Elles ont dit qu’elles resteraient vigilantes quant à  la satisfaction de leurs doléances. Mais les gens ici savent que ces revendications ne viennent pas d’elles », confie cette source. Ces évènements ont érigé Zeina en femme leader du clan HCUA à  Kidal, face à  Aminatou, la soeœur du député d’Abeibara, Ahmada Ag Bibi, désormais ex-leader des femmes, auparavant à  la tête de ces marches de protestation. Cette dernière était opposée à  la manifestation de Kidal et l’occupation de l’aéroport qui s’en est suivi. Ces tensions qui existent depuis longtemps entre le MNLA et le HCUA, sont aussi présentent en interne au sein du MNLA. La récente démission du porte-parole pour l’Europe, Moussa Ag Assarig, a révélé ces dissensions, « Ce qu’a souligné Moussa Ag Assarig n’est pas faux mais il n’est pas écouté, il y a des gens de Kidal qui s’accaparent les pouvoirs au sein du MNLA. Lui n’est pas de Kidal mais de la région de Gao et il vit en France, sa démission n’a pas eu d’effet », explique un observateur local.

Au lendemain des manifestations, l’aéroport de Kidal est presque complètement détruit et sera inutilisable pour un bon moment. Des 4/4 et une dizaine d’hommes de la CMA lourdement armés assurent désormais la sécurité des lieux. Il faudra quelques dizaines de millions de Fcfa pour réparer les dégâts et faire repartir l’activité aéroportuaire. La Minusma semble la seule organisation sur place capable de payer les dégâts. Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des nations-unis pour la paix au Mali, arrivé dimanche dernier en hélicoptère à  Kidal, a déclaré qu’il est nécessaire de trouver un accord entre les différentes parties qui pourraient garantir que des événements comme la manifestation de Kidal ne se reproduisent pas.

Pour rappel, l’aéroport de Kidal est aussi utile aux populations qu’à  la Minusma et à  Barkhane, il sert à  acheminer les personnes, du matériel, des médicaments mais aussi à  faire atterrir les gros porteurs militaires et leurs chargements. Les manifestations, même si c’était leur but, ne seront pas parvenus à  stopper Barkhane dans sa traque. à€ Kidal, Tessalit ou Abeibara, les Français sont lancés dans une opération pour traquer les coupables responsables de la mort des 3 militaires français qui ont explosé sur une mine, sur la route de Tessalit. Chaque jour, ils survolent Kidal en hélicoptère. Samedi dernier une opération menée par la force Barkhane, à  Akomass située à  environ 80 km de Kidal, à  permis l’élimination d’Attiyoub Ag Eghya et l’arrestation de Assafagh Ag Attiyoub, tous deux djihadistes d’Ansar Dine, le mouvement qui a revendiqué la mort des Français. « Les opérations de ratissage par Barkhane continuent, elles montrent leur efficacité et sont appréciées par la majorité. Il y a ceux que ça dérange car ils ne sont pas très habitués à  ça et aussi parce que certains coopèrent avec les djihadistes. Les français ne savent pas qui est qui, donc ils fouillent un peu tout le monde », confie une source locale.

La tension des dernières semaines est un peu retombée sur la ville-bastion, une autre séquence s’ouvre, et en dehors des problèmes inhérents aux différentes parties : groupes armés, Minusma ou Barkhane, les populations doivent aussi faire face à  l’écrasante chaleur de la saison chaude qui a asséché les nappes phréatiques et causé une pénurie d’eau.

MNLA : Le porte-parole pour l’Europe démissionne

Les dissensions internes prennent corps au sein du fantomatique mouvement national pour la libération de l’azawad (MNLA ), par la vois e son désormais ex-porte parole de la branche européenne Moussa Ag Assarid qui vient de remettre sa démission au secretaire général Bilal Ag chérif. Cette démission survenue jeudi 28 avril n’a guerre étonné les milieux avertis, quand on sait que le l’ ex-représentant du mouvement, passait pour être un fervent partisan de la division du pays, et avait été écarté depuis la signature de l’accord d’Alger. Non content que le processus de la mise en œuvre soit une réalité, il claque la porte. Pour lui  » les idéaux et les objectifs sont abandonnés et réduits à  l’accord d’Alger-Bamako » à  ses dires « la dérive autocratique, clanique qui se profilait à  l’horizon depuis les accords de Ouagadougou s’est accentuée après la signature de l’accord et atteint son paroxysme lors du congrès qui vient de s’achever au cours duquel la moindre règle démocratique n’a été utilisé  ». II faut signaler que lors de la signature de l’accord d’Alger, il avait joué a la politique de la chaise vide. Dans un communiqué qu’il avait rendu public, il dénonçait une trahison de la part de ses compagnons. Selon lui, « le texte de l’accord signé par la CMA faisait une impasse totale sur les trois points essentiels » il s’agit surtout de la reconnaissance d’un statut politique, territorial et juridique spécifique de l’azawad, avec un mode de gouvernance adéquat induisant de larges compétences normatives, dans l’exploitation et la gestion du territoire, de ses ressources et en matière de sécurité. Interrogé sur da demission un cadre de la CMA éclare, « Moussa Ag Assid a pris sa décision c’est son choix on a rien dire. De toutes les façons, il s’était déjà  mis à  l’écart depuis la signature de l’accord ». Aujourd’hui le MNLA a choisi la voie du dialogue pour obtenir la paix et compte tenir cette ligne. « Son départ ne va pas affecter le mouvement car il ya beaucoup d’autres cadres qui sont plus déterminés et engagés à  obtenir la réussite de ce processus », conclut-il.

Kidal : 5 jours après la manifestation, l’aéroport toujours aux mains des manifestants

Depuis jeudi, une vingtaine de femmes ont dréssés des tentes sur la piste d’atterrissage de l’aéroport de Kidal contrôlé par des manifestants et s’y sont installés de jour comme de nuit. Elles ont exprimé, hier, une liste de doléances parmi lesquelles : La remise à  la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) de toutes les personnes détenues par la force Barkhane qu’elles soient coupables ou non, l’arrêt immédiat des perquisitions de domicile par les forces françaises, la reconnaissance par la Minusma des deux victimes décédées lors de la manifestation de lundi dernier, l’évacuation urgente par les forces onusiennes des blessés et la délocalisation de l’aéroport de Kidal loin des habitations de la ville. Selon une source sur place, « Ces femmes sont instrumentalisés par leurs maris, des gens du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Tous les gens qui ont été arrêté sont liés au narco-traffic ou avec les djihadistes, ils veulent faire cesser les arrestations de Barkhane parce qu’ils trempent dans beaucoup de choses. Ils souhaitent aussi devenir leader par rapport au MNLA. ». Pour cet autre, « C’est la Minusma qui a provoqué ce vide et les femmes en ont profité. La Minusma ne sécurise ni ne maà®trise la situation à  l’aérodrome. », conclut-il. Sur place on attend les résultats de l’enquête onusienne qui doivent déterminer les circonstances ayant mené à  la mort des deux jeunes abattus lors de la manifestation de lundi. Même si pour beaucoup, il ne fait aucun doute que les balles mortelles ont été tirées par les forces de la Minusma qui tentaient d’empêcher des manifestants de prendre le contrôle d’un de leurs véhicules armés. « ils disent qu’ils sont en train d’enquêter mais ils ont déjà  toutes les images. Il y a un grand ballon gonflable au-dessus du camp, une sorte de drone statique équipé de caméra, ce ballon-là  regarde tout ce qui se passe en ville et aux alentours », confie un habitant. à€ Kidal, l’occupation de l’aéroport inquiète. Une majorité pense que sa fermeture est néfaste pour la ville, « Les personnes qui voyagent utilisent l’aéroport et les vols de la Minusma. Les médecins, les médicaments, viennent par ces vols. Depuis que l’aéroport est fermé, ce sont les hélicos de la Minusma qui font le lien entre ici et Gao, ces hélicoptères ne peuvent prendre que 22 personnes environ, les voyages sont devenus restreints », maugrée un commerçant. Au sein des mouvements la tension est montée d’un cran, le MNLA accepte mal que deux de ses jeunes, instrumentalisés par le HCUA, soient mort. « Il y avait des véhicules qui emmenaient les gens à  la manifestation un peu partout en ville, ils sont passés dans les écoles, ils ont fermé les classes pour les emmener là -bas », révèle un témoin qui était à  la manifestation. De plus, le fait que les femmes du HCUA occupent l’aérodrome leur donne une plus grande notoriété par rapport aux femmes du MNLA. Zeina Wallet llady, la femme de Cheick Ag Aoussa le N°2 du HCUA et ex-chef militaire du groupe djihadiste Ansar Dine, est d’ailleurs à  la tête de ces femmes qui campent sur la piste d’atterrissage de l’aérodrome. La Plateforme, quant à  elle, ne semble pas impliquée dans les évènements. Ses membres n’ont pas participé aux marches de protestation. « Il y a deux individus du Gatia qui ont été arrêté par Barkhane vers Aguel’hoc, ça n’a pas suscité de marche n’y rien. », ajoute cet habitant du quartier Aliou. On ne sait pas à  l’heure actuelle qu’elle sera l’issu de ce bras de fer entre la minorité influente qui manifeste et les forces étrangères, mais on craint sur place que ces événements déclenchent une nouvelle source de radicalisation des populations qui ne viendrait qu’envenimer une situation déjà  très préoccupante.

Kidal: tension toujours vive

Selon les informations en provenance de la ville, certains des manifestants de lundi occupent toujours la piste de l’aérodrome et y plantent même des tentes. Cela malgré l’ouverture d’une enquête par la mission onusienne pour situer les responsabilités. En effet, le 18 avril dernier, une manifestation avait débuté sur la place de la liberté à  Kidal. La foule s’est ensuite dirigée vers l’aérodrome de la ville o๠la manifestation a dégénéré. Les manifestants dont certains munis de cocktails Molotov, se sont introduits par effraction sur la piste sécurisée par la MINUSMA, saccageant et mettant le feu aux installations sécuritaires. Lors du point de presse hebdomadaire de ce jeudi 21 avril, le porte-parole de la MINUSMA, a déclaré que ces manifestations ont un lien avec les activités de leurs partenaires. En effet, la force française Barkhane avait mené des arrestations menées dans le cadre de l’enquête concernant la mort militaires français survenue la semaine dernière. Au lendemain des événements, soit le 19 avril, le représentant spécial adjoint du secrétaire général pour le pilier politique, Monsieur Koen Davidse, et le commandant de la force de la MINUSMA, le général de division Michael Lollesgaard, s’étaient pourtant rendus à  Kidal o๠ils ont rencontré des leaders de la CMA, de la plateforme et des membres du comité de gestion de Kidal. Ils ont demandé aux acteurs de continuer à  agir en faveur du processus de paix et de soutenir les efforts de reconstruction de l’aéroport de Kidal. Aujourd’hui, selon la Minusma, ce qui est important, C’’est le retour du calme et la réouverture de l’aérodrome qui est l’axe stratégique pour développement de la ville, a expliqué le porte-parole.

Manifestation anti-Minusma à Kidal: ça dégénère!

Une fusillade a éclaté, dans la matinée, à  l’aéroport de Kidal entre un petit groupe de manifestants qui entendait protester contre la vague d’arrestations menées par la force Barkhane la semaine dernière à  Kidal dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Pour rappel, 3 militaires français de la force Barkhane, ont été tués la semaine dernière au passage de leur véhicule sur une mine. Suite à  cette attaque, Barkhane a mené une vague d’arrestation dans la ville qui s’était conclue par l’interpellation de 8 membres du MNLA dont deux haut gradés. La manifestation a quelque peu grossi en arrivant devant l’aéroport de Kidal, certains jeunes armés ont tenté de forcer le passage en ouvrant le feu, les forces de la Minusma ont riposté. On déplorait, selon une source sur place, une dizaine de blessés et 2 morts côtés manifestants. Ces derniers ont réussi à  pénétrer dans l’enceinte de l’aéroport, nouvellement refait à  neuf, et ont incendié des générateurs. « La Minusma a riposté en tirant des gaz lacrymogènes » révèle une source sur place. La fusillade était toujours en cours au moment o๠ces lignes ont été écrites. à€ Kidal, les boutiques et une partie des marchés sont restés fermés. « les gens sont surpris, ils ne s’attendaient pas du tout à  ça, parce que c’était une toute petite manifestation au début…La population s’est enfermée et les gens ils guettent ce qui se passe à  leurs fenêtres », explique un habitant. LA CMA et la Plateforme, en présence en ville et qui en gèrent la sécurité, ne sont pour le moment pas intervenu selon un observateur sur place. Aux dernières nouvelles, la manifestation partie avec quelques dizains d’individus est en train de grossir. Des femmes et des jeunes gens sont venus rejoindre le flot qui tient tête aux éléments de la Minusma positionnés sur place.

Sidi Brahim Ould Sidati : « Après l’Accord, nous devons développer un sentiment national plus fort »

Peu connu du public jusqu’au 20 juin 2015, Sidi Brahim Ould Sidati, originaire de Tombouctou, est le Secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). Ex-maire de la commune rurale de Ber (région de Tombouctou), il a, au nom de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signé l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Cet enseignant de formation revient dans cette interview exclusive réalisée le 10 janvier à Bamako, sur les conditions de mise en œuvre du texte. Audelà des divergences supposées ou réelles au sein de la CMA, le combat d’Ould Sidati, qui participe aux travaux du Comité de suivi de l’accord (CSA), serait avant tout celui de l’unité des populations du Nord, envers qui le Mali n’aurait pas toujours été tendre.

Journal du Mali : Huit mois après la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, quelle appréciation faîtes-vous de la mise en œuvre du texte, vous qui repré- sentez la CMA au sein du Comité de suivi de l’Accord ?

Sidi Brahim Ould Sidati : Il y a eu deux phases après la signature de l’accord. Trois premiers mois tendus avec des affrontements sur le terrain et un doute réel quant à sa mise en application. Cet état de fait a duré jusqu’en octobre 2015. Après la rencontre d’Anéfis, les lignes ont commencé à bouger. Pour moi, il y a clairement un avant et un après Anéfis. Après ces discussions, on a vu les différentes commissions travailler et réaliser des avancées sur les textes législatifs. Ces avancées ne sont certes pas visibles sur le terrain, mais c’est un début de mise en œuvre.

Cette mise en œuvre avance-t-elle au bon rythme ? N’est-elle pas un peu lente et pour quelles raisons ?

Nous n’avons pas encore une action physique, visible sur le terrain qui permet de dire que la mise en œuvre de l’accord avance. Des actions qui impacteraient sur le quotidien des populations. Au début, il n’existait pas de confiance entre parties signataires, ce qui a retardé les choses, et certains avaient même voulu remettre l’accord en cause.

Vous parlez de confiance. Existe-t-elle désormais au sein du comité de suivi après la phase critique ?

Il est difficile de construire une confiance lorsqu’on a peur. Il y a des mesures de confiance telles que la libération des prisonniers rebelles. Il y a bien sûr moins de tiraillement aujourd’hui dans le comité de suivi. Cette confiance, à mon humble avis, s’installe peu à peu. Mais pour l’heure, on ne peut pas dire qu’elle est définitive.

Vous avez eu à suspendre votre participation au comité de suivi de l’accord. Tout cela est-il derrière vous ?

On a voulu suspendre effectivement pour voir s’il y avait vraiment un accord ou pas, et un changement dans les comportements des parties. Il n’était pas possible de poursuivre avec l’avancée des troupes sur Anéfis. Après les discussions, les choses sont revenues au bon point de départ, avec l’arrêt des hostilités sous l’œil de la médiation.

Êtes-vous satisfait quant à la sécurisation des biens et des personnes sur le terrain ?

La majorité des prisonniers a été libérée, même s’il demeure des exceptions que nous traitons. Il faut bien sûr plus d’actions sur le terrain, comme la prise en charge de combattants pour sécuriser le Nord et éviter les troubles. Néanmoins, l’arrêt des hostilités est effectif. La Plateforme et la CMA parlent aujourd’hui de la même voix. Nous faisons même des communiqués conjoints. Ce qui permet de faire avancer le processus. L’accord prévoit en outre des autorités de transition pour permettre cette ré-administration, et le retour des réfugiés. On a tenté d’ouvrir les écoles à Kidal, mais il n’y a pas d’autorité à Kidal. Or, il faut des pouvoirs mixtes pour exécuter tout cela. Beaucoup reste à faire.

Est-il vrai qu’il existe, au sein de la CMA, un antagonisme entre le MNLA et le HCUA ?

Je crois qu’une confusion existe. Pour rappel, le HCUA faisait partie d’Ansar Dine et a rompu avec lui, pour divergences de vues. Et à chaque fois qu’il y a eu un problème entre le MNLA et Ansar Dine, on l’a mis au compte du HCUA, qui est aujourd’hui membre de la CMA. Pour moi, il n’y a pas d’antagonisme entre les deux mouvements.

Que pensez-vous de l’attaque récente sur plusieurs éléments du MNLA, et revendiquée par Ansar Dine ? Cela vous inquiète-t-il ?

C’est justement ce problème récurrent entre le MNLA et Ansar Dine qui persiste. Vous savez, il y a aujourd’hui ceux qui sont contre l’Accord et le mettent en péril. Ils ont un objectif commun, celui de faire échouer le processus de paix.

Revenons sur le MNLA, on l’accuse de jouer un jeu solitaire. Notamment sur la nomination de Madame Nina Wallett Intalou au sein de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) et sans consultation des autres mouvements de la CMA ?

Il n’y a pas de crise entre les mouvements de la CMA. Je le répète. Le problème vient d’Ansar Dine, qui est pour l’application de la charia. Je vous l’ai dit, certains membres du HCUA ont quitté ce mouvement. Par ailleurs, le MNLA ne fait pas cavalier seul. Il fait partie d’un ensemble qu’est la CMA. Quant à la nomination de Madame Intalou, elle a été proposée par la commission. Nous, nous n’étions pas d’accord sur le nombre de personnes représentées au sein de la CVJR, qui était de 2, au lieu de 5. Entretemps, trois personnes ont été nommées. Le problème est réglé.

Est-ce que la CVJR a réellement des marges de manœuvre ?

La commission n’est pas un outil de l’accord. Elle s’est faite avant l’accord. Nous avions demandé des modifications, car si elle ne dépend que d’un ministère, cela n’a pas de sens. Il faut lui donner une certaine liberté avec un ancrage qui lui permet de dire sa vérité. Dans sa forme actuelle, ce n’est pas la vision de la CMA.

Que pensez-vous de l’influence négative d’Iyad Ag Ghaly sur le processus de paix ? Est-elle réelle selon vous ?

Pour moi, le problème ne vient pas d’Iyad seul. Il y en a d’autres comme Amadou Koufa, du Front de libération du Macina. Ce sont des personnalités qui ont une autorité certaine sur les populations locales, et qui étaient là bien avant l’accord. Donc, ne peut nier cette équation. Maintenant, tout dépend de la vitesse d’exécution de l’accord. Plus on tarde, plus ils gagnent en influence, mais plus nous accélérons, plus leurs marges de manœuvre sont réduites et ils seront isolés.

Iyad Ag Ghaly continue pourtant de rallier à sa cause autour de Kidal et ailleurs. La paix est-elle possible et durable sans Iyad ?

Encore une fois, tout va dépendre de la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, c’est vrai, il est dans une logique de ratisser le plus largement possible. Mais l’accord doit permettre de contenir ces gens, ces velléités. Et si demain, on devait né- gocier, ce serait sur des choses isolées. Il nous faut accélérer le processus.

Parlons du MAA, votre mouvement, qui a deux branches. L’une plus proche du gouvernement, l’autre dissidente proche du MNLA et plus radicale ?

Cet état de fait existe depuis l’accord de Ouagadougou. Nous sommes restés proches du HCUA et aussi du MNLA depuis trois ans, avec les mêmes revendications politiques et organisations militaires sur le terrain. Mais il n’y a plus de différences, puisque nous sommes tous réunis au sein de la CMA et cela dans un seul objectif, appliquer l’accord de paix. Idem entre nous, le gouvernement et la Plateforme.

À propos de la Plateforme, Maître Toureh, son représentant, déplorait une inertie du gouvernement. Les autorités tiennent-elles leurs promesses ?

Je pense qu’il y a une nette amélioration depuis un mois et demi. Une évolution certaine du gouvernement quant à l’application de l’accord et des textes législatifs qui le régissent, comme par exemple le processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) ou encore, la mise en place des outils de transition. L’accord prévoit ces textes et même la révision de la Constitution, nécessaire pour mettre certaines dispositions en place.

Justement, tout ceci pourrait rallonger davantage la période transitoire…

Tout cela fait partie de l’accord. Ce sont des phases. Cela dit, la prise en charge des combattants est par exemple une chose qui urge. Les textes doivent être accélérés. Il nous faut reconstituer une armée capable de sécuriser les personnes. Ramener les réfugiés, rouvrir les écoles, des urgences qui ne doivent plus attendre, avant toute idée d’élections. Maintenant qu’on a signé cet accord, nous devons développer un nationalisme plus fort et éviter les tiraillements du passé. C’est un changement de comportement, de mentalité. Aussi bien pour la majorité que pour l’opposition. Tout le monde est concerné.

Sur la prise en charge des combattants, la MINUSMA attend la liste des personnes devant être cantonnées. Qu’est-ce qui bloque ?

C’est dû au manque de confiance. Nous n’en sommes pas à notre premier coup d’essai, beaucoup d’accords ont été signés au Mali. Aujourd’hui, les gens ne veulent pas fournir une liste, se livrer, tant qu’ils n’ont pas la garantie que leurs revendications politiques seront prises en compte. Elles concernent évidemment le nord et l’Azawad. Ceci dit, à partir du moment où l’on connaît les sites de cantonnement, nous avons donné un chiffre de 600 hommes par site. En fonction de la prise en charge de ces combattants, nous donnerons les listes et nous pourrons avancer dans le processus. Vous savez, il est difficile de regrouper des gens qui sont dispersés dans un rayon très vaste.

Un délai est prévu pour mi janvier ? Est-ce réalisable ?

Les textes sont déjà faits. On s’entend sur la méthode et les quotas. J’estime qu’autour du 20 janvier, on sera dans la bonne démarche.

Sur un tout autre plan, un remaniement ministériel s’annonce. La Plateforme a un représentant depuis le dernier réaménagement. La CMA espère-t-elle encore faire partie d’un nouveau gouvernement, comme en juin ?

Lorsqu’on a signé cet accord, il y avait des priorités à régler avant de penser à intégrer le gouvernement. Par ordre, la libération de nos prisonniers, la prise en charge de nos combattants, la mise en place d’autorités de transition, etc. Après tout cela, on pourra penser à une éventuelle participation au gouvernement.

Est-ce que la nomination d’une personnalité du Nord au poste de Premier ministre pourrait faire avancer plus vite le processus et donner un signal fort ? Vous aviez auparavant demandé des postes clés…

Nous avons d’abord un timing à exécuter. L’entrée au gouvernement n’est pas notre priorité du moment. L’actuel Premier ministre est d’ailleurs un homme d’une grande sagesse. Il ne s’agit pas d’un problème de personnes ou du président IBK, mais d’une volonté nationale afin que les gens aillent vers cette unité nationale. La fissure était grande et la solution demande un grand effort national.

La MINUSMA est au Mali depuis plus de deux ans. Comment jugez-vous son action ? Que peut-on attendre de l’arrivée de Mahamat Saleh Annadif, nouveau chef de la Mission ?

Faire sans la MINUSMA n’a pas de sens, puisque les Maliens ont accepté sa présence. C’est aussi aux parties maliennes de dégager une feuille de route claire quant à leurs attentes sur le rôle que doit jouer la MINUSMA pour sécuriser. Mais la paix, ce sont d’abord les Maliens qui la feront, avec une vision et une stratégie commune. Monsieur Annadif ? On lui souhaite du succès, évidemment. Il est nouveau, il lui faudra sans doute un temps de compréhension et d’adaptation au contexte et aux Maliens. Son prédécesseur Mongi Hamdi avait déjà intégré beaucoup de choses en un an.

Vous avez déclaré que l’attentat du Radisson visait l’accord de paix. Faut-il craindre d’autres actes ?

Les Maliens doivent apprendre à vivre avec le terrorisme et rester vigilants. Le danger est constant et permanent. On ne doit pas s’arrêter à dix jours de mobilisation pour laisser les choses s’essouffler. L’état d’urgence doit permettre une capacité de réaction plus rapide, des fouilles systématiques, ce qui demande des moyens et des dispositions juridiques efficaces.

L’état d’urgence s’applique-t-il au Nord?

L’état d’urgence s’applique là où il y a un État, ce qui n’est pas le cas au nord du Mali. Quand il n’y a pas d’État, pas d’état d’urgence donc…

Les fonds qui doivent être alloués au Nord, environ 300 milliards, sont-ils un élément fondamental pour enclencher le développement ?

On ne peut faire une paix sans ressources. Mais l’essentiel n’est pas dans l’argent. Plutôt dans le fait de comprendre qu’on doit travailler ensemble pour la paix, avant tout développement. Les différentes agences et les fonds de développement, on le sait, ont plus permis de construire des villas à Bamako que de développer le Nord. Ne tombons pas dans les mêmes erreurs.

Mais à long terme ?

Au Mali, les régions du nord repré- sentent les deux tiers du pays. Pour les politiques nationales de développement, d’éducation ou de santé, on a toujours regardé le facteur démographique. Dans 1/3 du pays (sud et centre) vous avez 90 % de la population qui vit et bénéficie de ces politiques. Imaginez que pour avoir un Centre de santé communautaire (CESCOM) au nord, il faut au minimum 5 000 personnes, ce qui exclut d’office de nombreuses localités dans le nord. L’État, c’est avant tout un contrat social avec les populations, et lorsque ce contrat n’est pas rempli, l’appartenance à l’État est difficile. J’ai été enseignant pendant 12 ans à Bamako. En discutant avec les populations au nord, j’ai compris qu’elles n’avaient aucun attachement à l’État malien. Dans l’accord, il y a la création du Sénat, avec une représentativité liée au territoire et non plus seulement au facteur démographique pour créer un réel partage du pouvoir. Si au sud vous avez 5 régions, pour le Nord qui représente les 2/3 du territoire, il faudrait en créer 15.

Pour finir, que souhaitez-vous pour la nouvelle année 2016 ?

Que les choses aillent plus vite. Que ce texte trouve son application réelle. Évidemment, je souhaite plus de paix pour les Maliens et que l’on puisse se mettre ensemble et au dessus de tous ceux qui sont contre cet accord de paix.

 

 

Coup d’Etat au Burkina, Mamadou Djéri MAIGA donne son avis

Interpellé le jeudi 1er Octobre 2015 à  l’aéroport international de Ouagadougou aux environs de 16h 30mn, C’’est finalement à  23h le même jour que le vice président du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) a été relâché. Mamadou Djéri MAIGA a répondu à  des interrogations relatives à  une éventuelle complicité dans le coup d’à‰tat manqué du 16 Septembre 2015 au Burkina Faso. Dans cette interview il donne plus de détails sur son audition et ses relations avec le cerveau du putsch avorté, le Général Gilbert DIENDERE. Il est également question de ses contacts avec le Général Djibril BASSOLE mis aux arrêts dans le cadre des enquêtes sur la récente crise qui a secoué le pays des hommes intègres. Pouvez-vous nous confirmer votre interpellation par les autorités de la transition burkinabè ? Effectivement hier, je m’apprêtais pour prendre le vol pour aller dans une rencontre qui concerne le comité de suivi pour l’application des accords de Bamako. C’’est dans le salon d’honneur que des gendarmes se sont présentés devant moi pour me dire que leur chef veut me parler. C’’est comme ça que J’ai été interpellé. Que s’est il passé par la suite ? Après on m’a amené dans une grande salle climatisée. J’ai attendu quelques heures avant que leur chef ne vienne ; ça tournait autour du fait qu’ils ont entendu que des forces étrangères se préparaient pour venir apporter main forte aux putschistes et que les putschistes aussi sont en contact avec des Djihadistes. Donc en tant que premier responsable de la coordination des mouvements de l’Azawad à  Ouagadougou, ils veulent m’écouter par rapport à  ça. Bon !moi je leur ai dit d’abord que nous sommes là  depuis 2012. On est là  avec nos familles et que si cela était une réalité, on ne serait pas là  toujours avec nos familles. Le Burkina C’’est un pays qui nous a accueilli quand tout le monde nous chassait, je ne vois pas la raison pour laquelle si on n’aide pas à  stabiliser le Burkina, on va aider à  le déstabiliser, alors que nous y vivons sans être inquiétés. Je leur ai dit que vraiment C’’est des choses qui ne nous concernent pas, que ce n’était pas notre point de vue. Nous ne sommes ni de près, ni de loin impliqués dans cette histoire. Après, ils m’ont demandé mon contact avec BASSOLE et DIENDERE. Oui J’ai dit effectivement avec BASSOLE, mes contacts avec lui C’’était à  Alger le 5 juin dernier lors des négociations avec le Mali. Depuis lors, il ne m’a pas appelé, je ne l’ai pas appelé. Maintenant, pour DIENDERE, je leur ai dit qu’il fut un bon moment après le départ de Blaise que nous n’avons pas d’interlocuteur. Dernièrement, le président KAFANDO a rencontré une délégation de la CMA (coordination des mouvements de l’Azawad) et il leur a fait comprendre, qu’il va les mettre en contact avec DIENDERE et C’’est ce qui a renoué notre relation. Quand je suis venu, J’ai été chez lui faire le compte rendu et lui demander de dire au président KAFANDO que le Burkina ne doit pas laisser sa place sur la table de négociations. Le Burkina doit être toujours présent dans le processus. Mais quant à  la crise, jamais, ni BASSOLE, ni DIENDERE ne nous a appelés pour nous demander de l’aider, jamais et ce n’était même pas dans notre logique, ce n’est pas notre mission, nous n’avons ni les moyens ni le temps, encore moins le droit de le faire. Nous sommes là  en tant que des refugiés. s’il y a des négociations avec le Mali, on va aux négociations. s’il n’y a pas de négociations, on revient, et on ne rencontre les autorités qu’en cas de rencontre officielles. On n’a pas de relations particulières avec eux. Il n’y a pas. A votre avis sur quels éléments les autorités burkinabè se sont basées pour vous interpeller ? Je ne sais pas. Je pense que C’’était la déclaration du gouvernement de la transition qui dit qu’ils sont au courant qu’il y a des forces extérieures qui se préparent je ne sais oà¹, et qu’il y a des djihadistes qui se préparent je ne sais o๠! En tout cas, ils n’ont pas la preuve. Nous, nous sommes là , nous nous sentons vraiment très propres, C’’est pourquoi nous sommes là  avec nos familles. Quelqu’un qui connait la détermination du peuple burkinabè ne peut pas rentrer dans de sales affaires comme celles-ci et rester là  avec sa femme et ses enfants. Pour montrer qu’on est de bonne foi, personne n’est sorti avec sa famille tout le monde est là , donc je ne sais pas sur quoi ils se sont basés pour faire ça. Avez-vous été interdit de quitter le pays ou est ce que vous êtes libre de vos mouvements ? Non non ! Ils m’ont dit de rassurer tout le monde que nous sommes chez nous. Ils m’ont dit de rassurer tout le peuple qu’il n’y a aucun problème mais quand de telles situations arrivent, il est normal qu’ils interpellent les premiers responsables pour en savoir plus. D’ailleurs je viens de faire ma confirmation de vol pour demain matin. Demain à  7h Inch Alla je vais aller à  Bamako. Lorsque vous avez rencontré les généraux Djibril BASSOLE et Gilbert DIENDERE, avez-vous échangé ? N’avez-vous pas parlé d’un éventuel soutien ? Non ! Bon ! Le 05 juin il n’y avait pas tous ces problèmes là . On avait signé les accords le 20 juin. Mais le 05 juin déjà  on avait été en Algérie pour rencontrer le gouvernement malien pour discuter de certains points de l’accord et C’’est dans ça qu’on a rencontré Djibril BASSOLE quand il n’y avait rien. Le constat est clair que C’’est Djibril BASSOLE et Gilbert DIENDERE qui ont toujours joué l’interface avec les groupes et mouvements de l’Azawad, du Nord Mali. à‡a se voit que vous avez été en odeur de sainteté. Quel est le type de relation qui vous lie aux deux généraux ? Mais C’’est normal. Djibril BASSOLE, C’’est lui qui a conduit les négociations qui ont conduit à  l’accord de Ouagadougou. C’’est lui qui nous a accueillis. C’’était lui qui était aux Affaires étrangères. C’’est eux qui étaient au pouvoir, nous lui devons tout, mais ça C’’est quand ils étaient au pouvoir aussi bien que DIENDERE. DIENDERE il a aidé à  amener nos blessés, à  les traiter dans leurs hôpitaux. Mais de là  à  dire qu’ils nous ont appelés pour de l’aide comme ça, je dis non ! Je dis BASSOLE je l’ai vu depuis le 5 juin. C’’est un problème burkinabè, il gère son problème avec les Burkinabè. Nous on ne peut pas l’élire ici. C’’est un homme politique qui a des relations, il n’a pas besoin d’aller nous chercher pour qu’on fasse de lui président. C’’est ce qui a fait que depuis qu’il n’est plus dans les Affaires étrangères, il a coupé avec nous. Il traite avec les Burkinabè. Vous venez de dire que le Président de la transition Michel KAFANDO vous a, entre temps, mis en contact avec le Général Gilbert DIENDE, à  quelle fin avez-vous utilisé ce contact ? Moi je n’étais pas là . J’étais en négociations. Quand je suis rentré, je suis allé chez DIENDERE pour lui faire le compte rendu de mes tournées et lui faire comprendre aussi de continuer à  plaider notre cause auprès du président Michel KAFANDO pour que le Burkina qui a tout fait pour nous ne puisse pas laisser sa chaise vide dans ce processus. C’’est le Burkina qui a entamé le processus. Quand tout le monde n’était pas près pour nous, C’’est le Burkina qui nous a ouvert ses bras et C’’est eux qui ont fait tout jusqu’à  ce qu’il ait eu l’accord de Ouaga qui est la pièce maitresse de l’accord d’Alger. Donc, le Burkina pour nous C’’est notre deuxième pays. Pour rien au monde, nous ne devons pas vouloir le malheur pour le Burkina. à‡a C’’est le président KAFANDO qui nous l’a recommandé. Je ne les ai jamais appelés, ils ne m’ont jamais appelé, je ne suis jamais allé chez eux. Pouvez-vous rassurer que outre votre personne, d’autres membres de vos différents groupes et mouvements ne sont pas en contact avec Djibril BASSOLE et Gilbert DIENDRE ? Non ! à‡a je ne peux pas rassurer ça, parce qu’il y a des contacts personnels. Moi je parle au nom des mouvements, les mouvements en tant que tels comme décision ne sont pas en contact avec ces deux. Individuellement quelqu’un peut avoir ses relations mais pas comme ils sont entrain de le dire. Que des groupes sont entrain de s’organiser pour venir. ça C’’est les mouvements maintenant. Ni de près ni de loin, on n’est pas impliqué dans cette affaire. Quelle appréciation faites-vous du coup d’à‰tat du 16 Septembre 2015 avorté au Burkina Faso? Je n’ai pas à  apporter une appréciation sur ce coup d’à‰tat parce que je ne suis pas Burkinabè. Je suis refugié ici. Moi celui qui est au pouvoir je traite avec lui. Celui qui n’est pas au pouvoir vraiment, J’évite à  m’ingérer dans quelque chose qui ne me regarde pas. C’’est ce que je leur ai dit. Et toi-même qui est journaliste, depuis quand on s’était pas vu ? Depuis que les négociations de Ouagadougou sont finies. à‡a fait combien d’années ? à‡a fait longtemps qu’on ne sait pas vu. C’’est pour te montrer que je suis à  coté, voilà  la preuve, je suis à  coté, je ne me mets pas dans ce qui ne me regarde pas.

Accord de paix du 15 Mai : une signature presque parfaite…

En lieu et place, C’’est Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun, le représentant de la CPA, un mouvement pro Bamako qui signera pour la coordination en appelant « ses autres frères à  rejoindre sans délai» l’accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger. Bamako ce 15 Mai, aura été le centre de l’attention, avec l’arrivée dans la matinée d’une quinzaine de chefs d’Etats, parmi lesquels, Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Robert Mugabe du Zimbabwe, Faure Gnassingbe du Togo, Ould Abdel Aziz de la Mauritanie ou encore John Dramani Mahama du Ghana et Paul Kagamé du Rwanda. La présence effective de la France, à  travers sa secrétaire d’Etat au développement Annick Girardin, mais aussi Bisa Williams, pour les Etats-Unis, Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, Djibril Bassole pour l’OCI, Hervé Ladsous, représentant de Ban Ki Moon, Michel Révérend de Menthon, pour l’Union Européenne, Pierre Buyoya pour l’Union Africaine, et tous les représentants des communautés du Nord, les notabilités traditionnelles du Nord et le peuple malien. Tous ont assisté, de près ou de loin à  la cérémonie de signature qui aura duré près de 5h. La presse n’était pas en reste et suivait la signature dans une salle du CICB, sur écran. A l’entame de la cérémonie, Abdoulaye DIOP, le ministre malien des Affaires étrangères souhaitera la bienvenue à  tous les amis du Mali, suivi de l’allocution de Ramtane Lamamra, chef de file de la médiation algérienne. D’une voix posée, le médiateur algérien dira toute sa satisfaction de voir le processus de paix arriver enfin à  une issue, avec l’honneur d’avoir conduit cette médiation longue mais qui aujourd’hui pose des actes concrets pour l’avenir du Mali. Signature… presque complète Ensuite aura la signature de l’Accord en question, avec toutes les parties sauf évidemment l’aile dure de la coordination. Ni le MNLA, ni le HCUA et le MAA ne signeront cet accord, paraphé la veille à  Alger, ce qui selon certains, fait baisser la valeur de cet accord C’’est donc le représentant de la coordination, qui parlera le premier en appelant l’ensemble des frères « du peuple de l’Azawad » à  s’inscrire dans cette paix, tant voulue par les populations. Suivront les discours de Maà®tre Harouna Toureh des Mouvements signataires de la Plateforme d’Alger. Pour lui, le peuple malien doit avoir le courage d’aller vers la paix, à  condition de se pardonner. l’intervention de Bajan Ag Hamatou, qui représentait les notabilités du Nordn fera lever la salle pour l’élu de Ménaka. Les discours seront nombreux tout au long de cette cérémonie. Il faudra retenir l’intervention de Robert Mugabe. Il rappellera devant Moussa Traoré, le combat pour l’unité des pères de l’indépendance comme Modibo Keita, Kwame Nkrumah ou encore Sékou Touré et appellera le peuple malien à  rester uni. Mugabe, très honoré d’avoir été invité au Mali, passera le message très symbolique de l’union nationale mais aussi du dialogue, voie ultime pour atteindre la Paix. Après les représentants de la communauté internationale, tels Bisa Williams pour les Etats Unis ou Hervé Ladsous venu délivrer un message de Ban Ki Moon, le Secrétaire général des Nations Unies, le président malien Ibrahim Boubacar Keita prendra la parole, pour rappeler la longue marche du Mali pour la Paix, non sans rendre un hommage aux victimes civiles et militaires de la crise malienne, et s’incliner devant la mémoire des patriarches Intallah Ag Attaher, Baba Ould Sidi El Moctar, et Mohamed Elmehdi Ag Attaher, des hommes qui selon lui ont toujours exprimé leur attachement à  la mère patrie. Pour le président Malien, qui n’a pas manqué de répondre à  Hervé Ladsous, et au souhait des Nations Unies de voir toutes les parties respecter le cessez-le-feu, il faut rappeler toute la vérité et la situation de l’armée malienne longtemps cantonnée et sans accès à  Kidal, et qui aujourd’hui se défend vaillamment face à  l’ennemi. « Nous ne sommes pas des gueux », ajoutera IBK un brin ironique. Enfin, soulignant tout l’importance de l’Accord de paix, IBK dira que C’’est le fruit d’un effort collectif pour refonder l’Etat et assurer le bonheur des populations maliennes. Sa mise en œuvre, admet le président malien, ouvrira de nouvelles perspectives pour le développement du Mali. Son propos sera ensuite joliment illustré par le lâcher de colombes à  la sortie du Centre International de Conférence de Bamako par les enfants…

Accord de paix : conclave à Kidal pour décider

Ils font durer le suspense. En tout cas, le 10 mars a été choisi par les mouvements réfractaires au texte d’Alger pour trouver une position commune. Pendant que le gouvernement malien multiplie les rencontres pour sensibiliser sur l’accord de paix, des appels ont été lancés par les chefs politiques et militaires des mouvements séparatistes qui ont appelé leurs partisans à  participer à  une réunion à  Kidal. Les mouvements armés de Kidal vont-ils enfin se faire à  l’idée d’aller vers la signature de l’Accord ? Il semblerait que certaines têtes de file à  Kidal tiennent encore des discours négationnistes. Cela entraà®né par les idéologies les plus radicales de ceux qui ne veulent pas la paix au Mali. On le sait Kidal, est le bastion des rebelles touaregs, et des chefs djihadistes comme Iyad Ag Ghaly, s’y promènent ou des évadés comme Mohamed Aly Ag Wadoussène, libéré en échange de l’otage français Serge Lazarevic. Car signer un accord avec le Mali, signifierait, recadrer les choses, aller vers le justiciable, la normalité, une normalité que ne veulent pas les trafiquants de drogue. Car au-delà  de toute revendication sécessionniste, signer signifierait, mettre fin à  une zone de non droit. Si des manifestants à  Kidal, ont crié à  tue-tête, voir leur Azawad fondre comme neige au soleil, l’enjeu dépasse ce territoire, et est d’abord celui de la réconciliation et de la Paix. Mais si un Accord n’est pas la paix, comme l’a si bien rappelé Abdoulaye DIOP, le ministre malien des Affaires étrangères, le plus dur reste à  venir pour ceux qui voudront bien parapher le document. Une étape cruciale en tout cas se joue en ce mois de Mars. Après le 10, il ne restera plus que quinze jours aux séparatistes pour rallier le Mali…

Moussa Ag Assarid : « Nous voulons du temps ! »

Les mouvements politico-armés de l’Azawad regroupés au sein de la coordination n’ont pas paraphé le projet d’accord du dimanche 1 mars 2015 à  Alger. Pour le MNLA et ses alliés, il faut leur donner « un temps raisonnable », c’est-à -dire celui d’aller consulter leur base avant tout engagement. Un exercice que la coordination se dit prête à  faire à  partir du moment o๠ces responsables vont quitter Alger. Ils vont ainsi rencontrer les populations, les hommes sur le terrain et les réfugiés dans les camps. Pour Moussa Ag Assarid joint par nos soins ce matin, la feuille de route du 24 juillet 2014 prévoit la possibilité pour les parties d’aller rendre compte d’abord à  leur base avant une signature ou paraphe. « Nous avons demandé un temps pour aller expliquer le document aux population de l’Azawad pour lesquelles on est en train de négocier en vue de prendre en compte leur aspirations ». Un statut politico-juridique pour l’Azawad Pour Moussa Ag Assarid, le document paraphé par le gouvernement du Mali et les mouvements de la plateforme ne prend pas en compte les aspirations profondes de l’Azawad. En termes clairs, le projet d’accord n’évoque pas l’autonomie ou le fédéralisme réclamé à  cor et à  cri par les mouvements de la coordination. Les manifestations organisées à  Kidal pendant le week-end par les populations attestent selon lui du rejet du document. Selon le représentant du MNLA en Europe, l’Azawad n’a été que parcimonieusement pris en charge dans le projet d’accord. l’Azawad, explique-t-il, doit avoir un statut juridique, géographique et politique regroupant les régions du nord du Mali. Ce qui s’est passé hier dans la capitale algérienne n’est plus ni moins, pour Moussa Ag Assarid, une signature entre le gouvernement du Mali et ses milices, allusion faite aux mouvements de la plateforme. « Le Mali est en belligérance, argumente-il, avec les mouvements de la coordination et C’’est avec celle-ci qu’il doit parapher. Les mouvements de la plateforme, poursuit-il ne sont pas belligérance avec le gouvernement du Mali. A en croire le leader séparatiste, le paraphe d’hier a été imposé car la médiation n’a pas voulu des modifications, donc leurs amendements n’ont pas été pris en compte ». Sur le document Moussa Ag Assarid émet assez de réserves. La création du Sénat évoqué n’est un fait nouveau car, dit-il, cela était déjà  prévu sous le régime d’ATT. Par rapport au mécanisme de transfert des 30% des recettes budgétaires de l’Etat, aux collectivités territoriales, il précise qu’il concerne toutes les régions et non les régions du nord uniquement à  qui une attention particulière sera accordée. Quelle sera l’incidence du refus de parapher de la part de la coordination ? Sans répondre exactement à  cette question, Moussa Ag Assarid pense que le temps pris dans les négociations importe peu. Il faut prendre le temps qu’il faut, soutient-il, pour parvenir à  «une paix choisie », durable et qui satisfasse toutes les parties.

Combats au nord : le Gatia contrôlerait Tabrichatt

En dépit des appels au calme, C’’est à  une véritable escalade que l’on assiste au nord du Mali. Depuis ce matin, les combats ont repris entre Le Gatia et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à  Tabankort. Pour l’instant, aucun bilan n’est communiqué. Selon nos informations, Tabrichatt se trouve désormais sous le contrôle du Gatia, loyal au gouvernement malien. Tabrichatt est une localité située entre Tabankort et Tarkint. Une autre information faisant état d’une avancée du Gatia à  Kidal avec la prise de 4 positions du MNLA a été démentie par les responsables du groupe indépendantiste. Ces accrochages interviennent au moment o๠la Minusma, par l’entremise de son premier responsable au Mali, Mongi Hamdi,a convoqué une réunion extraordinaire les 5 et 6 février à  Alger entre le gouvernement et les groupes armés. l’objectif de cette rencontre urgente consécutive à  la brusque détérioration de la situation sécuritaire dur le terrain, est de geler les positions des groupes armés au nord du Mali. Histoire de déblayer le terrain dans la perspective de la reprise des pourparlers d’Alger. Justement cette situation délétère qui met en scène les mouvements membres de la plateforme et ceux de la coordination risque bien d’hypothéquer le prochain round des pourparlers inclusifs inter-maliens d’Alger censé qui redémarrer dans le courant de ce mois de février. Il faut rappeler que depuis les événements dramatiques du mardi 27 janvier à  Gao, le nord du Mali connaà®t depuis une recrudescence de l’insécurité. Cette situation se caractérise par une multiplication des attaques, vols et pillages. Le village de Kano a ainsi été attaqué le vendredi dernier. Au cours de cette attaque, les assaillants ont enlevé 54 personnes. Ils ont aussi emporté avec eux plus d’une dizaine de motos, une importante quantité d’essence et de gas-oil et plus de 3 millions de francs CFA. Aux dernières nouvelles 50 villageois ont été libérés. Pour l’instant, l’on est sans nouvelle des 4 autres villageois qui restent entre les mains du MNLA de Ber, localité située à  quelques 15 kilomètres de Kano.

Coordination militaire de l’Azawad : Le MNLA et alliés sur le pied de guerre

La coordination des mouvements de l’Azawad continue de jouer la provocation. Après le meeting du 23 octobre 2014, du leader du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) Algabass Ag Intallah, pour appeler à  la guerre contre Barkhane et la Minusma, ces mouvements armés posent un ouvel acte qui concrétise cette menace. En effet la coordination des mouvements de l’Azawad vient de mettre en place une coordination militaire de l’Azawad. C’’était à  la faveur d’une rencontre ayant réuni ses secrétaires généraux, officiers supérieurs et personnes ressources à  Anefis du 27 au 28 octobre 2014. Regroupant le MNLA, le HCUA et MAA dissident, cette coordination, dont le commandement sera assuré par Mohamed Ag Najim, est composée de 10 officiers. « Cette nouvelle structure militaire regroupant les forces militaires du MNLA-HCUA-MAA a pour objectif de répondre à  l’insécurité grandissante dans nos régions et protéger nos populations contre les agissements de toute forme d’organisation milicienne gouvernementale », informe le document dont nous avons reçu une copie. La création de cette coordination intervient juste quelques jours après la troisième phase des pourparlers inclusifs inter-maliens d’Alger. Les travaux ont été marqués par la remise du document de synthèse de la médiation internationale aux différentes parties pour examen avant la reprise au mois de novembre pour l’élaboration du préaccord. Un document de synthèse qui exclut toute idée de fédéralisme ou d’autonomie demandée par la coordination des mouvements de l’Azawad. Ce qui a sonné comme une grande désillusion chez les mouvements de la coordination qui avaient du mal à  cacher ce sentiment la semaine dernière à  Alger. Sentant un revers revenir par la voie des négociations, le MNLA et alliés veulent-ils se préparer à  la guerre obtenir au forceps un Etat de l’Azawad ?

Le MNLA et la stratégie d’aveuglement…

Malgré l’optimisme et l’enthousiasme qu’affichent les négociateurs maliens, la médiation et autres représentants de la communauté internationale, on a comme l’impression que ces négociations sont à  deux doigts de friser une comédie interminable. On sait combien les groupuscules armés sont ambitieux et calculateurs. On sait combien ils savent faire de la surenchère. On sait combien ils sont installés depuis longtemps dans une démarche maximaliste. On sait combien ils ont fait preuve de duplicité. Il n’empêche qu’il faut se réjouir que le processus ait atteint l’étape des négociations directes qui, pour le moment, sont traversées par une vague de rebondissements : boycott des travaux par les mouvements signataires du protocole d’accord du samedi 13 septembre, éviction d’Ibrahim Ag Assaleh de son poste de président de la CPA… Dans le protocole d’accord signé samedi, les rebellions MNLA, HCUA, MAA dissident, CMFPR II unissent leurs voix pour revendiquer le Fédéralisme, et exigent que les négociations se déroulent entre ces mouvements, l’Etat malien et le médiateur (l’Algérie). Bien entendu, C’’est tout sauf une surprise et cela apporte la confirmation que la société civile de Kidal et leurs groupuscules armés, ce ne sont plus deux voix et deux postures : mais une seule ! On a beau crié dans la presse, sur les réseaux sociaux que les signatures de l’accord préliminaire de Ouagadougou et de la feuille de route des pourparlers enterrent toute revendication « fédéraliste », « autonomiste », « indépendantiste », les activistes de l’indépendance de l’Azawad ne veulent rien savoir et continuent à  déployer la stratégie de l’aveuglement, laquelle consiste à  refuser de voir tout ce qui n’arrange pas leurs intérêts, y compris leurs propres signatures apposées en bas des documents ayant conduit jusqu’à  Alger. Les groupes armés sont réalistes, ils savent qu’il faut exiger l’impossible pour obtenir le possible. Tel est le résumé d’un échange avec un chercheur en géopolitique, pour qui « le retrait de l’armée nationale des zones en question, la formation de patrouilles mixtes pour sécuriser la zone, réinsertion des ex-combattants, et la mise en place d’un grand programme de développement du nord. Tout ceci n’est autre qu’une des multiples formes de fédéralisme (Accord d’Alger, 2006) ». Mais, ce qu’on ne dit pas assez, C’’est que tout cela n’est qu’une manœuvre bien ficelée du MNLA, dont on sait qu’il n’a jamais révélé ses vraies intentions. Le HCUA, MAA dissident, CMFPR II se laissent mener par le MNLA comme on conduit un bœuf de labour au champ, et il est impossible de ne pas dire que le ton ferme que leur oppose la médiation et les représentants de la Communauté internationale est de nature à  rassurer. Cela dit, l’attitude des mouvements signataires du protocole du 13 septembre, téléguidés par le MNLA, est le signe qu’à  Alger les choses ne sont comme elles devraient être. Il règne comme une sorte de bazar, un désordre corsé par cette éviction tout sauf attendue d’Assaleh, dont le seul tort est d’avoir tenté de ramener à  la table des négociations les mouvements devenus adeptes du boycott. Le MNLA et ses alliés déploient leur stratégie d’aveuglement, le médiateur et le représentant de l’ONU sont décidés à  avancerÂ